A. – Protection et vulnérabilité
Une illustration de la prise en compte des situations de vulnérabilité par le droit français
Cet article est issu d’une intervention au colloque organisé à l’Université de la Sarre le 30 juin 2017 et consacré à la vulnérabilité. À l’exception de la référence à l’article 1143 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, le texte est celui de la conférence prononcée.
Professeur agrégé de droit privé et sciences criminelles à l’Université de Lille, Nicolas Balat développe ici la manière dont le droit français prend en compte des situations de vulnérabilité en luttant contre les abus de faiblesse dans les contrats. Le dogme classique de l’égalité entre les contractants se heurte depuis longtemps à un regard plus empirique, révélant de nombreuses situations d’inégalité. Le système juridique s’est ajusté à cet état de fait, tempérant les principes issus du droit de 1804 : la recherche d’un rééquilibrage à l’égard de contractants plus faibles ou vulnérables participe d’une lecture complémentaire et plus contemporaine des relations socio-économiques, tant pour les personnes âgées, dont le nombre est en progression, que pour certains acteurs économiques, fortement dépendants d’autres. Le droit français aborde cette protection (indirecte) de la vulnérabilité notamment via l’abus de faiblesse, entendu au sens large. Privilégié dans un premier temps, le droit pénal n’est plus aujourd’hui le seul champ concerné : le droit de la concurrence et le droit des entreprises en difficulté sont également mobilisés, de même que le droit civil depuis la réforme du droit commun des contrats réalisée en 2016 et parachevée en 2018. Ces outils permettent une prise en compte renforcée de la vulnérabilité. Il apparaîtrait pourtant souhaitable que ces divers instruments fassent l’objet d’une réflexion d’ensemble, l’action de concert étant de meilleure politique juridique que la cacophonie.
Nicolas Balat ist außerordentlicher Professor für Privatrecht und Kriminalwissenschaften an der Universität Lille. Er zeigt auf, wie das französische Recht die Schutzbedürftigkeit von Menschen in bestimmten Situationen berücksichtigt; insbesondere beschäftigt er sich mit der Bekämpfung der missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche in Verträgen. Das grundsätzliche Prinzip der Gleichheit zwischen den Vertragspartnern steht einer empirischen Sichtweise gegenüber, die zahlreiche Situationen der Ungleichheit zwischen bestimmten Vertragspartnern aufzeigt. Das Rechtssystem hat sich diesem Sachverhalt angepasst und die aus dem Gesetz von 1804 abgeleiteten Grundsätze abgemildert: Die Suche nach einem Ausgleich in Bezug auf schwächere beziehungsweise schutzbedürftigere Vertragspartner ist Teil eines ergänzenden und zeitgemäßeren Verständnis der sozioökonomischen Beziehungen, sowohl für ältere Menschen, deren Zahl zunimmt, als auch für bestimmte Wirtschaftsakteure, die in hohem Maße von anderen abhängig sind. Das französische Recht geht diesen (indirekten)Schutz von schutzbedürftigen Personen mit Hilfe des Konstrukts der missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche, im weiteren Sinne, an. Das Strafrecht, das ursprünglich dazu angewendet wurde, stellt nicht mehr das einzig anwendbare Rechtsgebiet dar. Auch das Wettbewerbsrecht und das „droit des entreprises en difficulté“ (Gesetz über Unternehmen in Schwierigkeiten) finden nun Anwendung sowie das Zivilrecht seit der, im Jahre 2016 durchgeführten und im Jahre 2018 abgeschlossenen, Reform des allgemeinen Vertragsrechts. Diese neuen Steuerungsinstrumente bewirken eine verstärkte Berücksichtigung von Schutzbedürftigkeit. Es erscheint jedoch wünschenswert, dass diese verschiedenen Instrumente als Ganzes betrachtet werden, da ein funktionierendes Zusammenwirken ohne Widersprüche eine bessere Rechtspolitik darstellt.
La lutte contre les abus de faiblesse dans les contrats
Petite musique de plus en plus familière aux oreilles des juristes français, la lutte contre les abus de faiblesse en droit des contrats traduit, dans une certaine mesure, une prise en compte des situations de vulnérabilité.
A priori, vulnérabilité et droit des contrats ne font pas bon ménage, puisque reconnaître la vulnérabilité d’un contractant suppose d’accepter que les contractants puissent ne pas être égaux, alors que le dogme dominant du droit français des contrats depuis 1804 est plutôt, au contraire, celui de l’égalité des contractants. Il faut toutefois aller voir plus loin : le dogme de 1804 s’est trouvé tempéré par la prise en compte de certaines situations d’inégalité entre les contractants. Le sujet est connu et on relèvera seulement, dans le cadre de ces échanges, que l’admission de mécanismes prenant en compte la « vulnérabilité » d’un contractant participe de ce mouvement.
Qu’est-ce que la vulnérabilité ? C’est le caractère de ce qui est vulnérable ; et ce qui est vulnérable est ce qui est plus faible, ce qui peut être attaqué ou atteint plus facilement.
Le droit français n’est pas insensible à la vulnérabilité, ne serait-ce que parce que, si tout le monde n’est pas toujours vulnérable, chacun peut en revanche l’être à un moment donné… et que personne n’est invulnérable. C’est un fait qu’il peut y avoir, dans une situation donnée, des plus faibles et des plus forts ; le droit peut tâcher, dans une certaine mesure et dans un souci de justice autant que de pacification des relations sociales, de compenser cet état de fait.
