Entretien avec Luc Fohal
Directeur des dispositifs ordinaires en emploi et formation des personnes handicapées, AVIQ
Luc Fohal est directeur de l’Emploi et la Formation à l’Agence pour une VIe de Qualité (AVIQ), agence wallonne de protection sociale et familiale qui intervient notamment pour la question de l’emploi des personnes en situation de handicap. En synergie avec des acteurs volontaires et impliqués dans le processus, l’AVIQ œuvre à l’insertion en valorisant les compétences des personnes concernées et en encourageant les entreprises à ajuster l’environnement de travail afin que la personne puisse être productive.
L’auteur répond à une série de questions, portant notamment sur les différents acteurs mobilisés pour l’insertion des travailleurs en situation de handicap. Il défend ici une vision du monde de l’emploi « Design for all » où les « conditions normales » de travail doivent être ajustées de sorte qu’elles profiteront aussi aux personnes en situation de handicap.
Luc Fohal ist Direktor für Beschäftigung und Ausbildung bei der Agence pour une Vie de Qualité (AVIQ). Diese wallonische Sozial- und Familienschutzagentur befasst sich insbesondere mit dem Thema der Beschäftigung von Menschen mit Behinderung. In Zusammenarbeit mit beteiligten freiwilligen Akteuren arbeitet die AVIQ auf die Integration hin, indem sie die Fähigkeiten der Betroffenen fördert und Unternehmen dazu anregt, das Arbeitsumfeld so anzupassen, dass die Person entsprechend produktiv sein kann.
Der Autor beantwortet eine Reihe von Fragen, insbesondere zu den verschiedenen Akteuren, die sich für die Integration von Arbeitnehmern mit Behinderung einsetzen. Er setzt sich für eine Arbeitswelt im Sinne des „Design for all“ ein, in der „normale Bedingungen“ so gestaltet werden müssen, dass sie auch Menschen mit Behinderung zugutekommen.
M. Fohal, sous quel angle connaissez-vous les problématiques d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ?
Je ne suis pas juriste, je ne suis pas non plus un spécialiste des nouvelles technologies. Par contre, je crois un petit peu connaître les questions liées à l’emploi des personnes handicapées puisque cela fait 35 ans que je travaille dans le secteur et que j’ai donc acquis quelques points de repères. Je travaille à l’AVIQ, l’agence wallonne de la protection sociale, des familles et du handicap. L’acronyme serait tout-à-fait imprononçable, donc nos dirigeants ont décidé d’appeler ça l’Agence pour une VIe de Qualité. Par rapport à ce qu’on essaie de faire et par rapport aux deux-trois mots que je dirai maintenant sur l’importance des situations de travail et de leur amélioration, je pense que c’est relativement un bon choix d’avoir appelé ça l’Agence pour une Vie de Qualité.
Dans quels domaines l’AVIQ est-elle active ?
Il y a une branche qui est liée au handicap mais pas seulement à l’emploi des personnes handicapées, elle est aussi liée par exemple à l’hébergement ou à l’aide individuelle, l’aide matérielle, les aménagements de domicile ou des moyens de transport etc. Il y a une branche „bien-être et santé“. Il s’agit surtout de soutenir, de subventionner les hôpitaux, de services de santé mentale et de prévention en matière de santé. Une troisième branche désignée comme la branche „familles“ viendra prochainement compléter ce panel. En fait, elle consistera essentiellement à superviser le versement des allocations familiales pour les Wallons.
Quels sont les publics et objectifs visés par l’AVIQ en matière d’emploi des personnes handicapées ?
Je dirais qu’on essaie de poursuivre trois buts vis-à-vis de trois publics. Il y a d’abord le public des personnes en situation de handicap. On essaie, tant bien que mal et pas tout seuls bien sûr, de les aider au maximum à aller vers l’emploi et à maintenir l’emploi. Il ne suffit pas, évidemment, de trouver un emploi, il faut surtout le garder. Si on est atteint en cours de route par un handicap, ce qui est le cas d’une grande partie des personnes handicapées, il faut faire le maximum pour conserver son emploi plutôt que de devoir repartir à zéro.
Le deuxième public visé concerne les entreprises. Sans entreprises, il n’y a pas d’emploi. Les entreprises doivent faire leur part du boulot, en termes notamment d’aménagement des conditions de travail, ainsi qu’en termes de non-discrimination. Notre but ou notre rôle est alors de les aider à assumer leurs obligations.
Il y a un troisième public et un troisième objectif lié à ce troisième public. Il s’agit d’interpeler et d’épauler les intermédiaires de l’emploi, c’est-à-dire tous les opérateurs qui interviennent peu ou prou en matière d’emploi des personnes handicapées. Ce sont ce que nous appelons les opérateurs généraux, opérateurs qui ne sont pas centrés sur les personnes handicapées. Ces derniers peuvent et doivent jouer un rôle de mainstreaming, d’inclusion, du maximum de personnes dans les dispositifs ordinaires, en matière de formation, de prévention, de protection au travail et de gestion administrative des relations de travail notamment.
