Section I
Le pouvoir de police
§ 18. La notion de police
(1) La police est une espèce particulière d’activité administrative ; le pouvoir de police est la manifestation de la puissance publique propre à cette activité.
Les institutions juridiques qui émanent de ce pouvoir forment l’objet de la présente section.
I. — La notion de police a une histoire pleine de vicissitudes1. Le mot porte l’empreinte de son origine à l’époque de la Renaissance. Quand il passa en Allemagne, le mot police signifiait le bon état de la (2) chose commune (guter Stand des Gemeinwesens), ce qui doit être le but de l’autorité publique2. Ainsi, il s’appliquait aux mesures par lesquelles l’autorité peut contribuer à atteindre ce but, outre la justice civile et pénale et les autres institutions d’intérêt public déjà existantes. Cette idée s’était, à l’origine, formée tout entière dans la cité et pour la vie communale de la ville3. Même quand elle s’en fut détachée, la police n’embrassa d’abord qu’un cercle restreint d’objets que nous voyons figurer, avec une certaine régularité, dans les ordonnances de police de l’Empire et des territoires4.
Toutefois, en arrivant aux temps modernes, la police prend un essor puissant ; c’est même elle qui caractérise l’Etat dans tous ses rapports avec le sujet : l’armée et la justice restent à part ; mais tout ce qui, à côté d’elles, peut être fait pour raffermir à l’intérieur et consolider la chose commune, est de la police ; celle-ci est infatigable pour préparer toujours de nouveaux moyens ; elle se laisse guider par la lumière des sciences camérales qui viennent de se développer5. De plus, tout (3) ce que l’autorité peut juger salutaire peut être maintenant réalisé par elle, au besoin par la force (Comp. tome I, § 4, I, nos 1 et 2 ci-dessus).
La police, telle que nous l’entendons aujourd’hui, a, par comparaison avec ce qui précède, une signification et une délimitation plus strictes.
1) Dans l’ancien droit déjà, une certaine résistance se fait sentir. Le droit de la nature, qui avait porté la puissance publique au delà de toutes les bornes, est invoqué pour imposer des limites à la police. Il s’agissait surtout de déterminer son pouvoir de contraindre.
La philosophie du droit commence par établir la maxime que la puissance publique ne peut user de la contrainte que pour « la conservation de l’état de la sûreté », mais non pour « l’augmentation de la prospérité des citoyens ». On en déduit une différence entre la police de sûreté (Sicherheitspolizei) et la police de prospérité (Wohlfahrtspolizei) ; la première seule est investie du pouvoir de contraindre6.
Dans une autre opinion, on admet la contrainte au profit tant de la prospérité que de la sûreté, mais seulement pour les défendre contre les dangers dont elles peuvent être menacées. Mais comme le pouvoir de contraindre est de l’essence de la police, toute activité de l’Etat en vue d’augmenter la prospérité n’est pas de la police7.
(4) Plus souvent, on réunit les deux formules : la police, dit-on, ne s’occupe que de la sûreté, et elle ne le fait que pour la défendre contre des troubles. On admet aussi que le développement de la prospérité n’est pas affaire de police. C’est une autre espèce d’activité de l’Etat, à laquelle on n’ose pas refuser le pouvoir de contraindre ; on se contente de constater qu’elle ne se sert pas de ce moyen « aussi facilement » que la police8.
2) Après l’établissement du droit public moderne, la restriction de la notion de police est exigée au nom du « système constitutionnel » et du « régime du droit ». Pour formuler cette restriction, on s’appuie successivement sur l’un ou sur l’autre des éléments qui figuraient déjà dans les définitions des auteurs de l’ancien régime.
Et d’abord, on ne veut plus entendre parler d’une police de prospérité, qui doit rendre les hommes heureux. Le rôle de la police est négatif : elle a pour mission de défendre la société et les individus contre les dangers dont ils peuvent être menacés. On lui oppose la prévoyance administrative (Pflege) : prévoyance de la prospérité, de la civilisation, de l’Etat9.
Insistant trop exclusivement sur ce but de la police — à savoir la défense contre les dangers — on y comprit toute sorte d’activités qui n’ont rien de comun (5) entre elles : construire des digues contre les inondations, faire soigner des maladies contagieuses dans les hôpitaux, acheter des pompes à incendie et organiser le service des pompiers, installer l’éclairage des villes dans l’intérêt de la sûreté ; — tout cela fut considéré comme faisant partie de la police.
