Section II
Le pouvoir financier (Die Finanzgewalt)
§ 30. L’ordre de finance (Finanzbefehl)
(250) Le pouvoir de finance est la puissance publique agissant dans l’intérêt des revenus de l’État : Ce but, la puissance publique le poursuit de la manière la plus directe en imposant aux sujets des obligations de payer, des dettes d’impôt au profit de l’Etat. Mais elle peut aussi y pourvoir en déterminant la conduite personnelle des sujets : cette direction a lieu en vue de la plus grande utilité des revenus de l’Etat, pour les assurer et les protéger de troubles et d’amoindrissements.
La véritable source du revenu se trouve alors à côté de la mesure ; le pouvoir de finance, par cette mesure, ne fait que protéger son effet et pourvoit aux revenus de l’Etat d’une manière indirecte. Cette source peut se trouver dans une autre manifestation du pouvoir de finance, dans l’imposition de contributions ; mais elle peut aussi se présenter sous n’importe quelle autre forme d’acquérir. Cette seconde forme du pouvoir de finance embrasse donc une sphère beaucoup plus étendue; mais elle est moins homogène que la première : elle n’agit toujours qu’accessoirement1.
On a souvent désigné sous le nom de police de finance cette seconde manière d’agir sur les sujets2.
(251) Le nom est mal choisi, parce que la police, pour être définie correctement, ne pourra être caractérisée que par sa raison d’être même, qui marque alors une opposition avec le pouvoir de finance. Ici, en effet, il ne s’agit pas du bon ordre de la collectivité et de ses exigences publiques. La police est sociale, le pouvoir de finance est fiscal. On ne saurait les confondre.
Mais il est vrai que ce côté du pouvoir de finance, — dans lequel il s’agit de déterminer la conduite personnelle des sujets, — met le plus en lumière son affinité avec la police. Cette action sur le sujet, en effet, se produit pleinement dans des formes qui correspondent à celles du pouvoir de police : ordre, fixation de peine, contrainte. Les règles d’après lesquelles, pour le domaine de la police, ces notions se sont développées s’appliquent également ici dans une vaste proportion : ce sont des notions communes. Seulement, elles reçoivent ici une empreinte spéciale parallèle à celle de la police : elles se présentent comme ordres de finance, peines de finance, contrainte financière.
L’ordre de finance et la peine de finance qui nous regardent en première ligne ont entre eux les mêmes rapports que l’ordre de police et la peine de police : ils ne sont pas identiques, mais ils se complètent cependant. L’ordre de finance n’est pas nécessairement pourvu d’une sanction pénale par une règle de droit ; il y a encore d’autres moyens pour le faire sentir ; cependant la menace d’une peine en est le plus important. D’un autre côté, la peine de finance ne s’attache pas nécessairement à la désobéissance à un ordre de finance ; il y a également ici des peines (252) attachées directement aux faits (Comp. § 22, I, no 2, ci-dessus) ; mais cela renferme également la détermination de ce qui juridiquement ne doit pas être, et produit des effets semblables à ceux d’un ordre : une règle pour le sujet se trouve dans l’un et dans l’autre.
I. — L’ordre est la déclaration de volonté, émise en vertu d’un rapport de subordination, pour déterminer d’autorité la conduite du subordonné. L’ordre de finance, impose au profit des revenus de l’Etat, des obligations d’obéir, obligations de faire, de ne pas faire, de souffrir.
Ces ordres interviennent dans des circonstances différentes. Cela nous conduit à distinguer plusieurs espèces d’ordres de finance.
1) Ils accompagnent surtout l’impôt et son exécution. Leur but principal est ici de faciliter à l’administration la connaissance de la dette d’impôt. Ils seront d’autant plus employés qu’il sera difficile pour l’administration de connaître la dette d’impôt ; la facilité avec laquelle la dette d’impôt peut échapper à l’administration aura aussi une grande influence3. Dans les impôts directs, par conséquent, ces ordres se restreignent à des commandements de déclarer la dette d’impôt qui est née, de donner à son sujet des éclaircissements ou même de fournir des exposés explicites de la situation.
Dans les impôts indirects, au contraire, ces ordres apparaissent avec un développement beaucoup plus riche. Les commandements ont ici une portée plus grande : il faut porter à la connaissance de l’autorité non seulement la dette d’impôt née, mais encore des choses connexes, les faits et circonstances par (253) exemple, d’où pourra résulter une dette d’impôt. Il y a de plus des défenses d’actes nuisibles à l’impôt, c’est-à-dire d’une conduite qui serait propre peut-être à cacher une dette d’impôt ou à ne pas la laisser parvenir complètement à la connaissance de l’administration.
2) Dans une mesure beaucoup moins étendue, l’ordre de finance est applicable aux rétributions. Le cas des rétributions est, par sa nature, moins propre à se soustraire facilement à la connaissance de l’administration ; la rétribution a pour base le fait que les prestations de l’Etat profitent à un individu déterminé ; le débiteur s’offre donc de lui-même, sans qu’il soit besoin de le lui commander spécialement. Donc, en règle, il ne pourra s’agir que de prévenir une conduite tendant à éluder malicieusement le droit à la rétribution ; ce qui y répond le mieux, c’est la fixation d’une pénalité directe.