Comment articuler situation de handicap et emploi ?
Le handicap est avant tout une difficulté personnelle liée à une caractéristique organique ou à un problème de santé, qui entre en concurrence, en interaction avec un environnement dont l’environnement de travail. Cet environnement de travail recèle des atouts et malheureusement des obstacles. Il doit être pris en compte, il faut l’améliorer, le modifier pour aider à surmonter les obstacles rencontrés. Il ne faut d’ailleurs pas seulement les surmonter mais les éliminer. Idéalement, il faut dès le départ essayer d’éviter de créer de tels obstacles. C’est le „Design for all“, la conception universelle : il y a un certain nombre de termes pour dire qu’il est très important de concevoir les choses dès le départ en fonction de l’ensemble des utilisateurs.
Quand on parle d’„emploi“, on pense sans doute d’abord à l’emploi salarié ou à l’emploi indépendant, même si le terme „indépendant“ ne veut pas dire tout-à-fait la même chose d’un pays à l’autre, mais désigne grosso modo ceux qui travaillent pour leur compte. L’emploi peut être à temps plein ou à temps partiel.
L’emploi me semble a priori devoir être envisagé comme étant caractérisé par des conditions normales de travail, en termes de rémunération, de définition de fonction et de conventions collectives de travail par exemple. L’emploi des personnes handicapées est donc a priori l’emploi normal, l’emploi comme tout le monde. La mention de l’expression a priori signifie qu’il faut bien reconnaitre que c’est plutôt dans un idéal. Ce n’est malheureusement pas toujours possible. Un certain nombre de formes alternatives ou de transitions doivent en réalité être envisagées. Ces formes de transition se situent avant l’emploi, cette phase n’aboutissant pas toujours à l’emploi mais prépare à l’emploi. Mais c’est aussi une phase après l’emploi. Même si des personnes travaillent, il peut arriver un jour, qu’elles s’éloignent petit-à-petit de l’emploi : les difficultés augmentant, il y aura une nécessité de transition, de sortie de l’emploi. On a parfois tendance à l’oublier. C’est donc tout un éventail de statuts et de situations. Il ne faut pas oublier non plus le travail volontaire, bénévole ou les activités citoyennes, le vocabulaire employé différant là encore en fonction des pays. Nous utilisons en Belgique le terme d’activités citoyennes pour souligner que ce sont des activités qui sont utiles à la société, même si elles ne sont pas rémunérées compte tenu des règles du marché de l’emploi.
Comment l’AVIQ procède-t-elle pour permettre l’augmentation et l’amélioration de la situation de l’emploi des personnes en situation de handicap ?
Il faut l’implication de tous, et notamment celle des personnes handicapées elles-mêmes. La plupart des personnes handicapées ont d’ores et déjà intégré les préjugés dont elles sont l’objet. Elles sont donc elles-mêmes persuadées d’avoir un certain nombre d’impossibilités, d’incapacités qui ne sont pas toujours réelles, ce qui pose néanmoins vraiment problème. Il faut aussi que les employeurs assument leur part du boulot. Il faut aussi que les collègues de la personne en situation de handicap se sentent concernés et s’impliquent tout comme les syndicats qui les représentent doivent être partie prenante. Il faut que tous les intermédiaires de l’emploi, tous les opérateurs généraux dont il était déjà question auparavant jouent leur rôle.
Comment valoriser la situation de handicap comme un atout pour l’insertion professionnelle ?
Il y a un éventail de moyens pour valoriser une situation de handicap, toute une panoplie qu’il s’agisse d’obligation d’emploi, de droit à une formation, de possibilité d’orientation, d’emplois spécifiques ou encore d’amélioration des conditions de travail. Il faut encourager l’expérience professionnelle, la découverte du monde de l’emploi, la mise en contact, ou encore la sensibilisation. Il y a toutefois deux priorités, deux obsessions qui sont deux constantes.
La première est qu’il ne faut pas nier qu’il y a des déficiences et des incapacités. Mais on oublie trop souvent qu’il y a aussi des compétences et que même ces incompétences peuvent construire de nouvelles compétences. En étant confronté à certaines difficultés, on peut développer des qualités qui pourront être valorisées sur le marché de l’emploi.
La deuxième obsession concerne les professionnels de l’insertion qui ne peuvent pas jouer sur le handicap proprement dit. On ne peut pas faire repousser une jambe qui a été amputée. On ne peut pas faire retrouver l’audition ou la vue. On ne peut pas développer l’intellect d’une personne déficiente intellectuelle etc. Mais on peut intervenir sur l’environnement par l’adaptation, l’ajustement des situations de travail, ce qui est quelque chose de vraiment essentiel. Il est important de souligner que c’est LE moteur, LA chose sur laquelle on peut jouer.