Mais avec le progrès du développement du droit administratif, on s’habituait à mettre plus de valeur dans les formes et les moyens de l’action administrative. On se souvint alors de l’autre élément qui jouait toujours un rôle dans les définitions qu’on donnait de la police : on réclamait pour la police, comme étant la forme qui lui est propre, la contrainte et ce qui, d’après le droit nouveau, la précède pour la diriger et la déterminer : l’ordre, le commandement, la défense, la permission, en un mot, les formes qu’on réunit sous le nom de puissance d’autorité (obrigkeitliche Gewalt)10.
On aurait pu en rester là. Mais, dans quelques ouvrages plus récents, on va maintenant à l’autre extrême, en insistant exclusivement sur cet élément de contrainte. La police, a-t-on dit, c’est l’administration avec la puissance de contraindre, ou même : la puissance de contrainte dans l’administration11. Mais il est facile de voir qu’ainsi encore on embrasse trop ; il y a, dans l’administration, beaucoup de contrainte n’ayant pas le caractère d’acte de police. On ne peut pas négliger le (6) but spécial de ce pouvoir. Nous verrons quelle est son importance pour justifier et pour déterminer juridiquement les mesures de police ; le but sert aussi à tracer les limites nécessaires de la police. On a fait de vains efforts pour remplacer, dans la définition, ce but, par d’autres conditions12. On a fait fausse route.
3) La notion de police, qui, en droit actuel, se dégage de tout ceci, apparaît comme une combinaison d’un but spécial vers lequel cette activité doit se diriger, avec des formes déterminées qui lui servent de moyens. La police est l’activité de l’Etat en vue de défendre, par les moyens de la puissance d’autorité, le (7) bon ordre de la chose publique contre les troubles que les existences individuelles peuvent y apporter13.
II. — La police est, comme toute autre activité administrative, soumise aux conditions de l’Etat constitutionnel et des principes du régime du droit. Pourquoi, dès lors, les juristes s’efforcent-ils, même depuis le commencement de l’époque constitutionnelle, de restreindre autant que possible cette notion ? Pourquoi leurs appréhensions particulières vis-à-vis de cette manifestation, pourtant si nécessaire, de la volonté de l’Etat14 ? L’Etat du régime constitutionnel et du régime du droit n’a-t-il pas à sa disposition toutes les formes nécessaires pour concilier les exigences du salut public et la liberté individuelle ? Pourquoi, enfin, continuons-nous à désigner cette partie, ainsi délimitée, sous le vieux nom de (8) police, auquel se rattachent les souvenirs les plus cuisants de l’ancien régime et de sa puissance publique absolue et indéterminée, alors que, sous le régime du droit, elle a pris un caractère tout différent ? Pourquoi cela s’est-il seulement produit pour la police, et non pour les autres manifestations de l’activité de l’Etat, qui étaient aussi de la police et que nous en avons écartées ?
Nous répondrons à ces questions, quand nous montrerons que, en effet, dans la notion moderne de police, il est resté quelque chose des idées juridiques fondamentales qui étaient à la base de l’ancien système du régime de la police.
Cet ancien régime, chez nous, il faut le dire, ne fut jamais ce despotisme pur qui n’invoque et ne peut invoquer aucun titre juridique. Son titre — comme la philosophie du droit ne manque pas de le prouver — est la destination naturelle de l’homme et les devoirs naturels qui en résultent et que l’Etat est appelé et autorisé à faire valoir et à réaliser par la contrainte. Ce n’est qu’au moyen de ces devoirs généraux supposés, préexistants, que la maxime « l’autorité a le droit de faire tout ce qui est nécessaire pour l’accomplissement de ses tâches » cesse d’être une simple proposition de ce qui doit être, pour devenir une réalité du (9) droit positif15.
C’est par un souvenir du régime de la police et de ses idées, que, aujourd’hui encore, on place en tête des cours de droit public une énumération des devoirs généraux des sujets, à savoir : le devoir général d’obéir, de faire le service militaire, de payer des impôts. Ces devoirs sont partout sans valeur juridique aucune ; ce sont des idées que la législation réalise plus ou moins ; mais elles ne fournissent pas, même pour l’interprétation de ce que la loi a voulu faire, la base solide d’un devoir préexistant16.
Toutefois, il y a, aujourd’hui encore, un devoir général incombant aux sujets, vis-à-vis de la société et vis-à-vis de l’administration qui en défend les intérêts, un devoir que, d’avance, nous considérons comme existant et inné : c’est le devoir des sujets de ne pas apporter de trouble au bon ordre de la chose publique, le devoir d’éviter soigneusement et d’empêcher les troubles qui pourraient provenir de leur existence. Que ce soit là un commandement moral, la chose est évidente ; il y a plus ; il s’agit non pas seulement d’un devoir moral, mais d’un devoir de nature juridique.
