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Conclusions sur CE 8 juillet 1904, Sieur Botta

Citer : Jean Romieu, 'Conclusions sur CE 8 juillet 1904, Sieur Botta, ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 68098 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=68098)


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Décision(s) commentée(s):
  • Conseil d’Etat, 8 juillet 1904, Botta, requête numéro 11574, publié au recueil

Un arrêt de la Cour des comptes du 6 déc.1899, statuant sur les comptes, pour 1894 et 1895, du sieur Botta, receveur des contributions diverses en Algérie, et receveur municipal de la commune de Koléa, a déclaré ce comptable débiteur envers la commune de diverses sommes représentant le montant des remises proportionnelles qu’il se serait payées indûment sur certaines dépenses faites par la commune au cours de ces deux années. La Cour estimait, en effet, que ces dépenses communales constituaient des « conversions de valeurs » et étaient, à ce titre, non passibles de remises proportionnelles au profit du comptable. Le sieur Botta s’est pourvu au Conseil d’État contre l’arrêt de la Cour et a soutenu qu’aucun texte n’interdisait de percevoir des remises sur les dépenses en question. Le Conseil d’État, statuant au contentieux, par sa décision en date du 28 févr.1902, a accueilli le pourvoi du sieur Botta, casse l’arrêt attaque, et renvoyé le requérant devant la Cour des comptes pour y être à nouveau statué sur ses comptes de gestion des exercices 1894 et 1895.

La Cour des comptes, sur ce renvoi ordonné par le Conseil d’État, a procédé à un nouvel examen des comptes du sieur Botta ; par son arrêt des 7-21 juil. 1902, elle a maintenu intégralement sa décision antérieure, non seulement sur certains points secon­daires dont le Conseil d’État n’avait pas eu à s’occuper, mais sur tous les points qui avaient fait l’objet du précédent pourvoi, et sur lesquels la doctrine de l’arrêt attaqué avait été condamnée en droit par le Conseil d’État. En un mot, elle ne s’est pas inclinée devant l’interprétation de la loi donnée par la juridiction supérieure et a persévéré, en ce qui concerne la théorie de la conversion de valeurs, dans l’interprétation contraire donnée par l’arrêt annulé. En conséquence, elle a laissé à la charge du sieur Botta toutes les sommes dont elle l’avait précédemment déclaré redevable. C’est contre ce nouvel arrêt de la Cour des comptes, que se pourvoit actuellement le sieur Botta, lequel reproduit les motifs de son pourvoi précédent, qui avaient été accueillis par le Conseil d’État dans sa décision antérieure.

Nous estimons que l’arrêt de la Cour des comptes des 7-21 juil. 1902 doit être annulé. Il peut l’être par trois moyens d’ordre différent : 1º pour violation de la loi, par les motifs admis par vous le 28 févr.1902, lors de votre premier jugement ; 2° pour incompétence, par un motif expressément réservé par vous dans cette même décision ; 3° pour excès de pouvoir, parce que la Cour ne s’est pas conformée, comme juridiction de renvoi, à la chose jugée en droit par le Conseil d’État.

PREMIER MOYEN : Violation de la loi. – Le désaccord qui existe entre la Cour des comptes et le Conseil d’État sur l’interprétation des règlements relatifs aux conversions de valeurs et qui a donné lieu à l’arrêt du Conseil d’État du 28 févr.1902, nous paraît pouvoir être résumé brièvement comme il suit :

Le système de rémunération des comptables par voie de remise proportionnelle, qui existait autrefois d’une manière générale dans la métropole, subsiste actuellement pour les comptables communaux en Algérie. Ces remises, proportionnelles aux opérations effectuées par les comptables, étaient fixées par le ministre des Finances ou le ministre de l’intérieur : elles le sont en Algérie par le gouverneur général. Les règles, pour la métropole, réunies dans l’instruction générale des finances de 1859, avaient été édictées par une série de textes, ordonnances, arrêtés ministériels, circulaires de direction générale, échelonnés pour la plupart de 1839 à 1843. On excluait des remises proportionnelles à toucher paries comptables un certain nombre d’opérations par des considérations très diverses : tantôt parce qu’il s’agissait de simples opérations d’ordre n’impliquant ni maniement de deniers, ni responsabilité, tantôt, parce qu’il y avait conversion de valeur proprement dite, c’est-à-dire simple changement d’une valeur mobilière ou immobilière en une autre entre les mains du même propriétaire, tantôt, parce qu’il y avait versement entre deux personnes publiques dont les caisses se trouvaient gérées par le même comptable et qu’on assimilait cette opération à une conversion de valeurs, tantôt, parce que la remise eût été trop considérable, en matière d’emprunts par exemple. Toutes ces exclusions sont indiquées dans les textes visés et résumés à l’art. 1241 de l’instruction générale des finances.

