Si l’ouverture et l’exploitation de services de télévision est, en France, libre bien qu’encadrée (Article 1er de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication), leur diffusion fait l’objet d’une réglementation stricte suivant le choix technique de mise à disposition du signal radio. La principale distinction ici mise en avant est liée à la rareté des ressources hertziennes ; la diffusion par voie aérienne (Notamment au titre de la « Télévision numérique terrestre » [TNT]) implique une autorisation délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) après une mise en concurrence (Article 30‑1 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986) alors que la diffusion par d’autres voies ne nécessite qu’une simple déclaration préalable (Article 34 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986), la ressource étant alors illimitée (C’est notamment le cas de la diffusion par le biais du réseau Internet et de sa distribution par câble, xDSL, fibre optique ou tout autre procédé assimilé tel que la bande locale radio). Au regard des enjeux sous-jacents aux autorisations d’émission, les contentieux et difficultés sont nombreux et cela tant à l’égard de l’accès à la ressource qu’à l’évolution de ses conditions d’exploitation.
C’est dans ce cadre que les sociétés La chaîne info (LCI, « groupe TF1 »), d’une part, et Métropole télévision et Paris Première (« Groupe M6 »), d’autre part, ont sollicité la modification de l’autorisation dont elles étaient titulaires afin d’être autorisées par le CAS à diffuser leur signal à titre gratuit et non plus au profit exclusif d’abonnés. En effet, le modèle économique retenu pour ces chaînes lors de leur accès à la TNT, alors qu’elles étaient initialement diffusées par voie satellitaire ou câblée, est apparu inadapté à l’évolution du marché de la télévision. Le passage vers une diffusion gratuite leur a donc semblé être de nature à leur permettre d’assurer leur pérennité économique et c’est donc fort logiquement qu’elles ont sollicité cette évolution (La société Canal + avait également sollicité un changement similaire pour sa chaîne Planète +. La décision de refus adoptée le même jour n’a pas été contestée devant le Conseil d’État).
Par deux décisions du 29 juillet 2014 (N° 2014‑357 pour LCI et n° 2014-358 pour Paris première), le Conseil supérieur de l’audiovisuel va refuser d’y faire droit alors même que la loi avait été spécialement modifié à cette fin (Loi n° 2013‑1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public).
Les deux sociétés concernées vont alors saisir le Conseil d’État qui, malgré la modification de la lettre de l’article R.311‑1 du code de justice administrative relative à la compétence pour connaître des décisions adoptées par les organes collégiaux nationaux (Décret n° 2010‑164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives), demeure compétent en premier et dernier ressort pour connaître de tels recours pour excès de pouvoir s’agissant de services de télévision à « vocation nationale » (Article R.311‑2 2° du code de justice administrative).
A l’occasion de l’examen de ces recours, qui ne pouvaient être formellement joints, la Haute assemblée va être tenue de déterminer tout d’abord les règles de fond puis les modalités procédurales que le Conseil supérieur de l’audiovisuel se devait de respecter, mais également de statuer sur la compatibilité du mécanisme ici en cause avec le droit communautaire.
Si l’Assemblée du contentieux a bien prononcé l’annulation de ces décisions, pour un motif de procédure, et enjoint en conséquence au Conseil supérieur de l’audiovisuel de procéder à un nouvel examen des demandes, la délicate question de la compatibilité de ces futures décisions n’est que très partiellement réglée.
1°) Une autorisation de télédiffusion par voie hertzienne ne peut être désormais délivrée qu’après l’examen d’une candidature permettant au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’apprécier les mérites du candidat et de son projet (Articles 25 et s. de la loi du 30 septembre 1986).