Le caractère juridique spécial de ce que nous appelons aujourd’hui la police, ce qui distingue ses institutions de toutes les autres institutions du droit administratif, c’est justement l’existence d’un devoir général préexistant, devoir que la police n’a qu’à réaliser et à faire valoir.
(10) On parle généralement, dans la législation comme dans les actes des autorités, de devoirs envers la police, devoirs qui sont considérés comme juridiquement définis et valables, avant même qu’ils soient réglés d’une manière quelconque par le droit positif17.
Dans notre régime du droit, où, d’ordinaire, on ne croit jamais avoir assez fait pour déterminer exactement les conditions et les objets des mesures d’autorité, on admet partout, en matière de police, les pouvoirs les plus larges et les autorisations les plus générales : le devoir supposé préexistant envers la police donne à ces autorisations une détermination juridique suffisante de leur mesure et de leur but18 .
La réserve constitutionnelle exige qu’il y ait un fondement légal pour chaque (11) atteinte portée à la propriété ou à la liberté ; mais il n’est besoin d’aucun fondement légal pour repousser directement par la force le trouble apporté au bon ordre. Ce n’est pas une atteinte réservée que de faire valoir simplement le devoir préexistant ; un fondement légal est nécessaire seulement dans le cas on l’on donne à ce devoir de nouvelles formes juridiques, ou lorsqu’on y ajoute des moyens de contrainte spéciaux, ou lorsque l’on cause de nouveaux préjudices pour le cas où ce devoir sera violé19.
On saisira l’importance capitale de tout ceci lorsque nous exposerons les différentes institutions juridiques du pouvoir de police. Dès à présent, on comprend que l’idée de police renferme, en effet, une contradiction irréductible avec le formalisme sévère par lequel le régime du droit entend protéger la liberté. D’un autre côté, c’est grâce à ce fondement même d’un devoir préexistant du sujet réalisé par la police, qu’il est possible de délimiter plus exactement (12) et de reconnaître plus facilement la notion de police. Toutes les mesures et institutions qui tendent à protéger le bon ordre autrement que par l’emploi de la puissance d’autorité vis-à-vis des sujets, ne peuvent pas être de la police ; il ne s’agit pas alors, en effet, de faire valoir le devoir préexistant qui caractérise la police. A l’inverse, il est impossible de considérer la police comme le mécanisme universel de la contrainte en matière administrative ; c’est qu’en effet cette contrainte n’est de la police qu’autant qu’elle sert de moyen d’exécution pour ce devoir correspondant. Grâce à ce criterium si simple, disparaissent toutes les subtilités par lesquelles on cherche encore quelquefois à glisser, dans la notion moderne de police, des réminiscences des époques passées20.
III. — La notion de police est plus large que celle (13) de pouvoir de police. Le pouvoir de police est la manifestation de la puissance publique en vue de ramener à exécution le devoir général du sujet. La police est une espèce d’activité de l’Etat ; cette activité est caractérisée par le fait qu’elle agit avec le pouvoir de police. Le pouvoir de police forme le centre et l’essence de cette activité ; mais, en tant qu’activité pratique de l’Etat, la police y ajoute toute sorte d’activité auxiliaire à l’effet de préparer et d’aider l’objet principal. Cette activité auxiliaire, est pour une partie, sans caractère juridique, n’entrant pas en rapport direct avec les sujets : surveillance générale, collection et classification des observations faites, publication de renseignements et d’avertissements. Pour une autre partie, cette activité auxiliaire entre en rapport juridique avec les sujets, et se sert de toute sorte de formes de droit civil et administratif : des fonctionnaires et des employés sont nommés ; on leur prépare tout ce qui leur est nécessaire, on loue des bureaux, on achète du matériel. Tout ceci ne nous occupera pas ; il ne sera question ici que du pouvoir de police et de ses formes. C’est encore un de ces « conglomérats » dans lesquels la réalité de l’administration réunit les différentes institutions juridiques.
Nous ne pouvons quitter cette matière sans avoir pris position sur quelques classifications, qu’on a l’habitude de faire concernant la police et au moyen desquelles on se donne quelquefois l’air de relever encore d’autres éléments juridiques distinctifs. Il y a, à cet égard, une terminologie assez prolixe.
1) On distingue d’abord la police judiciaire et la police administrative (gerichtliche und administrative Polizei).
Tout fait punissable du droit pénal commun est, en même temps, un trouble du bon ordre, que la police est chargée d’écarter. Mais la police judiciaire a une autre mission.
