PREMIERE PARTIE : LES ACTEURS DE LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE JURIDICTIONNELLE
Une pluralité d’acteurs, nécessairement. Le contentieux administratif embrasse un champ de contestations plus large que celles intéressant la seule procédure administrative juridictionnelle. La réclamation peut effectivement être également portée devant une autorité administrative. Dans pareille hypothèse, la procédure pourra – devra parfois – bien être juridictionnalisée, notamment aux fins de se conformer aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Telle est la raison de la soumission des autorités administratives indépendantes, pour certains types de litiges, à l’article 6 §1 de la Convention. On ne saurait cependant parler ici de procédure juridictionnelle, laquelle postule nécessairement l’intervention d’une juridiction, chargée de trancher le litige opposant les participants au procès administratif (TITRE II). Conformément au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, il s’agira de la juridiction administrative (TITRE I).
TITRE I – LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE
L’unité dans la diversité. Rendue au nom de l’Etat, la justice administrative est indivisible (Conseil d’Etat, Section, 27 février 2004, Popin, requête numéro 217257, publié au recueil p. 127, concl. R. Schwartz ; AJDA 2004, p. 672, concl. R. Schwartz ; AJDA 2004, p. 653, chron. F. Donnat et D. Casas). Reste à déterminer par quelle juridiction cette justice est rendue. A cet égard l’expression de « juridiction administrative » prête doublement à confusion. D’une part, elle pourrait laisser penser qu’une seule juridiction administrative est chargée de régler l’ensemble des différends, ce qui n’est évidemment pas le cas. D’autre part, l’expression peut laisser envisager la seule existence de ce qu’il est convenu d’appeler la juridiction administrative générale, ce qui ne se vérifie pas davantage. L’organisation de la juridiction administrative (CHAPITRE I) est bien plus complexe, qui suppose résolument que l’on s’attarde sur les questions de compétence (CHAPITRE II).
CHAPITRE I – L’ORGANISATION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE
55. Sans oublier, malgré tout, l’arbitrage. Le contentieux administratif s’accommode mal du recours à l’arbitrage. Il ne l’ignore pas pour autant. Pour peu qu’il soit autorisé par un texte, l’arbitrage peut conduire à ce qu’une décision soit rendue par une juridiction distincte de celles que l’on connaît classiquement. En cela, la juridiction administrative comprend ces arbitres. Par la force des choses cependant, la quête de leur recension et leur description serait vaine, celle-ci n’étant permise que pour les seules (et de très loin les plus fréquentes) juridictions administratives générales (Section 1) et spécialisées (Section 2).
Section 1 – Les juridictions administratives générales
56. Du Conseil d’Etat et des autres juridictions. La liste des juridictions administratives générales est aujourd’hui bien connue de tous. L’organisation et les attributions de chacune le sont assurément moins. Compte tenu de son histoire et de sa situation dans le fonctionnement institutionnel, le Conseil d’Etat doit être examiné séparément (Sous-section 1). Il en va différemment des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel qui, pour l’essentiel, empruntent au même schéma (Sous-section 2).
Sous-section 1 – Le Conseil d’Etat
57. Une institution consubstantielle au contentieux administratif. Le Conseil d’Etat incarne résolument la juridiction administrative. Ses décisions irradient l’activité contentieuse de l’ensemble des juridictions, à certains égards même à l’excès. Par révérence à l’institution, mais également par légèreté aussi, certains praticiens ne parviennent que difficilement à distinguer les décisions de principe et les décisions d’espèce, inclinant à penser que toutes les décisions du Conseil d’Etat font, également, autorité, indépendamment de la formation de jugement dans laquelle elles ont été rendues et, surtout, de leur fichage. Il n’en demeure pas moins vrai que le Conseil d’Etat est dépositaire de la double mission de déterminer la politique juridictionnelle et la politique jurisprudentielle devant prévaloir au sein de l’ordre administratif. Il est dès lors utile à la compréhension du contentieux administratif de connaître les fonctions (§ 1) et l’organisation du Conseil d’Etat (§ 2).
