Cet article est issu d’une intervention au colloque organisé à l’Université de la Sarre le 30 juin 2017 et consacré à la vulnérabilité. À l’exception de la référence à l’article 1143 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, le texte est celui de la conférence prononcée.
Marie-Hélène Girot est notaire associée à Paris. Elle s’interroge dans cette brève intervention sur le rôle et la place du notaire face à la vulnérabilité actuelle ou future de sa clientèle : Que faire pour anticiper sa propre vulnérabilité, d’autant plus si l’on est parent d’un enfant vulnérable ? Comment veiller à recueillir le consentement éclairé d’une personne vulnérable lors de la réception d’un acte notarié ? Entre mandats de protection future et mesures de protection judiciaire, le notaire se situe aux avant-postes de la protection du consentement des personnes.
L’auteur envisage le rôle du notaire dans deux situations :
- en premier lieu, lors de l’anticipation de l’éventuelle vulnérabilité future grâce au mandat de protection future pour soi-même ou pour autrui,
- en second lieu, lors de la vérification du consentement de la personne vulnérable.
Marie-Hélène Girot ist Notarin in Paris. In diesem kurzen Beitrag untersucht sie die Rolle und den Platz der Notare im Umgang mit aktuellen oder künftigen schutzbedürftigen Personen. Was kann man tun, um für die eigene Schutzbedürftigkeit vorzusorgen, insbesondere wenn man bereits ein schutzbedürftiges Kind hat? Wie kann sichergestellt werden, dass die Zustimmung einer schutzbedürftigen Person an einer notariellen Urkunde bewusst erfolgt? Der Notar nimmt zwischen Vorsorgevollmachten („mandats de protection future“) und Rechtsschutzmaßnahmen eine zentrale Rolle ein. Die Autorin beschreibt die Rolle des Notars in zwei Situationen:
- erstens in der Vorwegnahme einer möglichen künftigen Schutzbedürftigkeit durch ein Mandat vergleichbar mit der Vorsorgevollmacht, für sich selbst oder für andere.
- zweitens bei der Überprüfung der Zustimmung der schutzbedürftigen Person.
Le notaire est un officier public nommé par le garde des Sceaux, chargé de conférer l’authenticité aux actes qu’il reçoit. Pour cela, il doit s’assurer du consentement de ses clients. Or, il peut se trouver face à des personnes dont la situation physique ou mentale ne leur permet pas d’exprimer clairement leur volonté. La question est alors de savoir comment accompagner ces personnes1. De plus, la déjudiciarisation et la contractualisation de la protection des personnes vulnérables font du notaire le pivot de cette protection. Il en résulte un champ d’intervention en expansion pour les notaires, à la mesure du vieillissement croissant de la population française. Deux types de situations seront ici envisagés : celles où le notaire est sollicité pour anticiper une éventuelle vulnérabilité future, et celles où il est confronté à une situation de vulnérabilité actuelle.
I. – L’anticipation d’une éventuelle future vulnérabilité
La loi n.2007-308 du 5 mars 20072 portant réforme de la protection juridique des majeurs et entrée en vigueur le 1er janvier 2009 promeut l’autonomie de la volonté, permettant à qui le souhaite de déterminer pour l’avenir les termes de son éventuelle protection3 en cas de vulnérabilité future. Le mandat de protection future est la forme la plus aboutie de l’exercice de la volonté de la personne, permettant à une personne de désigner à l’avance un ou plusieurs mandataires pouvant la représenter, ou représenter l’un de ses enfants majeurs dont il a la charge, en cas d’altération de leurs facultés mentales ou physiques.
A. Anticipation pour soi-même : le mandat de protection future pour soi par acte authentique
Le mandat de protection future4 est régi par les articles 477 et suivants du Code civil. Il a trois avantages majeurs : il est rassurant pour la personne concernée et son entourage proche ; son caractère conventionnel offre une grande souplesse rédactionnelle ; sa prise d’effet est rapide.
Deux formes de mandats sont possibles : le mandat par acte notarié et celui sous seing privé.