(14) L’expression police judiciaire a une origine française. Lors de l’installation du procureur du roi auprès des tribunaux, le personnel de la police de sûreté subordonné à ce fonctionnaire fut mis au service de la justice criminelle. Le mot police avait, dans l’ancien régime de la France, la même extension qu’avait chez nous, le terme Polizei. Tout ce qui était fait par la puissance publique en vue du bon ordre de la justice criminelle, en dehors de la solution directe de la question de droit par débats et jugements, fut donc appelé police judiciaire21.
Cette expression s’est conservée ; notre droit moderne, suivant le modèle français, l’a adoptée pour un certain cercle des activités auxiliaires de la justice criminelle. La police judiciaire comprend l’activité de l’Etat en tant qu’elle a pour but de constater des faits punissables et d’assurer la punition du coupable. Cette mission est confiée très correctement aux organes de la police. Mais il est évident que ce côté de leurs attributions n’est pas de la police au sens moderne du mot. La police judiciaire, par sa nature juridique, appartient à la justice criminelle ; elle tire ses règles du code d’instruction criminelle. Seule, la police administrative est vraiment de la police22.
2) Police préventive et police répressive (vorbeugende und zwingende Polizei). Ce sont également des expressions empruntées aux jurisconsultes français. La distinction vise principalement le cas d’un fait punissable et la manière d’agir de la police : avant le fait, la police s’efforce de l’empêcher ; après le fait, il s’agit d’assurer le châtiment du coupable. La distinction coïncide donc avec celle de la police administrative (15) et de la police judiciaire. Ainsi, le but de ces termes techniques est de constater que la police « préventive » n’est pas tenue, en ce qui concerne ses mesures de contrainte, de suivre les formes spéciales du Code d’instruction criminelle (Str. Pr. Ord.)23.
Entendue en ce sens, la classification est assez innocente. Il en est autrement si l’on cherche, derrière ces mots, un principe plus profond qui permettrait de caractériser plus intimement les différentes activités de la police. Il n’en peut alors résulter rien de bon24.
3) Police de sûreté et police d’administration (Sicherheits- und Verwaltungspolizei). C’est la classification la plus récente.
L’exercice du pouvoir de police, avec ses activités auxiliaires, peut constituer à lui seul, des branches de l’administration, chargées de tout ce qui concerne certaines matières. A titre d’exemples principaux, on peut citer : la police des étrangers, la police de la presse, la police des associations et des réunions. C’est ce qu’on appelle la police de sûreté. La police peut aussi se joindre à une branche (16) d’administration dont le caractère principal est déterminé par une autre activité et dans laquelle la police figure comme coordonnée ou même comme auxiliaire pour atteindre un but commun. La police prend alors le nom du but poursuivi ; c’est ainsi qu’on parle de police de la voirie, police des cimetières, police militaire, police forestière, etc. C’est ce qu’on veut appeler police d’administration25.
Il est facile de voir qu’on n’a pas été heureux dans le choix de ces expressions. Malgré tout, cette classification serait sans danger, si l’on ne s’efforçait pas de donner un sens aux expressions choisies. Il est arbitraire de vouloir expliquer la police de sûreté comme étant la « protection de l’ordre légal », et la police d’administration comme étant, au contraire, la « protection des intérêts particuliers de l’administration ». C’est ainsi que non seulement on n’arrive pas à une distinction nette et claire, mais qu’on présente les matières que l’on prétend classer, sous un jour tout à fait faux26.