En Algérie, les remises proportionnelles ont été réglées d’abord en 1858, puis, plus récemment, par un arrêté du gouverneur général du 15 air. 1885 ; l’art. 2 de cet arrêté déclare non passibles de remises : 1º les opérations qui, aux termes de l’art. 1241 de l’instruction générale des finances, constituent des conversions de valeurs ; 2º un certain nombre d’opérations spéciales à l’Algérie, explicitement énumérées. La contestation qui fait l’objet du litige actuel porte sur des recettes effectuées par Botta, comme comptable de Koléa dont il était le comptable en dépenses ; ces divers versements litigieux, faits par Botta, de la commune à l’État et au département, sont relatifs soit au prix de traitement des malades indigents dans les hôpitaux militaires, soit au service des enfants assistés, des aliénés, des chemins vicinaux, toutes dépenses dont il m’est pas fait mention au § 2 de l’art. 2 de l’arrêté du gouverneur général de 1885 ; toute la question est donc de savoir si elles doivent être considérées comme rentrant dans les opérations assimilées par l’art. 1241 à des conversions de valeur.

La thèse de la Cour des comptes, pour décider que la remise proportionnelle n’est pas due, est qu’il y a, en comptabilité, une théorie générale de la conversion de valeur, applicable même à des opérations non spécialement prévues. L’art. 1241 vise une circulaire ministérielle du 25 juil. 1841, laquelle, dit l’arrêté attaqué, pose en principe que, lorsqu’un même comptable réunit plumiers gestions, les opérations d’un service à l’autre sont des conversions de valeur non susceptibles de remises.

La thèse du Conseil d’État est, au contraire, qu’il n’y a pas de théorie générale de la conversion de valeurs applicable d’office ; qu’il y a seulement des décisions d’espèces qui ont, dans les divers cas, assimilé certaines opérations aux conversions de valeur au point de vue de la suppression des remises. En dehors donc des simples opérations d’ordre, toujours faciles à reconnaître et à vérifier, on ne doit assimiler aux conversions de valeur que les opérations classées comme telles par l’autorité compétente.

Si les deux thèses peuvent se défendre par de bons arguments, nous estimons que celle du Conseil d’État est plus conforme aux textes à appliquer et à l’esprit de la réglementation en cette matière. Les divers textes de 1839, 1840, 1841, 1843 statuent sur des cas nettement déterminés ; s’ils invoquent certains principes d’ordre général, c’est à titre d’argument pour justifier ces décisions spéciales ; ce n’est pas pour édicter des règles impératives applicables à tous les cas analogues prévus ou imprévus.

L’art. 1241 et la réglementation à laquelle il se réfère procèdent par énumération ; on peut, il est vrai, rattacher tant bien que mal cette collection de cas particuliers à certains principes directeurs, mais on ne saurait y voir l’énoncé de formules générales régissant notamment toutes les doubles comptabilités. Dans quelle mesure le traitement fixe qu’un comptable reçoit de l’État implique-t-il la suppression des remises proportionnelles sur les versements faits par lui pour le compte des communes ? Quelles sont dans les divers cas, et notamment en Algérie, pour le comptable en recettes du département, les charges d’emploi excluant toute allocation proportionnelle ? Ce sont là des questions fort délicates, d’ordre administratif local ou spécial, dont la solution ne paraît commandée par aucun texte général.

Par ces motifs, nous pensons que le Conseil d’État a bien jugé, le 28 févr. 1902, et si la question se représentait entière devant nous, nous vous proposerions à nouveau de statuer dans le même sens.

DEUXIÈME MOYEN : Incompétence. – La Cour des comptes avait-elle le droit de se livrer à l’examen qu’elle a fait, et que nous venons de faire après elle, des règlements administratifs pour vérifier si le comptable avait droit aux remises liquidées et ordonnancées à son profit ? En le faisant, n’est-elle pas sortie des limites de sa compétence ?

Il semble que telle a bien été la pensée du Conseil d’État, lorsqu’il a rédigé la phrase par laquelle débute son arrêt du 28 févr. 1902 : « Sans qu’il soit besoin de rechercher s’il peut appartenir au juge des comptes d’enjoindre à un comptable de reverser les remises liquidées à son profit dans le cas où il estimerait que la liquidation a eu lieu par suite d’une interprétation inexacte des règlements ».

Le Cour n’a compétence que pour examiner la régularité des paiements des comptables, d’après les pièces que l’ordonnateur a prescrit de joindre aux mandats (art. 18 de la loi du 16 sept. 1807) ; elle n’a pas à résoudre les difficultés d’interprétation qui peuvent se produire au sujet de la liquidation des sommes donnant lieu à l’ordonnancement ; sinon, elle s’attribuerait une sorte de juridiction d’office sur toutes les transactions donnant lieu à un paiement par une caisse publique, c’est-à-dire qu’elle se substituerait à l’administration active ou au juge du contrat dans l’appréciation des droits des personnes publiques ou de leurs obligations. C’est cet empiétement que la loi de 1807 a entendu prévenir par son art.18 ; et toujours, le ministre des Finances, le ministre de l’Intérieur et le Conseil d’État ont tenu la main à ce que la Cour de pût exercer aucune juridiction indirecte sur les ordonnateurs (voir les arrêts bien connus du Conseil d’État, des 8 sept. 1839 et 22 mars 1841 ; voir aussi Laferrière, Traité de la juridiction administrative, t. II, p. 406).

