La Task Force Frontaliers de la Grande Région (TFF) est une institution du marché du travail transfrontalier, à laquelle participent toutes les régions que comprend la Grande Région.
1. Histoire et structure
La TFF fut mise en place suite à une décision en 2008 du sommet de la Grande Région. L’idée à l’origine de la TFF est celle de la création d’une institution qui serait chargée de faire disparaitre les inégalités juridiques ou administratives auxquelles les travailleurs frontaliers ou les entreprises les employant ont à faire face.
Les régions partenaires à la Grande Région se sont mis d’accord pour mener le projet de la TFF avec le soutien financier de l’Union Européenne, soutien prenant la forme du programme Interreg IV-A. Ainsi, le financement de la TFF provient par moitié des fonds de l’UE, et par moitié des fonds des régions partenaires du projet.
Le gouvernement du Land de Sarre en tant que premier bénéficiaire fut chargé de la direction du projet de la TFF. Le Land de Sarre, représenté par le Ministère de l’Economie, du Travail, de l’Energie et des Transports (METET) est soutenu par la Communauté germanophone de Belgique en tant que „partenaire opérationnel“. A ceux-ci viennent s’ajouter en tant que „partenaires méthodologiques“ le Luxembourg, la Rhénanie-Palatinat, la Wallonie représentée par le Service public wallon de l’emploi et de la formation (FOREM), ainsi que la Lorraine représentée par la Préfecture et le Conseil Régional.
Le projet fut approuvé le 1er janvier 2011 par les partenaires du projet de coopération Interreg, sa durée initiale est de quatre ans. Les quatre juristes ainsi que l’employée administrative de la TFF se sont mises au travail le 1er septembre 2011.
Le projet a été prolongé pour une durée de 6 mois dans le cadre d’Interreg IV, il se prolonge ainsi jusqu’au 30 juin 2015. La poursuite du projet dans le cadre d’Interreg V est actuellement en pourparler entre les partenaires.
2. Mission de la TFF
La TFF n’est pas un centre de renseignement pour travailleurs frontaliers, elle travaille uniquement comme „bureau d’arrière-plan“.
Sa mission consiste à promouvoir la mobilité professionnelle transfrontalière dans la Grande Région en élaborant des propositions de solutions juridiques et administratives politiquement soutenables afin de répondre aux problèmes fondamentaux rencontrés par les travailleurs frontaliers et les entreprises employant des frontaliers.
Comme les organismes de renseignements sont quotidiennement confrontés aux problèmes rencontrés par les travailleurs frontaliers, il existe une étroite collaboration entre la TFF et les autres acteurs du marché du travail transfrontaliers (tels le réseau EURES, les chambres d’industrie, les organismes de sécurité sociale, les syndicats, mais aussi l’observatoire interregional du marché de l’emploi – OIE). C’est pourquoi des tables rondes sont régulièrement organisées avec ces acteurs afin de permettre l’échange d’informations.
La TFF sert ainsi de liaison entre les acteurs du marché du travail de la Grande Région et les décideurs politiques au niveau régional, national ou européen auxquels elle propose ses solutions visant à l’amélioration de la mobilité des travailleurs dans la Grande Région.
Le travail de la TFF se déroule en principe en trois étapes:
- Identification des freins à la mobilité
- Réalisation de propositions de solutions
- Transmission et accompagnement des propositions de solution en vue de leur transposition
La première étape consiste à identifier les obstacles à la mobilité, et c’est la deuxième étape qui représente le coeur du travail de la TFF: la formulation de propositions de solutions juridiques et administratives. Ces solutions prennent la forme de proposition de changement de lois, la conclusion d’accords inter-étatiques, ainsi que la recommandation aux administrations d’adapter leurs pratiques au vu de la réglementation en vigeur. Dans une troisième étape, les propositions de solutions sont transmises aux décideurs et institutions compétentes. La TFF se tient également à leur disposition, avec son expertise, au cours de la phase de mise en oeuvre des solutions.
3. Exemples du travail de la TFF
Dans le cadre de la phase opérative, la TFF a pu jusqu’à présent formuler de nombreuses propositions de solutions, dont certaines ont déjà été mises en oeuvres ou dont la transposition est prévue dans un avenir proche.
La TFF s’est ainsi confrontée au problème de l’imposition des bénéficiaires de prestations du régime légal de l’assurance vieillesse allemande résidant en France.
A la source de cette problématique se trouve l’imposition rétroactive des revenus tirés des pensions de retraite, introduite en Allemagne en 2005.
A l’heure actuelle, les bénéficiaires d’une pension de vieillesse légale allemande vivant en France voient leur pension légale imposée en Allemagne. Le fondement de cette pratique se trouve dans la convention fiscale franco-allemande.