En Wallonie, une aide spécifique existe, il s’agit de la prime de compensation. Il y a quelques années, elle visait la compensation de la soi-disant perte de rendement liée au handicap. En 2002, la définition a été changée. Depuis quinze ans désormais, cette aide est supposée compenser le coût des mesures prises par l’entreprise pour permettre au travailleur handicapé d’assumer ses fonctions au mieux, le coût de l’ajustement des situations de travail.
Comment ajuster l’environnement de travail au handicap ?
Il s’agit essentiellement de se demander comment faire pour que le travailleur handicapé soit aussi productif que possible dans de bonnes conditions de sécurité, d’autonomie et de développement personnel. Ce sont les quatre axes de l’ajustement des situations de travail. Il y a bien sûr les aménagements matériels, mais il y a aussi et surtout les aménagements organisationnels, tels qu’une nouvelle la gestion du temps, des horaires, ou de la répartition du travail sur la journée ou la semaine. Cela peut aussi viser une redéfinition des tâches et leur nouvelle répartition au sein d’une équipe de travail. Ces aménagements peuvent aussi porter sur l’encadrement, les modes de supervision ou les transmissions d’information. Il faut examiner ces différents domaines afin de voir en quoi ils doivent éventuellement être modifiés pour garantir la productivité du travailleur handicapé. Ce maintien de productivité est en effet une condition pour son emploi à long terme.
Zusammenfassung: Fragen bezüglich der Beschäftigung von Menschen mit Behinderung in der Wallonie
Luc Fohal arbeitet seit fast 35 Jahren bei der „Agence pour une Vie de Qualité“ (AVIQ), der wallonischen Dienststelle für Gesundheit, Sozialschutz, Behinderung und Familie.
Diese Dienststelle ist in allen Bereichen tätig, die Menschen mit Behinderungen betreffen. Sie unterstützt und subventioniert Krankenhäuser, bietet präventive Gesundheitsdienste, Wohnhilfe, soziale Integration usw. an. Eine spezialisierte Abteilung für Familien wird das Angebot der Dienststelle bald ergänzen. Die drei Zielgruppen sind Menschen mit Behinderungen, Unternehmen und Arbeitsvermittler. Die Dienststelle unterstützt z.B. die letztgenannte Gruppe, damit möglichst viele Menschen in die gewöhnlichen Strukturen in Bezug auf Ausbildung und Berufs aufgenommen werden können.
Eines der Ziele der Dienststelle ist, die Situation von Behinderung und Beschäftigung aufzugreifen. In der Tat kann die Arbeitsumgebung eine Quelle vieler Hindernisse sein und es ist wichtig Menschen mit Behinderung zu helfen, diese Hindernisse zu überwinden. Der Autor erläutert, dass zwar dem Zugang zum Arbeitsmarkt (d.h. Arbeitsbedingungen, Entlohnung etc.) besondere Aufmerksamkeit geschenkt werden muss, um eine angemessene Integration von Menschen mit Behinderung zu gewährleisten, jedoch ist auch unerlässlich, Menschen in dieser Situation während ihrer Arbeit zu begleiten, um zu verhindern, dass sie sich aufgrund von Barrieren oder Diskriminierung von ihrem Arbeitsplatz entfernen und in eine Situation geraten, die nicht der Erwartung der Dienststelle entspricht. Das Ziel des AVIQ ist es, vor dem Eintritt in den Arbeitsmarkt, aber auch danach, Unterstützung zu bieten.
Fohal spricht sich für die Idee des „Design for all“ aus, die Hindernisse idealerweise von vornherein vermeiden soll, um Behinderung und Beschäftigung zusammenzuführen. In diesem Zusammenhang setzt er sich auch mit dem vieldeutigen Begriff der Beschäftigung und den Übergangsformen auseinander, die vor und nach der Beschäftigung liegen.
Um die Beschäftigungssituation von Menschen mit Behinderung zu verbessern, versucht die Dienststelle, Vorurteile rund um die Situation der Behinderung auszuräumen, Vorurteile, die in den meisten Fällen von den Betroffenen selbst verinnerlicht werden. Sie versuchen auch, die Situation der Behinderung einzubringen und sie als Vorteil für die berufliche Integration darzustellen. Es darf jedoch nicht geleugnet werden, dass es Misstrauen und Unvermögen gibt. Es ist jedoch möglich, aus Schwierigkeiten Fähigkeiten zu entwickeln.
Fohal besteht darauf, dass Behinderung nicht als Nachteil gesehen werden sollte, sondern als Ausgangspunkt, von dem aus wir unsere derzeitigen Arbeits- und Organisationsweisen ändern können, um inklusiver zu werden.