§ 1 : Les fonctions du Conseil d’Etat
58. La dualité fonctionnelle historique. La dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat est une des traditions de son histoire, qui fait de lui à la fois le conseil du gouvernement et la juridiction administrative suprême. On ne saurait que trop souligner à quel point cette dualité fonctionnelle procède, pour le Conseil d’Etat, de son identité en même temps qu’elle la nourrit. Au demeurant, si cette jurisprudence est à présent révolue (Conseil d’Etat, SSR., 11 juillet 2007, Union syndicale des magistrats administratifs, Ligue droits de l’homme et a., requête numéro 302040, mentionné aux tables ; AJDA 2007, p. 2218, note T. Gründler), le Conseil d’Etat n’a pas hésité, pendant longtemps, à s’ériger en coauteur de certains actes administratifs, notamment de ceux pour lesquels son avis conforme, en formation administrative, était requis préalablement à leur adoption (Conseil d’Etat, SSR, 16 novembre 1979, Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public, requête numéro 08787, publié au recueil ; AJDA 1980, p.138, concl. B. Genevois), même s’il est vrai qu’il s’agissait aussi pour lui de se donner les moyens, au contentieux, de soulever d’office le moyen tiré du défaut de sa consultation préalable.
59. Une dualité fonctionnelle juridiquement admissible. Cette dualité fonctionnelle n’est, dans son principe, contraire ni à la Constitution (Conseil d’Etat, SSR, 16 avril 2010, Association Alcaly, requête numéro 320667, mentionné aux tables ; AJDA 2010, p. 1355, chron. S.-J. Lieber et D. Botteghi ; RDI 2010, p. 370, obs. R. Hostiou ; RFDA 2010, p. 1257, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud) ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH, 15 juillet 2009, Union fédérale des consommateurs Que choisir de Côte d’Or c. France, affaire numéro 39699/03, RFDA 2009, p. 885, note B. Pacteau).
Elle peut cependant le devenir dans ses effets, des risques en termes d’impartialité pouvant se poser (CEDH, 28 septembre 1995, Association Procola c. Luxembourg, affaire numéro 14570/89 ; AJDA 1996, p. 383, obs. J.-F. Flauss ; RFDA 1996, p. 777, note J.-L. Autin et F. Sudre). Le Conseil d’Etat luxembourgeois n’y survivra d’ailleurs pas en l’état, la Constitution luxembourgeoise ayant été révisée en 1996 pour répondre à la condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme, créant une juridiction administrative nouvelle. La simple mise à disposition des avis rendus en formation administrative aux membres de la section du contentieux, en cas de recours juridictionnel, était discutable. Le Conseil d’Etat semblait ne rien y voir à redire, ni au regard du principe d’impartialité ni à celui de la contradiction (D. Piveteau, concl. sur Conseil d’Etat, SSR, 31 juillet 1996, Association nationale des avocats honoraires des barreaux français, requête numéro 155622, inédit au recueil, AJDA 1996, p. 1037). La position de la Cour européenne des droits de l’Homme était plus nuancée, de tels documents ne devant alors pas être essentiels au bon déroulement de la procédure (CEDH, 19 juillet 1995, Kerojärvi c. Finlande, affaire numéro 17506/90). Doit être ici approuvée la prohibition à présent faite aux membres de la section du contentieux de prendre directement connaissance de l’avis qui n’aurait pas été rendu public (CJA, art. R. 122-21-3).
On admettra que tout a été fait pour mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence européenne sur ce point. Le temps étant la mesure de toute chose, on constatera encore que cela ne s’est pas fait sans réticence ou, à tout le moins, sans difficulté d’acclimatation du Palais-Royal aux nouvelles contraintes s’imposant à lui. Mais l’essentiel a été atteint, la mise en conformité au droit européen étant intervenue sans remise en cause fondamentale de cette dualité fonctionnelle. Les liens entre les deux activités du Conseil d’Etat sont tels qu’il semble difficile d’appréhender l’existence de l’une en faisant abstraction de l’autre. Au demeurant, et bien que la justice administrative soit, dans ses fondements, totalement indifférente à son activité consultative, le code de justice administrative traite lui-même, dans son Livre Premier, des fonctions juridictionnelles (I) et des fonctions non-juridictionnelles (II) du Conseil d’Etat.