Le fait que la pension de ces „retraités frontaliers“ soit imposée en Allemagne occasione pour eux des difficultés particulières. Un grand nombre de personnes concernées se retrouve à payer un impôt bien plus élevé que celui dû par leurs anciens collègues domiciliés en Allemagne, en raison de leur obligation fiscale limitée en Allemagne. Par ailleurs, certains retraités doivent verser des arriérés d’impôt considérable, puisqu’ils recoivent les avis d’imposition allemands avec des années de retard en raison de difficultés de technique administrative.
Au vu de ces difficultés qui pourraient restreindre la mobilité de la génération de travailleurs actuelle, la TFF a proposé dans un rapport d’expertise juridique une modification de la convention fiscale franco-allemande. Selon ce rapport, les pensions versées au titre du régime légal de l’assurance vieillesse ne devraient plus être imposées en Allemagne comme auparavant, mais exclusivement dans l’Etat où la personne concernée a son domicile (la France dans le cas présent).
Ce rapport fut transmis notamment aux ministères des finances compétents en France et en Allemagne.
Les ministres des finances des deux pays sont parvenus en décembre 2013 à un accord de principe, selon lequel les pensions de retraite dont il est ici question ne seront plus à l’avenir soumises à la souveraineté fiscale allemande. Afin de compenser la perte de recette fiscale, la France a proposé en contrepartie de verser une compensation financière.
Ceci correspond à la proposition de solution formulée par la TFF. La fin de la discrimination des anciens travailleurs frontaliers, en ce qui concerne l’imposition des retraites, est en vue! La révision de la convention fiscale franco-allemande est encore en préparation. Elle entrera vraisemblablement en vigueur au 1er janvier 2016.
Une solution proposé par la TFF et déjà mise en oeuvre concerne les frontaliers vivant en France et exerçant leur activité professionnelle en Allemagne. Ceux-ci étaient victimes d’une discrimination lors du calcul de leurs indemnités-maladies. Ils recevaient des prestations en comparaison plus faibles que celles touchées de leurs collègues domiciliés en Allemagne. Dans la pratique, les autorités allemandes compétentes procédaient à une abstraction fictive de l’impôt allemand sur le revenu lors du calcul du montant de l’indemnité-maladie. Et ceci, bien que les travailleurs frontaliers ayant leur domicile en France soient normalement soumis à un impôt sur le revenu calculé en application des dispositions applicables en France, où cet impôt est généralement plus faible.
Dans son rapport d’expertise juridique, la TFF a attiré l’attention sur le fait que selon l’annexe XI du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, une méthode de calcul particulière doit être employée si le travailleur frontalier en fait la demande. Dans ces cas, la prestation doit être calculée sur la base de la „rémunération nette effective“. Ici, le problème principal tient à l’interprétation du terme „rémunération nette effective“.
La TFF est parvenue à la conclusion suivante: dans la mesure où le travailleur frontalier dépose une demande en ce sens, le montant devant être soustrait lors du calcul de l’indemnité-maladie sera de la hauteur de l’impôt francais effectif sur le revenu. Seule cette méthode est justifiée du point de vue du droit de l’UE, particulièrement en relation avec le terme de rémunération nette effective.
Le rapport d’expertise juridique a été transmis entre autres au Sozialgericht de Sarrebruck (tribunal spécial pour les affaires sociales), devant lequel plusieurs affaires étaient pendantes.
Le Sozialgericht a suivi l’opinion défendue par la TFF dans deux jugements datés de février 2013.
La AOK Rheinland-Pfalz/Saarland (Allgemeine Ortskrankenkasse-Caisse de sécurité sociale de la Rhénanie-Palatinat/Sarre) a modifié sa méthode de calcul suite à ces jugements. Désormais, si le travailleur frontalier en fait la demande, ce sera l’impôt francais effectif sur le revenu qui sera utilisé comme base de calcul.
Il est fortement probable que les autres caisses de sécurité sociale du régime légal allemand vont prendre la même décision.
Ainsi, il a été mis fin à la discrimination des travailleurs frontaliers dans le cadre du calcul des indemnités-maladies!
4. Informations actuelles sur le travail de la TFF
D’autres thèmes traités par la TFF sont par exemple :
- L’apprentissage transfrontalier dans la Grande Région
- Les services de taxi transfrontaliers entre l´Allemagne et la France
- Le versement du complément différentiel d’allocation familiale dans la Grande Région
- L’obtention d’une attestation de formation continue valable à l’échelle européenne pour les chauffeurs professionnels de poids lourds
Ces thèmes peuvent être retrouvés sur le site de la TFF : www.tf-frontaliers.eu. Les évolutions récentes concernant l’état d’avancement des transpositions des solutions proposées par la TFF font également l’objet de publication sur ce site.
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