3) Dans une autre espèce d’ordres de finance, il n’y a aucune obligation de payer à l’Etat de la part de celui auquel ces ordres s’adressent. Leur but est d’assurer les entreprises de l’Etat tendant à lui procurer un revenu, contre les troubles qui pourraient leur être causés par la concurrence d’établissements similaires. La concurrence est défendue. Le monopole en est le résultat.
La défense peut frapper exclusivement l’entreprise du tiers perturbateur et toute activité qui y concourt ; elle peut frapper, en outre, le fait de se servir des objets fabriqués; elle est dirigée alors à la fois contre l’entrepreneur et contre son client.
L’entreprise de l’Etat ainsi protégée aura plutôt la nature d’un service public percevant des rétributions, ou d’une affaire commerciale avec des recettes (254) pour prix de ventes et salaires. Quant à l’ordre de finance qui s’y attache, il n’y a pas de différence4.
4) Enfin, l’ordre de finance a un rôle important dans le système des remises et exemptions d’impôt, des bonifications d’impôt et surtout des différentes facilités pouvant être accordées aux débiteurs d’impôt. Ces faveurs ne doivent être reconnues ou accordées par l’autorité financière que sous certaines conditions. Il faut connaître exactement ces conditions pour que le revenu d’impôt n’éprouve pas d’amoindrissements non justifiés. Des actes ayant pour but direct de provoquer chez l’autorité financière une appréciation incorrecte des faits pourront être frappés directement d’une peine de finance. Mais, en outre, des prescriptions sont imposées aux bénéficiaires afin que la remise, la bonification, la modération sous n’importe quelle forme restent dans les limites voulues ; ce sont des ordres de finance dont l’observation est assurée par des peines, par la perte du bénéfice accordé et autres suites de la désobéissance5.
Dans toutes ces applications, l’ordre de finance a le caractère d’une mesure arbitrairement choisie par l’Etat. Il lui manque cette base d’un devoir naturel et qui existe d’avance, devoir que l’ordre n’aurait qu’à déterminer plus exactement et à réaliser, comme celui qui donne à l’ordre de police son caractère particulier. De là surtout cette conséquence, que la loi ne donne (255) pas des autorisations aussi générales en ce qui concerne les ordres d’impôt : ces autorisations manqueraient ici de la mesure naturelle et immanente.
II. — La forme dans laquelle l’ordre de finance est émis est, comme cela a lieu pour l’ordre en général, la règle de droit ou l’acte administratif.
Mais, à la différence de la police, les ordres émanant de la loi ou de l’ordonnance se trouvent ici en petit nombre ; quand la loi ou l’ordonnance agissent ici par leurs règles de droit, elles préfèrent des menaces directes de peines de finance. D’un autre côté, les ordres individuels en vertu d’une autorisation de la loi, analogues aux dispositions de police, ne se présentent qu’en très petit nombre dans la sphère du pouvoir de finance.
La grande masse des ordres de finance est contenue dans les régulatifs. Cette forme appartient tout particulièrement à l’ordre de finance. Elle a passé de la législation prussienne dans celle de l’Empire et domine, par conséquent, dans le système des impôts indirects qui est si riche en ordres de finance.
Nous devons nous rendre compte de la nature et de l’importance juridique de ces régulatifs.
1) Les régulatifs du droit de l’Empire sont, d’après leur apparence extérieure, des prescriptions d’exécution pour des lois de l’Empire concernant les droits de douanes et autres impôts indirects. Ils établissent des règles générales touchant les facilités accordées aux débiteurs de l’impôt et la surveillance de certaines industries. Ils sont émis par le Bundesrath et publiés sans exception dans le Centralblatt des Deutschen Reiches, bulletin officiel de l’Office de l’Intérieur (Reichsamt des Innern).
2) Les règles que les régulatifs renferment ont, pour les intéressés, une force juridiquement obligatoire. On croit prendre le chemin le plus court en (256) pays connu en leur donnant le caractère de règles de droit. Les régulatifs seraient donc des ordonnances, et, suivant l’expression qui est aujourd’hui en vogue (Comp. tome I, § 10, note 11) « des ordonnances de droit » et non pas de simples ordonnances administratives. Mais il y a ici un obstacle insurmontable. Le Bundesrath ne peut émettre des ordonnances (des ordonnances de droit bien entendu) qu’en vertu d’une autorisation de la loi de l’Empire. Du moins, l’art. 7 chiff. 2 de la Constitution de l’Empire, sagement interprété, n’accorde pas au Bundesrath un droit général de faire des ordonnances d’exécution, comme ce droit appartient au prince dans les Etats particuliers. Il est bien dit dans cet article : « Le Bundesrath délibère sur les prescriptions administratives (Verwaltungsvorschriften) et les arrangements nécessaires pour l’exécution des lois de l’Empire » ; mais on ne veut parler que de prescriptions administratives par opposition avec la règle de droit6.
L’autorisation du Bundesrath devrait donc reposer sur les prescriptions spéciales des différentes lois concernant les droits de douanes et les impôts. Ces lois de l’Empire, il est vrai, renvoient régulièrement aux règles générales que le Bundesrath établira pour leur exécution. Mais ces règles sont également désignées ici partout comme des prescriptions administratives (Verwaltungsvorschriften). Si, à cause de cette expression, la Constitution de l’Empire avec son art. 7 chiff. 2 laisse une lacune, puisqu’elle ne donne pas la possibilité de créer des ordonnances de droit, il est difficile de voir comment les lois spéciales qui accordent leurs autorisations en se servant de la même expression, peuvent combler cette lacune7.