- Funke, dans Ztschft. f. R. W., 1863, pp. 489 ss. [↩]
- Seckendorff, Fürstenstaat, III, chap. VIII, 2 ; Reinkingk, Biblische Polizei (1656) ; préface. [↩]
- Loiseau, Traité des Seigneuries (1609), chap. IX, n. 1 ; Delamare, Traité de la police (1722), I, n. 1 ; Justi, Pol. W., Introd., § 3, note. Comp. aussi Mylius, Const. March., V, p. 59, p. 71 (« Polizeiverordnungen » pour les villes) et V, p. 83 (les mêmes choses comme « Ordnung und Constitution für die Bauersleut ») ; V, p. 98, on trouve les fameux « Polizei-Ausreuter » chargés essentiellement de protéger contre la campagne l’industrie urbaine (städtische Nahrung) ; il s’agit « des affaires de la police et du bien-être des habitants des villes, qui en dépend ». [↩]
- V. Berg, Deutsch. Pol. R., I, p. 50. [↩]
- Justi, Pol. W., Introd., § 2 ; Moser, Landeshoh. in Pol. S., ch. I, § 2 ; Lotz, Begriff der Pol. u. Umfang der Staatsgewalt, § 7 : « Par police, il est impossible de comprendre autre chose que l’activité directe et propre du gouvernement de l’Etat pour l’accomplissement du but de l’Etat dans toute son étendue ». La poste, par exemple, est également « affaire de police » ; Moser, Staatsrecht, V, p. 174 ; Justi, loc. cit., § 71. Dans une certaine mesure, il en est de même en tant qu’il s’agit de « pourvoir à l’administration de la justice » : Justi, loc. cit., § 844. [↩]
- La distinction est faite assez généralement ; quelquefois même, elle figure dans la définition de la police : Moser, Landeshoh. in Pol. S., ch. I, § 2 ; Leist, Staatsrecht, § 152. La distinction pour l’admissibilité de la contrainte est faite par v. Hufeland, Naturrecht, § 394 ; dans un ton plus populaire, l’écrit anonyme : Demophilos an Eukrates über die Grenzen der Staatsgewalt (Broxtermann) ; Pölitz, Staatsw., I, p. 498, II, pp. 453 ss. Avec plus de réserve : Klüber, Off. R., § 386. Lott, Begriff der Pol., pp. 79 ss, veut directement distinguer : la police de contrainte et la police de secours, ce qui ne donne plus de critérium pour savoir quand c’est l’une ou quand c’est l’autre qui doivent avoir lieu. [↩]
- V. Berg, Pol. R., I, pp. 12 ss. Sur la résistance opposée par Draïs dans Bl. f. Pol. u. Kultur, 1803, p. 576, v. Berg, dans Pol. R., IV, p. 14, déclare simplement : « Il a raison », et renonce à toute distinction quant à l’admissibilité de la contrainte (p. 19). [↩]
- Pütter, Inst., § 331 ; Goenner, Staatsrecht, § 328 (l’opposé de la police est formé par « le droit du gouvernement en matière de prospérité », où, par principe, il n’est pas exercé de contrainte : § 273, n. IX : cependant, ce dernier droit comprend, par exemple, toute l’administration concernant l’industrie avec la contrainte qui y est exercée). A peu près dans le même sens : Häberlin, Staatsrecht, § 331. [↩]
- V. Aretin, Staatsrecht der Konstitutionellen Monarchie, II, pp. 180, 181 ; Zachariae, Vierzig Bücher, I, pp. 24, 120, II, p. 288 ; Mohl, Pol. W., I, p. 10 ; Zimmermann, Deutsche Pol. des 19. Jahrh., I, p. 133 ; Rau, dans Ztschft f. St. W., 1853, pp. 605 ss. [↩]
- C’est surtout Bluntschli, Allg. Staatsrecht, II, pp.169 ss., qui a fait ressortir l’importance des moyens par lesquels la police opère. Dans son sens : Medicus, dans Staatswörterbuch, VIII, p. 131. v. Sarwey, Allg. V. R., a très bien démontré comment cet élément de la notion de police a dû augmenter de valeur par suite du développement de la doctrine du droit administratif. [↩]
- V. Stein, V. Lehre, I, pp. 196 ss., se sert, dans ce sens, de l’intitulé caractéristique : « Le droit de police (droit de contrainte) ». Dans son sens : Lœning, V. R., p. 8 ; G. Meyer, V. R., I, p. 72 ; Gerland, dans Arch. f. Off. R„ V, p. 74 ; on peut ajouter Rosin, Pol. Verord. R., p. 133. [↩]