Dans l’espèce, pour rejeter du compte du sieur Botta le montant des remises proportionnelles qu’il a touchées, la Cour prétend qu’il n’avait pas droit, comme receveur municipal, à être rémunéré par des remises des versements qu’il se faisait à lui-même au nom de la commune pour le compte de l’État ou du département dont il était le comptable en recettes ; elle conteste le montant du traitement auquel il a droit comme receveur municipal, ou, si l’on préfère, le mode de calcul de ce traitement. La question serait donc la même pour un fonctionnaire quelconque : la circonstance que Botta, est à la fois l’agent dont le traitement est contesté et le comptable qui l’a payé ne change pas la nature du débat, car Botta ne s’est attribué les remises qu’après un ordonnancement régulier effectué par l’ordonnateur compétent, comme s’il était agi d’un autre agent payé par lui sur le vu de cet ordonnancement. Or, il ne s’agit de la violation d’aucune règle de comptabilité, d’aucune erreur dans les diverses opérations qui ont accompagné l’ordonnancement ou le paiement. La commune et l’administration supérieure ont entendu payer à l’agent le montant du traitement auquel il avait droit : elles ont estimé, conformément à la pratique toujours suivie, que les remises faisant partie de ce traitement dû ; l’ordonnancement a été fait régulièrement par l’autorité compétente pour assurer ce paiement et le mandat a été accompagné des pièces justificatives prescrites. La Cour des comptes ne peut rejeter un paiement effectué dans ces conditions sans se substituer à l’ordonnateur et à l’administration active, et sans, par conséquent, sortir de ses attributions telles qu’elles sont déterminées par la loi du 16 sept. 1807. C’est dans des circonstances analogues que le Conseil d’État a prononcé autrefois l’annulation d’un arrêt de La Cour des comptes, qui avait refusé d’ad­mettre la validité du paiement de remises proportionnelles régulièrement ordonnancées en faveur de comptables de l’administration de l’enregistrement et des domaines sur des matières d’or et d’argent reçues par eux pour le compte du gouvernement (Conseil d’État, 3 janv. 1815, Astoud et autres). Cet arrêt n’est pas inséré au Recueil des arrêts du Conseil ; mais il a été publié à sa date dans le Journal du Palais (jurisprudence administrative, t. II, p. 69). II est ainsi conçu :

« Considérant qu’il est reconnu par le ministre des Finances que les remises allouées aux sieurs Astoud, Maillé et Tartarin, pour les recettes qu’ils ont faites des matières d’or et d’argent, soit en nature, soit en récépissé de l’hôtel des monnaies, ont été autorisées par le ministre, qui est le seul ordonnateur en cette partie ;

« Considérant qu’aux termes de l’art. 18 de la loi du 16 sept. 1807 sur l’organisation de la Cour des comptes, cette Cour ne peut s’attribuer aucune juridiction, ni sur l’ordonnateur, ni sur ses ordonnances ; d’où il suit qu’en refusant d’allouer dans le compte de l’ad­ministration des domaines les remises accordées aux receveurs des matières d’or et d’argent sans l’autorisation du ministre des Finances, elle a violé la disposition dudit article ».

Nous pensons, en conséquence, que par application de ces principes, le Conseil d’État aurait pu, en 1902, annuler le premier arrêt de la Cour des comptes pour incompétence et qu’il pourrait évidemment aujourd’hui annuler, pour ce même motif, le nouvel arrêt qui lui est déféré. Mais le troisième moyen, celui tiré de l’excès de pouvoir, nous paraît devoir être préféré à tous autres, car i1 y a là une grave question de droit public engagée qu’il est absolument nécessaire de résoudre et que nous devons examiner avec tout le soin qu’elle mérite.

TROISIÈME MOYEN : Excès de pouvoir. – La Cour des comptes, après annulation d’un de ses arrêts par le Conseil d’État pour violation de la loi, peut-elle, sur le renvoi or­donné par le Conseil, statuer dans la même affaire contrairement en droit à l’arrêt du Conseil d’État ?

Le seul texte législatif, en la matière, est l’art. 17 de la loi du 16 sept. 1807, loi organique de la Cour des comptes. Cet article porte seulement que les arrêts de la Cour des comptes peuvent être cassés par le Conseil d’État statuant au contentieux pour violation des formes ou de la loi ; il ne contient rien sur la procédure ultérieure. Une ordonnance du 1er sept. 1819 dispose que, lorsque après cassation le jugement du fond aura été renvoyé à la Cour, l’affaire sera portée devant l’une des Chambres qui n’en ont pas connu et que les conseillers de la nouvelle Chambre qui en auraient connu précédemment devront s’abs­tenir.

Il importe de bien préciser la question que vous avez à trancher, en la dégageant de toutes celles sur lesquelles il ne saurait y avoir de contestation. Il est bien entendu que le Conseil d’État ne statue qu’en droit, comme juge de cassation, et ne juge pas le fond ; que, dès lors, il ne saurait y avoir chose jugée sur le fond et que la Cour des comptes, dans le jugement du compte dont elle est saisie par renvoi, à toute liberté d’appréciation, tant sur les faits de toute nature que sur les moyens de droit autres que ceux examinés par le Conseil d’État. Il est hors de doute également que la décision du Conseil d’État n’a qu’une valeur juridictionnelle et non réglementaire ; qu’elle est, dès lors, limitée à l’espèce. Enfin, il est reconnu que le Conseil d’État peut casser sans renvoi, s’il ne reste plus rien à juger, par exemple dans le cas d’annulation pour incompétence. Ce que vous avez à vous de­mander à propos de l’affaire actuelle, c’est si la Cour des comptes, lorsque le Conseil d’État a annulé son arrêt pour violation de la loi et lui a renvoyé le jugement du fond, peut, sur le point de droit jugé par le Conseil d’État, statuer contrairement à la doctrine du juge de cassation et interpréter la loi autrement que lui, ou si, au contraire, elle est tenue de se conformer, sur le point de droit, à la décision du juge supérieur, si, en un mot, il y a chose jugée en droit, dans l’instance, comme cela a lieu pour la seconde Cour de renvoi après arrêt des Chambres réunies de la Cour de cassation.