(257) Donc il faut conclure que les régulatifs ne peuvent pas être des règles de droit. A cela est intimement lié un autre point qu’on a déjà maintes fois relevé. Ces régulatifs, comme nous venons de le dire, sont exclusivement publiés, dès le début, dans le Centralblatt des Deutschen Reiches. La règle de droit a cependant son mode de publication fixé formellement, et qui seul peut lui donner effet : pour les lois de l’Empire comme pour les ordonnances de l’Empire, la seule forme efficace est la publication dans le Bulletin des lois de l’Empire (Reichsgesetzblatt)8. Donc si les régulatifs voulaient être des règles de droit, aucun d’eux, à cause de cette publication défectueuse, n’en obtiendrait la force obligatoire9. Donc ils ne peuvent pas vouloir être des règles de droit.
(258) 3) De fait, cependant, depuis nombre d’années, ces régulatifs sont considérés comme valables et propres à créer des obligations de droit ; le gouvernement, en dépit de tous les cris d’alarme de la théorie, continue à se servir à leur égard du Centralbatt comme seul moyen de publication.
Dès lors, ou bien nous avons ici un égarement inouï de la pratique ; ou bien l’effet des régulatifs doit s’expliquer autrement que par leur prétendu caractère de règles de droit.
Il nous semble que la vérité ne doit être cherchée que dans cette dernière direction.
La solution de la question, en effet, pour une partie des prescriptions des régulatifs, saute aux yeux. A qui ces prescriptions s’adressent-elles ? Il y a deux sortes de personnes qui sont visées : d’un côté, des fonctionnaires de l’administration financière ; de l’autre côté, de simples particuliers restant en dehors des liens de la fonction publique.
Aux premiers on prescrit ce qu’ils auront à faire en surveillant des marchandises et des ustensiles, en faisant des calculs et des constatations, en délivrant des certificats, en accordant des permissions et autorisations. Tout cela, ils devront l’observer selon leur devoir. Pourquoi ? Ce sont des ordres de service qui leur sont donnés ; ces ordres agissent sur eux avec la force de leur devoir de fonctionnaire. Nous savons aussi comment il devient juridiquement possible de les atteindre par cette voie. Le fonctionnaire, s’étant engagé à ce service personnel, est entré dans un rapport de dépendance spécial qui permet à l’autorité compétente de déterminer quels seront ses devoirs : il se trouve dans un rapport de sujétion spéciale (Gewaltverhältniss ; comp. t. I, 8, II, no 3).
Ce rapport de sujétion permet non seulement de diriger la conduite du fonctionnaire pour le cas (259) individuel, mais aussi d’émettre des instructions générales, obligeant tous ceux qui se trouvent dans la même situation, et obligeant d’avance pour tous les cas de la même espèce, quoique n’étant pas désignés individuellement. Les dispositions générales, les actes administratifs généraux sont les conséquences et le signe extérieur du rapport de sujétion particulière (Comp. t. I, 10 no 2 ci-dessus). Ces dispositions générales n’étant pas des règles de droit, ne sont pas liées aux formes de publication prescrites pour ces dernières ; on peut, en vertu du rapport de sujétion même, leur attribuer une forme spéciale de notification, que l’individu soumis doit reconnaître comme valable (Comp. tome I, 8, note 5 ci-dessus). C’est notre cas pour la publication dans le Centralblatt10.
Mais, d’autre part, nos régulatifs s’adressent de la même façon à des personnes sans fonctions, à des individus n’ayant aucun rapport de service spécial avec l’Etat. Ils leur prescrivent ce que, de leur côté, ils auront à faire, à ne pas faire et à souffrir pendant le temps de leur soumission à chacun de ces régulatifs particuliers.
Ces individus sans fonctions auxquels le régulatif s’adresse ne sont pas choisis arbitrairement, cela s’aperçoit à première vue. Le régulatif n’ordonne pas « pour tous ceux que la mesure concerne ». Quand il s’agit d’ordonner de cette manière, c’est toujours la règle de droit de la loi ou de l’ordonnance qui apparait. Des prescriptions d’une étendue aussi générale que la défense de transporter certaines marchandises dans la nuit ou de passer la frontière par d’autres (260) chemins que ceux qui sont formellement désignés ne se trouvent jamais dans les régulatifs. Les individus, sur lesquels veut agir le régulatif sont toujours compris dans un rapport spécial avec l’administration financière. Ils sont entrés dans certaines institutions créées par cette dernière, dans une entreprise dans laquelle ils pourront, selon leur manière de se conduire, nuire ou être utiles à une dette d’impôt qui est née ou qui va naître.
Le régulatif n’a d’effet obligatoire que pour des personnes ainsi déterminées ; il agit alors sur elles de la même manière que sur les fonctionnaires : sans fondement légal particulier, dans la forme de prescriptions générales (qui ne sont pas des règles de droit) et par la publication dans une feuille d’avis spéciale.
