REQUÊTE de la société Eky, agissant poursuites et diligences de ses président-directeur général et administrateurs en exercice, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions des articles R 30 6°, R 31 dernier alinéa, R 32 dernier alinéa, et R 33, alinéa 1er, du Code pénal, édictées par l’article 2 du décret IV 58.1303 du 23 décembre 1958 ;
REQUÊTE de la même, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 136 du Code pénal (art. 13 de l’ordonnance du 23 déc. 1958);
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; le Code pénal ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
CONSIDÉRANT que les requêtes susvisées de la Société Eky présentent à juger des questions connexes ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur le pourvoi n° 46.923 dirigé contre les dispositions de l’article 136 du Code pénal édictées par l’ordonnance du 23 décembre 1958 : — Cons. que l’ordonnance susvisée a été prise par le gouvernement en vertu de l’article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958, dans l’exercice du pouvoir législatif ; que, dans ces conditions, elle ne constitue Pas un acte de nature à être déféré au Conseil d’Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Sur le pourvoi n° 46.922 dirigé contre les dispositions des articles R.30, alinéa 6, R.31, dernier alinéa, R.32 dernier alinéa et R.33 du Code pénal, édictées par le décret du 23 décembre 1958:
Sur les moyens tirés de la violation de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et de l’article 34 de la Constitution : — Cons. que, si l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 à laquelle se réfère le préambule de la Constitution pose le principe que « Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit », l’article 34 de la Constitution, qui énumère les matières relevant du domaine législatif, dispose que la loi fixe : « les règles concernant … la détermination des crimes et délits et les peines qui leur sont applicables » ; que ni cet article ni aucune autre disposition de la Constitution ne prévoit que la matière des contraventions appartient ,au domaine de la loi ; qu’ainsi il résulte de l’ensemble de la Constitution et, notamment, des termes précités de l’article 34 que les auteurs de celle-ci ont exclu dudit domaine la détermination des contraventions et des peines dont elles sont assorties et ont, par conséquent, entendu spécialement déroger sur ce point au principe général énoncé par l’article 8 de la déclaration des droits ; que, dès lors, la matière des contraventions relève du pouvoir réglementaire par application des dispositions de l’article 37 de la Constitution ;
Cons. que, d’après l’article 1er du Code pénal, l’infraction qui est punie de peines de police est une contravention ; qu’il résulte des articles 461, 465 et 466 dudit Code que les peines de police sont l’emprisonnement pour une durée ne pouvant excéder deux mois, l’amende jusqu’à un maximum de deux cent mille francs et la confiscation de certains objets saisis ; que les dispositions attaquées des articles R.30 et suivants du Code pénal punissent d’une amende de deux mille à quatre mille francs et d’un emprisonnement de trois jours au plus et, en cas de récidive, de huit jours, ceux qui auront accepté, détenu ou utilisé des moyens de paiement ayant pour objet de suppléer ou de remplacer les signes monétaires ayant cours légal; que les infractions ainsi visées, se trouvant punies de peines de simple police, constituent des contraventions ; que, dès lors, c’est par une exacte application de la Constitution que le gouvernement, par voie réglementaire, les a définies et a fixé les peines qui leur sont applicables ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 4 du Code pénal : Cons, qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l’article 4 dudit Code édicté par la loi du 12 février 1810 est incompatible avec les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 en tant qu’il a prévu que nulle contravention ne peut être punie de peines qui n’aient été prononcées par la loi et doit, par suite, être regardé comme abrogé sur ce point ;
Sur le moyen tiré de la violation des conventions internationales et des dispositions législatives telles que les articles 1235 et suivants du Code civil et 410 et suivants du Code du commerce permettant le recours à des moyens de paiement autres que les signes monétaires : — Cons. qu’il ressort des termes des articles R.30 et suivants du Code pénal que ces articles n’ont eu nullement pour objet d’interdire l’acceptation, l’utilisation ou la détention des moyens de paiement tels que le chèque bancaire ou les effets de commerce, auxquels les conventions internationales susvisées et les dispositions précitées du Code civil et du Code de commerce reconnaissent un caractère légal ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation desdites dispositions ou conventions est inopérant ;
Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées ne sauraient être accueillies ;… (Rejet).