II faut bien se rendre compte des conséquences qu’entraîne l’une ou l’autre solution.

Si la Cour des comptes a le droit de statuer contrairement à la doctrine de l’arrêt de cassation rendu par le Conseil d’État, le débat peut s’éterniser, puisqu’il n’y a pas de pro­cédure à deux degrés prévus comme pour la Cour de cassation. Une pareille procédure serait, d’ailleurs, incompatible avec l’organisation de la juridiction administrative supérieure qui ne comporte pas plusieurs Chambres. Si le Conseil d’État annule une seconde fois, la Cour des comptes pourra ne pas avoir son opinion modifiée par la nouvelle argumentation du juge de cassation et la discussion juridique risquera de se perpétuer, puisque, légalement, chaque fois, la Cour des comptes pourra affirmer à nouveau l’interprétation condamnée par le Conseil d’État et ne fera ainsi qu’user de son droit.

Si, au contraire, la Cour des comptes est tenue de se conformer sur le point de droit à l’arrêt du Conseil d’État, elle commet, en cas de résistance, un véritable excès de pouvoir au sens judiciaire du mot. Le Conseil d’État n’aura donc plus à juger à nouveau la question de droit, il devra annuler l’arrêt de la Cour pour excès de pouvoir, pour violation de la chose jugée en droit, comme le ferait la Cour de cassation à l’égard d’une troisième Cour de renvoi qui ne se conformerait pas à l’arrêt des Chambres réunies (cf. cass. crim. 7 juil. 1847 et les conclusions du procureur général Dupin, D. P. 1847.1.267). Cette sanction est absolument suffisante : la crainte de voir la controverse juridique se perpétuer ne peut exister que dans le cas où cette controverse est légalement possible et où la juridiction subordonnée peut espérer convaincre la juridiction suprême. Si ce droit n’existe pas, la juridiction de renvoi n’aura qu’à se soumettre, ainsi que cela a lieu devant l’autorité judiciare, et n’aura pas la tentation de continuer une discussion qu’elle aura n’être plus en son pouvoir.

Il y a donc un grand intérêt à rechercher quels sont les pouvoirs respectifs de la Cour des comptes et du Conseil d’État sur ce terrain ; la question se pose aujourd’hui pour la première fois, la Cour des comptes, s’étant toujours, jusqu’ici, conformée aux décisions d’annulation du Conseil d’État.

Dans le sens de la liberté entière de la Cour des comptes, statuant comme juridiction de renvoi, on peut faire valoir plusieurs considérations. C’est d’abord le texte de l’ordonnance du 1er sept. 1819 : si l’on renvoie à une autre Chambre que celle qui a connu de l’affaire, c’est donc, peut-on dire, que l’on craint un arrêt semblable au premier, c’est donc qu’on admet la possibilité d’un tel arrêt : le gouvernement en 1819 n’eût pas eu besoin d’édicter une pareille disposition, si la Cour eût été liée par l’arrêt du Conseil d’État. C’est ensuite, l’argument tiré de ce qu’il a fallu un texte, devant l’autorité judiciaire, pour conférer à la Cour de cassation le pouvoir d’imposer son interprétation doctrinale à la juridiction de renvoi : ce texte, c’est la loi du 1er avr. 1837. Avant cette époque, les tribunaux n’étaient pas liés par la doctrine de la Cour de cassation, même statuant toutes Chambres réunies : tel était notamment le cas en 1807, au moment où a été promulguée la loi organique de la Cour des comptes. Le droit en vigueur à ce moment n’impliquait donc nullement pour le juge de cassation le pouvoir d’imposer son interprétation de la loi, et on ne peut, dès lors, en l’absence d’un texte spécial, faire découler ce pouvoir, au profit du Conseil d’État, de la seule loi du 16 sept. 1807, alors qu’elle se borne à lui attribuer le rôle de juge de cassation.

Nous allons essayer de vous démontrer pourquoi cette argumentation doit être ab­solument écartée.

