[Note de l’éditeur : Le recueil Lebon mentionne que les conclusions sont publiées sous forme de résumé].
Il y a trois questions, dans le litige actuel, à envisager au point de vue de la compétence :
1º la contestation relative à la possession de la parcelle sur laquelle le mur démoli avait été édifié ;
2º la responsabilité personnelle du maire pour le dommage cause au propriétaire par la démolition du mur ;
3º la responsabilité de la commune à l’occasion du même dommage, puisque l’action est inventée aussi bien contre la commune que contre le maire pris personnellement.
Sur le premier point, aucun doute n’est possible : les questions de propriété et de possession relèvent de l’autorité judiciaire.
Sur le deuxième point, il suffit de remarquer que l’arrêté du maire, pris sans visa d’aucune loi, sans aucun rapport avec les opérations du curage projeté, lesquelles n’ont été arrêtées que postérieurement, constituait non seulement un excès de pouvoir, mais un véritable abus d’une illégalité flagrante ; la jurisprudence du tribunal des conflits, du Conseil d’État, de la Cour de cassation, tend, en effet, de plus en plus, dans un cas pareil, à relever la faute personnelle de l’agent, qui peut engager sa responsabilité devant les tribunaux judiciaires : Trib. des conflits, 20 janv. 1900 (Uhel, p. 51) ; 8 nov. 1902 (Grossan, p. 644) ; 19 mars 1904 (Maudière, p. 252) ; Cons. d’État, 31 janv. 1902 (Grossan, p. 56) ; Cour de cassation (Ch. civ.), 5 août 1901 (Exbrayat, Bull. civ., n° 116) ; Cour de cassation (Ch. crim.), 14 févr.1902 (Voisin, Bull. crim., n° 71).
Sur le troisième point, rappelons que le dommage causé aux particuliers par les personnes publiques dans l’exécution de travaux, de mesure de police diverses, d’opérations administratives quelconques, ne peut donner lieu, en principe, qu’à une action portée devant la juridiction administrative (Conseil de préfecture s’il s’agit de travaux publics, Conseil d’État en premier et dernier ressort dans tous les autres cas) ; mais qu’il existe une dérogation formelle à cette règle, si le préjudice cause provient d’opérations faites par la personne
publique sur le sol même de la propriété privée. Tant que 1’Administration reste sur son fonds, ne pénètre pas sur la propriété privée, ne l’atteint que du dehors sans mettre la main sur elle, l’atteinte à la jouissance du propriétaire, si grave quelle puisse être, ne relève que des tribunaux administratifs ; mais l’autorité judiciaire est seule compétente s’il y a voie de fait, c’est-à-dire s’il y a de la part de la personne publique emprise, mainmise, entreprise sur la propriété immobilière dont la défense est spécialement confiée à cette autorité : Trib. des conflits, 18 févr.1893 (Dubois, p. 155) ; 27 févr.1893 (Lhopitallier, p. 182) ; 3 avr. 1897 (Larinier, p. 291); 16 nov. 1901 (Zimmermann, p. 812) ; 19 mars 1904 (Maudière, p. 252) ; 16 mai 1904 (Lacoste, p. 388) ; Cour de cassation (Ch. civ.), 28 janv. 1902 (Fournier, Bull. civ., no 15) ; Cons. d’État, 16 déc.1904 (Gaillot, p. 817).
Les tribunaux judiciaires sont donc certainement compétents au fond sur l’action en réparation du préjudice causé.
Il pourrait se faire qu’il y eut une question préjudicielle de la compétence administrative, s’il y avait doute sur la légalité de l’acte administratif en exécution duquel dommage a été causé : Trib. des conflits, 29 juil. 1876 (Lecoq, p. 729) ; Cour de cassation (Ch. civ.), 28 janv. 1902 (Fournier).
Au contraire, le tribunal, compétent au fond, n’est pas tenu de surseoir, si l’acte invoque n’a d’administratif que le nom et est entaché d’une nullité absolue, substantielle ; l’Administration ne saurait, dans ce cas, entraver le cours de la justice en alléguant un prétendu acte administratif, qui n’est qu’un abus de pouvoir évident : Cour de cassation (Ch. cr.), 14 févr. 1902, Voisin Bull., n° 71) ; Trib. des conflits, 27 févr. 1893 (Lhopitallier, n° 182).
Tel est précisément, dans l’espèce actuelle, le caractère de l’arrête municipal invoqué, et l’autorité judiciaire, compétente sur le fond, ne se trouvait arrêtée par aucune question préjudicielle.
Les trois questions qui se posaient pouvaient donc, foutes trois, être, résolues par les tribunaux et l’arrêté de conflit doit, en conséquence, être annule.