- Lœning, V. R., p. 8 : « La police est l’activité de la puissance publique dans la sphère de l’administration intérieure, en tant qu’elle exerce une contrainte contre les personnes ». En caractérisant la police au moyen de la notion d’administration intérieure à laquelle elle doit appartenir, on obtient une de ces définitions élastiques qui ne servent pas à grand chose et qui, cependant, sont difficiles à combattre. Il faut toutefois nous rappeler qu’il est souvent parlé de police en dehors de l’administration intérieure : il y a des mesures de police militaire (C. C. H., 4 juillet 1863, 9 juin 1866, 13 octobre 1866), des dispositions de police des supérieurs ecclésiastiques (C. C. H., 12 octobre 1872), des pouvoirs de police de justice (pour supprimer une personne morale : Sachs. Ztschr f. Pr., I, p. 284) ; surtout, il est souvent question d’une police de finance (Comp. le § 30, note 2, ci-dessous). Pour combattre l’usage de ces termes, c’est vainement que l’on affirme que la police doit être restreinte à l’administration intérieure. — D’un autre côté, il y a, même dans la sphère de ce qu’on nomme l’administration intérieure, beaucoup de contrainte qui n’est pas de la police : obligation de se charger de fonctions publiques, contrainte pour la prestation de corvées en vue de l’entretien des chemins communaux (O. V. G., 24 octobre 1876, 14 octobre 1882), expulsion de certaines personnes qui pourraient devenir une charge pour la commune (O. V. G., 24 février 1883 ; Samml. IX, pp. 372, 427), enfin tonte la contrainte qui s’exerce dans la discipline des écoles, des maisons d’aliénés, des dépôts de mendicité. Nous pouvons également ajouter la contrainte de payer les charges communales, les rétributions scolaires, les taxes des postes et télégraphes (O. V. G., 1er février 1874). C’est pour ne pas comprendre ces derniers cas qu’on a ajouté à la définition les mots « contre les personnes ». Mais si cela suffit pour exclure l’enlèvement d’objets corporels par la voie de saisie-exécution, cela exclut aussi la démolition des bâtiments menaçant ruine, l’abatage d’animaux dans les cas d’épizootie, la saisie d’aliments nuisibles, Tout cela ne serait donc pas de la police : la définition irait donc plus loin, dans ses restrictions, qu’elle ne le voudrait. [↩]
- Plus ou moins dans ce sens : Schulze, D. Staatsrecht, I, p. 620 ; Pözl, Bayr. V. R., p. .203 ; Ulbrich, Off. Rechte, p. 62 ; Leuthold, Sächs. V. R., p. 14 ; v. Kirchenheim, Einf., p. 81 ; Ernst Meier, V. R. dans Holzendorff, I, p. 885 ; Frank, Gutachten f. J. F. V. München, 1898, VIII, pp. 34 ss. ; Seydel, Bayr. Staatsrecht, V, p. 6. Ce dernier a, de son coté, constaté dans Schonberg, Handb., III, 2 p. 289, que nous sommes d’accord. Cela, d’ailleurs, n’empêche pas Goldschmidt V. Stf. R., p. 481, note 107, d’affirmer le contraire. v. Stein présente, à lui seul, une collection de toutes les opinions divergentes. Après avoir, dans Lehre v. d. vollziehenden Gewalt (Comp. la note 11 ci-dessus), défini la police « l’appareil de contrainte dans l’administration », il l’explique dans Handb. d. V. Lehre, p. 23, comme « la lutte organisée de l’administration contre le danger », tout à fait dans le sens des anciennes doctrines de Zimmermann, etc. (Comp. la note 9 ci-dessus) ; enfin, dans l’article Police dans Wörterbuch, II. p. 248, cette lutte contre le danger se fait au moyen de commandements, de défenses et par le personnel d’exécution, ce qui est conforme à l’opinion que nous présentons ici : Il y a surtout un groupe de juristes prussiens qui professent encore les anciennes idées sur la nature et l’étendue de la police : v. Roenne, Staatsrecht I, p. 55 ; Primker, Kompetenzkonfl., p. 57 ; Bornhak, Preuss. Staatsrecht, III, p. 151. On prétend que la notion de police est fixée par la législation prussienne et spécialement par A. L. R., II, 17, § 10. Mais la loi n’a fixé que les conséquences qu’elle a tirées de sa notion de police ; cette notion elle-même appartient à la doctrine et à son développement. [↩]
- On voit tout de suite le fanatisme de C. S. Zachariae dans Vierzig Bücher, IV, pp. 296 ss. ; l’intitulé du chapitre dit déjà : « De ce que la police a de périlleux ». [↩]
- Sur l’influence de ces théories : Bluntschli, Gesch. d. Allg. Staatsrecht, pp. 237 ss. ; Roscher, Gesch. der Nat. Oekonomie, p. 347 ; Funke, dans Ztschft. f. St. W., 1863, pp. 523 ss. ; Gierke, Althusius, pp. 293 ss. Cette manière de comprendre le droit public se trouve exposée très clairement dans Chr. v. Wolff. Jus nat., VIII, p. 29 et Vernünftige Gedanken von dem gesellschaftlichen Leben, p. 223 ; avec application spéciale à la police : Jung, Lehrb. d. Staats-Polizei. W. (1788). On rencontre la même argumentation chez des acteurs qui, du reste, ne sont pas du tout favorables aux conséquences que le régime de la police en tire, par exemple, chez Gönner, Staatsrecht, p. 426. Ici s’explique peut-être aussi une lubie de notre Kant. Cet apôtre du régime du droit et de la liberté répugne fortement, cela