Il est clair qu’un rapport semblable à celui que nous avons examiné chez les fonctionnaires existe pour ces individus, à savoir : un rapport de sujétion particulière. Le pouvoir auquel ils sont soumis n’est pas le pouvoir du supérieur ; car ils ne doivent pas de service personnel. C’est un pouvoir qui n’a pour but, comme la loi l’exprime à plusieurs endroits, que le contrôle et la surveillance de tout ce qui se passe chez eux et qui pourrait être d’importance pour les revenus de l’Etat. C’est en vertu de ce pouvoir qu’il leur est adressé des ordres de cette sorte11.
(261) 4) Examinons maintenant quel sera le fondement de ce pouvoir de surveillance. Cette diminution de la liberté, — que tout rapport de sujétion particulière implique pour la personne qui en est l’objet, — ne s’entend jamais d’elle-même. Mais il n’y a pas de forme unique pour la produire. Pour le fonctionnaire, c’est l’acte administratif de sa nomination. A côté de l’acte administratif, la règle de droit, l’autre source générale des rapports juridiques du droit public, peut aussi produire des rapports de sujétion. Mais ce n’est pas tout. Ce rapport peut également être le résultat de l’entrée de fait dans la sphère d’une manifestation de la vie propre de l’administration : la nécessité pour le sujet de s’accommoder à ses exigences trouve son expression dans un rapport de sujétion particulière. Nous en rencontrerons des exemples dans l’effet particulier produit par l’entrée dans le service militaire actif (Comp. § 45, I, no 3 ci-dessous), mais surtout dans le pouvoir qui s’exerce sur les personnes profitant des utilités d’un service public (Anstaltsgewalt ; comp. 52, II, ci-dessous). Cette même idée sert ici de point de départ pour faire naître un pouvoir de surveillance spécial.
Nous distinguerons, d’après l’origine, deux manifestations de ce pouvoir.
Nous avons, d’un côté, un pouvoir de surveillance imposé. L’individu est soumis à ce pouvoir, pour une atteinte portée à sa liberté, par un acte d’autorité : une industrie, un magasin appartenant à l’individu sont placés sous ce pouvoir, sans que son consentement ait été demandé.
Il y a besoin d’un fondement légal. Il s’agit d’une charge accessoire, imposée au sujet pour assurer la charge principale, l’impôt même. Elle trouve surtout son application parmi les dettes d’impôt en suspens placées par la loi avant la naissance véritable de la dette d’impôt12.
(262) La seconde catégorie est formée par le pouvoir de surveillance réservé. Il s’attache aux facilités accordées aux individus pour l’acquittement de l’impôt ; il leur est permis de se servir d’un procédé, d’un établissement, d’un arrangement prévus par l’administration financière pour obtenir ces avantages, dont ils ne profiteraient pas sans cela. Mais sur ce qu’elle a concédé (263) l’administration gardera la haute main. Les marchandises et tout ce qui les concerne lui appartiennent en quelque sorte. Quiconque entre dans le cercle ainsi circonscrit sort, par cela même, de la sphère de sa liberté naturelle et voit les conditions de son existence dépendre des exigences de l’intérêt administratif. C’est comme pour la personne qui entre dans un établissement public, une école, un hôpital, etc. : un état de liberté diminuée s’attache de plein droit à son entrée. Il n’y a pas besoin de fondement légal, puisque ce n’est pas par suite d’une atteinte portée à la liberté que cette diminution s’opère, mais spontanément13.
(264) 5) Le pouvoir de surveillance spéciale, né de l’une ou de l’autre manière, donne à l’administration financière le droit d’émettre toutes sortes d’ordres, qui ne sont pas spécialement déterminés ni prévus. Ces ordres pourront être donnés surtout dans la forme de dispositions générales, ayant leur effet une fois pour toutes pour quiconque entre dans ce rapport. Cela résulte de la nature même du rapport de sujétion. Ces dispositions générales ne sont pas des règles de droit, mais elles agissent de même, apportant dans ce rapport le bon ordre et la régularité. Tandis que les ordres spéciaux ne produisent également ici leur effet que moyennant la notification à l’intéressé, — comme l’acte administratif ordinaire en général, et à la différence de la règle de droit, — la disposition générale peut affecter, en vertu même du rapport de sujétion une forme plus générale de notification qui (265) la rend efficace : affiches dans les locaux intéressés, insertions dans les journaux ordinaires, publications dans des feuilles officielles spéciales ; d’autres formes de publications peuvent encore, en vertu du pouvoir de surveillance, être reconnues comme moyens suffisants pour que l’acte soit réputé connu des intéressés14.
Les dispositions générales publiées sont permanentes ; elles agissent sur toutes les personnes qui, à l’avenir, se trouveront comprises dans le rapport de sujétion particulière. Les devoirs qui leur incombent résultent de ce rapport et s’y trouvent déterminés d’avance.
Mais il ne faut pas entendre ceci en ce sens que le nouveau venu, par le fait de son entrée dans le rapport, se soumettrait aux prescriptions de la disposition générale existante, de la manière, par exemple, dont l’expéditeur se soumet au règlement du chemin de fer qui règle d’avance les détails du rapport juridique. L’expéditeur n’entre pas dans un rapport de sujétion particulière vis-à-vis de l’administration du chemin de fer ; il conclut avec elle un contrat de droit civil dont le contenu est donné tacitement par le règlement, contrat qui crée, conformément à ce contenu, un rapport juridique réciproquement obligatoire et inaltérable jusqu’à son accomplissement définitif.