I. Les fonctions juridictionnelles
60. Le Conseil d’Etat, juridiction souveraine. « Juridiction administrative suprême », le Conseil d’Etat « statue souverainement sur les recours en cassation dirigées contre les décisions rendues en dernier ressort par les diverses juridictions administratives ainsi que sur ceux dont il est saisi en qualité de juge de premier ressort ou de juge d’appel » (CJA, art. L. 111-1). Qu’importe que ses membres n’aient pas la qualité de magistrats (CJA, art. L. 131-1), le Conseil d’Etat est une juridiction. Et c’est une juridiction, pour ainsi dire, doublement souveraine. C’est en que, en premier lieu, ses décisions sont rendues en cassation ou en dernier ressort, en sorte qu’il a le dernier mot. C’est que, en second lieu, l’héritage napoléonien se manifeste ici, qui innerve tout autant – ce qui ne surprendra pas – la juridiction administrative que l’administration active. Ainsi, rares et donc très remarquées sont les décisions traduisant une provocation ou une résistance d’un tribunal administratif ou d’une cour administrative d’appel.
61. Le Conseil d’Etat, régulateur de la juridiction administrative. Si l’expression n’a fait qu’une apparence tardive dans ses décisions (Conseil d’Etat, SSR, 10 novembre 1999, Société coopérative agricole du Brienon, requête numéro 208119, publié au recueil, Rec., p. 351), le Conseil d’Etat a toujours été – au moins depuis l’avènement des tribunaux administratifs et à plus forte raison avec celui des cours administratives d’appel – une véritable cour régulatrice endossant les rôles juridictionnel, jurisprudentiel et institutionnel (P. Delvolvé, « Le Conseil d’Etat, régulateur de l’ordre juridictionnel administratif » in Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, pp. 259 et s.). Trois exemples attestent ce rôle déterminant joué par le Conseil d’Etat en termes de régulation de la juridiction administrative.
Le premier exemple est celui du règlement de juges, connu également en procédure civile mais créé de manière toute prétorienne par le Conseil d’Etat pour l’ordre administratif (CE, Sect., 15 janv. 1932, Rambaud, requête numéro 12648, Rec., p. 61 ; S. 1932, 3, p. 83, concl. Rouchon-Mazerat) et qui permet de surmonter les conflits de compétences et les problèmes de fond conduisant à des dénis de justice (infra n° 987).
Le deuxième exemple est celui de la substitution du Conseil d’Etat à une autre juridiction administrative afin de sauvegarder le principe d’impartialité qui préside à la procédure administrative juridictionnelle (Conseil d’Etat, Section, 17 octobre 2003, Dugouin, requête numéro 237290, publié au recueil ; AJDA 2003, p. 2031, chron. F. Donnat et D. Casas : en l’occurrence ici, la Cour des comptes).
Le troisième exemple est celui des avis contentieux, qui existent depuis la loi du 31 décembre 1987. L’article L. 113-1 du code de justice administrative confère au Conseil d’Etat le pouvoir de régler, dans un délai de trois mois à compter de sa saisine, les difficultés sérieuses apparaissant dans de nombreux litiges soumis aux juridictions du fond et procédant d’une règle de droit nouvelle. Disposition salutaire qui contrebalance utilement – parce que la difficulté est réglée en amont et non en cassation – la prohibition des questions préjudicielles à l’intérieur de la juridiction administrative. Disposition acceptable, étant admis ici que l’avis contentieux est moins une forme travestie de l’arrêt de règlement qu’une autre manière de penser la jurisprudence : même si l’avis contentieux n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée (CE, 17 nov. 1997, Doukouré, requête numéro 188163, Rec., p. 426), les juridictions inférieures le suivront avec rigueur.