Quelle prise en compte, en droit français, des situations de vulnérabilité ? Les éléments de réponse pourraient être nombreux. L’on citera, pêle-mêle, le statut spécifique de la minorité, ou encore celui des majeurs protégés (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future, habilitation familiale ; rescision pour lésion, assistance, représentation…).
La question de la prise en compte de la vulnérabilité en droit des contrats constitue un enjeu majeur aujourd’hui avec le développement, « quantitatif » et « qualitatif », des hypothèses de vulnérabilité, notamment au regard de la progression du grand âge, ou encore au regard de la mise en évidence de situations de dépendances économiques fortes et quotidiennes entre les acteurs économiques et juridiques. Mais ce mouvement de protection ne saurait être sans mesure, sous peine de donner naissance à des outils qui, sous couvert d’une prise en compte de la vulnérabilité, permettraient en pratique à une partie de se défaire à trop bon compte de son engagement.
Dans cette intervention, nous voudrions développer une illustration parmi d’autres, qui montre que le droit français des contrats, qu’il s’agisse du droit commun, du droit spécial, ou même du droit pénal des contrats, n’est pas toujours insensible à la prise en compte de la vulnérabilité d’un contractant, indirectement du moins1, à travers ce qu’on peut appeler, lato sensu, l’abus de faiblesse.
Qu’est-ce que l’abus de faiblesse en droit des contrats ? Nous y verrons ici le comportement par lequel une personne profite, abuse, de la vulnérabilité physique, psychologique, économique ou financière d’autrui, pour lui faire souscrire un engagement excessivement défavorable, ce qui se ressent à la fois dans le processus de conclusion du contrat et dans la substance du contrat conclu.
C’est sur le terrain du droit pénal qu’était classiquement réprimé l’abus de faiblesse. Plusieurs mécanismes sanctionnant implicitement ces comportements s’y sont ajoutés. Tel a été le cas en droit de la concurrence ou encore en droit des entreprises en difficulté. Depuis la réforme du droit des contrats, le droit civil est venu ajouter un volet non répressif à cette lutte.
Si l’on filait la métaphore musicale, on dirait volontiers que plusieurs instruments agissent de concert pour lutter contre les abus de faiblesse en droit des contrats et, dans leur ratio legis (sinon parfois également dans leur dispositif), considèrent la vulnérabilité : des instruments désormais classiques (I) et un instrument nouveau, issu de la réforme du droit des contrats (II).
I. – Les instruments classiques
Les instruments classiques sont constitués de dispositifs épars, qui existent depuis un certain nombre d’années, et qui ont pour effet de lutter contre les abus de faiblesse contractuels.
Ils s’insèrent dans une gradation entre le répressif, le quasi-répressif et le non-répressif. Certains consacrent un abus de faiblesse explicite (A), d’autres un abus de faiblesse implicite (B).
A. L’explicite
Les instruments qui recourent explicitement à la notion d’abus de faiblesse relèvent particulièrement du droit pénal.
Deux infractions sont qualifiées à proprement parler d’abus de faiblesse. La vulnérabilité est au cœur de ce dispositif, comme a eu l’occasion de le rappeler la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a par exemple jugé que « l’abus de faiblesse doit s’apprécier au regard de l’état de particulière vulnérabilité au moment où est accompli l’acte gravement préjudiciable à la personne » (Crim. 26 mai 2009, n° 08-85.601, Bull.).
1. La première infraction dépasse le cadre des seuls contrats. Elle est prévue, depuis la loi du 12 juin 2001, par les articles 223-15-2 et suivants du code pénal.
Ces textes punissent de trois ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende le fait d’abuser d’un état de faiblesse ou d’ignorance pour inciter une personne à réaliser un acte qui lui serait gravement préjudiciable.
Le dispositif incrimine « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».
Infraction parfois critiquée pour son caractère hétéroclite, elle réprime une forme de « manipulation mentale »2.
La vulnérabilité est au cœur de cette incrimination, ainsi que l’indique le texte, qui établit même en ce sens une liste de situations : l’âge, la maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique, un état de grossesse, ou un état de sujétion physique ou psychique.
Et pour retenir la constitution de l’infraction, les juges s’attachent à caractériser la vulnérabilité de la victime, ainsi que l’abus de cet état par l’auteur.
C’est ainsi qu’a pu être condamnée une prévenue qui s’était fait remettre de l’argent liquide et avait fait acheter de nombreux biens par deux hommes, mentalement déficients, qu’elle avait abordés dans la rue et auxquels elle avait fait des avances et de fausses promesses de remboursement (CA Poitiers, 23 juin 2005, JCP 2006, IV, 1315).
C’est encore ainsi qu’a été condamné un prévenu ayant fait peser une contrainte morale forte sur sa grand-mère de 85 ans, handicapée à 90 %, et sur son grand-père, âgé de 92 ans et affaibli intellectuellement, obtenant d’eux des dons et retraits d’espèces indus (Crim. 11 décembre 2013, n° 12-86.489).
Cette infraction peut être qualifiée de « générale » : d’un côté, elle n’est pas limitée à la conclusion d’un contrat mais exige plus largement et plus simplement l’existence d’un acte gravement préjudiciable à la victime, et d’un autre côté, elle vise potentiellement toute personne – étant précisé qu’il existe des aggravations lorsque l’auteur de l’infraction revêt des qualités spécifiques, notamment lorsqu’il est le dirigeant d’une secte.