La législation prévoit, de manière originale (J.‑P. Montseny, Contribution a l’étude du pouvoir normatif et à la notion de régulation, Thèse Paris X, 1999, 637 p.), que cette autorité administrative indépendante régule le secteur audiovisuel et recherche la conciliation entre :
- le pluralisme des médias (Ph. Marcangelo, Pluralisme et audiovisuel, LGDJ, 2004, 704 p.) qui est un objectif de valeur constitutionnelle (CC, 29 juillet 1986, « Entreprises de presse », n° 86‑210 DC) ;
- le droit de la concurrence dans la mesure où la concentration instaurée serait de nature à limiter ou fausser la liberté d’expression (Ibid) et le libre marché publicitaire (Article 42‑3 de la loi du 30 septembre 1986) ;
- l’intérêt du public qui recherche des programmes variés et de « qualité » (On relèvera que cette notion est éminemment subjective. Cf. F. Jost (s. dir.), Pour une télévision de qualité, INA, 2014, 278 p.) dont le contenu est notamment défini par une convention conclue avec l’État représenté par le CSA (Article 28 de la loi du 30 septembre 1986) ;
- des missions de police tendant à assurer la sauvegarde de l’ordre public (Article 17‑1 de la loi du 30 septembre 1986) ;
- des missions techniques afin de rationaliser l’usage des ressources dans les limites des compétences du Conseil (L’Agence nationale des fréquences et le Gouvernement disposent également de compétences normatives en la matière) ;
- des missions d’intérêt général définies par la loi.
C’est donc un équilibre subtil qui est opéré à chaque stade de l’action du CSA et cela est particulièrement sensible lorsqu’il y a utilisation de ressources hertziennes car celles-ci demeurent rares. C’est à ce titre, l’expérience passée n’étant pas exempte de critiques (Décret n° 87‑51 du 2 février 1987 portant résiliation du traité de concession conclu avec la société TV 6 pour l’exploitation de la 6e chaîne de télévision ; CE Ass., 6 février 1987, Société TV6, Rec. p. 29, concl. Fornacciari RFDA 1987 p. 29), que la procédure est devenue concurrentielle sous les auspices du droit communautaire (Directive n° 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques et directive n° 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques) et que les autorisations délivrées peuvent, dans une certaine mesure, être révoquées. Le législateur a alors prévu que ce retrait pourra être notamment opéré en cas de « modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement. » (Article 42‑3 de la loi du 30 septembre 1986).
Ceci est de nature à permettre au régulateur d’intervenir alors qu’il est totalement impuissant face aux opérations capitalistiques dont le contrôle relève normalement de l’Autorité de la concurrence (Articles L.430‑1 et s. du code de commerce) ou de la Commission européenne (Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises) suivant leur importance. C’est ainsi que les opérations capitalistiques relatives aux chaînes TMC et NT1 (CSA, Avis n° 2009-12 du 28 septembre 2009 relatif à la demande d’avis de l’Autorité de la concurrence portant sur l’acquisition des chaînes TMC et NT1 par le groupe TF1) puis Direct 8 et Direct star (CSA, décision du 18 septembre 2012 ; voir également : CE Ass., 23 décembre 2013, Société M6, n° 363.978) ont pu être réalisées au prix de quelques réserves, engagement et modifications de structures.
La jurisprudence du Conseil d’État a alors admis que lorsqu’une telle évolution se présente, le Conseil supérieur de l’audiovisuel pouvait s’y opposer s’abstenir de le faire ; c’est donc en réalité une véritable faculté d’agrément, tacite ou exprès, qui a été consacrée (CE Sect., 29 janvier 1993, Société NRJ, n° 121.953). On relèvera cependant que tout changement des formats et contenus des programmes télédiffusés ou même un changement de catégorie du service implique un réexamen entier de la part du CSA de l’autorisation mais cela ne peut justifier un retrait que si le pluralisme, l’intérêt du public ou un autre motif légal l’impose (CE, 26 mai 2010, Société Nextradio TV, n° 320.775).
C’est ici la transposition des raisonnements tenus dans le cadre de certains contrats de la commande publique ou d’autorisations administratives unilatérales qui s’opère. Ainsi, un droit exclusif (ou tout du moins « privilégié ») qui serait acquis à la suite d’une procédure concurrentielle ne peut être l’objet que de modifications mineures et limitées. A défaut, une nouvelle procédure concurrentielle est requise (CJUE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH, n° C‑454/06). Il convient de préciser que si l’autorisation prend la forme d’une décision unilatérale, celle-ci se prolonge par une « convention » qui en défini les modalités pratiques d’une manière extrêmement précise et détaillée (Articles 28 et s. de la loi du 30 septembre 1986).