II. Les fonctions non juridictionnelles
62. Des fonctions essentielles. Les fonctions non juridictionnelles du Conseil d’Etat sont aussi anciennes, et même plus anciennes, que ses fonctions juridictionnelles. On admettra que de telles fonctions n’intéressent que très indirectement le contentieux administratif, mais s’ils sont aujourd’hui moins nets qu’ils pu l’être par le passé, les liens subsistent. Les attributions normatives du Conseil d’Etat ont contribué à la confection du code de justice administrative. Ses attributions administratives l’autorisent, non seulement à soutenir l’action administrative, voire l’améliorer, mais encore lui permettent-elles de conserver la maîtrise du fonctionnement de l’ensemble de la juridiction administrative.
63. Les attributions normatives. Conformément à l’article 39 de la Constitution, le Conseil d’Etat est obligatoirement saisi par le Premier ministre des projets de lois et d’ordonnances et, s’il est saisi par le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, émet un avis sur les propositions de lois non encore examinées en commission. Le Conseil d’Etat donne encore son avis sur certains projets de décrets et sur tous autres projets de texte pour lesquels son intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires ou qui lui sont soumis par le Gouvernement (CJA, art. L. 112-1). Tout risque de confusion entre ces attributions normatives et les attributions juridictionnelles des membres du Conseil d’Etat est cependant aujourd’hui écarté, la participation au travail de la formation administrative chargée de rendre un avis sur un projet de décret étant exclusive de la participation à la formation de jugement sur la légalité du décret (CJA, art. R. 122-21-1) et défense étant faite aujourd’hui à la formation de jugement de prendre connaissance de l’avis, dès lors que celui-ci n’a pas été rendu public, ni du dossier de la formation consultative relatif à cet avis (CJA, art. R. 122-21-3).
64. Les attributions administratives. La dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat explique qu’il dispose d’attributions de deux ordres : il exerce en effet un contrôle sur les juridictions inférieures et apporte son aide, lorsqu’elle est requise, à l’administration active.
Le Conseil d’Etat contrôle les juridictions inférieures et se pose ainsi comme le garant de la qualité de la justice administrative. Le Conseil d’Etat est chargé d’une mission permanente d’inspection à l’égard des juridictions administratives (CJA, art. L. 112-5). Celle-ci est exercée, sous l’autorité du vice-président du Conseil d’Etat, par un conseiller d’Etat assisté d’autres membres du Conseil d’Etat. Elle contrôle l’organisation et le fonctionnement des juridictions et peut mener des études sur un thème intéressant plusieurs juridictions. La mission veille à la diffusion de bonnes pratiques destinées à favoriser l’accomplissement de leurs missions par les juridictions, et peut formuler à cet effet toute recommandation utile (CJA, art. R. 112-1). Saisi par toute partie qui fait état de la durée excessive d’une procédure engagée devant un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel, le chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives a la faculté de faire des recommandations visant à remédier à cette situation (CJA, art. R. 112-2).
Le Conseil d’Etat soutient également l’administration active. A ce titre, il peut être consulté par un membre du gouvernement sur les difficultés qui s’élèvent en matière administrative (CJA, art. L. 112-2), appeler l’attention des pouvoirs publics sur les réformes d’ordre législatif, réglementaire ou administratif qui lui paraissent conformes à l’intérêt général (CJA, art. L. 112-3). Le vice-président du Conseil d’Etat peut encore, à la demande du Premier ministre ou d’un ministre, désigner un membre du Conseil d’Etat pour une mission d’inspection (CJA, art. L. 112-4 al. 1er) et, à la demande des ministres, désigner un membre du Conseil d’Etat pour assister leur administration dans l’élaboration d’un projet de texte déterminé (CJA, art. L. 112-4 al. 2).
§ 2 : L’organisation du Conseil d’Etat
65. L’organisation du propos. Seront successivement observées ici la composition (I) et la structure (II) du Conseil d’Etat.
I. La composition du Conseil d’Etat
66. Du nouveau dans la continuité. Si l’éthique n’a certainement jamais été ignorée au Palais-Royal, les membres du Conseil d’Etat (A) sont aujourd’hui soumis à un faisceau de règles déontologiques (B) sur lequel il convient de s’attarder.
