1. Accéder en langue française à une autre culture juridique. – Pour s’initier au droit allemand, il faut franchir une triple barrière : celle de la langue, de la culture juridique et de la documentation.
De l’obstacle de la langue, on ne dira rien sauf que seule une minorité des étudiants des facultés de droit maîtrise la langue du principal pays partenaire de la France.
L’obstacle de la culture juridique est plus inattendu. On s’attend en effet à ce que le commun enracinement des droits français et allemand dans la grande famille des droits dits « romano-germaniques » permette un accès assez simple au droit du voisin. Or, il n’en est rien. Deux décennies de commerce juridique franco-allemand m’ont convaincu que la communication entre juristes allemands et français est rien moins qu’évidente et qu’il existe une profonde différence des cultures juridiques qui se superpose à celle des cultures nationales. Les passerelles purement linguistiques, du type glossaire ou enseignement de terminologie juridique se révèlent vite dérisoires, car des termes juridiques en principe semblables n’ont pas nécessairement le même contenu concret selon le système juridique dans lequel ils sont employés et il n’existe pas encore de voie rapide pour l’acquisition d’une compétence transculturelle entre le droit allemand et le droit français.
L’obstacle de la documentation est également gigantesque : combien de bibliothèques françaises disposent-elles des éditions récentes des manuels classiques de droit public allemand, d’édition à jour des textes législatifs ou d’une collection complète des recueils de jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale ou de la Cour fédérale administrative ?
La présente introduction au droit public allemand veut aider le lecteur à franchir cette triple barrière. Elle veut permettre à un juriste français disposant des connaissances de droit public français que l’on peut supposer acquises à la fin du DEUG, d’accéder directement en langue française au système de pensée d’un juriste de droit public allemand. En dépit de quelques clins d’oeil destinés à rassurer le juriste français, chacun des treize chapitres qui suivent a été écrit à la manière dont écrirait, penserait ou réagirait un juriste allemand. Tel est en tous cas le premier pari fait par l’auteur. Le second pari a été de privilégier systématiquement les références bibliographiques en langue française, en partant du postulat que ce sont à peu près les seules que le lecteur peut avoir à sa disposition avant d’aller séjourner dans une université allemande. En examinant les rubriques « pour aller plus loin » à la fin de chaque chapitre, on constatera qu’il existe un volume inattendu de références en langue française. C’est là un acquis que nous devons à l’oeuvre patiente de publicistes français depuis une trentaine d’années, au premier rang desquels le professeur Michel Fromont, avec son érudition et son travail inlassable et précieux. Sans ces acquis, qu’elle tente de valoriser en les capitalisant, la présente « introduction au droit public allemand » n’aurait pu conserver un format aussi limité.
Faut-il ajouter qu’un juriste français ne peut rédiger un tel ouvrage sans l’aide et les encouragements de multiples personnes. D’abord celle de mes collègues de Sarrebruck et d’autres membres de l’association des professeurs de droit public allemand. Ensuite celle de mes collaborateurs du Centre juridique franco-allemand et en particulier, dans les équipes récentes, Mesdames Cathaly-Stelkens, Genius-Devime, Glaab et Hopfner et Monsieur Volmerange, sans compter le travail de secrétariat de Mesdames Arweiler et Weber ; la plupart de ces collaborateurs et collaboratrices ont déjà procédé à diverses publications franco-allemandes, qui constituent autant de jalons sur la route qui a mené à cet ouvrage, et je leur exprime ici toute ma gratitude.
Pour aller plus loin
2.Bibliographie générale en langue française. – Le but du présent ouvrage étant d’abord de fournir un accès en langue française au droit public allemand indépendamment des connaissances linguistiques des lecteurs, nous mentionnons en premier lieu les ouvrages en langue française, en distinguant monographies, textes de lois et instruments linguistiques.