Le mandat par acte notarié présente trois principaux intérêts : il a date certaine, ses pouvoirs sont élargis à un certain nombre d’actes de dispositions ; enfin, il instaure un contrôle de la gestion du mandataire et un devoir d’alerter le juge incombant au notaire.
L’article 489 du Code civil précise que le mandant peut le révoquer en notifiant sa révocation au mandataire. Quant au mandataire, il doit accepter le mandat par acte notarié et peut y renoncer en notifiant sa renonciation au mandant et au notaire.
Malgré l’intérêt et la souplesse de cet outil, on note un faible recours au mandat de protection future.
B. Anticipation pour autrui : le mandat de protection future pour autrui
L’article 477 alinéa 3 du Code civil reconnaît aux parents d’un enfant mineur ou d’un enfant majeur dont ils assument la charge matérielle et affective, la faculté de désigner un ou plusieurs mandataires chargés de représenter cet enfant, pour le cas où ce dernier ne pourrait pas pourvoir seul à ses intérêts. Cette désignation ne prend effet qu’à compter du jour du décès du mandant ou bien si ce dernier ne peut plus prendre soin de son enfant. Ici, une forme notariée est obligatoire.
II. – L’expression de la volonté en situation de vulnérabilité actuelle
Les articles 414-1 et 901 du Code civil disposent qu’un acte juridique ne sera valable que si les parties à l’acte sont saines d’esprit. Cela signifie qu’elles doivent être en possession de leurs facultés intellectuelles. L’enjeu est la validité de l’acte.
A. L’expression de la volonté d’une personne majeure vulnérable lorsqu’une mesure de protection judiciaire ou conventionnelle existe
Le notaire doit vérifier la capacité de la personne, afin d’évaluer l’étendue de ses pouvoirs et de ceux de son protecteur, et ainsi d’éviter une nullité du contrat5.
À cette fin, le notaire pourra se référer à l’acte de naissance de la personne. L’article 444 du Code civil prévoit en effet la publication de la tutelle et de la curatelle en marge de cet acte.
Néanmoins, la consultation de l’acte de naissance ne permet qu’une vérification limitée de la capacité de la personne. De plus, cette vérification s’avère plus complexe pour les ressortissants étrangers6. Le notaire exigera donc une copie de la décision ouvrant la mesure de protection. En fonction du régime de protection en place et de la nature de l’acte juridique, le notaire devra aussi déterminer qui, du protégé et /ou du protecteur, pourra signer et avec quelles autorisations judiciaires éventuelles, selon qu’il sera en présence d’une mesure d’assistance ou bien d’une mesure de représentation.
Puis il rédigera une clause adaptée relative à la capacité des contractants dans l’acte qu’il reçoit.
B. L’expression de la volonté d’une personne majeure vulnérable lorsqu’aucune mesure de protection n’existe
On peut distinguer deux situations : celle où la personne est atteinte d’un handicap mais peut exprimer son consentement, et celle où la personne vulnérable n’est pas en état d’exprimer son consentement.
Dans le premier cas, il n’y a pas insanité d’esprit mais nécessité de trouver des modalités particulières de l’expression du consentement (personnes atteintes de cécité ou de surdité, personne dans l’incapacité physique d’apposer une signature, par exemple). L’acte notarié fera l’objet d’un formalisme plus lourd destiné à confirmer la réalité du consentement donné (présence de deux témoins majeurs et sans lien avec la personne ; ou bien présence d’un deuxième notaire, présence d’un interprète en langue des signes).
Dans le deuxième cas, en présence d’une personne frappée d’insanité d’esprit ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection juridique, le notaire refusera d’instrumenter (L’article 3-2-3 du règlement national). Le notaire invitera alors la personne (et son entourage) à mettre en place une mesure de protection judiciaire.
En pratique, en cas de doute, le notaire fera preuve de vigilance. Il procédera à un petit interrogatoire discret lui permettant de déterminer si la personne est effectivement atteinte d’insanité d’esprit, ou si elle est victime de manipulation de la part de ses accompagnateurs. Le notaire sollicitera également la production d’un certificat du médecin avant toute signature en cas de doute.