Le bénéficiaire d’un acquit-à-caution, au contraire (266) ou le dépositaire dans un entrepôt public de douanes ne se soumet pas au régulatif existant, mais au rapport de sujétion particulière qui correspond au procédé dont il profite ; de ce rapport, d’ailleurs, est né le régulatif dont on parle, et un nouveau régulatif pourra intervenir à tout moment, qui, pendant que le rapport continue d’exister, aura son application. De même, les devoirs du fonctionnaire ne restent pas réglés par les instructions existant au moment de son entrée en fonction ; ils dépendent du rapport de sujétion particulière auquel il s’est soumis et qui portent dans son sein également toutes les instructions futures.
b) Le pouvoir de donner des ordres reposant sur le rapport de sujétion n’est pas illimité. Cet ordre de finance a, aussi bien que l’ordre du supérieur, ses bornes juridiques.
Ces bornes se trouvent d’abord dans le fondement même de l’ordre. L’autorité ne peut exiger que ce qui est nécessaire pour la surveillance, de même que l’ordre du supérieur ce qui est nécessaire pour l’accomplissement du service. Les mœurs et la nature des choses tracent, pour les deux cas, les limites d’une manière suffisante. A cela s’ajoutent les règlements spéciaux par lesquels la loi vise le pouvoir de surveillance. La loi peut déterminer d’une manière détaillée ce qui pourra être exigé en vertu de ce pouvoir. Toute autre chose alors est exclue. Elle peut également prescrire les formes dans lesquelles ces ordres de finance doivent être émis. Ce dernier point a, pour nous, une importance particulière. Nos lois de l’Empire sur les droits de douanes et sur les impôts ont l’habitude de déclarer que le Bundesrath devra émettre les prescriptions administratives réglant les « conditions » sous lesquelles certaines facilités devront être accordées, les « contrôles » sous lesquels elles devront être exercées, ou encore les « déterminations précises » (267) sur la « procédure » à suivre. Cela se rattache au pouvoir appartenant au Bundesrath, d’après l’art. 7, chiff. 2, de la Constitution de l’Empire, de délibérer sur les prescriptions administratives et arrangements nécessaires à l’exécution des lois de l’Empire. Ces prescriptions renferment, en première ligne, comme nous l’avons dit, des instructions générales pour les fonctionnaires appelés à exécuter les lois de l’Empire, instructions qui sont par conséquent publiées dans la feuille officielle destinée à ces fonctionnaires. Si maintenant, en vertu de ces mêmes clauses des lois de l’Empire, les ordres de finance à émettre en vertu des pouvoirs de surveillance sont assimilés aux ordres de service correspondants, cela veut dire trois choses :
D’abord, que la compétence du Bundesrath pour émettre ces ordres est exclusive ;
Deuxièmement, que ces ordres doivent être émis pour tous les intéressés à la fois dans des dispositions générales, tout comme les instructions de service ;
Enfin, que la forme de publication ordinaire des prescriptions administratives du Bundesrath, qui régulièrement s’applique aux instructions de service seules, devient ainsi d’elle-même le moyen de notification qui doit rendre ces ordres de finance obligatoires.
Cette dernière mesure n’est peut-être pas très pratique pour produire cet effet direct ; on exige ainsi des intéressés beaucoup d’empressement ; on leur impose peut-être une obligation de se renseigner trop sévère. En fait, on préfère se servir d’autres moyens de notification. En tout cas, la forme est juridiquement inattaquable, aussi inattaquable que la publication d’instructions de service dans les feuilles officielles.
III. — La permission de police a ici son correspondant dans la suspension, pour le cas individuel, de l’ordre de finance émis dans un sens général. On (268) pourrait l’appeler la permission de finance. Mais on pourrait aussi bien parler de dispense de finance. A la différence du droit de la police, en effet, on rencontre ici seulement des dispenses de se conformer à ce qui est défendu, mais très souvent des dispenses de se conformer à des commandements positifs.
De plus, la permission ou la dispense ont ici cette particularité d’être placées vis-à-vis de deux sortes d’ordres de finance généraux ; cela amènera chaque fois une appréciation juridique différente.
1) Le premier cas est celui de la suspension de l’ordre de finance contenu dans une règle de droit. Elle suit tout à fait le modèle de la permission de police. Comme cette dernière, elle n’affranchit pas seulement de l’obligation d’obéir à des ordres ; elle peut aussi s’attaquer à des règles de droit financier fixant directement des peines. Il faut, pour qu’elle soit admissible, une réserve dans la règle de droit elle-même, réserve qui autorise l’autorité à la violer de cette manière. Elle est accordée par acte administratif. Ce premier cas répond au caractère général du pouvoir de finance qui, en dehors du devoir de l’impôt proprement dit, n’aime pas à être lié par des règles de droit fixes. Aussi est-il généralement laissé à l’arbitraire de l’autorité d’accorder la permission ou de la refuser. De même, elle est également libre de retirer la permission accordée ; il va de soi que ce qui a déjà été fait régulièrement en vertu de la permission est fait légitimement et doit être traité comme tel15.