2. La deuxième infraction expressément qualifiée d’abus de faiblesse est prévue par le Code de la consommation. Elle se décompose en trois sous-infractions et peut être qualifiée, contrairement à la précédente, d’ « attitrée », en ce qu’elle intervient spécifiquement dans le cadre des rapports entre un professionnel et un consommateur.
Ces incriminations, édictées par une loi du 22 décembre 1972, plusieurs fois modifiées, sont aujourd’hui posées par les articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation.
La première est posée par l’article L. 121-8 du Code de la consommation, qui dispose qu’« est interdit le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte ».
La deuxième infraction est instituée par l’article L. 121-9 du même code : « est interdit le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour obtenir des engagements » notamment :
- « à la suite d’un démarchage par téléphone ou télécopie »,
- « à la suite d’une sollicitation personnalisée […] à se rendre sur un lieu de vente, effectuée à domicile et assortie de l’offre d’avantages particuliers »,
- « à l’occasion de réunions ou d’excursions organisées par l’auteur de l’infraction ou à son profit »,
- ou encore lorsque le contrat a été conclu « dans une situation d’urgence ayant mis la victime de l’infraction dans l’impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés ».
La troisième infraction sanctionne « le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour se faire remettre, sans contreparties réelles, des sommes en numéraire ou par virement, des chèques bancaires ou postaux, des ordres de paiement par carte de paiement ou carte de crédit ou bien des valeurs mobilières » (art. L. 121-10 C. conso.).
En constitue une illustration le fait, pour un commerçant ambulant en fruits et légumes, de se présenter chez la victime, vivant seule à son domicile, âgée de 74 ans et placée sous tutelle, et de lui vendre et livrer plus de 200 kg de légumes pour le prix de 2 150 francs, qu’elle a payé aussitôt, alors que, confondant anciens et nouveaux francs, la victime croyait n’avoir commandé que pour 215 francs de marchandises (Crim. 2 décembre 1998, n° 98-82.001).
La vulnérabilité est ici encore au cœur de l’infraction. C’est ainsi que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que le délit d’abus de faiblesse du code de la consommation était constitué dès lors que les victimes, particulièrement vulnérables, se sont trouvées dans un état de contrainte qui ne leur permettait plus d’apprécier la portée des engagements pris et de déceler les artifices déployés pour les convaincre (Crim. 21 novembre 2001, n° 01-84.014).
Les peines principales sont, depuis peu, les mêmes que celles prévues pour l’abus de faiblesse général : trois ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, étant néanmoins précisé que le montant de l’amende peut être revu proportionnellement au profit tiré de l’infraction (art. L. 132-14 C. conso.).
Ces peines s’accompagnent également d’une sanction civile. Aux termes de l’article L. 132-13 du Code de la consommation, c’est la nullité automatique, de plein droit, du contrat du contrat conclu : le texte dispose sans ambages que « Le contrat conclu à la suite d’un abus de faiblesse est nul et de nul effet ».
B. L’implicite
Il existe aussi, d’autre part, des instruments dont on peut estimer qu’ils recourent implicitement à la notion d’abus de faiblesse.
1. On pense avant tout au mécanisme contenu à l’article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce, qui prohibe l’abus de dépendance économique comme constituant une pratique anticoncurrentielle interdite.
Cet article dispose qu’est « prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ».
Si le texte s’attache à la dépendance d’une entreprise plutôt qu’à la faiblesse de celle-ci, ces situations n’en sont pas moins liées et le mécanisme œuvre aux mêmes fins que ceux décrits précédemment, à savoir protéger les entreprises vulnérables économiquement de l’emprise de celles qui, parce qu’elles sont en position de force, le sont moins…
D’ailleurs, la jurisprudence a pu en substance voir dans l’abus de dépendance économique du code de commerce une situation dans laquelle une entreprise est rendue économiquement vulnérable par le fait des relations qu’elle entretient avec une autre (rappr. Com. 12 février 2013, Bull. n° 23).
C’est notamment l’hypothèse de l’entreprise qui est pratiquement obligée, pour sa survie, de poursuivre des relations commerciales avec une autre, laquelle profite de la situation pour « offrir » des conditions inacceptables.
Ces pratiques sont constitutives d’une infraction et peuvent donner lieu à poursuite devant le juge répressif (art. L. 420-6 C. com. : quatre ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende), ou faire l’objet d’injonctions et de sanctions pécuniaires quasi-répressives prononcées par l’autorité de la concurrence (art. L. 464-2 C. com.).
2. On pourrait encore, à la marge, expliquer certaines dispositions non-répressives relatives aux entreprises en difficulté par une lutte plus ou moins affirmée contre les abus de faiblesse lato sensu. Il en est ainsi des interdictions de passer certains actes édictés par l’article L. 622-7 du Code de commerce, ou encore des nullités de la période suspecte, prévues par les articles L. 632-1 et suivants du même code.
Mais depuis 2016, les regards sont tournés vers une autre disposition : elle consacre un mécanisme général, non répressif, relatif à l’abus de faiblesse dans la conclusion d’un contrat.
II. – L’instrument nouveau
L’instrument nouveau est un mécanisme de droit commun des contrats.