a/ Les monographies suivantes couvrent sinon l’ensemble du droit public allemand, du moins les champs du droit constitutionnel ou du droit administratif : O. Mayer, Le droit administratif allemand, avec une préface de H. Barthélémy, T. I, partie générale, Paris, Boucard, 1904 ; F. Fleiner, Les principes généraux du droit administratif allemand, trad. Ch. Eisenmann, Paris, Librairie Delagrave, 1933 (cité : Fleiner) ; E. Forsthoff, Traité de droit administratif allemand, trad. M. Fromont, Bruxelles, Bruylant 1969 (cité : Forsthoff) ; M. Fromont et A. Rieg A, Introduction au droit allemand, Paris, Cujas : T. I, les fondements, 1977 (cité Fromont/Rieg I) ; T. II, droit public, droit pénal, 1984 (cité : Fromont/Rieg II) ; T. III, droit privé, 1991 (cité : Fromont/Rieg) ; C. Grewe, Le système politique allemand, Paris, PUF, coll. « Que-sais-je ? » nº 2275 (cité : Grewe) ; K. König, H.-J. von Oertzen, F. Wagener, L’administration publique en République fédérale d’Allemagne, trad. Chr. Autexier, Paris, Economica, 1983 (cité : König et a.) [cet ouvrage a fait en quelque sorte l’objet d’une suite actualisée sous la dir. de K. König et H. Siedentopf, sous la forme d’un numéro thématique consacré à « L’administration allemande après la réunification », RFAP, nº 78/1996] ; H. Maurer, Droit administratif allemand, trad. M. Fromont, Paris, LGDJ/EJA, 1994 (cité : Maurer 1994) [cette traduction ne comportant que les 14 premiers chapitres des 30 que comporte l’édition allemande, celle-ci est citée également sur la base de sa 10ème éd., citée : Maurer 1995].
On ajoutera à cette liste les thèses suivantes ayant fait l’objet d’une publication : M. Fromont, La répartition des compétences entre les tribunaux civils et administratifs en droit allemand, Paris, LGDJ, 1960 ; Chr. Autexier, L’administration de l’enseignement en République fédérale d’Allemagne, Paris LGDJ 1975 ; C. Grewe, Le fédéralisme coopératif en République fédérale d`Allemagne, Paris, Economica, 1981 ; J.-Cl. Béguin, Le contrôle de la constitutionnalité des lois en République fédérale d’Allemagne, Paris, Economica 1982 ; O. Jouanjan, Le principe d’égalité devant la loi en droit allemand, Paris, Economica, 1992.
Dans une optique comparative, on trouve des renseignements intéressants sur le droit public allemand dans les ouvrages suivants : J. Ziller, Administrations comparées, Paris, Montchrestien 1993 ; J. Schwarze, Droit administratif européen, Bruxelles, Bruylant 1994 ; C. Grewe et H. Ruiz Fabri, Droits constitutionnels européens, Paris, PUF , cool. «droit fondamental», 1995.
On signalera également l’existence d’une série de fascicules de terminologie parfaitement conçus par l’Institut international de terminologie juridique et administrative (IITJA) et publiés irrégulièrement par C. Heymanns (Köln), notamment ceux consacrés au « droit administratif et à la procédure administrative » et à l' »organisation étatique et administrative ».
On n’oubliera pas de consulter les travaux d’A. Grosser et notamment : L’Allemagne de l’Occident (1945-1952), Paris, Gallimard, 1953 ; Administration et politique en Allemagne occidentale, Paris, Colin, 1954 ; Les relations internationales de l’Allemagne occidentale, Paris, Colin, 1956 ; La démocratie de Bonn : 1949-1957, Paris, Colin, 1958 ; L’Allemagne de notre temps, 1945-1970, Paris, Fayard, 1970 ; A. Grosser, La République fédérale d’Allemagne, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 5ème éd., 1974 ; L’Allemagne en Occident : la République Fédérale 40 ans après, Paris, Fayard, 1985 ; L’Allemagne élargie dans l’Europe élargie, Politique étrangère, 1991, p. 825.
b/ Lois et instruments linguistiques. La Loi fondamentale pour la République fédérale fait l’objet d’une traduction officielle régulièrement revue et corrigée par Chr. Autexier, J.-F. Flauss, M. Jouanjan. C. Grewe, O. Jouanjan, P. Koenig, Bonn, Office de presse et d’information du gouvernement fédéral, 1995. Cette traduction est reprise dans divers ouvrages en langue française : S. Rials et D. Baranger, Textes constitutionnels étrangers, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », nº 2060 ; F. Delpérée, M. Verdussen, K. Biver, Recueil des constitutions européennes, Bruxelles, Bruylant, 1994 ; H. Oberdorff, Les constitutions de l’Europe des Douze, Paris, La Documentation française, 1994 ; P. Pactet, Textes de droit constitutionnels, Paris, LGDJ, 1995. L’éditeur Inter Nationes (Bonn), proche du gouvernement fédéral, publie régulièrement des traductions françaises de lois allemandes : Loi sur les partis, Lois sur la radiodiffusion, lois électorales, Loi sur le statut de la magistrature, Lois sur la presse, Loi sur la procédure d’asile, Lois sur l’environnement.
Signalons enfin l’ouverture depuis l’automne 1996 sur internet du site BIJUS (Bourse d’Informations Juridiques de l’Université de la Sarre) consacré à l’information documentaire en langue française sur le droit allemand et en langue allemande sur le droit français, sous l’adresse http://www.jura.uni-sb.de/BIJUS. On y trouvera en ligne diverses sources du droit public allemand en version bilingue, notamment : La Loi fondamentale, La loi sur la juridiction administrative, La loi sur la procédure administrative, La constitution du Land de Sarre, ainsi que divers instruments bibliographiques.
3. Bibliographie minimale en langue allemande. – Pour démarrer une étude de droit allemand à partir d’une bibliothèque de droit allemand, on propose de partir des ouvrages standards suivants :
–en droit constitutionnel : C. Degenhart, Staatsrecht I (Staatszielbestimmungen, Staatsorgane, Staatsfunktionen), Heidelberg, C.F. Müller, 12e éd., 1996 ; K. Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, Heidelberg, C.F. Müller, 20e éd., 1995 ; B. Pieroth, B. Schlink, Grundrechte (Staatsrecht II), Heidelberg, C.F. Müller, 12e éd., 1996 ; M. Schweitzer, Staatsrecht, Völkerrecht, Europarecht, Heidelberg, C.F. Müller, 5e éd., 1995. On y adjoindra le commentaire suivant (feuillets mobiles) : T. Maunz, G. Dürig, Grundgesetz Kommentar, München, C.H. Beck.
–en droit administratif : H.W. Erichsen, Allgemeines Verwaltungsrecht, Berlin, New York, de Gruyter, 10e éd., 1995 ; H. Maurer, Allgemeines Verwaltungsrecht, München, C.H. Beck, 10e éd., 1995 ; W. Schmitt Glaeser, Verwaltungsprozeßrecht, Stuttgart, Boorberg, 13e éd., 1994 ; H.J. Wolff, O. Bachof, R. Stober, Verwaltungsrecht I, München, C.H. Beck, 10e éd., 1994. On y adjoindra les commentaires suivants : F. Kopp, Verwaltungsgerichtsordnung, München, C.H. Beck, 10e éd., 1994 ; F. Kopp, Verwaltungsverfahrensgesetz, München, C.H. Beck, 6e éd., 1996 ; P. Stelkens, H.J. Bonk, M. Sachs, K. Leonhardt, Verwaltungsverfahrensgesetz, München, C.H. Beck, 4e éd., 1993.
–Les principaux recueils de lois (actualisation par feuillets mobiles) sont : Schönfelder, Deutsche Gesetze – Sammlung des Zivil-, Straf- und Verfahrensrechts, München, C.H. Beck, 90e mise à jour, 1997 ; C. Sartorius, Verfassungs- und Verwaltungsgesetze der Bundesrepublik Deutschland (Bd I), München, C.H. Beck, 53e mise à jour, 1997.
4. Précisions terminologiques. –
.Nous suivons fidèlement dans le texte les conventions de traduction des dénominations des juridictions allemandes, telles qu’elles ont été établies il y a 25 ans par les ministères fédéraux de la justice et des affaires étrangères. Même si ces traductions officielles sont à certains égard discutables, il est recommandé de s’y tenir pour éviter tout risque de « babélisation », générateur d’incertitudes.
.Les lecteurs français doivent savoir qu’il est d’usage dans la doctrine allemande de citer une disposition législative par l’ensemble des numéros de l’article (ou §), de l’alinéa et de la phrase, très souvent en alternant chiffres romains et arabes. Ainsi, § 48 II 3 nº 1 VvVfG renvoit au paragraphe 48, alinéa 2, 3ème phrase, nº 1 de la loi sur la procédure administrative non contentieuse de la Fédération (Verwaltungsverfahrensgesetz). Cette pratique est respectée dans le présent ouvrage.