(269) 2) L’ordre pour lequel la dispense peut être accordée peut être contenu aussi dans une prescription administrative, dans un régulatif. C’est alors non pas une règle de droit, mais un acte administratif permanent et commun à tous les intéressés. Les règles de la permission de police ne s’y appliquent pas directement. La maxime générale à laquelle on va faire brèche, ne repose que sur le pouvoir propre des autorités. De là résultent des principes particuliers. L’autorité qui a émis le régulatif peut accorder à tout moment des permissions spéciales qui seront des exceptions aux énonciations du régulatif ; il n’y a pas besoin de réserve expresse. Il n’en est pas de même pour l’ordonnance (Comp. tome I, § 7, II, no 2, et 21 ci-dessus). Ici la différence éclate : le régulatif, n’ayant lui-même que l’effet d’un acte administratif général, n’obtient pas, vis-à-vis de l’acte individuel de la même autorité, un rang supérieur, comme cela a lieu dans l’ordonnance portant des règles de droit. L’autorité subalterne, au contraire, a besoin d’une autorisation dans le régulatif même, quand elle doit pouvoir accorder une exception ; sans cela, la permission, la dispense du commandement du régulatif qu’elle accorderait, ne serait pas valable. Le régulatif, en effet, n’est pas seulement pour elle une instruction, qui n’aurait d’effet que dans le rapport (270) de service intérieur. Il est adressé aux sujets compris dans le rapport de sujétion particulière et leur a donné des ordres ; l’acte de l’autorité supérieure a ainsi opéré un effet extérieur. L’autorité subalterne ne peut pas, de sa propre force, entraver cet effet.
L’autorisation ne peut pas lui être donnée par une simple instruction. Les compétences existantes, ne sont pas susceptibles d’être transférées ainsi ; au dehors, l’instruction de service n’a aucun effet. Il faut donc que l’autorité supérieure accorde elle-même la permission — cela serait notre cas précédent ; — ou bien qu’elle ait laissé d’avance, dans son régulatif, une place pour l’acte de l’autorité qu’elle a sous ses ordres ; alors, cet acte ne sera plus exclu par la force prépondérante de sa propre disposition.
- L’opposition entre ces deux directions du pouvoir de finance a été très bien relevée par Meisel dans Finanzarchiv, V, 1, p. 7. [↩]
- Ainsi Foerstemann, Polizeirecht, p. 272; Bornhak, Gesch. des preuss. V. R. II, p. 332; Merkel, Krimin. Abhandlungen I, p. 94, 99 ; Temme, Lehre vom Betruge, p. 73 ; Meisel dans Finanzarchiv, V, 1, p. 5 (« surveillance de la conduite des débiteurs au moyen de la police de finance ») ; O. Tr. 6 avril 1875 (J. M. BI. p. 222 : « prescriptions de contrôle de police »). [↩]
- Sur cette correspondance, Meise dans Finanzarchiv, V, 1, p. 14 ss. [↩]
- Ici encore, les manières de voir de la doctrine du droit et de la science politique se séparent dans un contraste éclatant. Pour la science politique, l’essentiel du monopole est dans son effet économique : que l’Etat, maître absolu de la fixation du prix, gagne de l’argent aux frais des sujets. On le compte directement parmi les impôts : Neumann, Die Steuer ; Meisel dans Finanzarchiv. V, 1, p. 45. Pour nous, cette manière d’envisager la chose est impossible. [↩]
- Des exemples dans loi de l’Emp. 19 juillet 1879, concernant l’exemption de l’impôt sur l’alcool destiné à être employé dans l’industrie, §§ 1 et 3 ; comp. régulatif, 20 sept. 1887 (Cent, Bl. 1887, p. 419), § 12 ss. On parle ici des « obligations du demandeur ». [↩]
- Cela a été démontré d’une manière décisive par Laband, St. R. I, p. 595, p. 706 (édit. fr. II, p. 384 ss.). Haenel, St. R. p. 282 ss., quoique interprétant le mot « prescriptions administratives » comme pouvant signifier aussi bien des ordonnances que de simples instructions, est cependant d’avis que l’art. 7, chiff. 2 de la Constitution de l’Empire ne renferme pas une autorisation de faire des ordonnances contenant des règles de droit ; c’est le seul point qui nous intéresse ici. [↩]
- Comp. par exemple, loi sur les douanes, 1er juillet 1868, § 152 ; loi d’impôt sur l’alcool, 24 juin 1887, § 26 ; loi d’impôt sur le tabac, 16 juillet 1879, § 40. Les lois parlent toujours, à la fin, de pénalités pour « transgression des prescriptions de cette loi ainsi que des prescriptions administratives publiées à sa suite ». Arndt, Verordnungsrecht, p. 36 ss. a relevé avec raison cette concordance ; seulement, il en tire les conséquences contraires, admettant partout des règles de droit ; comp. t. I, § 10, note 11 ci-dessus. Laband, tout en refusant aux prescriptions administratives de l’art. 7, chiff. 2 de la Constitution la nature de règles de droit, veut cependant la reconnaître aux régulatifs pour droits de douanes et impôts désignés par le même nom. Il y arrive par un détour assez singulier dans lequel nous ne pouvons pas le suivre. Il dit (St. R. 4e éd., II, p. 86 ; éd. fr., II, p. 390) que le § 152 de la loi sur les douanes est « une loi pénale en blanc qui laisse aux règlements de l’administration des douanes le soin de la compléter par la désignation des faits punissables. Donc, si ces règlements ont l’autorité d’une règle de droit, c’est en vertu de l’autorité de la loi de l’Empire et non pas en vertu du décret du Bundesrath ». Laband s’est laissé entraîner ici par sa polémique contre Arndt. Un ordre n’a pas besoin d’être une règle de droit pour que son inobservation soit frappée par la loi d’une peine. [↩]