Le choix du législateur a défini trois modèles de chaînes de télévision.
En premier lieu, certaines chaînes sont exclues du contrôle opéré par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et sous soumises à un régime d’exception. Tel est le cas de LCP-Assemblée nationale et Public Sénat qui sont en effet sous le contrôle direct des deux chambres (Articles 45‑1 et s. de la loi du 30 septembre 1986) ainsi que d’Arte qui se trouve contrôlée par ses seuls actionnaires que sont des entités publiques de droit français et allemand (Article 45 de la loi du 30 septembre 1986 ; Traité franco-allemand du 2 octobre 1990 instituant une chaîne culturelle européenne).
En deuxième lieu, il existe des chaînes qui sont fondées sur un accès gratuit du public et, en contrepartie, qui ont un financement qui s’opère par une voie tierce (subventions, dotations, publicité, promotion et parrainage, droits divers, etc.).
En troisième lieu, il existe des chaînes « payantes » pour lesquelles l’accès des usagers est conditionné à la souscription d’un abonnement à titre onéreux (Il peut exister des abonnements gratuits afin de limiter géographiquement l’accès des téléspectateurs, c’est notamment le cas de la TNT à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces services sont assimilés à des chaînes gratuites) quand bien même il pourrait exister des plages limitées de diffusions non cryptées (Si tel est le cas de la chaîne Canal +, la chaîne Paris première est également concernée à ce titre).
C’est donc, pour les chaînes qui candidatent auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel, un élément fondamental de leur projet que d’opter pour la diffusion « gratuite » ou « payante » qui se voulait définitive et porteuse d’un modèle économique librement choisi.
Toutefois, compte tenu de l’échec de la TNT payante (seul le groupe Canal + ayant des résultats financiers assurant sa survie à terme), le Parlement est intervenu pour modifier la législation afin de permettre le basculer d’un mode de diffusion vers l’autre tout en maintenant l’intervention du CSA (Il convient de préciser que le passage d’une chaîne gratuite en diffusion payante est prévue mais demeure, à ce jour, totalement théorique).
2°) Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut donc être désormais saisi d’une demande tendant à la modification du mode de rémunération des chaînes soumises à autorisation.
Son pouvoir d’appréciation doit alors se fonder sur l’impact qu’aurait ce changement sur le pluralisme des programmes, l’avenir économique de la chaîne concernée et l’incidence auprès du marché publicitaire si, le cas échéant, celui-ci est concerné (Un chaîne de télévision peut ne pas faire appel à de la publicité). Le Conseil d’État ne va cependant pas pousser le raisonnement plus loin, en en réservant ainsi l’examen au Conseil supérieur de l’audiovisuel et, le cas échéant, au jugement de recours ultérieurs par ses soins.
En effet, la procédure créée par le législateur prévoit la réalisation d’une « étude d’impact » qui est rendue publique (On notera à cet égard que cela se distingue de la solution de droit commun prévue par la loi n° 78‑753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif) afin que le CSA puisse apprécier les éventuels effets de sa décision (Sur les études d’impact normatives : cf. article 8 de la loi organique n° 2009‑403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34‑1, 39 et 44 de la Constitution). Or, le Conseil d’État a constaté que nul texte n’encadrait la réalisation et la diffusion de cette étude et, qu’en conséquence, il lui appartenait d’apprécier l’intention du législateur compte tenu de cette « lacune ».
Le Parlement souhaitait que les parties concernées (société requérante, autres opérateurs économiques, société civile, etc.) puissent éclairer le CSA et, en tant que de besoin, critiquer les options et résultats de l’étude rendue publique. Cela n’a pu avoir lieu dans le cas des chaînes LCI et Paris Première, l’étude n’ayant été rendue publique qu’avec la publication de la décision finale, et cela conformément aux règles de la loi du 17 juillet 1978 (Article 2 de la loi n° 78‑753 du 17 juillet 1978) qui n’impose pas la publicité d’un document lorsque la décision finale n’est pas adoptée (CE, 26 avril 1993, Ministre du Budget, Rec., p. 137).