A. Les membres du Conseil d’Etat
67. La hiérarchie posée par le code de justice administrative. Suivant l’article L. 121-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat se compose : du vice-président (1), des présidents de section (2), des conseillers d’Etat en service ordinaire et en service extraordinaire, des maîtres des requêtes et des maîtres des requêtes en service extraordinaire, des auditeurs de 1ère classe et de 2nde classe (3).
1. Le vice-président
68. Une appellation trompeuse. On rappellera ce que cette dénomination de « vice-président » doit à l’histoire du Conseil d’Etat, la présidence de celui-ci ayant longtemps été attribuée au Premier ministre ou, par délégation, au garde des sceaux. En réalité, cette présidence était purement formelle, la présidence du Conseil d’Etat ayant été, dans les faits, réellement assurée par son vice-président. La loi du 30 juin 2000 est venue consacrer dans les textes cette situation de fait. Nommé par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux, et choisi parmi les présidents de section ou les conseillers d’Etat en service ordinaire (CJA, art. L. 133-1), le vice-président, en dépit de sa dénomination, assure la présidence du Conseil d’Etat (CJA, art. L. 121-1 al. 1er). La seule rémanence de l’ancienne organisation trouve son expression dans ce que l’assemblée générale du Conseil d’Etat peut être présidée par le Premier ministre et, en son absence, par le garde des sceaux, ministre de la justice (CJA, art. L. 121-1 al. 2). Il n’y a là, au demeurant, rien de bien perturbant, et ce à un double titre : d’une part, l’assemblée générale du Conseil d’Etat reste, eu égard à son rôle, une assemblée fondamentalement consultative ou, pour dire les choses autrement, le conseil du Gouvernement ; d’autre part, pour possible que cette présidence du Premier ministre existe, elle n’en est pas moins rare en pratique.
69. Le chef de la juridiction administrative. Le vice-président du Conseil d’Etat est le plus haut fonctionnaire de l’Etat, placé au neuvième rang protocolaire (décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires). Il est encore – et surtout ici – le personnage central et incontournable du Conseil d’Etat, dont la personnalité imprime sa dynamique et ses orientations à la juridiction administrative, au point que certains n’hésitent pas à l’ériger en ministre de la juridiction administrative (P. Gonod « Le vice-président du Conseil d’Etat, ministre de la juridiction administrative », Pouvoirs 2007, n° 123, pp. 117 et s.).
Chef de la juridiction administrative, le vice-président intervient largement dans le processus des nominations intéressant la composition du Conseil d’Etat. Sans doute formule-t-il des avis aussi souvent qu’il n’arrête lui-même. On ne sous-estimera cependant pas leur portée, le Premier ministre inclinant à suivre l’avis donné. Le vice-président préside en outre la Commission supérieure du Conseil d’Etat, qui s’est substituée à la commission consultative (ordonnance n° 2016-1365 du 13 octobre 2016).
On précisera ici que, conformément à l’article L. 132-1 du code de justice administrative, la Commission supérieure du Conseil d’Etat est composée, des présidents de section, de huit membres élus pour trois ans renouvelable une fois représentant les membres du Conseil d’Etat (soit, suivant l’article R. 132-1 du code, quatre conseillers d’Etat, trois maîtres des requêtes, un auditeur), de trois personnalités qualifiées choisies pour une durée de trois ans non renouvelable respectivement par décret du Président de la République, par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, en raison de leurs compétences dans le domaine du droit en dehors des membres du Conseil d’Etat et des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, et qui n’exercent pas de mandat parlementaire. Cette commission débat chaque année des orientations générales en matière de recrutement, émet un avis sur les propositions de nomination au Conseil d’Etat de membres des tribunaux administratives et cours administratives d’appel, et sur toutes les propositions de nomination aux fonctions de président de cour administrative d’appel. Elle donne encore son avis sur toute question intéressant le statut des membres du Conseil d’Etat et doit donner son avis sur les mesures individuelles concernant notamment la discipline et l’avancement des membres du Conseil (CJA, art. L. 132-2).