- Laband, St. R. II, p. 99 (éd. fr., II, p. 412) et les auteurs cités. [↩]
- Laband, St. R. II, p. 101 (éd. fr., II, p. 414). [↩]
- Nous traiterons du pouvoir du supérieur au § 45 ci-dessous. Le subordonné qui n’a pas pris connaissance des ordres qui lui ont été adressés par la voie ordinaire, manque à son devoir ; la sanction est qu’il est censé les avoir connus. [↩]
- Notre conclusion sera conforme, pour l’essentiel, aux développements de Haenel, St. R. I, p 285 ss., surtout p. 287, note 15 : « Ces régulatifs ont une importance double ; ils sont, d’une part, des instructions pour les autorités en vue de l’exercice des pouvoirs de contrôle qui leur sont confiés… d’autre part, des ordres que les intéressés sont obligés de suivre en vertu de ce pouvoir de contrôle des autorités ou en vertu de la soumission due aux actes juridiques ». Pour prouver ces thèses, Haenel soutient, contre Arndt, que les régulatifs, pour avoir cet effet, n’ont pas besoin de contenir des règles de droit ; il suffit qu’ils soient « fondés sur des règles de droit ». Il nous semble que, même avec cette restriction, la preuve serait difficile à faire ; mais nous croyons n’en avoir pas besoin. [↩]
- Comp. § 28, I, ci-dessus. De cette espèce est la prescription de la loi de l’impôt sur le sel, 12 oct. 1867, § 6 : « Les établissements désignés dans le § 3, pour constater le montant des droits à payer sur le sel produit ainsi que pour prévoir les fraudes, sont, quant à leur fonctionnement et leurs relations d’affaires, soumis au contrôle des autorités des douanes (de l’impôt). Ce contrôle est réglé par une instruction que les autorités des douanes doivent prendre et communiquer à chaque propriétaire d’établissements semblables, instruction obligatoire pour ce dernier ». Ici toute la construction intérieure de notre institution juridique se dessine clairement : l’établissement et avec lui l’entrepreneur sont soumis par la loi au pouvoir de surveillance. Pour l’exercice et la réglementation de ce pouvoir, des « instructions » sont données par l’autorité à l’entrepreneur, instructions qui sont pour lui des ordres, tout comme le pouvoir du supérieur s’exerce et se règle en même temps par des instructions de service. Le rapport de sujétion peut aussi être fondé tout simplement par la déclaration faite par la loi qu’une certaine entreprise sera soumise « au contrôle de l’impôt ». Ainsi loi de l’Emp. de l’impôt sur l’alcool, 24 juin 1887, § 11, al. 1 : « L’alcool produit doit être constaté dans la distillerie par l’autorité des contributions en quantité et en densité ; il reste sous contrôle de l’impôt jusqu’à ce qu’il soit expédié pour l’exportation ou pour des emplois dans l’industrie, ou que le droit sur la consommation soit payé ou crédité ». « L’alcool reste sous contrôle de l’impôt », cela veut dire en même temps que le propriétaire de la distillerie doit être soumis au pouvoir de surveillance de l’autorité financière. En vertu de ce pouvoir les instructions nécessaires pourront lui être données par cette dernière. Comme autorité suprême, d’après la const. de l’Emp. art. 7, chiff. 2, le Bundesrath est compétent pour le faire au moyen de ses prescriptions administratives. Il a immédiatement fait usage de ce pouvoir : prescript. d’exécut. 27 sept. 1887 ; Centr. Bl. 1887, p. 362 ss. Les mesures de conduite qui y sont ordonnées se rapportent en partie à des choses pour lesquelles la loi, dans § 11, al. 3, appelle expressément le Bundesrath ; pour une grande partie, elles n’y sont pas prévues et ne présentent que l’exercice du contrôle de l’impôt d’après le § 11, al. 1, c’est-à-dire du pouvoir de surveillance. C’est le cas, par exemple, pour les prescriptions disant que le propriétaire de la distillerie aura à tenir prêts les faits nécessaires pour recevoir l’alcool, qu’il sera obligé de mettre à la disposition de l’autorité de l’impôt et sur les indications de celle-ci un lieu propre aux vérifications à faire, etc. [↩]
- La loi dit ici que les « conditions » ou « les conditions plus précises » ou les « conditions et contrôles généraux » sous lesquels doivent être accordées les différentes facilités, doivent être fixées par des régulatifs ou par le Bundesrath (Loi sur les douanes, §§ 106, 109, 110, al. 3, 118 ; loi de l’imp. sur le tabac, § 18, al. 2).
Il est dit, dans ces lois, qu’un régulatif doit être émis « sur la procédure à observer » (loi sur les douanes § 58, § 90), ou « sur la manière de traiter par l’office des douanes » certaines affaires (loi sur les douanes, § 73). Dans ces derniers cas, le texte ne donne nullement à entendre qu’on pourra émettre plus que des instructions pour les fonctionnaires, qu’on pourra aussi donner des instructions aux sujets qui profitent des arrangements ; il est cependant hors de doute que cela peut se faire. Le rapport de sujétion est supposé existant d’avance.