va sans dire à l’idée des devoirs innés des sujets. Il lui est impossible d’écarter tout fait à la police. Kant ne peut pas contester qu’il existe, en réalité, un pouvoir général qui se charge de la « sûreté, commodité et convenance » publiques et se prévaut d’un devoir général correspondant des sujets. Kant se contente donc d’enlever à ce pouvoir le caractère personnel d’une absence de liberté innée ; il lui donne pour base un rapport réel, la propriété supérieure du prince sur le territoire (R. Lettre, II, sect. I, note gén. A). Ces finesses n’ont pas été appréciées à leur valeur par les contemporains ; comp., par exemple, Rosshirt, Begriff d. Staatspol., p. 53. [↩]
- Comp. t. I, § 9, note 5 ci-dessus. [↩]
- Ainsi, lors des débats du Pol. Stf. G. B. Bavarois de 1861, on a posé la maxime : « qu’on se borne à défendre les faits compromettant la sûreté, etc… mais qu’on écarte la contrainte pour des mesures édictées dans l’intérêt de la prospérité commune et de devoirs purement moraux ». Ainsi, la défense mentionnée en première ligne est censée ne pas s’appuyer sur des devoirs purement moraux. O. V. G., 10 novembre 1880 (Samml. VII, p. 351) : « Le propriétaire comme tel est obligé de tenir son immeuble dans un état propre à ne pas altérer des intérêts que la police est appelée à protéger ». Dans ce sens aussi, O, V. G., 5 décembre 1851, 15 avril 1884, 14 septembre 1885 ; spécialement encore O.V. G., 12 octobre 1889 (Samml. XVIII, p. 406) : le Stf. G. B. n’avait pas l’intention « de régler d’une manière complète les devoirs des individus en ce qui encore la circulation de la monnaie ; ce règlement peut donc encore être fait par des dispositions individuelles de police ». A ce devoir naturel envers la police de ne pas troubler le bon ordre correspond, dans la sphère du droit civil, la maxime du droit de la nature : neminem laede. De là une affinité matérielle entre le délit privé qui dépend de cette maxime, et la contravention de police résultant de la violation de ce devoir. [↩]
- Ainsi, en Prusse, le pouvoir a tout son fondement dans l’A. L. R., II, 17, § 10, où l’on ne trouve qu’une mention extrêmement vague des tâches qui incombent à la police. De même, en France, on invoque la loi du 22 décembre 1789 qui dit simplement que l’administration départementale est chargée du maintien de la sûreté, de la salubrité et de la tranquillité publiques. Il est évident qu’il suffit du moindre contact avec un texte de loi, on dirait presque d’un prétexte que la loi puisse donner. En ce qui concerne ces autorisations générales, toute loi qui détermine plus exactement les obligations des individus envers la police devient une protection pour la liberté, puisque la police ne peut plus aujourd’hui, « pour des motifs de police généraux » (O. V. G., 10 novembre 1881, Smml., VIII, p. 318), « pour des motifs de droit public » (O. V. G., 2 janvier 1888, Samml. XVI, p. 326), exiger plus qu’il n’est dit dans la loi. [↩]
- Nous en parlerons en exposant la doctrine de la contrainte directe (Comp. § 24 ci-dessous). Voyez un cas spécial dans Württemb. Arch. f. R., XXII, p. 294 : un agent de police a été délégué pour surveiller une réunion politique ; le recours est rejeté par le V. G. H. Württemb. par arrêt du 2 octobre 1880 : le Württemberg, est-il dit, n’a pas de loi spéciale sur les réunions mais le droit de surveillance de l’Etat résulte de « la théorie générale ». Très significative est la controverse, qui est devenue encore aujourd’hui possible, sur la question de savoir si des commandements et des défenses de la police ont besoin d’un fondement légal. G. Meyer, Staatsrecht, § 178 ; le même, V. R., I, p. 78 ; Zorn, dans Annalen, 1885, pp. 309 ss., et d’autres veulent remplacer ce fondement légal par « la situation juridique générale de la police », par « un droit coutumier public », ou même par « des motifs politiques ». C’est évidemment l’idée, un peu confuse, du devoir préexistant des sujets envers la police ; mais si ce devoir existe et a des effets juridiques, ce n’est pas à dire que tous les moyens pour le ramener à exécution sont permis d’avance ; il faudra encore distinguer avec soin d’après leur nature ; les commandements et les défenses surtout ne sont pas des choses allant de soi. Comp. 20, note 2, ci-dessous. [↩]