Depuis la réforme de 2016-2018, l’abus de faiblesse dans la conclusion d’un contrat peut être sanctionné civilement par le truchement d’une disposition relative à la violence vice du consentement.
Dans sa version issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’article 1143 du Code civil disposait :
« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »
La loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 a légèrement modifié la formule : elle a précisé que la dépendance devait être caractérisée à l’égard du contractant lui-même.
Ainsi l’article 1143 dispose-t-il, depuis 2018 :
« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »
C’est ici encore une volonté de mieux protéger les « personnes vulnérables » qui se trouve à la ratio legis du texte, comme l’indique le rapport au président de la République sur l’ordonnance.
L’idée existait, avec des variantes, dans les divers avant-projets de réforme du droit français des contrats proposés à partir de 2005.
Et des mécanismes comparables existent ailleurs : on songe au § 138, alinéa 2, du BGB, ou à l’article 1118 du Code civil luxembourgeois.
Le premier de ces textes prévoit qu’est nul « tout acte juridique par lequel une personne se fait promettre ou accorder, soit à elle-même, soit à une autre personne, en contrepartie d’une prestation, des avantages patrimoniaux en disproportion flagrante avec cette prestation, et cela par exploitation de l’état de nécessité, de l’inexpérience, du défaut de capacité de jugement ou de la grande faiblesse de caractère d’autrui »3.
Et le second, introduit par une loi du 15 mai 1987, dispose notamment que « Sauf les règles particulières à certains contrats ou à l’égard de certaines personnes, la lésion vicie le contrat, lorsqu’elle résulte d’une disproportion évidente au moment de la conclusion du contrat entre la prestation promise par l’une des parties et la contrepartie de l’autre et que cette disproportion a été introduite dans le contrat par exploitation d’une position de force, en abusant sciemment de la gêne, de la légèreté ou de l’inexpérience de l’autre partie ».
En droit français, l’instrument nouveau revêt une originalité qui justifie de se pencher tant sur sa nature (A) que sur son régime juridique (B).
A. La nature
Deux points pourraient, a priori, faire douter de ce que l’article 1143 du Code civil édicte, à proprement parler, une disposition de lutte contre les abus de faiblesse.
Le premier point est que le mécanisme se voulait, avant tout, comme la consécration d’une jurisprudence antérieure à la réforme qui avait dégagé la notion, proche mais distincte, de « violence économique ».
Il s’agissait d’une extension du vice de violence à des situations d’abus de dépendance économique. C’était déjà le cas dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 30 mai 2000 (n° 98-15.242, Bull. n° 169), qui avait décidé que si une transaction ne peut être attaquée pour cause de lésion, elle pouvait en revanche l’être dans tous les cas où il y a violence résultant d’une contrainte économique.
Cependant, il est manifeste que le mécanisme nouveau ne se limite pas à une pure consécration de la jurisprudence sur la violence économique : il s’attache à tout abus de dépendance, ce qui est beaucoup plus large et peut justifier un parallèle avec un abus de faiblesse, si l’on veut bien toutefois entendre ce dernier lato sensu.
Le deuxième point qui pourrait faire hésiter à qualifier l’instrument nouveau de dispositif de lutte contre les abus de faiblesse est tout simplement… que le texte ne contient pas ces mots.
Sans faire preuve d’un nominalisme législatif excessif, ne peut-on aller voir par-delà les mots, pour aller chercher l’idée ? À cet égard, il fait peu de doutes que le texte consacre en réalité un dispositif de lutte contre des abus de faiblesse.
Pourquoi ? Entre autres arguments parce que la loi d’habilitation du 16 février 2015, qui constitue la base légale d’intervention de l’ordonnance de réforme, avait explicitement mentionné cette notion, demandant notamment au gouvernement d’édicter une règle « permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ».
L’avant-projet de réforme de 2015 reprenait d’ailleurs explicitement l’expression. Et si la notion d’abus de faiblesse a disparu du texte définitif, il n’en demeure pas moins que la substance de l’article a fort peu changé… un abus de faiblesse qui ne dit pas son nom, en somme.
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse : l’article 1143 du Code civil ne contient pas les termes « abus de faiblesse », mais le dispositif revient peu ou prou à cela puisqu’il sanctionne celui qui profite de la dépendance d’autrui pour en abuser afin d’obtenir un engagement qui n’aurait pas été pris par son cocontractant et qui le désavantage de manière excessive.
Peut-être d’ailleurs n’est-il pas à exclure que les rédacteurs de l’ordonnance se soient sciemment gardés de qualifier le nouveau dispositif d’abus de faiblesse, en considération de ceux qui existaient déjà par ailleurs, pour éviter les confusions techniques.
B. Le régime
Deux points de régime peuvent être évoqués : les conditions et les effets du nouveau dispositif.
Quant aux conditions, l’article 1143 du Code civil en pose plusieurs. La première tient à la caractérisation d’une « dépendance ». Une question s’est posée de savoir si la dépendance devait nécessairement s’entendre à l’égard du contractant qui profite de la situation, ou si cette dépendance pouvait lui être extérieure. La loi de ratification de 2018 y a répondu : la dépendance doit s’entendre à l’égard du contractant qui en abuse.
Au-delà de cette précision apportée par la loi de ratification, la dépendance est certainement la condition principale, et celle qui fait prendre conscience de ce que la dépendance est sensiblement plus vaste que la violence économique d’avant la réforme.