Il en est de même dans la première manière de s’exprimer : le pouvoir de surveillance est supposé existant ; il ne s’agit que de régler son exercice par des régulatifs ; la loi fixe des compétences dans ce but. Il y a même des institutions de la pratique que la loi annonce à peine pour les faire régler par des régulatifs ; elles existent d’avance, et ceux qui en profitent sont soumis au pouvoir de surveillance réservé, comme si ces institutions venaient de la loi elle-même. Dans ce sens, la loi sur les douanes, § 90, fait mention des régulatifs des ports. Il en est de même des règlements des quais : Loebe, Zollstrafrecht, p. 134.
Nous pouvons nous associer en grande partie aux explications qui sont données sur ces points par Haenel, St. R. I, p. 286 ss. et surtout p. 287, note 15. Il distingue, comme nous, deux cas : les intéressés sont obligés de suivre les ordres qu’on leur donne « en vertu de ce pouvoir de contrôle des autorités » qui a été concédé à ces dernières ; donc, comme nous le disions, en vertu d’un rapport de sujétion particulière créé par la loi ; — ou bien ils sont obligés « en vertu de leur soumission par acte juridique sous les conditions et mesures de contrôle » ; cela serait notre second cas, selon la classification établie ci-dessus. Ce qui nous sépare, c’est que Haenel cherche, pour cette seconde catégorie, à se rapprocher des idées bien connues du droit civil. Il parle d’une « règle de droit » qui oblige les intéressés à se soumettre aux contrôles et conditions quand ils veulent profiter de ces facilités. Mais il est dans la nature de la puissance publique de pouvoir commander aux sujets ; cette puissance est restreinte par le droit positif de la Constitution, pourvu que la loi ait fait une réserve au profit de la liberté de l’individu ; cette réserve cesse quand l’individu doit profiter d’un avantage qui n’est pas placé dans sa liberté naturelle, mais dans le domaine du service public ; le droit de commander devient alors libre. C’est un développement logique qui ne mérite pas le nom de règle de droit. Il en est de même de la notion de l’acte juridique, dont Haenel se sert. Pour qu’il soit soumis au pouvoir de l’autorité, il faut que l’individu entre dans la sphère qui appartient à cette dernière, et il faut qu’il le fasse volontairement ; sans cela, on aurait besoin d’un fondement légal pour le contraindre, ce qui formerait alors notre première catégorie. Mais cela ne donne pas à ce fait le caractère d’un acte juridique. Il pourra se joindre à un acte juridique, par exemple, à un contrat de louage, si l’on veut considérer sous ce point de vue l’usage d’un entrepôt public (loi sur les douanes, § 97 ss.), ou à un louage de transport (régulatif des acquits-à-caution, § 31, al. 2 ; Centr. Bl. 1888, p. 508). Mais ce sont alors des choses à part qui pourront aussi faire défaut. Le régulatif des entrepôts, § 1 (Centr. Bl. p. 551) ordonne par exemple que ces prescriptions seront valables pour « qui conque entre dans l’entrepôt ». Quelle espèce d’acte juridique voit-on là ? [↩]
- Un exemple d’une permission de finance de cette espèce dans la loi sur les douanes § 21 : Il est défendu de passer la frontière après la chute du jour. Des exceptions peuvent être accordées par l’autorité douanière, mais l’appréciation de cette dernière est libre. Comp. aussi loi bav. de l’impôt sur le malt, 31. oct. 1879, art. 31-39. Un exemple de la dispense d’un commandement de finance dans la loi d’impôt sur le tabac, § 22, chiff. 3 : jusqu’à un certain terme et pour compter le nombre des feuilles, le traitement des plantes doit être effectué complètement. L’autorité de l’impôt peut dispenser les planteurs de cette prescription. [↩]
- Nous citerons comme exemple les prescriptions du Bundesrath au sujet de la loi d’impôt sur l’alcool de 1887, 2, III, b et c ; Centr. Bl. 1887, p. 354 ; aux conduites de tuyaux désignés il ne doit pas y avoir de soupapes. Cette défense, l’autorité de l’impôt ne pourrait pas en dispenser ; si elle le faisait quand même, le propriétaire de la distillerie qui ferait l’installation encourrait une peine de finance. Mais le régulatif ajoute : « A moins que, au moyen de précautions approuvées par l’autorité fiscale, la possibilité, etc… soit exclue ». Cela suffit pour laisser l’exception ouverte. — Puis : toutes les conduites de tuyaux doivent être d’une certaine qualité ; aux distilleries existantes il pourra être permis, d’une manière révocable, de continuer à se servir de tuyaux différents. La dispense exclut le commandement général ; si elle n’avait pas été prévue spécialement, le commandement, malgré la dispense expresse de l’autorité fiscale, resterait en vigueur, lierait le propriétaire de la distillerie, et ce dernier serait responsable de la contravention. — Régulatif pour l’impôt sur le sucre (Centr. Bl. 1888, p. 268 ss.) prescrit aux §§ 12 et 13 de la loi, que les fenêtres de l’usine doivent être pourvues d’un treillis convenable, avec des ouvertures de 5 centimètres au plus, « sous réserve des exceptions à accorder pour les treillis déjà existants ». [↩]
Table des matières