- Surtout, on s’efforce de glisser, dans le cadre de la définition nouvelle, un fragment de l’ancienne police de prospérité. La nature juridique de la police a été très justement qualifiée de « restriction de la police » (Laband, Droit public, édit. française, II, p. 527 ; Seydel, dans Annalen, 1881, p. 574) : son seul but est la répression du trouble causé par l’individu, il ne saurait être question d’utilités positives. Mais G. Meyer, tout en adoptant cette manière de voir, lui enlève son sens déterminé, en ajoutant que la restriction de la liberté pourrait se faire aussi dans un but « d’utilité positive » (V, R., I, p. 72). Il se prête à ce compromis pour pouvoir compter, parmi les mesures de police, l’obligation scolaire (Comp. note 6, loc. cit.). Pözl, Grundriss zu Vorlesungen über Polizei, a visé ce même but d’une autre manière. La police, dit-il très justement (§ I), a pour mission de défendre contre les dangers. Mais il voudrait pouvoir attribuer à la police, selon la vieille méthode, quelques institutions en vue de la prospérité publique ; pour cela, il lui suffit de faire apparaître dans le lointain un danger quelconque à combattre. C’est ainsi qu’il commence la partie spéciale placée sous la rubrique « Lutte contre les dangers généraux du bon ordre », par la charge scolaire et l’obligation scolaire. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? L’intitulé signale expressément les « dangers » contre lesquels on lutte ici, à savoir « l’ignorance et l’abaissement moral ». Et donc, le caractère de police est sauvé ! De même, les syndicats forcés pour des irrigations sont des mesures de police contre les dangers de la sécheresse, les charges de l’assistance publique sont des mesures de police contre les dangers de la pauvreté, etc. On voit combien la formule, quoique partant d’une notion exacte en elle-même, permet, faute d’une signification précise, de faire des applications complètement illogiques. [↩]
- Medicus, Staatswörterb., article Gerichtl. Pol., IV, pp. 208 ss. ; Foerstermann, Pr. Polizei R., p. 124 ; ma Theorie des Franz. V. R„ pp. 161 ss. [↩]
- Lœning, V. R., p. 8 ; v. Sarvey, Allg. V. R., p. 76 ; Mot, z. G. V. G., p. 170 (Hahn, Mat., I, pp. 15 ss.). [↩]
- O. Tr., 4 janvier 1872 (J. M. Bl., p. 89) distingue : « l’arrestation préventive et l’arrestation pénale » (Verhütende und Strafrechtliche Verhaftung). R. G., 9 janvier 1885 : « les saisies de police préventive et les saisies de procédure criminelle ». Cpr. surtout Walter dans Sächs. Ztschft. f. Pr., II, pp. 49 ss. Les Français désignent quelquefois, sous le nom de police préventive, la surveillance et l’ordre de la police, et, par police répressive, la contrainte et la punition : ma Theorie d. Franz. V. R., p. 165. Bornhak, Preuss. Staatsrecht, III, p. 159, note 1, paraît commettre un malentendu en prétendant que cela revient à dire : « l’ordre et la contrainte sont différents dans leur but ». [↩]
- « Il y a police répressive, lorsque la violation ou le trouble ont déjà commencé et qu’il s’agit seulement de s’opposer à leur continuation ; il y a police préventive quand le danger n’a pas encore produit d’effet nuisible et qu’il s’agit de l’empêcher d’avoir un effet quelconque ». En ce sens, Pözl, Grundriss zu Vorlesungen über Pol., p. 14 ; dans le même sens, v. Roenne, Pr. Staatsrecht, IV, p. 96. Dès lors, une mauvaise police sera toujours répressive ; elle ne fermera un puits que lorsque quelqu’un sera tombé dedans. [↩]
- Gerland, dans Arch. f. Off. R., V. pp. 9 ss. ; Lœning, V. R., p. 259 ; v. Stein, Handb. (3. éd.), p. 218 ; le même dans Wörterbuch, II, p. 247 ; v. Kirchenheim, Einf., p. 82 ; le même, dans Conrad, Handb., V, p. 165. [↩]
- Puisque le danger couru par l’ordre légal est essentiel pour qu’il y ait police de sûreté, on est obligé de donner à l’avance, bon gré mal gré ce caractère aux choses qu’on veut y ranger : la situation juridique des étrangers, de la presse, des associations et des réunions ne manquera pas d’en souffrir. N’oublions pas qu’en Prusse, le ministère de l’intérieur, d’après la classification observée dans sa feuille officielle, range aussi le phylloxéra parmi les dangers à combattre par la police de sûreté : le phylloxéra est donc, pour parler comme le Kammergericht de Berlin (Binseel, VII, p. 304), parmi les « personnes ou entreprises dangereuses pour l’ordre légal ». [↩]
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