Dans le cadre de mes missions d’accompagnement des entreprises, au sein du Cerfrance Mayenne-Sarthe, le sujet de la décarbonation prend de plus en plus d’importance. Je suis amené à travailler avec les chefs d’entreprise, notamment en agriculture, qui souhaitent mettre en place des mesures concrètes sur la décarbonation, pour lesquelles des aides peuvent être accordées.
C’est dans ce contexte qu’il m’a été proposé de participer à ce 4ème colloque dont le thème était « quel rôle pour la fiscalité dans la transition agro-environnementale et la stratégie bas-carbone ? ».
J’espère avoir pu apporter quelques éléments de réponse au travers de mon témoignage, en présentant un cas concret. Je tiens à remercier l’Université du Maine et plus particulièrement Madame Emilie Moysan-Jennard, de m’avoir permis de participer à ce colloque.
Qu’est-ce que la décarbonation ?
Une démarche de décarbonation en agriculture vise à diminuer l’empreinte carbone de l’exploitation en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en augmentant le stockage de carbone dans les sols.
L’agriculture a donc un rôle central pour répondre au défi de la décarbonation !
Pour connaître les leviers pertinents à la situation d’une exploitation, il est essentiel de mesurer et connaître l’empreinte carbone de la structure agricole, par le biais d’un bilan carbone, puis, de définir un plan d’action personnalisé, échelonné sur 5 années.
Cinq familles de leviers de décarbonation
Il existe, de manière générale, cinq familles de leviers allant de la gestion du troupeau aux pratiques culturales. Chacune de ces catégories, a un potentiel de réduction de l’empreinte carbone variable (de 2 % à 15 %), en fonction des leviers mis en place.

La gestion du troupeau
En élevage, les émissions de GES liées à la fermentation entérique (Rots des vaches) sont majoritaires (plus de 50 % des émissions). Pour pouvoir réduire ces émissions, il convient d’optimiser la productivité et réduire les animaux improductifs, tant au niveau des génisses élevées que des vaches présentes :
- âge au premier vêlage ;
- taux de renouvellement ;
- productivité laitière ;
- intervalle-vêlage-vêlage ;
- santé ;
- sélection génétique.
L’alimentation
L’objectif est ici de réduire les émissions de méthane entérique produites et de diminuer les émissions liées à l’achat de concentrés. L’amélioration de l’empreinte carbone se traduit par l’optimisation du système fourrager et la recherche d’autonomie alimentaire :
- quantité et qualité des fourrages ;
- Concentrés de sources européennes (Remplacement du tourteau de soja par du colza)
- autonomie protéique ;
- valorisation du pâturage.
La conduite des cultures
La décarbonation permet de travailler sur la qualité de l’eau et de l’air par le biais de bonnes pratiques agronomiques. L’activation de ce levier se traduit par les actions suivantes :
- la substitution de l’azote minéral par l’azote organique ;
- l’introduction de légumineuses ;
- la gestion des effluents (délai et mode d’enfouissement, temps de présence en bâtiment, méthanisation, couverture de la fosse à lisier…).
La consommation d’énergie
Il s’agit ici de diminuer les émissions de GES liées aux combustibles fossiles et de favoriser la production d’énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques, éoliennes, méthanisation…).
Le stockage du carbone
L’objectif est de maintenir ou d’augmenter le niveau de stockage carbone par la présence de prairies et d’autres éléments de biodiversité (haies, arbres, couverts végétaux). Ce levier est étroitement lié aux pratiques agronomiques.
Construire un plan de réduction de l’empreinte CO2 sur-mesure avec un Conseiller spécialisé
Les familles citées précédemment doivent s’intégrer à la stratégie globale et au développement de l’exploitation.
Des Conseillers spécialisés en élevage et en agronomie accompagnent les agriculteurs dans la construction de leur stratégie carbone. La mise en situation du plan d’action permet d’évaluer le gain carbone réalisé qui pourra être proposé à la vente, via le label bas-carbone.
Le Label Bas Carbone ou la vente de carbone
Le Label Bas Carbone permet de certifier des projets de décarbonation agricole en élevage de ruminants et grandes cultures en valorisant financièrement les tonnes de carbone non émises au cours des cinq ans, (durée du plan d’action bas-carbone).
Il existe 2 manières de générer des crédits carbone :
- Réduire les émissions de GES
- Stocker du carbone dans les sols
Il existe plusieurs marchés du carbone, avec des cotations fluctuantes. Le marché et le prix de vente des crédits carbone en agriculture est stable. Aujourd’hui, un crédit carbone (rendu à l’exploitant) se situe autour de 32 € la tonne de CO2 non émise.
Impact du Label Bas Carbone sur l’agriculture
- Optimisation des résultats économiques des exploitations
- Projection des exploitants à 5 ans (Investissements, résultats techniques, adaptation au changement climatique)
- Source de revenu supplémentaire via la vente de tonnes de carbone (désormais compris dans les bénéfices agricoles)
- Co-bénéfices des plans de réductions carbone (Biodiversité, qualité de l’eau, qualité de l’air…)
- Montée de la compétence technique des producteurs…
Le choix du plan d’action pour réduire l’empreinte carbone d’une exploitation agricole est motivé par les objectifs de l’éleveur et non pas par la vente de crédits carbone
En revanche, le label Bas Carbone est un accélérateur pour faire évoluer les exploitations les moins performantes sur l’aspect environnemental.
Point de vigilance dans la mise en place de la Stratégie Nationale Bas Carbone en agriculture (Élevage de ruminant):
La mise en place des plans de décarbonation soulève quelques incohérences, à savoir comment faire coïncider la réduction du cheptel bovin français (Réduction des émissions) avec le maintien et/ou l’augmentation des surfaces de prairies (Stockage de carbone).
Par ailleurs, l’évolution structurelle de la production agricole et la pyramide des âges des chefs d’exploitation agricoles (En 2020 l’âge moyen est de 51.4 ans), génère une baisse de la main-d’œuvre disponible, accentue la robotisation laitière et la concentration de la production.
En conclusion, les aspects financiers ne peuvent pas être les seuls intérêts pour les entrepreneurs qui souhaitent s’engager dans une démarche bas-carbone. Et si la fiscalité peut être un levier intéressant, il ne doit en aucun cas être le seul point d’intérêt. Dans mon accompagnement des entreprises qui s’engagent vers un label bas-carbone, j’insiste donc sur la nécessité d’avoir une cohérence globale et adaptée avec les solutions à mettre en place.
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