Sur cette condition, toutes les perspectives sont ouvertes, ce qu’indique d’ailleurs le rapport au président de la République : « toutes les hypothèses de dépendance sont visées, ce qui permet une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises ». Le texte ne distinguant pas selon les situations de dépendance, il y a tout lieu de penser que celle-ci peut être non seulement économique, mais encore physique, psychique, affective, etc.
Qu’est-ce que la dépendance visée par ce texte alors ?
On pourrait songer, en s’inspirant des textes pénaux, à une dépendance liée à la particulière vulnérabilité de la personne, qu’elle soit mineure, très âgée, malade, infirme, ou qu’elle souffre d’une déficience physique ou psychique, ou même qu’elle soit en état de sujétion psychologique ou physique, comme tel peut être le cas des personnes victimes de dérives sectaires. On pourrait aussi songer, à l’image des textes commerciaux, à une dépendance économique d’une entreprise vis-à-vis d’une autre.
Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus : on le voit, cette condition relative à la « dépendance » est ouverte et laisse la place à toutes les interprétations, mission qui incombera au juge. Mais c’est dire, pour reprendre les mots du doyen Simler, que le revers de cette mesure « pourrait être une multiplication du contentieux, la dépendance étant susceptible d’appréciations plus ou moins extensives »4.
La deuxième condition posée par le texte est l’exigence d’un abus. Cette mention classique en droit civil figure opportunément dans le texte pour signifier que la dépendance seule ne saurait évidemment suffire à affecter le contrat : il faut en outre que le contractant à qui « profite » la dépendance en abuse.
Et le mécanisme fait également une place aux conséquences de l’abus de dépendance, puisqu’il faut qu’il se traduise d’une part, par un engagement qui n’aurait pas été souscrit par le cocontractant et, d’autre part, par l’obtention d’un avantage manifestement excessif. Ce sont les troisièmes et quatrièmes conditions. Une situation de dépendance n’est ainsi pas suffisante : il faut aussi que l’engagement auquel elle aboutit soit si défavorable au cocontractant victime que ce dernier n’aurait pas contracté, et si favorable au contractant bénéficiaire qu’il en tire un avantage manifestement excessif. En d’autres termes : il faut un abus, mesurable concrètement, par le résultat contractuel, qui doit être différent de ce qu’aurait accepté le contractant victime et différent également de ce qu’aurait pu espérer le contractant bénéficiaire, si les consentements avaient été parfaitement libres. Des auteurs particulièrement informés relèvent que cette condition relative à un avantage manifestement excessif a été ajoutée in extremis autant « pour encadrer encore davantage le dispositif », que pour constituer « un moyen objectif d’apprécier l’existence d’un abus »5.
À ce stade, une remarque : au regard des conditions posées, liées au déséquilibre des prestations, tout comme du lieu de situation du texte, l’ordonnance a édicté une règle rattachée aux vices du consentement. Mais au fond, la règle est « à mi-chemin entre le vice du consentement et la lésion qualifiée »6 : si, formellement, le nouvel abus de dépendance est un cas de violence, donc un vice du consentement, la condition relative à l’obtention d’un avantage manifestement excessif fait davantage penser à la lésion, ce qui rapproche ici davantage la règle des nouveaux articles 1170 et 1171 sur le contrôle du contenu contractuel. On sait que la question était controversée ; la réforme lui apporte une réponse mitigée.
Et trois questions se posent.
Première question : à qui incombe la charge de la preuve de la réunion de ces conditions ? Sans surprise au regard des principes qui gouvernent la charge de la preuve, il incombera au contractant qui invoque le vice d’abus de dépendance de prouver que les conditions en sont réunies.
Deuxième question : ces conditions sont-elles cumulatives ou alternatives ? Elles sont cumulatives bien entendu, sous réserve de la précision qui a été faite relativement aux liens entre l’abus et l’avantage manifestement excessif, celui-ci pouvant être le critère d’appréciation de celui-là7.
Mais troisième question alors : le juge devra-t-il constater séparément chacune de ces conditions ? En théorie, le juge, lorsqu’il entendra retenir le vice d’abus de dépendance, devra prendre soin de caractériser spécifiquement chacune des conditions d’application du mécanisme. L’exigence est posée par l’article 1143, qui énumère ces diverses conditions et exige donc qu’elles fassent toutes l’objet d’une caractérisation explicite, et cette exigence est renforcée par le fait que, par respect pour la force obligatoire du contrat et son intangibilité, les vices du consentement sont d’application stricte et ne doivent être admis que si les conditions d’application en sont rigoureusement constatées par le juge. Mais il se peut qu’en pratique, contrairement au schéma décrit, les tribunaux, loin de s’attacher à caractériser les conditions une par une, soient amenés à faire une appréciation d’ensemble des conditions de l’abus de dépendance. Il n’est pas certain que cette méthode soit la bonne, car elle ajouterait en incertitude et en subjectivité à un mécanisme qui fait déjà l’objet de craintes de la pratique sur ces fondements…
Quant aux effets du mécanisme, le texte de l’article 1143 est silencieux, mais il n’y a pas pour autant de vraie incertitude. Le nouvel « abus de faiblesse » du Code civil est en effet regardé comme un cas de violence, et plus largement encore comme un vice du consentement. Ses effets sont donc ceux d’une violence.