I. – Nous n’insisterons pas longuement sur le raisonnement tiré de l’ordonnance du 1er sept. 1819. D’abord, cette ordonnance est un décret simple qui n’aurait pu, même si elle en avait eu l’intention, modifier les pouvoirs conférés au Conseil d’État et à la Cour des comptes par la loi du 16 sept. 1807. Ensuite, le renvoi à une autre Chambre n’implique nullement que la juridiction de renvoi soit absolument libre. Cette procédure se justifie très suffisamment par la crainte que les mêmes juges, s’ils étaient appelés à statuer, ne soient tentés de chercher dans des appréciations de fait le moyen d’éviter de se soumettre à la doctrine de droit qui leur est imposée. Cet inconvénient a été souvent constaté dans l’application des règles de la procédure allemande renvoyant après cassation devant le même juge, avec obligation de se conformer à la thèse de droit de l’arrêt de cassation. D’ailleurs, en France, après la seconde cassation, le renvoi a lieu devant une Cour [minuscule : cour] différente, bien que cette dernière soit liée en droit par la décision des Chambres réunies. L’argument est donc sans valeur. Ajoutons enfin que l’esprit dans lequel a été rédigée l’ordonnance du 1er sept. 1819 ne saurait faire doute quand on la rapproche du texte de l’ordonnance rendue au contentieux le 28 juil. précédent, annulant un arrêt de la Cour des comptes dans les termes que nous mettrons sous vos yeux tout à l’heure et qui ne laisse place pour aucune hésitation.

II. – Un texte formel est-il nécessaire, en principe, pour que la juridiction de dernier ressort soit tenue de se soumettre à l’autorité de la chose jugée en droit par le juge de cas­sation ? Nous ne le pensons pas. La règle qui nous semble, a priori dominer toute organi­sation ou toute hiérarchie judiciaire, c’est que « les procès doivent être jugés ». II faut que la lice judiciaire soit, à un moment donné, définitivement fermée et que le litige soit tranché en fait et en droit. Si la juridiction souveraine peut juger le fond, comme autrefois le Conseil du Roi dans ses arrêts d’évocation, ou la Chambre des Lords, en Angleterre il n’ya pas de difficulté. Si, au contraire, on admet l’existence d’une juridiction de cassation, qui est chargée de donner une interprétation purement doctrinale de la loi, dégagée de la contingence des faits, le litige n’est pas terminé immédiatement par la décision de cette juridiction souveraine, puisqu’elle ne peut statuer sur le fond ; mais il le sera si la juridiction subordonnée est tenue de faire application aux faits, dont elle seule est juge, des principes de droit posés par le juge de cassation.

Admettre que le tribunal de renvoi puisse continuer à statuer en droit pour interpréter la loi dans un sens, et que le tribunal de cassation puisse continuer à annuler pour l’interpréter dans un autre, c’est aboutir à l’anarchie, au déni de justice ; la possibilité de ce conflit perpétuel est contraire à l’ordre public et au droit des justiciables d’être jugés.

Si le législateur règle lui-même la question, il pourra édicter les solutions les plus variées et les plus contestables, admettre la prolongation du désaccord entre les diverses juridictions pendant un temps limité, faire fixer l’interprétation de la loi reconnue douteuse par une autorité étrangère à la hiérarchie judiciaire, par le pouvoir législatif, par exemple, etc. Si le législateur n’a pas réglé de procédure spéciale et s’est contenté d’instituer une juridiction de cassation, il nous paraît que le droit conféré à cette juridiction d’annuler, pour violation de la loi, les actes des juridictions subordonnées, implique pour elle le droit de fixer à leur égard le sens de cette loi qu’elle est compétente à interpréter souverai­nement. Loin donc qu’un texte législatif soit nécessaire pour lui conférer ce pouvoir, il nous paraît que l’intervention du législateur n’est indispensable que pour le restreindre ou lui imposer des modalités.

Quelqu’opinion que l’on puisse avoir, en théorie, sur ces principes, et sur ce qui constitue ce qu’on pourrait appeler le droit naturel en cette importante matière, nous nous proposons de vous démontrer – au point de vue du droit positif – que l’évolution historique de notre droit public, en ce qui concerne l’autorité chargée de donner souve­rainement et obligatoirement l’interprétation de la loi dans une instance judiciaire, suffit à expliquer les pouvoirs que la loi du 16 sept. 1807 a, selon nous, indubitablement entendu conférer au Conseil d’État en tant que juge de cassation des arrêts de la Cour des comptes.

III. – II est exact qu’antérieurement à la loi du 1er avr. 1837, les arrêts de la Cour de cassation ne liaient pas le tribunaux de renvoi : mais cet état de choses, qui comportait d’ailleurs, comme on va le voir, le moyen d’empêcher la prolongation du conflit entre les juridictions, avait son origine exclusivement dans une application abusive du principe de la séparation des pouvoirs et dans la méfiance traditionnelle vis-à-vis de l’autorité judiciaire.

Sous l’ancien régime, la crainte des empiétements des Parlements sur le pouvoir administratif, législatif et gouvernemental, notamment par la voie des arrêts de règlement, avait conduit à ne pas laisser à l’autorité judiciaire l’interprétation souveraine de la loi dans les cas douteux, et à réserver au pouvoir royal le droit de résoudre toutes les difficultés d’interprétation des actes législatifs qui pouvaient surgir au cours des procès ; l’ordonnance d’avr. 1667, sur la réformation de la justice (tit. I, art. 7), porte : « Si, dans les jugements des procès qui seront pendants en nos cours de Parlement et autres cours, il survient aucun doute ou difficulté sur l’exécution de quelques articles de nos ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, nous leur défendons de les interpréter, mais voulons qu’en ce cas elles aient à se retirer par devers nous pour apprendre ce qui sera de notre intention ». Pour éviter que les Parlements ne fissent des lois interprétatives, le gouvernement s’attribuait le droit d’interprétation judiciaire, et il l’exerçait, le cas échéant, au moyen d’évocations au conseil du Roi. Sous la Révolution, le même esprit subsiste, la même méfiance à l’égard de la magistrature réorganisée, la même crainte de voir les juges empiéter sur les attributions du législateur et contredire la loi en l’interprétant (loi des 16 au 24 août 1790, tit. II, art. 12). La solution souveraine des difficultés d’interprétation de la loi, au cours des litiges, continue à être refusée au pouvoir judiciaire : seulement, c’est le législateur qui remplacera le roi statuant en son Conseil.

