REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 avril et 16 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. B… A…, demeurant au… ; M. A… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 08DA01179 du 2 juillet 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’ordonnance du 30 juin 2008 du vice-président du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite du directeur de l’administration pénitentiaire refusant son transfert vers le centre de détention du Port à la Réunion ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,
– les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de M. A…;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A…, incarcéré au centre de détention de Val-de-Reuil, où il purge une peine de réclusion criminelle à perpétuité, a contesté devant le tribunal administratif de Rouen la décision implicite par laquelle le directeur de l’administration pénitentiaire a rejeté sa demande de transfert vers le centre de détention du Port, à La Réunion, département dont il est originaire ; que M. A…se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 2 juillet 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel qu’il a formé contre l’ordonnance du 30 juin 2008 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande comme dirigée contre une mesure insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;
2. Considérant, en premier lieu, qu’eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des détenus, les décisions refusant de donner suite à la demande d’un détenu de changer d’établissement ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Douai n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le refus opposé à la demande de transfert du requérant par le directeur de l’administration pénitentiaire n’était pas, en principe, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu’en vertu du troisième alinéa de l’article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article 707 du code de procédure pénale, comme d’ailleurs selon les recommandations du 11 janvier 2006 du comité des ministres du Conseil de l’Europe sur les règles pénitentiaires européennes, l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle ou criminelle a pour objet non seulement de punir le condamné mais également de favoriser son amendement et de préparer son éventuelle réinsertion ; que l’objectif de réinsertion sociale des détenus n’est cependant pas au nombre des droits et libertés fondamentaux des détenus ;
4. Considérant que doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention ; qu’en jugeant, après avoir souverainement constaté que M.A…, célibataire, sans charge de famille, n’établissait pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en métropole, avoir conservé une vie privée et familiale dans son département d’origine, du seul fait qu’une partie de sa famille y réside, que le rejet de sa demande de transfert vers un centre de détention à La Réunion ne mettait pas en cause le droit du détenu au respect de sa vie privée et familiale, la cour administrative d’appel de Douai n’a pas commis d’erreur de droit et a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que la décision attaquée ne mettait pas en cause les libertés et droits fondamentaux du requérant et n’était par suite pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni entaché son arrêt d’omission de réponse à moyen ; qu’elle n’a pas méconnu le droit de l’intéressé à un procès équitable, garanti par l’article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance du droit de M. A…au respect de la dignité de la personne humaine, ainsi que de son droit de ne pas subir une détention contraire à l’article 5, paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas d’ordre public, sont soulevés pour la première fois devant le juge de cassation et sont, par suite, inopérants ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. A…n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ; que son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1 : Le pourvoi de M. A…est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B… A…et à la garde des sceaux, ministre de la justice.