Dégageant ainsi un effet utile à la loi, le Conseil d’État censure les deux décisions de refus sur ce moyen de pure procédure en écartant par là-même implicitement la mise en œuvre de la jurisprudence Danthony (CE Ass., 23 décembre 2011, Danthony, n° 335.033)) qui « neutralise » les vices procéduraux mineurs en particulier lorsque cela ne constitue pas une garantie dans la procédure administrative ce qui était le cas ici.
Il aurait donc fallu que le CSA, de lui même et en l’absence de tout texte en ce sens, procéda à la diffusion de cette étude en « temps utile » pour en permettre la discussion par les parties intéressées. On relèvera que cette discussion a néanmoins eu lieu devant le juge de l’excès de pouvoir dont l’office n’est pourtant pas des plus appropriés pour ce faire.
C’est donc une innovation importante, sur le plan des principes, mais d’une portée limitée en l’état de la jurisprudence administrative.
L’absence de texte réglementaire était de nature à faire échec à l’invocation de ce moyen et la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’État estime généralement qu’en ce cas, la disposition législative est inapplicable (Article 1er du code civil ; CE Ass, 2 novembre 1964, Dame veuve Renard, Rec. p. 590) et donc que le moyen est voué au rejet.
En innovant ainsi, le juge administratif suprême permet à l’administré de palier la carence de l’administration quant aux mesures d’exécution de la loi. C’est donc une garantie supplémentaire de l’État de droit qui s’opère dans la droite lignée de l’avancée théorique posée par la jurisprudence Dehaene (CE Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, Rec. p. 426) qui permet l’application d’une règle supérieure en l’absence de texte de mise en œuvre.
Néanmoins, sa portée demeure limitée sur un plan plus pratique car cela ne pourra s’opérer que dans les rares hypothèses où la finalité même de la procédure peut être déduite de la lettre du texte législatif ou, lorsque cela est possible, de l’intention même du législateur telle qu’exprimée par les travaux parlementaires. Si une telle hypothèse n’est pas purement théorique, il est vrai que la situation particulière du Conseil supérieur de l’audiovisuel n’est que très difficilement transposable à l’ensemble des autorités administratives.
Mais cette solution semble parfaitement topique à l’égard des autorités de régulation et de certaines autorités administratives indépendantes lorsqu’un texte prévoit des mesures similaires ce qui est loin d’être systématisé.
3°) Il était également invoqué comme moyen en défense, d’une manière plus originale et procéduralement habile, le fait que le Conseil supérieur de l’audiovisuel se trouvait ici en situation de « compétence liée » et ne pouvait que refuser l’autorisation de passage des deux chaînes de télévision vers une diffusion gratuite.
En effet, le droit administratif prévoit que lorsqu’une autorité est tenue d’adopter une décision dans un sens déterminé sans pouvoir porter une quelconque appréciation sur son bien-fondé, sa « compétence » se trouve liée ce qui implique, en tant que de besoin, l’inopérance des principaux moyens de légalité externe (CE, 3 février 1999, Montaignac, n° 149.722) et une absence d’alternative quant au fond de la décision à adopter.
Cette solution, extrêmement sévère pour l’administré et particulièrement favorable à l’administration (Une solution plus équilibrée, selon nous, serait de permettre l’invocation de tels moyens tout en conditionnant leur invocabilité à la lésion d’un droit subjectif, solution déjà admise pour le contentieux contractuel, ou à la mise en cause d’une garantie procédurale, solution également admise pour les actes unilatéraux), aurait pu justifier le rejet des requêtes sans que le juge de l’excès de pouvoir n’examine plus en avant le surplus des moyens.
Bien que cela puisse apparaître comme « étrange », l’administration est tenue d’écarter sur demande ou même d’office l’application d’un acte illégal (CE Sect., 14 novembre 1958, Ponard, n° 35.399 ; elle est même tenue de l’abroger). A défaut, les actes et actions pris en application de ce texte illégal seraient eux-mêmes illégaux et de nature à engager sa propre responsabilité (CE, 17 juillet 2009, Gerbault, n° 303.874).
Ce raisonnement –pourtant classique- met à mal la présomption de légalité des actes administratifs (CE Sect., 10 novembre 1944, Langneur, Rec. p. 288) et a été transposé aux actes normatifs non réglementaires.