Chef de la juridiction administrative, le vice-président assure encore la gestion du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CJA, art. R. 231-3). Il assure la présidence du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CJA, art. L. 232-2) et prononce les affectations et changements d’affectation par délégation du garde des sceaux (CJA, art. R. 233-3).
70. Le vice-président, administrateur du Conseil d’Etat. Le vice-président du Conseil d’Etat est ordonnateur principal du Conseil, comme pour l’ensemble des juridictions administratives d’ailleurs. Il fixe, par arrêté, toutes mesures d’ordre intérieur nécessaires (CJA, art. R. 121-7) et c’est sous son autorité que le secrétaire général dirige les services du Conseil d’Etat et prend les mesures nécessaires à la préparation de ses travaux et à leur organisation (CJA, art. R. 121-9).
2. Les présidents de section
71. Un grade et une fonction. L’article L. 121-2 du code de justice administrative fait des présidents de section un grade à part dans la hiérarchie au sein du Conseil d’Etat. On écartera ici le président de la section du contentieux qui fera l’objet de développements à l’étude de ladite section (infra n°s 88 et s.). Ce sont donc des présidents des sections administratives dont il s’agit ici. Ils sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux et sont choisis parmi les conseillers d’Etat en service ordinaire (CJA, art. L. 133-2). Comme si souvent, son président influe de manière importante sur le fonctionnement de la section. C’est notamment à lui qu’il revient de décider de réunir la formation plénière de la section ou de faire examiner l’affaire en formation ordinaire. Les présidents des sections administratives ont l’occasion de participer à l’activité juridictionnelle du Conseil d’Etat puisqu’ils siègent dans l’assemblée du contentieux. Rien ne s’oppose, en outre, à ce qu’un président de section préside le Tribunal des conflits.
3. Les autres membres
72. Les conseillers d’Etat en service ordinaire. Les conseillers d’Etat en service ordinaire sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux. Deux tiers au moins d’entre eux doivent être choisis parmi les maîtres des requêtes (CJA, art. L. 133-3) ayant servi 17 ans comme membres du Conseil d’Etat (CJA, art. R. 134-3). Les nominations au tour extérieur dans le grade de conseiller d’Etat ne peuvent être prononcées qu’après avis du vice-président du Conseil d’Etat. Cet avis tient compte des fonctions antérieurement exercées par l’intéressé, de son expérience et des besoins du corps, exprimés annuellement par le vice-président du Conseil d’Etat. Le sens de l’avis sur les nominations prononcées est publié au Journal officiel en même temps que l’acte de nomination (CJA, art. L. 133-7). Pour chaque période de deux ans, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, ayant le grade de président (CJA, art. R. 133-3) est également nommé au grade de conseiller d’Etat en service ordinaire sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat, délibérant avec les présidents de section, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CJA, art. L. 133-8).
73. Les conseillers d’Etat en service extraordinaire. Les conseillers d’Etat en service extraordinaire sont nommés, pour une durée de 5 ans non renouvelable avant l’expiration d’un délai de deux ans (CJA, art. L. 121-5) par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux (CJA, art. L. 121-4-I). Depuis la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, il existe deux catégories de conseillers d’Etat en service extraordinaire (CJA, art. L. 121-4-I), exclusives l’une de l’autre (CJA, art. L. 121-4-III). Il y a, d’une part, ceux que l’on connaissait déjà, c’est-à-dire ceux nommés pour exercer des fonctions consultatives, et choisis parmi les personnalités qualifiées dans les différents domaines de l’activité nationale, sans pouvoir être affectés à la section du contentieux (CJA, art. L. 121-4-II). Depuis le décret n° 2016-1710 du 12 décembre 2016, le nombre de ces conseillers d’Etat est fixé à douze (CJA, art. R. 121-16 al.1er). Il y a, d’autre part, ceux nommés pour exercer des fonctions juridictionnelles, choisis parmi les personnes que leur compétence et leur activité dans le domaine du droit qualifient particulièrement pour l’exercice de ces fonctions, sur proposition d’un comité présidé par le vice-président du Conseil d’Etat et composé, en outre, d’un nombre égal de personnalités qualifiées et de membres du Conseil d’Etat, désignés par le vice-président (CJA, art. L. 121-4-III). Depuis le décret du 12 décembre 2016 précité, le nombre de ces conseillers d’Etat est fixé à quatre (CJA, art. R. 121-16 al. 2).
74. Les maîtres des requêtes en service ordinaire. Les maîtres des requêtes sont nommés par décret, sur la proposition du garde des sceaux, trois quarts au moins d’entre eux devant être désignés parmi les auditeurs de 1ère classe (CJA, art. L. 133-4). Chaque année, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ayant le grade de premier conseiller (CJA, art. R. 133-4) est nommé, sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat, délibérant avec les présidents de section, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, au grade de maître des requêtes (CJA, art. L. 133-8).
75. Les maîtres des requêtes en service extraordinaire. La catégorie des maîtres des requêtes en service extraordinaire a été créée par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Le vice-président du Conseil d’Etat peut nommer à cette fonction, pour une durée maximale de quatre ans, des fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration, des magistrats de l’ordre judiciaire, des professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, des administrateurs des assemblées parlementaires, des administrateurs des postes et télécommunications, des fonctionnaires civils ou militaires de l’Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent ainsi que des fonctionnaires de l’Union européenne de niveau équivalent (CJA, art. L. 133-9). Chaque année, un fonctionnaire ou un magistrat ayant exercé, pendant une durée de quatre ans, les fonctions de maître des requêtes en service extraordinaire, peut être nommé au grade de maître des requêtes. La nomination est prononcée sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat délibérant avec les présidents de section (CJA, art. L. 133-12).
76. Les auditeurs. Les auditeurs de 1ère classe sont nommés par décret, sur la proposition du garde des sceaux. En principe, ils sont choisis parmi les auditeurs de 2nde classe (CJA, art. L. 133-5). Des exceptions peuvent toutefois exister. Ainsi, sous conditions de grade et d’ancienneté, un militaire peut dans un premier temps être détaché au rang d’auditeur de 1ère classe avant d’être, au bout d’un an, intégré dans le corps (C. déf., art. L. 4139-2). Les auditeurs de 2nde classe sont nommés parmi les anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration selon les règles propres au classement des élèves de cette école (CJA, art. L. 133-6).
B. La déontologie des membres du Conseil d’Etat
77. Une déontologie sans cesse renforcée. Il n’y avait pas lieu d’en douter, mais la précision ne pouvait nuire aux membres du Conseil d’Etat. Ceux-ci doivent exercer leurs fonctions « en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard » (CJA, art. L. 131-2 al. 1er). Ils s’abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve imposée par leurs fonctions (CJA, art. L. 131-2 al. 2).
Par ailleurs, dans les deux mois qui suivent leur affectation, les membres du Conseil d’Etat doivent remettre au président de la section à laquelle ils ont été affectés, une déclaration « exhaustive, exacte et sincère » – à peine de poursuites pénales (CJA, art. L. 131-8) – de leurs intérêts, laquelle est transmise au vice-président du Conseil d’Etat (CJA, art. L. 131-7-I al. 1er) et les présidents de section sont tenus de transmettre au vice-président la déclaration d’intérêts les concernant, dans les deux mois suivant leur prise de fonctions (CJA, art. L. 131-7-I al. 2). Le vice-président du Conseil d’Etat transmet la déclaration le concernant au collège de déontologie de la juridiction administrative (CJA, art. L. 131-7-II al. 1er). Dans les deux mois qui suivent une modification substantielle des liens et intérêts détenus, une déclaration complémentaire doit également être remise (CJA, art. L. 131-7-I al. 6). La liste des éléments devant figurer dans la déclaration figure à l’article R. 131-3 du code de justice administrative, issu du décret n° 2017-12 du 5 janvier 2017.
Un entretien déontologique doit être organisé avec l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, dans le but de prévenir tout conflit d’intérêts et y mettre fin le cas échéant (CJA, art. L. 131-7-I al. 4). