56. Le troisième pouvoir. – L’article 92 LF confie aux juges le pouvoir de rendre la justice selon le § 1er de la loi sur les juges (Deutsches Richtergesetz, DRiG) ; il faut entendre par là aussi bien magistrats de carrière que juges non-professionnels. La Loi fondamentale ne définit pas plus précisément ce qu’est le troisième pouvoir qu’elle évoque pourtant également en ses articles 1 III et 20 III. Ce pouvoir de rendre la justice est confié à des juridictions fédérales et à des juridictions des Länder. Le même article 92 LF dispose ensuite que ce pouvoir est exercé par la Cour constitutionnelle fédérale, par les cours fédérales prévues par la Loi fondamentale et par les tribunaux des Länder.
Tandis que la Cour constitutionnelle fédérale occupe une position particulière, tout comme les juridictions constitutionnelles des Länder non-évoquées par la constitution fédérale, les autres juridictions sont regroupées pour l’essentiel en cinq branches rattachées aux cinq cours suprêmes fédérales énumérées à l’article 95 LF.
Les dénominations des juridictions allemandes ont fait l’objet en 1974 de conventions de traduction en langues française, anglaise et espagnole, établies par le ministère des affaires extérieures en collaboration avec le ministère fédéral de la justice. Quelque discutables que puissent être certaines traductions, il paraît impératif de s’y conformer, comme l’on fait depuis l’origine MM. Fromont et Rieg, ou le service de presse et d’information du gouvernement fédéral, afin d’éviter dans la littérature de langue française sur le droit allemand toute cacophonie génératrice d’imprécisions et d’incertitudes.
Section I – L’organisation générale de la justice
I | Les cinq ordres de juridiction
57. La structure générale. – Dans les domaines de la juridiction ordinaire, de la juridiction administrative, de la juridiction financière, de la juridiction du travail et de la juridiction sociale, les cinq cours suprêmes sont la Cour fédérale de justice, la Cour fédérale administrative, la Cour fédérale des finances, la Cour fédérale du travail et la Cour fédérale du contentieux social (art. 95 I LF). Ces cinq ordres de juridiction se répartissent en fait en deux grandes familles : celle du droit privé (juridiction ordinaire et juridiction du travail) et celle du droit public, qui connaissent du contentieux de droit public non-constitutionnel (juridictions administrative, fiscale, du contentieux social).
Ces cinq ordres de juridiction sont globalement organisés sur trois degrés, les deux premiers (première instance et appel) étant des juridictions de Land, le troisième étant constitué de la Cour suprême fédérale, instance de révision assurant l’unité d’interprétation du droit. A l’intérieur de chaque Cour suprême, une chambre plénière assure l’unité de jurisprudence entre les différentes chambres. Entre les diverses Cours suprêmes, il avait été initialement prévu de régler les divergences de jurisprudence au fond par une Cour fédérale ; du fait du petit nombre de cas, elle a été remplacée depuis 1968 par une chambre commune aux cinq Cours suprêmes. Le mécanisme de règlement des conflits de compétence est exposé dans les développements relatifs au contentieux administratif (voir nº 317).
L’article 96 LF permet d’organiser sous forme de tribunaux fédéraux un tribunal des brevets (Patentgericht), relevant en révision de la Cour fédérale de justice, et des tribunaux disciplinaires pour les fonctionnaires publics et les militaires, qui relèvent en révision de la Cour fédérale administrative. Il n’a pas été fait usage de l’habilitation de l’article 96 II LF de créer des tribunaux pénaux militaires exerçant leur juridiction à l’égard des membres des forces armées opérant à l’étranger ou embarqués à bord de navires de guerre ainsi qu’en cas d’état de défense.
A / La juridiction ordinaire et la juridiction du travail
58. La juridiction ordinaire. – La compétence de la juridiction ordinaire couvre les litiges de droit civil et de droit pénal de droit commun, c’est-à-dire ne relevant pas de la compétence administrative ou de juridictions spécialisées (§ 13 GVG). L’organisation de la juridiction ordinaire fait intervenir trois types de tribunaux au niveau des Länder et la Cour fédérale de justice.
Les sept cent dix-huit tribunaux cantonaux (Amtsgericht) fonctionnent au civil sur le principe du juge unique et au pénal sur celui de l’échevinage (un magistrat et deux juges non-professionnels). Ils sont compétents pour les litiges dont la valeur n’excède pas 10000 DM et indépendamment de leur valeur pour les autres litiges prévus aux §§ 23 et 23a GVG. Au pénal, leur compétence est nettement plus étendue que les tribunaux français de police, et comprend en particulier les litiges pour lesquels il n’y a pas lieu de s’attendre à une peine supérieure à quatre ans de privation de liberté ou au placement de l’inculpé en hôpital psychiatrique (§ 24 GVG). Les jugements des tribunaux cantonaux sont susceptibles d’appel devant le tribunal régional. La révision n’est généralement pas prévue en matière civile ; elle est possible devant le tribunal régional supérieur en matière pénale.
Les cent seize tribunaux régionaux (Landgericht) fonctionnent en sections spécialisées en matière civile ou pénale. Les sections civiles sont composées de trois juges, sauf renvoi à un juge unique. Les sections pénales comportent soit un juge et deux échevins (petite section pénale), soit trois juges et deux échevins (grande section pénale et Cour d’assises) ; il peut exister des sections à compétences particulières : sûreté de l’Etat, criminalité économique, mineurs, affaires commerciales, etc. Les sections civiles sont compétentes en première instance pour les litiges énumérés au § 71 GVG. Elles sont également juridiction d’appel et de pourvoi pour les tribunaux cantonaux (§ 72 GVG). Leurs décisions civiles de première instance sont susceptibles d’appel devant les tribunaux régionaux supérieurs. La section pénale se prononce en première instance dans les matières énumérées aux §§ 74 I, 74a et s. GVG. Elle se prononce également en appel sur les décisions rendues par les tribunaux cantonaux (§ 74 II GVG) ; les décisions d’appel sont susceptibles d’un recours en révision devant le tribunal régional supérieur. Les décisions des sections pénales rendues en première instance ne peuvent faire l’objet d’un appel ; seul un recours en révision est possible devant la Cour fédérale de justice.
Les vingt-quatre tribunaux régionaux supérieurs (Oberlandesgericht, Kammergericht [B], également Bayerisches Oberstes Landesgericht [BYL]) ont des compétences comparables à celles des cours d’appel françaises en matière civile. Ses chambres sont composées de trois juges, sauf la chambre pénale de première instance pour les délits concernant la sûreté de l’Etat (cinq juges). Le système de l’échevinage n’est plus pratiqué à partir de ce niveau. En matière pénale, les tribunaux régionaux supérieurs sont essentiellement instance de révision.
La Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof, BGH) a son siège à Karlsruhe ; elle est composée de douze chambres civiles et de cinq chambres spécialisées, par exemple pour les avocats ou les notaires, ainsi que d’une chambre civile plénière, d’une chambre pénale plénière et d’une chambre réunie. En matière civile, elle est essentiellement compétente pour les recours en révision (§ 133 GVG) ; en matière pénale, elle intervient également essentiellement en révision (détails : § 135 GVG). Les chambres plénières et la chambre réunie contribuent à l’unité de la jurisprudence de la Cour ou à l’établissement de décisions de principe (§ 132 GVG).
59. La juridiction du travail. – Entièrement séparée depuis 1953 de la juridiction ordinaire, la juridiction du travail est organisée en trois degrés : cent vingt-trois tribunaux du travail (Arbeitsgericht: 1 magistrat, 2 juges non-professionnels représentant travailleurs et employeurs), dix-neuf tribunaux supérieurs du travail (Landesarbeitsgericht) également organisés sur le mode de l’échevinage, comme la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht, BAG), dont le siège est à Cassel et doit être transféré à Erfurt.
La juridiction du travail est compétente pour les litiges liés à la relation de travail salarié, aux litiges relatifs à la liberté syndicale, aux conventions collectives et aux conflits collectifs, aux litiges relevant de la loi sur l’organisation des entreprises et à la cogestion (dans le secteur public, les litiges relatifs à la représentation du personnel relèvent de la juridiction administrative).
B / Les juridictions de nature administrative
La famille des juridictions appliquant le droit public comprend la juridiction administrative générale et deux juridictions administratives spéciales, la juridiction sociale et la juridiction financière.
60. La juridiction administrative générale. – La juridiction administrative générale fait l’objet de la loi sur la juridiction administrative du 21 janvier 1960 (Verwaltungsgerichtsordnung, VwGO). Elle est organisée en cinquante-deux tribunaux administratifs, seize tribunaux administratifs supérieurs et la Cour fédérale administrative dont le siège est à Berlin et doit être transféré à Leipzig. Ces tribunaux statuent sur tous les litiges de droit public qui ne sont pas de nature constitutionnelle, dans la mesure où la connaissance de ces litiges n’est pas attribuée à une autre juridiction par une loi fédérale ou par une loi du Land (§ 40 I VwGO, cf. nº 316).
Les tribunaux administratifs (Verwaltungsgericht) sont organisés en sections statuant à effectif de trois magistrats et deux juges non-professionnels (§ 5 VwGO) sauf transmission du litige à un juge unique lorsque l’affaire ne présente pas de difficultés particulières, ni en fait, ni en droit, et n’a pas de portée de principe (§ 6 VwGO). Ils statuent en première instance, sauf attribution de cette compétence aux tribunaux administratifs supérieurs ou à la Cour fédérale administrative (§ 45 VwGO).
Les tribunaux administratifs supérieurs (Oberverwaltungsgericht ; dans les trois Länder de BWL, BYL et HEL : Verwaltungsgerichtshof) sont organisés en chambres statuant à effectif de trois juges, complétés dans certains Länder par deux juges non-professionnels (cinq+deux dans les affaires du § 48 I VwGO). Ils sont fondamentalement juges de seconde instance des appels et pourvois contre les jugements et autres décisions du tribunal administratif (§ 46 VwGO), dans la mesure où ils autorisent l’appel (nouveau § 124 I VwGO). Ils sont compétents en première instance pour le contrôle abstrait de certaines normes infra-législatives (§ 47 I VwGO ; voir nº 356), de litiges de natures diverses portant pour l’essentiel sur des grands projets (installations nucléaires, centrales thermiques, traitements des déchets, lignes à haute tension, etc. : § 48 VwGO), remembrement (§ 190 VwGO), etc ; dans ce cas, il n’y a pas d’appel, mais seulement une possibilité de révision (si celle-ci est autorisée : § 132 I VwGO).
La Cour fédérale administrative (Bundesverwaltungsgericht, BVerwG) avait été créée par une loi spécifique du 23 septembre 1952. Ses chambres statuent à effectif de cinq juges (§ 10 VwGO). Elle connaît des recours en révision contre les jugements des tribunaux administratifs supérieurs, ainsi que de différents pourvois (§§ 99 II, 133 I VwGO ; § 17a IV 4 GVG) ; la révision doit être autorisée par le juge du fond ou la Cour fédérale administrative (§ 132 I VwGO). La Cour fédérale administrative statue également en première et dernière instance sur les litiges prévus par le § 50 VwGO (par exemple : litiges de droit public non constitutionnels opposant des Länder entre eux ou à la Fédération, ou litiges relatifs à l’interdiction d’associations) ou par d’autres dispositions législatives fédérales.
61. La juridiction du contentieux social. – Egalement organisée en trois instances (69 tribunaux, 16 tribunaux supérieurs et une Cour fédérale siègeant à Cassel) par la loi du 3 septembre 1953 sur les juridictions sociales (Sozialgerichtsgesetz, SGG cette juridiction statue sur les litiges relatifs aux assurances sociales, à l’aide à l’emploi, à l’aide aux victimes de guerre, aux litiges entre médecins, dentistes et caisses, etc. Les tribunaux du contentieux social (Sozialgericht) sont organisés en sections composées d’un magistrat et de deux juges non-professionnels ; en appel, les tribunaux supérieurs du contentieux social (Landessozialgericht) sont composés de chambres composées elles-mêmes de trois magistrats et deux juges non professionnels. Créée en 1954, la Cour fédérale du contentieux social (Bundessozialgericht, BSG) constitue la juridiction de révision ; elle est également compétente en première et dernière instance pour les affaires de contentieux social opposant des Länder entre eux ou à la Fédération et comporte quatorze chambres composées de trois magistrats et deux juges non professionnels.
62. La juridiction fiscale. – La loi du 6 octobre 1965 sur la juridiction fiscale (Finanzgerichtsordnung, FGO) organise celle-ci sur deux instances. Les dix-neuf tribunaux des finances (Finanzgericht, FG) sont des juridictions supérieures des Länder qui statuent en chambre de trois magistrats et deux juges non-professionnel, sauf renvoi à un juge unique. La Cour fédérale des finances (Bundesfinanzhof, BFH) a son siège à Munich ; créée par une loi du 29 juin 1950, elle a pris la succession de l’ancienne Cour des finances d’Empire, instituée en 1918. Ses onze chambres sont composées de cinq magistrats. La Cour n’a aucune compétence de première instance et ne connaît que des recours en révision des jugements des tribunaux des finances.
II | La justice constitutionnelle
63. Justice constitutionnelle de la Fédération et justice constitutionnelle des Länder. – La Loi fondamentale ne mentionne que la Cour constitutionnelle fédérale, cour de la Fédération, autonome et indépendante vis-à-vis de tous les autres organes constitutionnels (§ 1 I BVerfGG). Elle assure le respect de la Loi fondamentale dans les cas et conditions prévues par celle-ci. Le contrôle du respect des constitutions des Länder ne peut être confié qu’à des organes des Länder. Les juridictions constitutionnelles des Länder sont naturellement autonomes. Elles coexistent avec la Cour constitutionnelle fédérale, sans lui être subordonnées (BVerfGE 60, 175 [209] II) :
-il est de la nature d’un Etat fédéral que justice constitutionnelle de Land et justice constitutionnelle fédérale évoluent dans des domaines différents (BVerfGE 10, 285 [293] II) ;
-la norme de référence du contrôle de la Cour constitutionnelle fédérale est la Loi fondamentale, celle des juridictions constitutionnelles des Länder la constitution du Land (BVerfGE 6, 376 [382] II) ;
-la Cour constitutionnelle fédérale ne constitue pas un degré de juridiction supérieur à celui des juridictions constitutionnelles des Länder (BVerfGE 6, 445 [449] II) ;
-les juridictions constitutionnelles des Länder sont maîtresses de leurs procédures (BVerfGE 60, 175 [213] II).
Ce n’est que par exception qu’il peut arriver que la Cour constitutionnelle fédérale soit amenée à faire usage du droit constitutionnel d’un Land, lorsqu’aucune autre voie de droit ne permet de régler un litige entre organes d’un Land (art. 93 I nº 4 LF) ou lorsque la constitution d’un Land a confié compétence à la Cour constitutionnelle fédérale pour certaines catégories de litiges (art. 99 LF ; ex.: SH). Il peut aussi arriver qu’une juridiction constitutionnelle de Land soit amenée à tenir compte de la Loi fondamentale et de son interprétation par la Cour constitutionnelle fédérale, lorsque certains principes fédéraux ne peuvent être ignorés pour l’interprétation d’une constitution de Land (ex. : art. 21, 28 LF) ou lorsque la Loi fondamentale fixe les limites de l’autonomie des Länder (BVerfGE 60, 175, [206 et s.] II). Dans ces cas, l’article 100 III LF impose un recours préjudiciel destiné à éviter les divergences d’interprétation.
64. La spécificité de la tâche de la justice constitutionnelle. – Gardienne de la constitution (Hüter der Verfassung), pour reprendre une expression classique, la juridiction constitutionnelle est confrontée en permanence aux limites du contrôle qu’elle peut exercer sur la manière dont les autres organes de l’Etat font usage du texte constitutionnel. D’où l’importance attachée à ses méthodes et principes d’interprétation. Il n’est pas possible de rendre compte ici de l’ensemble des constructions utilisées par la Cour constitutionnelle fédérale et des réflexions de la doctrine ; les quelques éléments qui suivent ne peuvent donner qu’une impression rapide, imparfaite et subjective.
-La Cour constitutionnelle fédérale considère la Loi fondamentale comme une norme dont l’interprétation, la concrétisation (Konkretisierung) requiert, au-delà des règles traditionnelles, une conscience très grande des problèmes sous-jacents et des enjeux concrets actuels (solution du cas d’espèce) et futurs. Ainsi, l’annulation d’une loi manifestement inconstitutionnelle, qui devrait logiquement remonter à la date d’apparition de l’incompatibilité, peut être repoussée dans l’avenir si l’annulation immédiate devait créer une situation encore plus incompatible avec la constitution : d’où certaines décisions qui constatent l’inconstitutionnalité d’une loi, mais laissent celle-ci encore produire des effets jusqu’à une date fixée par la Cour de manière à permettre raisonnablement au législateur d’adopter une loi conforme à la constitution (ex. : BVerfGE 61, 319 [356] I).
-L’ordre constitutionnel forme un ensemble unique d’éléments interdépendants. Chacun des éléments doit toujours être replacé dans le contexte de la totalité de la constitution (Einheit der Verfassung) de manière à éviter des contradictions internes. Même si la Loi fondamentale suggère que certains de ses éléments sont plus fondamentaux que d’autres (primat de la dignité de l’être humain, stabilité des principes mis hors de la portée du pouvoir constituant dérivé, existence d’un ordre constitutionnel libéral et démocratique, …), il serait simpliste d’en tirer la conclusion qu’il existe plusieurs niveaux à l’intérieur de l’étage constitutionnel de la hiérarchie des normes et, pourquoi pas, des normes constitutionnelles inconstitutionnelles ; il est remarquable que tout en mettant en valeur ces éléments centraux, la Cour n’a jamais esquissé de hiérarchie abstraite, mais au contraire toujours cherché, dans chaque situation particulière, à dépasser les contradictions qu’elle repérait, non en pesant les valeurs, mais en opérant une conciliation pragmatique, tendant à donner à chacun des éléments apparemment contradictoires, son efficacité optimale en l’espèce. Cette démarche est exprimée par l’expression de « concordance concrète » (praktische Konkordanz), vulgarisée par l’ancien juge constitutionnel Konrad Hesse.
-Le juge constitutionnel n’est que juge constitutionnel et n’a pas à effectuer des choix qui relèvent de la compétence des autres organes de l’Etat. A l’égard de la loi, ce self-restraint entraîne qu’une loi ne doit pas être déclarée inconstitutionnelle si elle est susceptible d’une interprétation compatible (verfassungskonforme Auslegung) avec la constitution, soit par l’indication des interprétations conformes à la constitution d’un texte susceptible de plusieurs interprétations, dont certaines inconstitutionnelles (ex. : BVerfGE 11, 168 [190] I), soit par la conservation dans la loi en cause et sans sortir de la lettre du texte, du maximum de ce que le législateur a entendu y inscrire (ex. : BVerfGE 8, 28 [34] I). A l’égard des juridictions, la Cour constitutionnelle a posé les deux caractéristiques essentielles de son contrôle de la constitutionnalité des décisions des tribunaux dans l’affaire Lüth/Harlan (BVerfGE 7, 198 [207] I) : d’une part, l’interprétation des lois par les tribunaux ne peut ignorer l’existence de l’ordre constitutionnel caractérisé par l’énoncé de droits fondamentaux appelés à irradier (Ausstrahlungswirkung, voir nº 111) dans tout le système juridique, et donc en l’espèce dans l’interprétation d’une règle de droit civil ; d’autre part, la mission constitutionnelle des cinq juridictions suprêmes est d’assurer l’interprétation des règles qu’elles appliquent ; la Cour constitutionnelle fédérale peut donc seulement déclarer l’inconstitutionnalité d’une de leurs interprétations au motif qu’elle ne tient pas compte d’un droit fondamental qui irradie en la matière (Verletzung spezifischen Verfassungsrechts), mais sans jamais imposer elle-même une interprétation particulière ; en d’autres termes, la Cour constitutionnelle fédérale n’est pas une quatrième instance, de super-révision, au dessus des cinq cours suprêmes (« keine Revisions- oder gar «Superrevisions»-Instanz » [ibid.].
Section II – La Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht, BVerfG)
65. Les sources. – La Cour constitutionnelle fédérale a été créée par une loi du 12 mars 1951 (Bundesverfassungsgerichtsgesetz, BVerfGG) qui a mis en oeuvre les articles 93 II et 94 II 1 LF et fixé son siège à Karlsruhe. Ses principaux fondements constitutionnels sont les articles 92 à 94, 99, 100, 115g et 115h LF. La loi du 12 mars 1951 a fait l’objet de diverses traductions en langue française, la dernière correspondant au texte ayant fait l’objet d’une publication actualisée le 11 août 1993 (BGBl. I, p. 1473). En application du § 1 III BVerfGG, la Cour s’est également dotée d’un règlement intérieur adopté par son assemblée plénière.
L’ensemble de la jurisprudence des chambres de la Cour recouvre près d’une centaine de volumes du recueil des décisions de la Cour (Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts, BVerfGE) dont, à défaut de traduction, le lecteur francophone peut suivre les grandes lignes dans la chronique régulière de M. Fromont à la Revue du droit public. Ces décisions de la Cour sont habituellement citées sans référence de date, ni même souvent d’allusion à l’objet, par la simple mention du tome et de la page où commence le texte de la décision, plus récemment suivi de la mention de la chambre. Ainsi, la décision rendue par la seconde chambre le 12 octobre 1993 à propos de la constitutionnalité du traité de Maastricht sera citée : BVerfGE 89, 155 II (tome 89, page 155 et s., II° chambre) ; les développements des pages 210 et suivantes de la même décision relatifs au principe de subsidiarité seront cités : BVerfGE 89, 155 [210 et s.] II.
I | Organisation et procédure
66. Les formations. – La Cour constitutionnelle est composée de deux chambres (Senat) composées chacune de huit juges, présidées l’une par le président de la Cour, l’autre par son vice-président (§§ 9 I, 15 I BVerfGG). Les compétences sont réparties entre les deux chambres par le § 14 de la loi, la première étant plutôt spécialisée dans les litiges relatifs aux droit fondamentaux, la seconde dans les litiges de droit public. Cette répartition peut être modifiée par l’Assemblée plénière de la Cour pour rééquilibrer la charge de travail entre les deux chambres ; une telle révision est intervenue le 15 novembre 1993. Une commission de six membres (3+3) répartit les affaires dans les cas douteux (§ 14 V BVerfGG).
Composée des seize juges, l’Assemblé plénière (Plenum) de la Cour intervient notamment pour prévenir les divergences de jurisprudence au fond entre les deux chambres (§ 16 I BVerfGG). Le cas ne s’est produit que deux fois depuis la première réunion de la Cour en septembre 1951.
Chaque chambre constitue en son sein des sections (Kammer) de trois juges. Ces sections, qui ont remplacé depuis 1986 les « commissions à trois » (Dreierausschuß), opèrent le filtrage des recours constitutionnels (§§ 93b – 93d BVerfGG) et des renvois des tribunaux en contrôle concret de la constitutionnalité des normes (§ 81a BVerfGG).
67. Les juges. – Les juges de chaque chambre de la Cour constitutionnelle fédérale sont élus pour moitié par le Bundestag et le Bundesrat (art. 94 I 2 LF, § 5 I BVerfGG). Les juges doivent être âgés de quarante ans au moins, être titulaires de l’aptitude à exercer la fonction de juge, c’est-à-dire avoir accompli des études juridiques complètes sanctionnées par le deuxième examen d’Etat, et satisfaire aux conditions d’éligibilité au Bundestag. Ce souci de la recherche de la qualité et de l’expérience juridiques des membres de la Cour transparaît également dans la règle imposant que trois juges de chaque chambre soient issus des cinq Cours suprêmes de la Fédération (art. 94 I LF, § 2 III BVerfGG). Les juges de la Cour ne peuvent appartenir aux organes suprêmes législatifs ou exécutifs de la Fédération et des Länder, ni exercer aucune activité professionnelle autre que celle de professeur de droit dans une université allemande. La durée des fonctions est de douze années, sans possibilité de réélection ; en tout état de cause, la limite d’âge est fixée à soixante-huit ans. Pour le reste, leur statut, et en particulier les garanties d’indépendance, sont ceux de tout juge allemand.
L’élection des juges par le Bundesrat s’effectue directement, aux deux-tiers des voix du Bundesrat. L’élection des juges par le Bundestag est réalisée par un comité électoral de 12 membres élus à la représentation proportionnelle (système d’Hondt) sur la base de listes présentées par les groupes parlementaires ; pour être élu par ce comité électoral, un juge doit obtenir au moins huit voix. Cette existence de majorités des deux-tiers ne découle pas de la Loi fondamentale, mais de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale ; elle contraint les grands groupes parlementaires à la recherche d’un consensus, mais peut être génératrice de rigidités, l’élection d’un nouveau juge pouvant par exemple être bloquée jusqu’au prononcé de la décision dans des affaires délicates en cours (exemple observé au moins dans les juridictions constitutionnelles des Länder).
68. Les principes généraux de la procédure. – Le contentieux constitutionnel est régi par des principes très semblables à ceux du contentieux administratif (cf. chap. 13). Il en est ainsi de la maxime de disposition (Verfügungsgrundsatz nº 319) qui donne au requérant ou aux parties la possibilité de fixer l’objet de la procédure, sauf pour les litiges à caractère purement objectif comme les litiges entre organes ou le contrôle abstrait des normes, où l’intérêt public peut commander la poursuite du procès malgré le retrait de la requête. Le caractère inquisitoire de la procédure (Untersuchungsgrundsatz, cf. nº 320) est prévu par le § 26 I 1 BVerfGG qui fait obligation à la Cour de prendre toutes les dispositions nécessaires à l’établissement de la vérité, c’est-à-dire les données de fait. Le § 25 I BVerfGG pose le principe selon lequel la Cour se prononce sur la base d’une audience orale (Mündlichkeitsgrundsatz, cf. nº 322), sauf renonciation des parties ou disposition contraire ; les exceptions sont fréquentes en pratique. Particularité terminologique qui n’est d’ailleurs pas propre à la justice constitutionnelle, le § 25 BVerfGG distingue les décisions rendues sur la base d’une audience orale et appelées « jugement » (Urteil) des « arrêts » (Beschluß) rendus sans audience orale. Parmi les autres caractéristiques procédurales, on notera le principe de publicité des débats (Öffentlichkeitsgrundsatz, cf. nº 322, § 17 BVerfGG, § 169 GVG) ainsi que le droit des parties intéressées de consulter le dossier.
Le délibéré est secret (§ 30 BVerfGG). Les décisions sont prises à la majorité simple des juges présents, avec un quorum de six juges par chambre ; en cas d’égalité des voix, la requête est rejetée. Dans certaines procédures, la majorité requise est des deux-tiers des membres de la chambre. La décision est motivée et signée par les juges y ayant participé. A la différence de ce qui se passe devant les cinq ordres de juridictions, le contentieux constitutionnel permet non seulement d’indiquer le rapport des voix, mais aussi à chaque juge de consigner dans une opinion dissidente la position qu’il a soutenue au délibéré et qui diverge de la décision ou de sa motivation (§ 30 II BVerfGG).
Les décisions de la Cour constitutionnelle fédérale s’imposent à tous les organes constitutionnels de la Fédération et des Länder ainsi qu’à tous les tribunaux et autorités administratives (§ 31 I BVerfGG). L’autorité de la décision couvre son dispositif (Tenor) et les motifs déterminants de la décision (tragende Entscheidungsgründe, BVerfGE 19, 377 [392] I). S’agissant de la procédure de contrôle abstrait des normes et de quelques autres procédures mentionnées au § 31 II BVerfGG, les décisions de la Cour ont force de loi.
II | Les catégories de contentieux devant la Cour constitutionnelle fédérale
69. Le principe de la compétence énumérative. – Il découle de l’article 93 LF que la Cour constitutionnelle fédérale n’est compétente que dans les cas explicitement mentionnés à cet article, dans les autres cas prévus par la Loi fondamentale ainsi que dans les cas où une loi fédérale lui attribue compétence. Le § 13 BVerfGG énumère l’ensemble en seize points. On retrouve l’ensemble de ces points dans la nomenclature des dossiers de la Cour, qui présente de surcroît l’avantage de faire apparaître le numéro de la chambre compétente :
2 BvA :Déchéance de droits fondamentaux (art. 18 LF) ;
2 BvB :Inconstitutionnalité de partis politiques (art. 21 II LF) ;
2 BvC :Contrôle des vérifications des pouvoirs des membres du Bundestag (art. 41 LF) ;
2 BvD :Mise en accusation du président fédéral (art. 61 LF) ;
2 BvE :Litiges constitutionnels entre organes fédéraux (art. 93 I nº 1 LF) ;
1 BvF, 2 BvF :Contrôle abstrait des normes (art. 93 I nº 2 LF) ;
2 BvG :Litiges entre Fédération et Länder (art. 93 I nº 3, 84 IV 2 LF) ;
2 BvH :Litiges de droit public, compétence résiduelle (art. 93 I nº 4 LF) ;
2 BvJ :Violation de l’ordre constitutionnel par un juge (art. 98 II et V LF) ;
2 BvK :Litiges constitutionnels à l’intérieur d’un Land lorsque la loi de Land prévoit la compétence de la Cour constitutionnelle fédérale (art. 99 LF) ;
1 BvL, 2 BvL :Contrôle concret des normes (art. 100 I LF) ;
2 BvM :Effet direct d’une règle générale du droit international public sur les droits et obligations des individus (art. 100 II LF) ;
2 BvN :Renvoi d’un tribunal constitutionnel de Land en vue de maintenir l’unité de la jurisprudence constitutionnelle (art. 100 III LF) ;
2 BvO :Qualité de droit fédéral de normes antérieures à la Loi fondamentale (art. 126 LF) ;
2 BvP :Autres cas de compétence attribués par une Loi fédérale (art. 93 II LF) ;
1 BvQ, 2 BvQ : Ordonnances de référé (§ 32 BVerfGG) ;
1 BvR, 2 BvR :Recours constitutionnels des personnes (§ 93 I nº 4a LF) et des collectivités locales (§ 93 I nº 4b LF) ;
2 BvT :Autres procédures.
L’Assemblée plénière est compétente pour relever de ses fonctions un juge de la Cour (PBvS, § 105 BVerfGG) et pour prévenir les divergences de jurisprudence au fond entre les deux chambres (PBvU, § 16 I BVerfGG).
70. Les conflits interorganes (Organstreitverfahren). – L’article 93 I nº 1 LF permet à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de la Loi fondamentale à propos de litiges portant sur l’étendue des droits et obligations constitutionnels d’un organe fédéral suprême (président fédéral, Bundestag, Bundesrat, gouvernement fédéral, etc.) ou d’autres parties investies de droits propres par la Loi fondamentale ou le règlement intérieur d’un organe fédéral suprême, par ex. : un groupe parlementaire, une commission parlementaire, un ministre, le chancelier fédéral, un député (s’agissant de droits touchant à son statut, BVerfGE 10, 4 [10] II) ; par une compréhension peut-être excessive du rôle des partis, la Cour a également admis la recevabilité de recours de partis politiques, ou de fédérations de partis au niveau des Länder (BVerfGE 67, 65 [69] II).
Il s’agit d’une procédure de nature contradictoire (BVerfGE 2, 143 [151 et s.] II), dans laquelle un organe demandeur se plaint d’une violation ou d’une menace directe de ses droits et obligations constitutionnels par une mesure positive ou une omission de la partie adverse. La requête doit être introduite dans les six mois à partir du moment où le requérant a pris connaissance de la mesure contestée ou de l’omission. Le § 65 BVerfGG permet à d’autres organes ou parties de ceux-ci d’intervenir à l’instance aux côtés du requérant ou du défendeur, à tous les stades de la procédure, si l’enjeu du litige a également des effets sur leur propre situation juridique.
Sur le fond, la Cour constitutionnelle fédérale ne peut que constater si la mesure contestée ou l’omission viole bien la Loi fondamentale et les droits du requérant. Ainsi, si la mesure contestée consiste en l’adoption d’une loi, la procédure de conflit interorgane ne peut déboucher que sur la constatation de l’inexistence de la loi (BVerfGE 20, 119 [129] II).
La procédure du conflit interorgane a été engagée plus d’une centaine de fois et a conduit jusqu’en 1995 à 53 décisions de grande portée politique, soit qu’il s’agisse de protéger les droits d’une minorité parlementaire (participation à une commission : BVerfGE 80, 188 II ; financement des partis : BVerfGE 85, 264 II), soit qu’il s’agisse des prérogatives financières du Bundestag (BVerfGE 45, 1 II), ou encore des droits des commissions d’enquête (BVerfGE 67, 100 II ; 71, 299 II). Parmi les litiges politiquement brûlants, on peut citer ceux relatifs à l’aménagement de la clause des 5% et des apparentements pour les premières élections législatives après la réunification (BVerfGE 82, 322 II), au stationnement des fusées Pershing à charge nucléaire sur le territoire allemand (BVerfGE 68, 1 II) ou plus récemment les décisions relatives à la participation de forces allemandes aux opérations de l’ONU en en Adriatique (AWACS) et en Somalie (BVerfGE 90, 286 II).
71. Les conflits liés à la structure fédérale (föderative Streitigkeiten). – Ces litiges sont envisagés au § 93 I nº 3 et 4 LF. Ils opposent toujours les Länder entre eux ou à la Fédération, au sujet de leurs droits et obligations respectifs, et particulièrement au sujet de la répartition des compétences. Le requérant et la partie adverse ne peuvent être que le gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder, éventuellement des organes suprêmes du Land ou des parties de ces organes investis de droits propres par la constitution du Land ou le règlement intérieur d’un organe suprême de Land dans le cas du nº 4.
Ces litiges correspondent à la transposition dans les relations Bund/Länder des litiges interorganes, comme le confirment les renvois opérés par les §§ 69 et 71 II BVerfGG. Parmi les quarante huit décisions de ce type rendues jusqu’à la fin de l’année 1995, on relèvera notamment celles ayant porté
-sur la nature de la souveraineté respective de la Fédération et des Länder (BVerfGE 1, 14 II, restructuration des Länder du sud-ouest) ;
-sur le respect du concordat de 1933 par les Länder (BVerfGE 6, 309 II, concordat) ;
-sur l’organisation de consultations communales en matière de défense (BVerfGE 8, 122 II, referendum local) ;
-sur la création d’un émetteur de télévision privé par la Fédération (BVerfGE 12, 205 II, première décision sur l’audiovisuel) ;
-sur l’obligation pour la Fédération de procéder à une restructuration des Länder (BVerfGE 13, 54 II, restructuration demandée par la Hesse).
Ces litiges sont moins fréquents aujourd’hui, les Länder préférant recourir à d’autres procédures, comme celle du contrôle abstrait des normes, non soumises à l’impératif du délai de recours de six mois et débouchant sur une décision ayant force de loi.
Parmi les litiges du nº 4, on soulignera ceux pour lesquels la compétence de la Cour constitutionnelle est ouverte à titre subsidiaire pour les litiges constitutionnels entre organes d’un Land, lorsque le droit du Land n’ouvre pas d’autres voies de droit, moins pour leur faible importance pratique (cf. BVerfGE 27, 240 II) que par l’esprit de systématicité du contrôle dont témoigne cette disposition.
72. Le contrôle abstrait des normes (abstrakte Normenkontrolle). – Aux termes de l’article 93 I nº 2 LF, la Cour constitutionnelle fédérale se prononce en dehors de tout litige concret sur la compatibilité formelle et matérielle, soit du droit fédéral ou du droit de Land avec la Loi fondamentale, soit du droit de Land avec toute autre règle du droit fédéral (voir aussi §§ 76 et s. BVerfGG).
Dans cette procédure objective, la saisine est exclusivement réservée au gouvernement fédéral, aux gouvernements des Länder ou à un tiers au moins des députés au Bundestag (BVerfGE 21, 52 [53] I). La requête est recevable dans la mesure où il existe un intérêt objectif particulier à la constatation que la norme en cause est ou n’est pas valide (BVerfGE 6, 104 [110] II) ; il n’est pas nécessaire que l’auteur de la saisine fasse également état d’un intérêt à la protection de droits subjectifs (BVerfGE 52, 63 [80] II). La norme objet du contrôle peut-être toute règle existante promulguée, même non encore entrée en vigueur : loi, règlement étatique (Verordnung), règlement corporatif (Satzung). Il peut s’agir également de normes antérieures à la Loi fondamentale (BVerfGE 2, 124 [131] I) ou de lois abrogées, mais déployant encore des effets (BVerfGE 5, 25 [28] I).
Sur le fond, la Cour vérifie la compatibilité de la norme contestée avec la norme supérieure de référence. En cas d’incompatibilité, elle déclare l’inexistence ab initio de la norme (§ 78 1 BVerfGG) ; par suite, tous les jugements, règlements et actes administratifs fondés sur la norme annulée se retrouvent dénués de fondement. Le § 79 BVerfGG règle une partie des problèmes découlant de cette situation, en particulier pour les jugements ayant acquis force de chose jugée en matière pénale. Les autres décisions définitives ne sont pas atteintes, mais deviennent insusceptibles d’exécution. Le risque de désordre provoqué par de telles annulations a conduit la Cour à adopter diverses stratégies d’évitement. La plus simple est celle de l’interprétation compatible : « Lorsqu’une norme est contraire à la constitution quelle que soit l’interprétation qui en est donnée, elle est inconstitutionnelle. Si une norme est susceptible d’interprétations diverses, les unes inconstitutionnelles, les autres susceptibles de conduire à un résultat compatible avec la constitution, alors la norme est constitutionnelle (BVerfGE 19, 1 [5] I). Une autre possibilité est de limiter la décision de la Cour à une simple constation d’inconstitutionnalité, lorsque la situation provoquée par l’annulation serait encore plus contraire à la constitution que le maintien provisoire des effets d’une situation inconstitutionnelle (BVerfGE 61, 319 [356] I) ; il incombe alors au législateur de prendre les dispositions nécessaires pour sortir de cette situation, dans un délai qu’il arrive à la Cour de fixer elle-même.
Ce mécanisme de contrôle abstrait des normes appelle deux observations complémentaires :
-lorsque la norme contrôlée est une loi tendant à l’approbation d’un traité (art. 59 II LF), le contrôle abstrait est ouvert dès avant sa signature par le président de la Fédération, après son adoption par le parlement (BVerfGE 1, 396 [413] I) ;
-la loi constitutionnelle du 27 octobre 1994 a introduit sous sa forme d’un nº 2a à l’article 93 I LF, la possibilité d’une vérification dans le cadre du contrôle abstrait et à la demande du Bundesrat, d’un gouvernement de Land ou du parlement d’un Land, de la satisfaction d’une norme aux conditions de l’article 72 II LF : il s’agit d’un mécanisme « anti-cliquet », permettant la constatation du retour dans le champ de la compétence législative des Länder de matières ayant fait antérieurement l’objet d’une loi fédérale au titre de la compétence législative concurrente, dès lors que sont disparues les conditions qui avaient justifié l’exercice de la compétence législative par la Fédération.
Soixante et onze décisions ont été rendues par la Cour jusqu’en 1995 au titre du contrôle abstrait des normes. Parmi les plus importantes, celle sur la constitutionnalité de la loi portant l’approbation du traité du 21 décembre 1972 entre la République fédérale et la RDA, portant sur les fondements des relations entre les deux Etats allemands (BVerfGE 36, 1 II), celles du 31 octobre 1990 sur la participation des étrangers aux élections locales au Schleswig-Holstein (BVerfGE 83, 37 II) et à Hambourg (BVerfGE 83, 60 II), puis celle du 28 mai 1993 sur la décriminalisation de l’interruption volontaire de grossesse au cours des douze premières semaines (BVerfGE 88, 203, II).
73. Le contrôle concret des normes (konkrete Normenkontrolle). – Lorsqu’un tribunal estime qu’une loi dont la validité conditionne sa décision est inconstitutionnelle, il doit surseoir à statuer et soumettre la question de constitutionnalité à la décision du tribunal compétent pour les litiges constitutionnels du Land s’il s’agit de la violation d’une constitution d’un Land, à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale s’il s’agit de la violation de la Loi fondamentale. Il en est de même s’agissant d’une violation de la Loi fondamentale par le droit d’un Land ou de l’incompatibilité d’une loi de Land avec une loi fédérale. Le renvoi préjudiciel ainsi prévu à l’article 100 LF a été à l’origine de près de 3.000 saisines de la Cour jusqu’à la fin de l’année 1995, ayant débouché sur 973 décisions dont plus de 300 annulations.
La procédure de contrôle concret des normes constitue une exception au principe de plénitude de juridiction des juges des cinq ordres de juridiction, exception justifiée par le rang accordé à l’expression en forme législative de la volonté des représentants du peuple ; elle assure « l’autorité du législateur sur le juge et l’unité de jurisprudence en matière constitutionnelle » (BVerfGE 6, 55 [63] I). Si donc un juge éprouve un doute sur la constitutionnalité d’une loi dont dépend la solution du procès, il doit d’abord vérifier si une autre interprétation de la loi n’échappe pas au grief d’inconstitutionnalité (BVerfGE 22, 373 [377 et s.] II) ; si cela n’est pas possible, alors le juge doit poser à la Cour constitutionnelle la question de constitutionnalité. S’il n’opère pas cet examen, il peut s’exposer au grief de violation d’un droit fondamental (BVerfGE 66, 313 [319] II). La décision de renvoi doit préciser dans quelle mesure la décision du tribunal dépend de la validité de la règle de droit et avec quelle règle de niveau supérieur elle est incompatible. Le dossier doit être joint (§ 80 I BVerfGG). La Cour ne répond qu’à la question de compatibilité, sans se prononcer sur le litige initial. La sanction de la non compatibilité est ici encore l’inexistence de la norme. Le contrôle n’est ouvert qu’à l’encontre de lois formelles (BVerfGE 1, 184 [189] I) postérieures à la Loi fondamentale (BVerfGE 2, 124 [128] I) ou délibérément validées par le législateur post-constitutionnel (BVerfGE 6, 55 [65] I ; il peut porter sur les lois d’approbation de traités internationaux, y compris les lois d’approbation des traités européens, mais non sur le texte des traités ou le droit dérivé (BVerfGE 73, 339 [374] II, « Solange II »).
Les alinéas II et III de l’article 100 LF règlent deux cas particuliers de contrôle concret des normes. Le premier concerne les interrogations sur l’effet direct avec valeur supra-légale d’une règle générale de droit international public sur les droits et obligations des habitants du territoire fédéral (cf. art. 25 LF) ; le second tend à protéger préventivement, à l’initiative des juridictions constitutionnelles des Länder, l’unité des jurisprudences constitutionnelles de la Fédération et des Länder.
Parmi les grandes décisions rendues en application de l’article 100 I LF, on mentionnera celles portant sur : le numerus clausus à l’accès à l’Université (BVerfGE 33, 303 I), la détention criminelle à perpétuité (BVerfGE 45, 187 I), le divorce après trois années de rupture de la vie commune (BVerfGE 53, 224 I), l’égalité des conjoints dans la transmission du nom (BVerfGE 84, 9 I) et l’allocation de chômage des concubins (BVerfGE 87, 234 I).
74. Le recours constitutionnel (Verfassungsbeschwerde). – La République fédérale fait partie du groupe des pays européens qui connaissent la possibilité d’un recours direct de l’individu devant la juridiction constitutionnelle pour faire protéger ses droits fondamentaux et droits assimilés. L’article 93 I nº 4a LF ouvre ce recours à « quiconque estime avoir été lésé par la puissance publique dans l’un de ses droits fondamentaux ou dans l’un de ses droits garantis par les articles 20 IV, 33, 38, 101, 103 et 104 LF ».
Symboles de l’effectivité de la protection des droits fondamentaux, bien que n’étant pas considérés comme un recours au sens de l’article 19 IV LF (cf. nº 315), les recours constitutionnels constituent environ 96 % des saisines de la Cour. Leur popularité (plus de 100.000 saisines) est favorisée par la dispense du ministère d’avocat et l’absence de frais de justice ; la contrepartie inévitable en est la mise en place d’un filtrage extrêmement sévère, puisque moins de 3 % des saisines aboutissent à un résultat favorable, en sorte que la fonction réelle du recours est aujourd’hui tout autant de servir à l’éclaircissement d’une question de constitutionnalité que de protéger les droits fondamentaux individuels. Une illustration saisissante en a été fournie par exemple par le recours exercé par un professeur de droit public contre la loi d’approbation du traité de Maastricht : il s’agissait manifestement moins de protéger les droits que le requérant tire d’une exégèse extensive de l’article 38 de la Loi fondamentale que de mettre en valeur les zones de friction entre le traité et le l’ordre constitutionnel allemand, afin de bloquer éventuellement la ratification allemande.
Le recours constitutionnel est ouvert à toute personne, qui peut alléguer de la violation d’un des droits mentionnés à l’article 93 I nº 4a LF. Pour les personnes physiques, il est donc nécessaire d’être compris dans le cercle des destinataires du droit fondamental (toute personne / tout Allemand) ; pour les personnes morales, l’invocabilité du droit en cause s’apprécie selon la règle générale de l’article 19 III LF (cf. infra, chap. 5) ; sauf exception, il ne peut s’agir de personnes morales de droit public.
L’acte attaqué peut-être tout acte de la puissance publique allemande, et donc tout acte d’une autorité législative, exécutive ou juridictionnelle, sous quelque forme qu’il se présente et sous réserve des autres conditions de recevabilité. Il ne peut s’agir d’un acte d’une autorité étrangère. S’agissant d’actes des organisations internationales, la Cour a toujours refusé d’en contrôler directement la constitutionnalité, sauf à apprécier celle d’une mesure nationale d’application par une autorité allemande qui, dédoublement fonctionnel ou pas, reste personellement tenue de respecter l’ordre constitutionnel dans son intégralité (BVerfGE 58, 1 [30 et s.] II, Eurocontrol). Dans sa décision Maastricht du 12 octobre 1993, la Cour s’est toutefois explicitement écartée de sa jurisprudence Eurocontrol, en précisant que sa protection des droits fondamentaux ne s’exercera plus seulement à l’égard des actes de la puissance publique allemande, pour éventuellement s’étendre à ceux des organes d’une organisation supra-nationale ayant excédé les compétences fondées dans un traité ratifié de par la volonté des représentants du peuple allemand (BVerfGE 89, 155 [175] II, Maastricht) ; ceci dit, la Cour n’a pu préciser quel type de saisine prévu par la constitution lui permettrait d’étendre ainsi le champ des actes contrôlés.
La recevabilité du recours constitutionnel est encore liée à trois autres conditions :
-condition de l’existence d’une atteinte « personnelle, actuelle et immédiate » (BVerfGE 64, 301 [319], II, jurispr. constante). Il s’agit comme pour les autres recours d’éviter la possibilité d’une actio popularis (BVerfGE 49, 1 [8] II). Le caractère actuel est traditionnellement mis en opposition avec les qualificatifs « virtuel » et « futur » (BVerfGE 60, 360 [371 et s.] I). Le caractère immédiat devrait permettre d’éviter qu’un recours soit exercé avant que le requérant soit touché par une décision individuelle ; il est désormais souvent absorbé par la condition selon laquelle le recours présente un caractère subsidiaire ;
-condition de délai et de motivation : un mois en principe (§ 93 BVerfGG) ;
-condition d’épuisement des voies de recours : sauf exception (inconvénient grave et inévitable,…), le recours constitutionnel ne peut être introduit qu’après épuisement de la voie judiciaire (§ 90 II BVerfGG). La Cour elle-même parle du « caractère subsidiaire » du recours (BVerfGE 22, 287 [290] I).
L’efficacité du recours constitutionnel a conduit à mettre en place un système de filtrage par les sections de trois membres (Kammer) institutionnalisées en 1986. En pratique (§§ 93a à 93d BVerfGG), les recours arrivant à la Cour font l’objet d’un premier examen par les services de la Cour, qui en écartent à ce stade environ la moitié. La décision d’admettre un recours pour décision incombe à la chambre : elle est acquise si au moins trois juges de la chambre l’approuvent. La chambre doit admettre les recours revétant un caractère de principe et ceux pour lesquels l’exercice du recours paraît indiqué (angezeigt) pour la défense des droits en cause et en particulier lorsque le refus de décision au fond causerait un préjudice particulièrement grave au requérant. L’action de filtrage par les sections peut se manifester de deux manières :
-ou bien la section unanime estime que les conditions d’admission du recours ne sont pas remplies : elle le constate par une décision inattaquable et non motivée ;
-ou bien la section unanime estime que le recours est manifestement fondé : sauf s’il s’agit de décisions ayant vocation à avoir force de loi, la section peut y faire droit directement par une décision ayant la même force qu’une décision de la chambre.
Dans son examen au fond sur un recours constitutionnel, la Cour examine la réalité de la violation des dispositions constitutionnelles en cause. S’il est fait droit au recours, la décision précise quelle disposition de la Loi fondamentale a été violée et par quelle action ou omission de la puissance publique allemande ; la Cour peut également décider que toute répétition de la mesure viole la Loi fondamentale. Dans le cas d’une décision judiciaire inconstitutionnelle, la Cour constitutionnelle fédérale l’abroge et renvoie au tribunal compétent. Dans le cas de l’inconstitutionnalité d’une loi, celle-ci est inexistante. Il en est de même de la loi dont l’inconstitutionnalité est à la base de celle d’une décision de justice (§ 95 BVerfGG).
75. Les autres procédures devant la Cour constitutionnelle fédérale. – On mentionnera brièvement, sans pouvoir les développer, quelques unes des autres procédures prévues par la Loi fondamentale :
-Déchéance de certaines droits fondamentaux pour usage de ceux-ci en vue de combattre l’ordre constitutionnel, libéral et démocratique (art. 18 LF) : aucune déchéance n’a jamais été prononcée dans les quatre cas où la Cour a été saisie.
-Interdictions de partis politiques qui, d’après leurs buts ou le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, à le renverser ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne (art. 21 II LF) : sur cinq procédures introduites, deux ont débouché sur des interdictions en 1952 (parti socialiste du Reich, S.R.P. : BVerfGE 2, 1 I) et en 1956 (parti communiste d’Allemagne, K.P.D. : BVerfGE 5,85 I ; la reconstitution de celui-ci sous le nom de D.K.P. n’a pas été interdite).
-Contrôle des élections : le Bundestag assure lui-même le contrôle de la régularité du mandat de ses membres, un recours contre la décision du Bundestag étant ouvert devant la Cour (art. 41 I LF).
-Mise en accusation du président fédéral (§ 61 LF) ou d’un juge (art. 98 II-V LF).
-Recours constitutionnel spécifique des collectivités locales pour violation de la garantie constitutionnelle de libre administration (art. 93 I nº 4b LF).
Pour aller plus loin
76. Sur l’organisation générale de la justice. – Il existe de nombreux travaux en langue française sur la justice constitutionnelle allemande et sur la Cour constitutionnelle fédérale. Le meilleur accès reste Fromont/Rieg I : La justice, p. 95-148, qui contient aussi une présentation des personnels participant à l’administration de la justice. L’organisation juridictionnelle allemande fait l’objet de la première partie de l’ouvrage de M. Fromont, La répartition des compétences entre les tribunaux civils et administratifs en droit allemand, Paris, LGDJ, 1960. Dans le chapitre préliminaire du manuel de Cl. Witz, Droit privé allemand, Paris, Litec 1994, on trouve aussi des enseignements actualisés sur l’organisation judiciaire (p. 72-78).
Voir également : S. Franke-Griecksch, La position et les devoirs du juge dans la République fédérale d’Allemagne, Rev. internat. dr. pén., 1975, p. 99 ; H. Salger, La Cour fédérale de justice de la République fédérale d’Allemagne, RIDC, 1978, p. 311 ; H. Jung, La participation des citoyens à l’administration de la justice pénale en droit comparé, Rev. science crim., 1986, p. 799 ; P. Huenerfeld, Les rapports entre l’organisation judiciaire et la procédure pénale en République fédérale d’Allemagne, Rev. internat. dr. pén., 1989, p. 993 ; F. Ferrand, Cassation française et révision allemande, Th. Lyon III (droit), 2 Tomes, 1990 ; H. Siedentopf, Administration et fonctionnement de la justice allemande, AEAP, XIV-1991, p. 143 ; J.-F. Staats, La gestion de la justice en Allemagne, RFAP, 1991, p. 117 ; M. Le Friant, Le traitement du contentieux social en Allemagne, Dr. soc., 1993, p. 496 ; Sénat – Division des études de législation comparée, Les prestations de l’aide juridique, Les documents de travail du Sénat, n° LC 1, avril 1995, p. 15 ; C. Degandt, Justice allemande et unification, Th. Lille II (droit), 1996 ; A. Rieg, Les juges non-professionnels en Allemagne, Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p. 421 ; Sénat – Division des études de législation comparée, La participation des citoyens aux décisions des tribunaux criminels, Les documents de travail du Sénat, n° LC 13, février 1996, p. 7 ; Sénat, division des études de législation comparée, Le recrutement des jurés, Les documents de travail du Sénat, série législation comparée, n° LC 14, mars 1996, p. 7.
