Le Conseil constitutionnel a été saisi ce 25 janvier 1985, d’une part, par MM Jacques Chirac, Claude Labbé, Bernard Pons, Marc Lauriol, Pierre Messmer, Gabriel Kaspereit, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Roger Corrèze, Jacques Toubon, Christian Bergelin, Jean-Paul Charié, Bruno Bourg-Broc, Mme Hélène Missoffe, MM Jean-Louis Goasduff, Claude-Gérard Marcus, Maurice Couve de Murville, Alain Peyrefitte, Robert-André Vivien, Pierre-Charles Krieg, Pierre Bachelet, Robert Wagner, Jean de Préaumont, Michel Debré, Etienne Pinte, Daniel Goulet, Tutaha Salmon, Robert Galley, Roland Nungesser, Edouard Frédéric-Dupont, Jean Tiberi, Pierre Raynal, Régis Perbet, Michel Barnier, Jean-Paul de Rocca Serra, Emmanuel Aubert, Michel Cointat, René La Combe, Charles Paccou, Roland Vuillaume, Philippe Séguin, Didier Julia, Jean Foyer, Michel Noir, Jacques Chaban-Delmas, Camille Petit, Hyacinthe Santoni, Pierre Bas, Henri de Gastines, Georges Tranchant, Yves Lancien, Georges Gorse, Pierre-Bernard Cousté, René André, Gérard Chasseguet, Michel Péricard, Jean Falala, Jean Narquin, Jacques Baumel, Pierre de Benouville, Jean Hamelin, Jean Valleix, Germain Sprauer, Michel Inchauspé, Antoine Gissinger, Pierre Weisenhorn, Serge Charles, Bernard Rocher, députés.
Et d’autre part, par MM Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d’Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bénard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Christian Masson, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de La Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d’Ornano, Sosefo Makapé Papilio, Charles Pasqua, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin, Jacques Habert, Dominique Pado, Etienne Dailly, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs auteurs des saisines par lesquelles la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances est déférée au Conseil constitutionnel font valoir à l’encontre des dispositions de cette loi des griefs, tantôt communs à l’une et l’autre saisines, tantôt propres à l’une d’elles ;
Sur l’incompétence du législateur pour établir l’état d’urgence en l’absence d’une disposition expresse de la Constitution :
2. Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que le législateur ne peut porter d’atteintes, même exceptionnelles et temporaires, aux libertés constitutionnelles que dans les cas prévus par la Constitution ; que l’état d’urgence qui, à la différence de l’état de siège, n’est pas prévu par la Constitution ne saurait donc être instauré par une loi ;
3. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; que, dans le cadre de cette mission, il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré ;
4. Considérant que, si la Constitution, dans son article 36, vise expressément l’état de siège, elle n’a pas pour autant exclu la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence pour concilier, comme il vient d’être dit, les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public ; qu’ainsi, la Constitution du 4 octobre 1958 n’a pas eu pour effet d’abroger la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, qui, d’ailleurs, a été modifiée sous son empire ;
Sur le moyen tiré de l’absence de consultation de l’assemblée territoriale :
5. Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que les dispositions relatives à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie auraient dû, en vertu de l’article 74 de la Constitution, être soumises à la consultation de l’assemblée territoriale ;
6. Considérant qu’aux termes de l’article 74 de la Constitution : « Les territoires d’outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l’ensemble des intérêts de la République. Cette organisation est définie et modifiée par la loi après consultation de l’assemblée territoriale intéressée. » ;
7. Considérant que la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances a pour objet, en application de l’article 119 de la loi du 6 septembre 1984, de conférer au haut-commissaire de la République de ce territoire, jusqu’au 30 juin 1985, les pouvoirs prévus par la loi du 3 avril 1955 modifiée ; qu’ainsi, la loi déférée au Conseil constitutionnel n’est qu’une mesure d’application des deux lois de 1955 et 1984 et, de par cette nature, n’avait pas à être soumise à la consultation de l’assemblée territoriale ;
Sur les autres moyens :
8. Considérant que les auteurs des saisines estiment que les règles de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances définissent de façon imprécise les pouvoirs du haut-commissaire qu’elles n’offrent pas de garanties suffisantes, notamment juridictionnelles, au regard des limitations ou atteintes portées aux libertés, et que certaines de ces règles ont été fixées par un décret alors que la loi seule eût été compétente ; qu’elles méconnaissent ainsi les dispositions des articles 34, 66 et 74 de la Constitution ;
9. Considérant que ces moyens portent sur les règles mêmes de l’état d’urgence telles qu’elles résultent de la loi du 3 avril 1955 modifiée et de l’article 119 de la loi du 6 septembre 1984 ;
10. Considérant que, si la régularité au regard de la Constitution des termes d’une loi promulguée peut être utilement contestée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, il ne saurait en être de même lorsqu’il s’agit de la simple mise en application d’une telle loi ; que, dès lors, les moyens développés par les auteurs de saisines ne peuvent être accueillis ;
Sur l’ensemble de la loi :
11. Considérant, en l’espèce, qu’il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution en ce qui concerne la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
La loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.