REQUÊTE de la dame X, née Y (…), détenue à la maison d’arrêt de Caen, tendant à ce qu’il plaise au Conseil : 1. annuler un décret d’extradition, en date du 25 septembre 1951, la mettant à la disposition des autorités américaine ; 2° ordonner, avant dire droit, qu’il sera sursis à l’exécution dudit décret;
Vu le décret du 1er juillet 1911 portant promulgation de la convention du 6 janvier 1909 ; la loi du 10 mars 1927; les lois constitutionnelles des 25 février 1875 et 27 octobre 1946; l’ordonnance du 31 juillet 1945 ;
CONSIDÉRANT que la requérante soutient que le décret attaqué a été pris en violation des articles 4 alinéas 4 et 5, § 2 de la loi du 10 mars 1927 et sans être régulièrement motivé par la constatation que la condition posée à l’article 7 de ladite loi était remplie ;
Cons. qu’une convention d’extradition a été conclue le 6 janvier 1909 entre la France et les Etats-Unis d’Amérique, convention approuvée par la loi du 14 juillet 1909 et promulguée par décret du 1er juillet 1911 ; que si l’article 1er de la loi du 10 mars 1927 dispose « qu’en l’absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés » par ladite loi et que celle-ci « s’applique également aux points qui n’auraient pas été réglementés par les traités », les questions visées aux articles 4, alinéa 4, 5 § 2 et 7 de la loi dis 10 mars 1927 sont réglementées par la convention susvisée, respectivement en ses articles 1er, 6 et 7 ; que dès lors, l’extradition de la dame X étant sur ces trois points régie, non par les dispositions de la loi du 10 mars 1927, mais par celles de la convention, la requérante ne saurait utilement invoquer la violation des articles 4, alinéa 4, 5 § 2 de ladite loi ni prétendre que le décret attaqué serait entaché d’un défaut de motifs au regard de l’article 7 de ce texte législatif ;
Cons. que d’après l’article 3, 3e alinéa de la Convention du 6 janvier 1909, «. la procédure d’extradition sera suivie conformément aux lois en vigueur sur la matière dans le pays requis », c’est-à-dire, conformément, en France, à la loi du 10 mars 1927 ; que l’article 18 de celle-ci subordonne l’extradition à l’avis favorable de la chambre des mises en accusation laquelle doit, ainsi qu’il résulte de l’article 16 du même texte, vérifier que les conditions légales posées par la convention sont remplies ; qu’il résulte de l’instruction en l’espèce que la chambre des mises en accusation qui, le 14 septembre 1951, a proposé l’extradition de la dame X, a estimé que les conditions édictées par les articles 1er 2 et 6 de la Convention étaient remplies ; que la requérante invoque la violation desdits articles qui ont trait à la nature de l’infraction ainsi qu’au but poursuivi par l’Etat requérant dans sa demande d »extradition ;
Cons. que si l’avis de la Chambre des mises en accusation ne lie pas le gouvernement dans le cas où l’extradition est proposée à celui-ci, il résulte tant de l’objet des questions soumises à ladite chambre et qui concernent la liberté de l’individu et l’application de poursuites pénales que du caractère de la procédure d’instruction, telle qu’elle est définie par l’article 14 de la loi du 10 mars 1927, que le législateur a entendu confier à la chambre des mises en accusation des attributions qui, n’étant pas de la nature de celles appartenant à un organisme consultatif d’ordre administratif, se rattachent au rôle évolu à l’autorité judiciaire ; que dans ces conditions, si la dame X est recevable à invoquer, à l’encontre du décret attaqué, la violation d’une convention internationale qui a force de loi en vertu de l’article 26 de la Constitution du 27 octobre 1946, l’appréciation à laquelle la chambre, des mises en accusation s’est livrée sur le point de savoir si les conditions posées par les articles 1er, 2 et 6 de la Convention étaient remplies ne saurait être discutée devant le Conseil d’Etat ;
Cons. que l’article 47 de la Constitution susvisée du 27 octobre 1946 a transféré au président du Conseil des ministres les compétences qui étaient conférées au Président de la République par l’article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 que dès lors la dame X n’est pas fondée à se prévaloir de ce que l’article 18 de la loi du 10 mars 1927 a prévu la signature des décrets d’extradition par le Président de la République pour soutenir que le décret attaqué, pris par le Président du Conseil des ministres, émane d’une autorité incompétente ;… (Rejet).
Conseil d’Etat, Assemblée, 30 mai 1952, Dame Kirkwood, requête numéro 16690, rec. p. 291
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Assemblée, 30 mai 1952, Dame Kirkwood, requête numéro 16690, rec. p. 291, ' : Revue générale du droit on line, 1952, numéro 17084 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=17084)
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