77. La Cour constitutionnelle fédérale – ses attributions. – La traduction de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale vient d’être republiée par un éditeur proche des ministères fédéraux : Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale, Textes de lois, Bonn, Inter Nationes, 1996. Pour le reste, voir : W. J. Habscheid, Le tribunal constitutionnel fédéral de la République fédérale d’Allemagne, gardien de la Constitution et garant des droits fondamentaux, GP2.557 ; P. Padis, Chronique d’information des Cours constitutionnelles, GP 1974.2.669 ; K. Schlaich, Procédures et techniques de protection des droits fondamentaux, RIDC, 1981, p. 335 ; P. Koenig, Le contrôle de constitutionnalité en France et en République fédérale d’Allemagne, Le contrôle de constitutionnalité en France et en République fédérale d’Allemagne, Köln, Berlin, München, Carl Heymanns Verlag, «Annales Universitatis Saraviensis», Band 115, 1985, p. 1 ; L. Favoreu, Les Cours constitutionnelles, Paris, PUF, «Que sais-je ?» nº 2293 ; W. Zeidler, Cour constitutionnelle fédérale allemande, AIJC, II-1986, p. 37 ; C. Grewe, Subjectivité et objectivité dans le contentieux de la Cour de Karlsruhe, Droits, 1989, p. 131 ; Chr. Autexier, Le contrôle concret de constitutionnalité des normes en RFA, La réforme de la saisine du Conseil constitutionnel, dossier nº 3, Aix en Provence, GERJC, 1990, p. 5 ; Chr. Autexier, L’exception d’inconstitutionnalité en droit allemand, RFDC, 1990, p. 672 ; M. Fromont, Suisse, Autriche, République fédérale d’Allemagne, Cahiers constitutionnels de Paris I, L’exception d’inconstitutionnalité, Paris, Les éditions STH, 1990, p. 13 ; D. Katzenstein, L’accès direct à la protection : techniques et résultats en Allemagne, Actes du 3ème colloque international d’Aix-en Provence : cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux (nouveau bilan 1981-1991), GERJC, 1991 ; E. Orban, La Cour constitutionnelle fédérale et l’autonomie des Länder en République fédérale d’Allemagne, Fédéralisme et cours suprêmes, Bruxelles, Bruylant et Presses de l’université de Montréal, 1991, p. 137 ; M. Fromont, Méthodes de travail des juridictions constitutionnelles, AIJC, VIII-1992, p. 163.
Voir en outre les chroniques de M. Fromont à la RDP : 1970, p. 1353, Modification de l’art. 93 LF (Constitutionnalisation du recours constitutionnel) ; 1972, p. 1412, La loi du 21 déc. 1970 relative au tribunal constitutionnel fédéral ; 1984, p. 1555 (1592), Le droit processuel [importance croissante des décisions des commissions de la Cour, décisions de sursis à exécution] ; 1987, p. 1200, La loi du 12 déc. 1985 relative à la CCF ; 1989, p. 92, renouvellement partiel ; 1992, p. 1044, renouvellement partiel ; 1995, p. 324, cinquième loi modifiant la loi sur la CCF, les cours constitutionnelles des nouveaux Länder ; voir également les chroniques annuelles de M. Fromont et O. Jouanjan à l’annuaire international de justice constitutionnelle.
A titre purement illustratif, on a sélectionnné quelques exemples de contentieux :
. BVerfGE 8, 104, consultations populaires (Pouv., 1982, n° 22, p. 138, note J.-C. Béguin) [organisation de consultations populaires dans les Länder SPD sur l’équipement en armes nucléaires (ex. de conflit lié à la structure fédérale)] ;
. BVerfGE 86, 15 (AIJC, VIII-1992, p. 317, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [Irrecevabilité d’un recours individuel en l’absence de jurisprudence bien établie des tribunaux non-constitutionnels (pas d’épuisement des voies de recours) – expropriations dans la zone d’occupation soviétique] ;
. Cour constitutionnelle de Berlin, 12 janv. 1993 (RDP, 1995, p. 336, chron M. Fromont) [procès Honecker, application d’une règle de la LF par une Cour constitutionnelle de Land] ;
. BVerfGE 91, 70 ; 91, 226 ; 91, 252 (AIJC, X-1994, p. 731, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [exemples d’ordonnances de référé] ;
. BVerfGE 90, 286, AWACS (AFDI, 1993, p. 451, Chr. Tomuschat ; AIJC, X-1994, p. 736, chron. M. Fromont et O. Jouanjan ; RFDC, 1994, p. 859, H. Rabault ; RGDIP, 1994, p. 954 ; AFDI, 1994, p. 371, Chr. Tomuschat) [exemple de conflit interorganes] ;
. Cour constitutionnelle de Saxe, 21 sept. 1995 (AIJC, XI-1995, p. 960, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [décision de saisine de la CCF : l’art. 31 LF s’oppose-t-il à ce que le juge constitutionnel d’un Land contrôle le respect de la constitution de son Land par l’acte d’une autorité du Land lorsque celui-ci applique une loi fédérale ?].
78. La Cour constitutionnelle fédérale – ses méthodes. – Deux thèses illustrent particulièrement les méthodes de raisonnement de la Cour constitutionnelle : J.-C. Béguin, Le contrôle de la constitutionnalité des lois en République fédérale d’Allemagne, Paris, Economica, 1982 ; O. Jouanjan, Le principe d’égalité devant la loi en droit allemand, Paris, Economica, 1992. On consultera également : M. Fromont, Le juge constitutionnel, , 1982, n° 22, p. 41 ; M. Fromont, La Cour constitutionnelle fédérale et le droit, Droits, 1990, p. 119 ; A. Kimmel, Une crise de la Cour constitutionnelle fédérale ?, Pouv., 1996, nº 79, p. 147.
a/ L’interprétation compatible :
. BVerfGE 33, 52 (RDP, 1975, p. 150, chron. M. Fromont) [importation de films étrangers susceptibles de servir de matériel de propagande contre l’ordre démocratique] ;
. BVerfGE 40, 88 (RDP, 1977, p. 364, chron. M. Fromont) [effet d’une décision de la CCF à l’égard des autres juridictions] ;
. BVerfGE 54, 277 (RDP, 1982, p. 1067, chron. M. Fromont) [réforme de la recevabilité du pourvoi en cassation] ;
. BVerfGE 69, 315, Brokdorf (RDP, 1987, p. 1209, chron. M. Fromont) [liberté de manifestation, intervention de la police, non-déclaration, dispersion] ;
b/ Etendue du contrôle :
. BVerfGE 50, 290 (RDP, 1981, p. 364 et s., chron. M. Fromont) [cogestion, technique de contrôle des lois à la constitution, contrôle de l’exactitude des prévisions relatives aux effets attendus de la loi] ;
c/ L’autorité des décisions de la Cour constitutionnelle fédérale :
. BVerfGE 39, 169 (RDP, 1977, p. 363, chron. M. Fromont) [autorité des décisions de la Cour constitutionnelle fédérale, précédents, nouvelles circonstances de fait et de droit] ;
. BVerfG 16 nov. 1992 (2 esp.) (AIJC, VIII-1992, p. 316, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [compte-tenu de l’évolution de situation, la loi interdisant le travail de nuit des femmes est-elle toujours constitutionnelle ? irrecevabilité de la demande] ;
d/ Effets des décisions de la Cour constitutionnelle fédérale :
. BVerfGE 36, 1 (RDP, 1975, p. 116, chron. M. Fromont) [traité sur les bases des relations entre la RFA et la RFA, directives pour sa mise en oeuvre] ;
. BVerfGE 40, 246 (RDP, 1977, p. 361, chron M. Fromont) [imposabilité de l’indemnité parlementaire] ;
. BVerfGE 55, 100 (RDP, 1982, p. 1070, chron. M. Fromont) [effets de la déclaration d’inconstitutionnalité] ;
. BVerfGE 86, 382 (AIJC, VIII-1992, p. 317, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [délai laissé au législateur pour corriger une loi inconstitutionnelle].
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