Conclusion
Le notaire doit quotidiennement faire preuve de vigilance en présence de personnes vulnérables parties à un acte qu’il reçoit.
L’État, faute de moyens, cherche à se désengager de certaines missions, en déjudiciarisant la protection des personnes vulnérables : le notaire est le conseil des personnes qui veulent anticiper et organiser leur vulnérabilité par un mandat de protection future ; il obtient par la loi un rôle nouveau de contrôleur de gestion et de donneur d’alerte auprès du juge dans le cadre d’un mandat de protection future activé.
Il accompagne aussi désormais les personnes et les familles qui ont recours à la nouvelle mesure déjudiciarisée de l’habilitation familiale et pourrait également tenir un rôle de donneur d’alerte de fait dans les années à venir…
Zusammenfassung: Der Notar und die schutzbedürftigen Menschen
Der Notar ist eine vom Justizminister ernannte Amtsperson, die die Aufgabe hat, die ihm vorgelegten Urkunden zu beglaubigen und die Zustimmung der betroffenen Personen einzuholen. Im Hinblick auf die „mandats de protection future“ (dies entspricht im deutschen Recht in etwa den Vorsorgevollmachten) wurde dem Notar eine neue Rolle zugeteilt. Als Kontrollinstanz ist der Notar zuständig für die Überwachung der Rechtsakte, die durch die Betreuer für den Betreuten vorgenommen werden. Es werden zwei Situationen betrachtet, solche, in denen der Notar ersucht wird, um eine mögliche zukünftige Schutzbedürftigkeit zu antizipieren und solche, in denen er mit einer aktuellen Schutzbedürftigkeit konfrontiert ist.
I. – Die Vorsorge für eine mögliche zukünftige Schutzbedürftigkeit
Durch das Gesetz Nr. 2007-308 vom 5. März 2007 trat im Jahr 2009 eine Reform des Schutzes von Volljährigen in Kraft. Das „mandat de protection future“ ist die erfolgreichste Form der Willensäußerung einer Person, die dadurch für den Fall des Eintrittes der Schutzbedürftigkeit im Voraus einen oder mehrere Bevollmächtigte bestimmen kann.
A. Vorsorge für sich selbst: das „mandat de protection future“ für sich selbst durch eine notarielle Urkunde
Die Artikel 477 ff. des Code Civil (französisches Zivilgesetzbuch) regeln das „mandat de protection future“. Dies kann durch notarielle Urkunde oder durch eigenhändige Unterschrift erfolgen. Die notarielle Form hat dabei wesentliche Vorteile. Dennoch ist die Inanspruchnahme des „mandat de protection future“ gering.
B. Vorsorge für andere: das „mandat de protection future“ für andere
Artikel 477 Absatz 3 des Code Civil sieht die Möglichkeit vor, dass die Eltern des schutzbedürftigen Kindes einen oder mehrere Bevollmächtigte zur Vertretung dieser Person ernennen können. Dafür ist die notarielle Form vorgeschrieben.
II. – Willensäußerung in einer Situation aktueller Schutzbedürftigkeit
A. Die Willensäußerung eines schutzbedürftigen Erwachsenen, wenn eine gerichtliche oder konventionelle Schutzmaßnahme besteht
Artikel 414-1 und Artikel 901 des Code Civil sind die Rechtsgrundlagen, die den Notar verpflichten, die Geschäftsfähigkeit einer Person zu prüfen, um die Nichtigkeit eines Rechtsgeschäftes zu vermeiden. Eines der Werkzeuge, die dem Notar dafür zur Verfügung stehen, ist die Geburtsurkunde, die allerdings nur eine eingeschränkte Überprüfung der Geschäftsfähigkeit erlaubt. Darüber hinaus benötigt der Notar eine Kopie des Beschlusses über die Eröffnung und/oder Verlängerung der Schutzmaßnahme und er setzt eine Klausel über die Geschäftsfähigkeit der Vertragsparteien auf. Unter Umständen muss der Notar auch den Unterzeichner der Urkunde bestimmen.
B. Die Willensäußerung eines schutzbedürftigen Erwachsenen, wenn keine Schutzmaßnahme besteht
Wenn der Betroffene sein Einverständnis ausdrücken kann, unterliegt die notarielle Urkunde strengeren Formerfordernissen, die die Ernsthaftigkeit der erteilten Zustimmung sicherstellen sollen. Wenn die schutzbedürftige Person nicht in der Lage ist, ihre Zustimmung auszudrücken, wird der Notar ein Tätigwerden verweigern.
Der Notar wird vor der Unterzeichnung ein Attest des behandelnden Arztes verlangen.
FAZIT
Der Staat will sich aus Mangel an Ressourcen aus bestimmten Aufgaben zurückziehen, und der Notar erhält eine neue Rolle als Ratgeber bei der Ausarbeitung des „mandat de protection future“, Kontrollinstanz und Hinweisgeber für den Richter – im Rahmen eines „mandat de protection future“. Es ist wahrscheinlich, dass sich seine Rolle als Hinweisgeber in den kommenden Jahren auch auf das neue System der familiären Habilitation erstrecken wird.
- Voir sur cette question, Mathilde Beauruel, Le notaire confronté à la vulnérabilité de fait, LPA 05 oct. 2020, n° 156m1, p.5, (Sauf indication contraire, tous les liens web ont été consultés pour la dernière fois le 01/05/2021) ; Nathalie Peterka N., « Sécurité juridique et protection de la personne vulnérable », LPA 30 sept. 2020, n° 156k8, p. 8; Jean-Jacques Lemouland, « Le rôle du notaire dans le nouveau régime de l’administration légale des biens du mineur », LPA 1er oct. 2020, n° 156k9, p. 7; Frédéric Arbellot, Anne Caron-Déglise, Nathalie Peterka, Protection de la personne vulnérable, DALLOZ ACTION, 5ème édition 2021/2022, 1020 p. [↩]
- Sur la réforme voir en accès libre, Fatah Benia, « La réforme des tutelles renforce le droit des personnes vulnérables », Journal du droit des jeunes, 2007/8 (N° 268), p. 32-36 ; Jourdain Marguerite. « Limiter les mesures de protection judiciaire : les techniques mises en place par la loi du 5 mars 2007 et ses décrets d’application », dans : Revue juridique de l’Ouest, 2010-4. pp. 425-441, www.persee.fr/doc/juro_0990-1027_2010_num_23_4_4150. [↩]
- Pour un bilan quant à l’application de cette loi, voir Nathalie Baillon-Wirtz et Jacques Combret, « La Réforme de la protection juridique des majeurs du 5 mars 2007 a dix ans : quel bilan ? », La Semaine Notariale et Immobilière n.9, 3 mars 2017, 1119. [↩]
- Catherine Meimon Nisembaum, « Le mandat de protection future », Reliance, 2008/2 (n° 28), p. 118-119; Sylvie Ferré-André (2009), « Le mandat de protection futur français dans le contexte d’émergence d’un droit « gérontologique » ou comment la France appréhende les soins de vieillesse », Revue du notariat, 111 (2), 299–314. ; Valérie Depadt, « La fin de vie anticipée », Droit et cultures, 75 | 2018/1. [↩]
- Sur le consentement des majeurs protégés, voir Benoît Eyraud et Pierre A. Vidal-Naquet, « Consentir sous tutelle. La place du consentement chez les majeurs placés sous mesures de protection », Tracés. Revue de Sciences humaines, 14 | 2008 ; Lucie Lechevalier Hurard, Pierre Vidal-Naquet, Alice Le Goff Alice et al., « Construire le consentement. Quand les capacités des personnes âgées sont altérées », Revue française des affaires sociales, p. 41-60. [↩]
- Christine Bidaud-Garon, « La prise en compte de l’état des personnes créé à l’étranger par le notaire français », JCP N N° 22 – 29 MAI 2015, étude 1174 p. 65-69. [↩]
Table des matières