La loi des 27 nov.-1er déc. 1790, qui crée le tribunal de cassation avec cette déno­mination si modeste, n’entend point conférer au pouvoir judiciaire des attributions plus étendues que celles qu’il avait auparavant : quand il y a doute sur le sens d’un texte de loi, l’intervention législative s’impose. Et il y a doute lorsque, dans une même instance, l’accord ne pourra se faire entre le tribunal de cassation et les tribunaux qui en relèvent. L’interprétation est alors donnée par le législateur après deux cassations (loi précitée de 1790, art. 21, et constitution du 3 sept. 1791, tit. III, chap. 5, art. 21), ou après une seule cassation (Constitution du 5 fruct. an III, art. 256), si le tribunal de renvoi n’adopte pas l’interprétation des tribunaux de cassation, et la décision du législateur s’impose alors au tribunal de cassation.

Lorsque la loi du 27 vent. an VIII eut, dans son art. 78, organise le système du ju­gement par les sections réunies du tribunal de cassation [majuscule : Tribunal de cassation ], après une seconde cassation, et que, d’autre part, l’art. 4 du Code civil eut, en l’an XI, affirme le droit et même l’obligation du juge d’interpréter la loi en cas de silence, d’obscurité ou d’insuffisance, on put se de­mander si le départ n’était pas fait d’une manière définitive entre l’interprétation par voie réglementaire, qui appartient au pouvoir législatif, et l’interprétation judiciaire, qui est faite par le juge pour l’espèce qu’il a à examiner, et si, sur ce dernier terrain, le pouvoir souverain d’interprétation n’appartenait pas à la juridiction suprême, statuant dans cette forme solennelle.

Une loi du 16 sept. 1807 vint bientôt faire cesser toutes les hésitations et prouver que rien n’était changé dans l’application tout à fait abusive faite tant par l’ancien régime que par la Révolution du principe : Ejus est interpretari legem, cujus est condere ; l’interprétation souveraine de la loi, dans un cas révélé comme douteux par la contrariété des décisions des tribunaux, était toujours considérée comme placée en dehors des pouvoirs de l’autorité judiciaire : on l’attribuait, cette fois, non plus au législateur, mais au gouvernement ; l’interprétation était donnée en forme de règlement d’administration publique, c’est-à-dire par décret en Conseil d’État, et c’est à cette interprétation, donnée en cette forme, que les tribunaux et le tribunal de cassation étaient tenus de se conformer dans l’instance en cours.

Le système de la loi de 1807, auquel se réfère l’art. 440 du Code d’instruction cri­minelle, a duré près d’un quart de siècle et survécu au régime impérial. Après 1815, il fut reconnu que le Conseil d’État avait perdu les attributions d’ordre législatif qu’il tenait de l’organisation constitutionnelle de l’Empire, qu’il n’avait donc plus le pouvoir de faire des lois interprétatives comme sous la constitution de l’an VIII, le pouvoir législatif proprement dit appartenant pour l’avenir exclusivement aux Chambres ; mais on admit que le pouvoir spécial, conféré par la loi du 16 sept. 1807 au Conseil d’État, ou plutôt au chef du gouver­nement en son Conseil d’État, étant relatif, non à l’interprétation réglementaire ou législative, mais à l’interprétation judiciaire pour le jugement des procès individuels, se rattachait à l’organisation judiciaire, dont il constituait un organisme important, et n’avait pas disparu par le changement de constitution (avis du Conseil d’État des 27 nov. – 17 déc.1823). Des décrets en Conseil d’État continuèrent donc à donner, dans les cas prévus par la loi de 1807, une interprétation doctrinale de la loi, à laquelle la Cour de cas­sation était, pour le litige considéré, tenue de se conformer. C’est en 1828 que, pour la première fois, on réagit contre cette pratique si ancienne de l’intervention gouvernementale ou législative au cours d’une instance judiciaire et qu’on attribue à l’autorité judiciaire le droit d’interpréter souverainement la loi pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie ; mais la crainte de l’omnipotence d’une Cour suprême est encore si persistante que l’on n’ose pas laisser le dernier mot à la Cour de cassation et que, par une aberration presque aussitôt reconnue, on le laisse à la seconde cour de renvoi. C’est seulement la loi du 1er avr. 1837 qui donne enfin au principe nouveau de l’indépendance du pouvoir judiciaire son développement normal et complet en confiant l’autorité souveraine, en matière d’inter­prétation des lois, à la Cour de cassation statuant toutes Chambres réunies.

On peut donc affirmer que, jusqu’en 1828 tout au moins, si le droit du juge de cas­sation s’est trouvé limité en ce sens que son interprétation de la loi n’était pas obligatoire pour les tribunaux dont il annulait les jugements : 1º cette restriction dérivait uniquement une superstition excessive du principe de la séparation des pouvoirs dirigé contre l’autorité judiciaire ; 2° qu’elle résultait de textes législatifs spéciaux, transférant le droit souverain d’interprétation, en matière judiciaire, à l’autorité législative ou gouvernementale ; 3º qu’elle n’avait pas pour effet de paralyser le jugement des procès, grâce à cette intervention du législateur ou du gouvernement en Conseil d’État, qui donnait une interprétation doctrinale obligatoire pour le juge dans le jugement du litige engage.

IV. – Vouloir au Conseil d’État, dans ses rapports avec la Cour des comptes, lors de la fondation de cette Cour en 1807, les mêmes restrictions, que celles qui limitaient à 1a même époque, les pouvoirs d’interprétation de la Cour de cassation, serait commettre un anachronisme, un véritable contre-sens historique, tant au point de vue de la juridiction administrative suprême en général que de son autorité sur la Cour des comptes en particulier.

Le principe de la séparation des pouvoirs, qui a empêché si longtemps de reconnaître à l’autorité judiciaire l’interprétation souveraine de la loi, ne pouvait être invoqué contre la juridiction administrative, qui était précisément le principal organe chargé de le défendre. À la juridiction administrative était attribué le droit de donner l’interprétation des actes administratifs, à elle était conféré le rôle de régulateur des conflits d’attribution : aucun sentiment de méfiance à son égard ne devait donc pouvoir l’empêcher de fixer définitivement le sens des lois qu’elle était chargée de faire respecter par les juridictions placées sous son autorité.

Mais il y a plus : le texte qui institue la Cour des comptes est la loi du 16 sept. 1807 ; il prévoit que les arrêts de la Cour pourront être annulés, à la requête des comptables ou sur le rapport d’un ministre pour violation de la loi ; on sait qu’à cette époque les arrêts contentieux du Conseil d’État étaient des décrets de l’empereur en Conseil d’État, et que ces décrets eux-mêmes étaient encore rendus en assemblée générale ; les arrêts du Conseil d’État et les règlements d’administration publique étaient donc rendus par la même autorité, l’empereur en assemblée générale du Conseil d’État.

Or, précisément le jour même ou paraissait la loi sur la Cour des comptes, le 16 sept. 1807, était promulguée la loi dont nous parlions tout à l’heure, qui disposait qu’en cas de désaccord entre la Cour de cassation et les tribunaux de renvoi, le sens de la loi serait fixé par un décret en Conseil d’État. Donc, en vertu de ces deux lois du même jour, la même autorité, l’empereur, en l’assemblée générale de son Conseil d’État, était investi du double pouvoir, d’une part, en la forme contentieuse, d’annuler les arrêts de la Cour des comptes pour violation de la loi ; d’autre part, en la forme administrative, de donner l’interprétation de la loi qui devait être adoptée dans une instance civile ou criminelle, par les tribunaux de l’ordre judiciaire. Est-il possible d’admettre que dans la pensée du législateur de 1807, l’empereur en son Conseil d’État eût un pouvoir d’interprétation plus grand, pour fixer le sens de la loi dans un procès relevant des tribunaux ordinaires, que dans un litige administratif où le juge était directement soumis à sa censure ? Que sa décision interprétative ne fût pas obligatoire pour la Cour des comptes, alors qu’elle l’était pour la Cour de cassa­tion ? N’est-il pas évident, dans cet état du droit, que l’art. 17 de la loi du 16 sept. 1807, en donnant au Conseil d’État le droit d’annuler les arrêts de la Cour des comptes pour violation de la loi, impliquait nécessairement l’obligation, pour la Cour des comptes, de se soumettre à l’interprétation doctrinale de la juridiction suprême ? Le législateur de 1807 n’avait pas besoin de le dire expressément, parce qu’il n’y avait ni préjugé de la séparation des pouvoirs à écarter, ni textes antérieurs à modifier, ni procédure spéciale à or­ganiser, parce que le rôle confié au Conseil d’État et l’esprit général de la législation ne pouvaient laisser aucun doute à cet égard ; parce qu’enfin il était d’ordre public que les comptes puissent être jugées définitivement et qu’ils le fussent conformément aux règles de droit posées par le Conseil d’État.

Aussi, les contemporains ne s’y sont-ils pas trompés et nous trouvons dans une décision du 28 juil. 1819 (Min. Fin. c. Catoire), à laquelle nous avons fait précédemment al­lusion, une formule qui indique nettement comment le Conseil d’État entendait, à l’époque de l’ordonnance du 1er sept. 1819, sur la procédure à suivre en cas de renvoi devant la Cour des comptes, le rôle de la juridiction de renvoi. Après avoir cassé l’arrêt de la Cour des comptes qui lui était déféré, le Conseil d’État ajoute, dans l’art. 5 de son dispositif, que les parties sont renvoyées devant la Cour, pour les comptes être juges « conformément aux dispositions de la présente décision ».

V. – Nous attachons une grande importance à la décision que le Conseil d’État rendra dans l’affaire actuelle, car elle aura une portée générale et la théorie en sera applicable à toutes les autorités qui relèvent de sa juridiction au point de vue de l’annulation, soit aux autorités juridictionnelles de toute nature, soit même aux autorités de l’adminis­tration active (Cons. d’Et., 9 juin 1893, Thorrand). Il faut qu’on sache bien que, lorsqu’un acte ou un jugement a été annulé par le Conseil d’État pour violation de la loi, cet acte ne peut être recommencé immédiatement dans les mêmes conditions, ce jugement ne peut être reproduit dans l’instance avec les moyens de droit qui ont été condamnés, sous peine d’une annulation qui, cette fois, sera exclusivement fondée sur la violation de la chose jugée en droit. C’est bien dans cet esprit qu’a statué un décret sur conflit du 8 avr. 1852 (commune des Lattes), à l’égard d’un préfet qui avait élevé à nouveau un arrêté de conflit dans une instance où le conflit avait été précédemment annulé. Pour tous ces motifs, nous concluons à l’annulation de l’arrêt de la Cour des comptes pour excès de pouvoir.

VI. – Une fois l’annulation de l’arrêt de la Cour prononcé, vous aurez à examiner encore deux questions: y a-t-il lieu à nouveau renvoi devant la Cour ? Y a-t-il lieu de statuer sur les conclusions du sieur Botta tendant au remboursement des sommes liti­gieuses ?

Nous estimons qu’il n’y a pas lieu a renvoi : en effet, nous savons aujourd’hui par l’arrêt de la Cour lui-même que le sieur Botta a reversé les 133,74 F mis à sa charge et que la Cour a rendu, après ce versement, un arrêt de quitus devenu définitif. Il n’y a donc plus rien à juger, en ce qui concerne le compte du comptable et, dès lors, il suffit de prononcer la cassation sans renvoi.

Le sieur Botta est évidemment en droit, comme fonctionnaire communal, de réclamer à la commune de Koléa les remises qu’il a été à tort obligé de reverser en tant que comptable, c’est-à-dire la presque totalité des 133,74 F mis à sa charge, en soutenant qu’il na pas touché l’intégralité du traitement auquel il avait droit. Nul doute que la commune ne s’exécute en ce qui· concerne les points que vous avez, en droit, précédemment tranchés en faveur du sieur Botta ; si elle s’y refusait, le sieur Botta n’aurait qu’à vous déférer ce refus et obtiendrait facilement satisfaction devant votre juridiction, compétente sur le contentieux des traitements des fonctionnaires communaux. Mais il ne vous appartient pas, actuellement, de statuer sur de semblables conclusions, à l’occasion d’un recours en annulation contre l’arrêt de la Cour des comptes.

Nous concluons donc, en définitive, à l’annulation pure et simple de l’arrêt attaqué et au rejet du surplus des conclusions du sieur Botta.

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L'auteur

Jean Romieu

Conclusions

  • Conclusion sur “CE 28 juin 1889, Compagnie des chemins de fer de l’Est”
  • Conclusion sur “CE 14 févr. 1890, Héritiers Guilloteaux “
  • Conclusion sur ”CE 13 nov. 1891, Commune d’Albias”
  • Conclusion sur “CE 8 avr. 1892, Sieur Trucchi”
  • Conclusion sur “CE 20 mai 1892, Sieurs Tessier et Beaugé, syndic de la faillite de la Societé du Casino de Nice c. ville de Nice”
  • Conclusion sur “CE 24 juin 1892, Ministre des travaux publics c. Garrigou”
  • Conclusion sur “CE 24 juin 1892, Sieur et dame de Quatrebarbes”
  • Conclusion sur “CE 8 août 1892, Sieur Bardot”
  • Conclusion sur “CE 8 août 1892, Compagnie lyonnaise des tramways c. consorts Piraud”
  • Conclusion sur “CE 8 août 1892, Sieur de Molembaix”
  • Conclusion sur “CE 2 dec. 1892, Sieur Mogambury”
  • Conclusion sur “CE 17 mars 1893, Compagnie du Nord et de l’Est et autres c. Ministre de la Guerre”
  • Conclusion sur “TC 8 juillet 1893, Bastide frères c. Falgayrolles et autres”
  • Conclusion sur “CE 17 nov. 1893, Commune de Quillebœuf”
  • Conclusion sur “CE 12 janv. 1894, Héritiers Dufourcq”
  • Conclusion sur “CE 9 févr. 1894, Sieur Brocks”
  • Conclusion sur “CE 21 juin 1895, Sieur Cames”
  • Conclusion sur “CE 17 janv. 1896, Fidon et fils”
  • Conclusion sur “CE 13 mars 1896, Ville de Paris c. Ministre de la guerre”
  • Conclusion sur “CE 5 mars 1897, 1er arrêt Verdier et Compagnie française de Kong c. Ministre des colonies, 2e arrêt Société commerciale, industrielle et agricole du Haut Ogooué (Daumas et Compagnie des héritiers Daumas) c. Ministre des colonies”
  • Conclusions sur CE 1er févr. 1901, Descroix et autres boulangers de Poitiers
  • Conclusions sur CE 9 mai 1902, Sieur Menut

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