Ainsi, l’administration est tenue, sous le contrôle du juge, d’écarter l’application de la loi lorsque celle-ci est contraire au droit international applicable en France (CE, 24 février 1999, Association de patients de la médecine d’orientation anthroposophique). Mais elle ne peut écarter l’application d’une loi qu’elle estimerait inconstitutionnelle ou d’un traité qui serait lui-même estimé inconstitutionnel : cette compétence n’appartient qu’au Conseil constitutionnel (CE Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, Rec. p. 369 ; Articles 54, 61 et 61‑1 de la Constitution). Demeure cependant réservée l’hypothèse où il serait invoqué l’inconstitutionnalité d’un acte de droit international dérivé ; dans le cadre de l’Union européenne une telle problématique est fondamentale et les cours constitutionnelles étrangères peuvent être amenées à en connaître même si c’est de manière résiduelle (Cour constitutionnelle italienne, 18 janvier 1990, n° 64) ou théorique (Cour constitutionnelle fédérale allemande, 22 octobre 1986, « Solange II » ; Cour constitutionnelle fédérale allemande, 30 juin 2009, « Traité de Lisbonne »).
Au cas présent, il était invoqué le fait que les dispositions de l’article 42‑3 de la loi du 30 septembre 1986 étaient contraires au droit communautaire.
Il est vrai que la directive du 7 mars 2002 (Directive n° 2002/20/CE précitée) prévoit que les autorisations de diffusion hertzienne d’un service de télévision font l’objet de procédures concurrentielles « ouvertes, objectives transparentes, non discriminatoires et proportionnées ». La filiation avec les directives régissant les contrats de la commande publique est patente au regard de leurs dispositions propres aux avenants.
Or, les autorisations délivrées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel au profit de LCI et Paris première ont, en droit interne, un objet double : autoriser l’usage du « domaine public hertzien » (Th. Pez, Le domaine public hertzien, LGDJ, 2011, 214 p.) et autoriser la diffusion d’un service de télévision comportant certaines obligations et charges. Toutefois, le droit communautaire est ici indépendant des qualifications nationales et, par voie de conséquence, cette subtilité est nécessairement inopérante alors qu’elle ne le serait pas forcément sur une stricte base de droit interne.
Pour écarter ce moyen, le juge administratif suprême a donc du rechercher si les dispositions législatives autorisant la demande d’une modification du mode de diffusion étaient, ou non, compatibles avec les dispositions de l’article 5 §2 de la directive du 7 mars 2002 combinées avec celle de l’article 4 de la directive du 16 septembre 2002 (Directive n° 2002/77/CE précitée).
Or le droit dérivé de l’Union prévoit que les États peuvent, à titre exceptionnel, ne pas recourir à une procédure concurrentielle conforme aux exigences européennes lorsqu’un objectif d’intérêt général est poursuivi et que ce dernier est conforme au droit communautaire.
C’est par ce biais que le Conseil d’État va répondre aux défendeurs en leur indiquant que la finalité de l’action du Conseil supérieur de l’audiovisuel est ici d’assurer le pluralisme et l’« intérêt du public ». En procédant ainsi, la disposition législative concernée se trouvait être –dans les circonstances de l’espèce- dépourvue d’incompatibilité avec le droit de l’Union dès lors que l’autorisation initiale avait été délivrée à la suite d’une procédure conforme au droit communautaire.
Sur un plan interne, il ne s’agit là que de la mise en œuvre, sur un plan contentieux et au regard de la hiérarchie des normes, du principe fondamental de l’action publique suivant lequel l’intérêt général est mouvant et que les personnes publiques doivent s’adapter en tant que de besoin (CE, 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli, concl. Romieu, Rec. p. 962).
Cependant, ce choix prétorien fait alors reposer sur le Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’appréciation d’un éventuel « but d’intérêt général » qui serait satisfait par le changement dans l’autorisation de diffusion des chaînes en question.
Or l’injonction de réexamen de la demande présentée par les sociétés LCI et Paris première impliquera nécessairement d’apprécier cela à la vue des observations et objections des tiers intéressés réagissant à l’« étude d’impact ». Il est donc plus que probable que le Conseil d’État soit de nouveau saisi…