Ce qui signifie que lorsqu’un abus de dépendance sera caractérisé et répondra aux conditions posées par les textes (notamment celle d’être déterminante du consentement), il entraînera en principe la nullité du contrat, à moins que le contractant victime ne préfère engager la responsabilité civile de l’auteur et solliciter l’octroi de dommages et intérêts.
*
Nous avons essayé de présenter les instruments œuvrant aujourd’hui de concert sur la partition du droit pour réprimer les abus de faiblesse ; ils constituent une pierre à l’édifice plus vaste d’un droit de la vulnérabilité en construction.
Mais trop d’instruments qui jouent ensemble et c’est le risque d’une cacophonie ; au demeurant, qui protège trop protège mal. L’un des défis, désormais, ne consiste-t-il pas dans la nécessité de trouver des principes d’articulation entre ces mécanismes et de les penser dans leur diversité autant que dans leur ensemble ?
Pour éviter les dissonances, deux suggestions parmi d’autres : d’une part, respecter le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, ce qui vaut pour toutes les infractions décrites ; d’autre part, se souvenir de l’adage specialia generalibus derogant, pour appliquer en priorité les mécanismes les plus spéciaux et cantonner les mécanismes plus généraux à une application subsidiaire. On aurait ainsi fait un pas sur le chemin de l’harmonie législative.
Zusammenfassung: Der Kampf gegen die missbräuchliche Ausnutzung von Schwäche in Verträgen
Zunächst wird untersucht, ob die Bekämpfung der missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche nicht in gewisser Weise auf der Berücksichtigung von Situationen der Schutzbedürftigkeit beruht. Auf den ersten Blick passen Schutzbedürftigkeit und Vertragsrecht nicht zusammen. Die Schutzbedürftigkeit impliziert Ungleichheit, während im französischen Vertragsrecht seit 1804 das Prinzip der Gleichberechtigung der Vertragsparteien gilt. Dieses Prinzip wurde im Laufe abgemildert. Die Zulassung von Mechanismen, die die Schutzbedürftigkeit berücksichtigen, ist Teil der Aufweichung dieses Prinzips. In der Tat versucht das französische Recht bis zu einem gewissen Grad die Schutzbedürftigkeit des Vertragspartners zu berücksichtigen und auszugleichen. Diese Berücksichtigung des Schutzes ist im Hinblick auf das Fortschreiten des Alters und Situationen wirtschaftlicher Abhängigkeit wichtig, darf sich allerdings nicht endlos entwickeln.
Ursprünglich wurde die missbräuchliche Ausnutzung der Schwäche durch das Strafrecht sanktioniert. Zudem gibt es Instrumente, die das Verhalten implizit sanktionieren. Seit der Reform des Vertragsrechts von 2016 hat das Zivilrecht ein nicht-repressives Instrument hinzugefügt. Mehrere Rechtsinstrumente berücksichtigen die Schutzbedürftigkeit: klassische Instrumente (I) und seit 2016 ein neues Instrument, das aus der Reform des Vertragsrechts resultiert (II).
I. – Klassische Rechtsinstrumente
Die klassischen Rechtsinstrumente bestehen aus diversen Maßnahmen, wovon einige explizit die missbräuchliche Ausnutzung von Schwäche (A) und andere implizit eine missbräuchliche Ausnutzung von Schwäche (B) betreffen.
A. Die Ausdrücklichen
Die Rechtsinstrumente, die ausdrücklich den Begriff der missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche abdecken, gehören insbesondere dem Strafrecht an. Zwei Straftaten werden als Missbrauch von Schwäche qualifiziert. Dieser muss unter Berücksichtigung des Zustands der besonderen Schutzbedürftigkeit der Person zum Zeitpunkt der schädigenden Handlung beurteilt werden.
1. Die erste Straftat geht über den Rahmen von Verträgen hinaus und ist in den Artikeln 223-15-2 ff. des französischen Strafgesetzbuches (Code pénal), geregelt. Wer einen Zustand der Schwäche oder Unwissenheit ausnutzt, um eine Person zu einer Handlung zu verleiten, die ihr einen schweren Schaden zufügt, wird mit drei Jahren Freiheitsentzug und einer Geldstrafe von 375.000 € bestraft.
Die Schutzbedürftigkeit steht im Mittelpunkt dieser Kriminalisierung, wie der Gesetzestext zeigt, der eine Liste der verschiedenen Tatbestände, die eine Schutzbedürftigkeit begründen, vorsieht. Um dieses Delikt festzustellen, beurteilen die Richter die Verletzlichkeit des Opfers sowie den offensichtlichen, dem Täter bekannten oder von diesem geschaffenen Missbrauch dieses Zustands.
2. Der zweite Straftatbestand, der in drei Unterstraftatbestände unterteilt ist und als Missbrauch von Schwäche im Rahmen des Verbraucherschutzgesetzes bezeichnet wird, betrifft die Beziehungen zwischen Unternehmer und Verbraucher.
Der erste und der zweite Straftatbestand (Artikel L. 121-8 und L. 121-9 des französischen Handelsgesetzbuchs, Code de commerce) verbieten, die Schwäche einer anderen Person unter bestimmten Umständen missbräuchlich auszunutzen, um Verpflichtungen zu erhalten.
Der dritte Straftatbestand stellt den Missbrauch der Schwäche oder Unwissenheit einer Person unter Strafe, um ohne echte Gegenleistung Geld oder bewegliche Sachen zu erlangen (Art. L. 121-10 des französische Verbrauchergesetzbuchs, Code de consommation).
Die Hauptstrafen für diese Straftaten sind dieselben wie für die in den Artikeln 223-15-2 ff. des Code pénal vorgesehenen, wobei die Geldstrafe im Verhältnis zum aus der Straftat gezogenen Nutzen beurteilt werden kann (Art. L. 132-14 c. conso.). Außerdem ist ein Vertrag, der aufgrund einer missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche geschlossen wurde, nichtig und daher ohne Rechtswirkung (Art. L. 132-13 c. conso.).
B. Die Impliziten
1. Artikel L.420-2 Absatz 2 des Code de commerce sieht vor, dass die missbräuchliche Ausnutzung der wirtschaftlichen Abhängigkeit eines Kunden- oder Lieferunternehmens, die gegenüber einem Unternehmen oder eine Unternehmensgruppe besteht, durch dieses Unternehmen oder diese Unternehmensgruppe, verboten ist, soweit sie geeignet ist, das Funktionieren oder die Struktur des Wettbewerbs zu beeinträchtigen.
Obwohl der Begriff der „Abhängigkeit“ verwendet wird, ist der Zweck derselbe, da die Abhängigkeit und die Schutzbedürftigkeit eines Unternehmens zwei verwandte Zustände sind.
Diese Praktiken können zu strafrechtlichen Sanktionen (Art. L. 420-6 C. com.) oder zu Unterlassungsverfügungen und quasi-repressiven Geldsanktionen führen, die von der Wettbewerbsbehörde erlassen werden (Art. L. 464-2 c. com.).
2. Es gibt weitere nicht-repressive Mechanismen, die Unternehmen in Schwierigkeiten betreffen, die unter die Bekämpfung von Schwachstellen im sensu lato fallen, wie beispielsweise das Verbot, bestimmte Rechtsgeschäfte abzuschließen (Art. L. 622-7 C.com.) oder Nichtigkeiten innerhalb der Verdachtsfrist (Art. L. 632-1 ff. C.com.).
Seit 2016 jedoch, richtet sich die Aufmerksamkeit auf eine andere Bestimmung: diese verankert einen allgemeinen, nicht repressiven Mechanismus in Bezug auf die missbräuchliche Ausnutzung von Schwäche beim Vertragsabschluss.
II. – Das neue Rechtsinstrument
Es handelt sich hierbei um den neuen Artikel 1143 des Code civil, der als vertragsrechtlicher Mechanismus das Ergebnis der Vertragsrechtsreform 2016-2018 ist. Ursprünglich hieß es: Gewalt liegt auch dann vor, wenn eine Partei unter Ausnutzung des Abhängigkeitsverhältnisses, in dem sich ihr Vertragspartner befindet, von ihm eine Verpflichtung erwirkt, die er ohne diesen Zwang nicht eingegangen wäre, und daraus einen offensichtlich übermäßigen Vorteil zieht. Das Gesetz zur Ratifizierung der Verordnung von 2016, präzisierte im Jahr 2018, dass die Abhängigkeit in Bezug auf den Auftragnehmer selbst festgestellt werden muss.
Ähnliche Mechanismen gibt es jenseits des Rheins zum Beispiel mit § 138 II BGB oder Artikel 1118 des Luxemburgischen Zivilgesetzbuchs.
Das neue französische Rechtsinstrument weist jedoch eine gewisse Originalität auf, die es rechtfertigt, sich mit seinem Wesen (A) und seinem Regelungsgehalt (B) zu befassen.
A. Der Wesensgehalt
Es bestehen Zweifel, dass Artikel 1143 des Code civil streng genommen ein Rechtsinstrument zur Bekämpfung der missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche ist.
1. Zunächst verankert der Artikel die frühere Rechtsprechung, die den Begriff der „wirtschaftlichen Gewalt“ entwickelt hatte, der dem Begriff der Schutzbedürftigkeit nahesteht, sich aber von diesem unterscheidet.
Der französische Kassationsgerichtshof (Cour de cassation) hat den Willensmangel aufgrund von Gewalt erweitert auf Situationen der wirtschaftlichen Abhängigkeit.
Der Tatbestand der Gewalt wurde somit auf Situationen der missbräuchlichen Ausnutzung wirtschaftlicher Abhängigkeit ausgedehnt.
Artikel 1143 des Code civil betrifft jedoch jede Art missbräuchlicher Ausnutzung von Abhängigkeit, was viel weiter gefasst ist und eine Parallele zum Missbrauch von Schwäche rechtfertigen kann.
2. Weiterhin fehlen die Worte „missbräuchliche Ausnutzung von Schwäche“.
Es besteht jedoch kaum ein Zweifel daran, dass dieser Text ein legislatives Instrument zur Bekämpfung der missbräuchlichen Ausnutzungen von Schwäche enthält. Das Ermächtigungsgesetz vom 16. Februar 2015, das Rechtsgrundlage für die Verordnung 2016 ist, forderte die Regierung ausdrücklich auf, eine Bestimmung zu erlassen, die das missbräuchliche Ausnutzen von Schwäche sanktioniert. Auch der Entwurf des Reformgesetzes verwendete diese Begriffe. Artikel 1143 des Code civil bestraft denjenigen, der die Abhängigkeit einer anderen Person ausnutzt, um sie zu missbrauchen, mit dem Ziel, eine Verpflichtung zu erlangen, die sein Vertragspartner nicht eingegangen wäre und die diesen übermäßig benachteiligt. Die Abwesenheit der Worte bleibt somit folgenlos.
B. Der Regelungsgehalt
Es folgt eine nähere Betrachtung der Bedingungen und Auswirkungen des Artikels 1143 des Code civil.
1. Mehrere Bedingungen: zunächst die Feststellung einer „Abhängigkeit“, ohne zu wissen, ob diese dem Vertragspartner zuzurechnen sein muss oder ob sie auf einen äußeren Umstand zurückzuführen sein könnte. Beide Konstellationen sind ausreichend, da der Text keine Unterscheidung zwischen ihnen vornimmt.
Der Bericht an den Präsidenten der Republik über die Verordnung legt außerdem fest, dass alle Hypothesen abgedeckt sind, so dass ebenfalls der Schutz von schutzbedürftigen Personen und nicht ausschließlich der von Unternehmen gewährleistet ist.
Welche „Abhängigkeit“ wird angestrebt? Eine an die Schutzbedürftigkeit der Person gebundene Abhängigkeit wie im Strafrecht? Eine wirtschaftliche Abhängigkeit eines Unternehmens von einem anderen, wie im Handelsrecht?
Da das Gesetz keine Unterscheidung vornimmt, hat der Richter einen gewissen Spielraum, die Abhängigkeit zu beurteilen.
Eine missbräuchliche Ausnutzung ist offensichtlich erforderlich. Die Abhängigkeit als solche ist nicht ausreichend.
Die missbräuchliche Ausnutzung muss auch zu einer Verpflichtung führen, die der Vertragspartner ohne die missbräuchliche Ausnutzung nicht eingegangen wäre, eine Verpflichtung, die einen eindeutig übermäßigen Vorteil ermöglicht.
Aus formaler Sicht handelt es sich bei der neuen missbräuchlichen Ausnutzung der Abhängigkeit um eine Form von Gewalt und damit um einen Willensmangel. Die Bedingung, die sich auf die Erlangung eines offensichtlich übermäßigen Vorteils bezieht, erinnert eher an einen Nachteil (Artikel 1170 und 1171 des Code civil).
Artikel 1143 des Code civil befindet sich demnach zwischen Willensmangel Zustimmungsmangel und Schädigung.
Die Beweislast für das Vorliegen dieser kumulativen Voraussetzungen liegt bei der Person, die sich auf einen Mangel aufgrund der missbräuchlichen Ausnutzung einer Schwäche beruft.
In der Theorie wird das Gericht jede dieser Bedingungen separat charakterisieren müssen. In der Praxis könnten die Richter die Situation pauschal beurteilen, was mit dem Risiko von Unsicherheit und Subjektivität verbunden ist.
2. Die Auswirkungen des Mechanismus sind in Artikel 1143 des Code civil nicht vorgesehen, doch der Missbrauch von Schwäche wird als ein Fall von Gewalt angesehen. Die Wirkungen sind dann die des Willensmangels: die Nichtigkeit des Vertrags, es sei denn, das Opfer zieht es vor, die zivilrechtliche Haftung des Urhebers in Anspruch zu nehmen.
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Auf diese Weise wurde versucht, die Instrumente zur Unterdrückung der missbräuchlichen Ausnutzung von Schwäche, die einen kleinen Teil des im Frankreich sogenannten „Rechts der Schutzbedürftigkeit“ ausmachen, darzustellen.
Zu viele Instrumente können jedoch Widersprüchlichkeiten auslösen. Eine der heutigen Herausforderungen könnte in der Notwendigkeit liegen, Prinzipien für das Zusammenwirken dieser Mechanismen zu finden.
Zwei Empfehlungen kommen daher in Betracht: die Beachtung des Grundsatzes der strengen Auslegung des Strafrechts für die oben genannten Straftaten und die Berücksichtigung des Grundsatzes „specialia generalibus derogant“, der die vorrangige Anwendung der spezielleren Normen vorsieht. Dies würde einen großen Schritt in Richtung gesetzgeberischer Harmonisierung darstellen.
- Sur la question, nous nous permettons de renvoyer à notre étude, « Conclure des actes juridiques en situation de vulnérabilité en droit français », in La vulnérabilité en droit international, européen et comparé, dir. A. Boujeka et M. Roccati, PU Nanterre, 2021, à paraître. [↩]
- P. Conte, Droit pénal spécial, 4e éd., n° 279, et les réf. citées. [↩]
- Code civil allemand, traduction commentée, Dalloz-Juriscope, 2009. [↩]
- P. Simler, Commentaire de la réforme, LexisNexis, n° 31, p. 21. [↩]
- F. Ancel, B. Fauvarque-Cosson et J. Gest, Aux sources de la réforme du droit des contrats, Dalloz, 2017, n° 24.25. [↩]
- F. Ancel, B. Fauvarque-Cosson et J. Gest, Aux sources de la réforme du droit des contrats, Dalloz, 2017, n° 24.23. [↩]
- Rappr. A.-S. Choné et L. Mauger-Vielpeau, art. 1143, in T. Douville (dir.), La réforme du droit des contrats, Gualino. [↩]
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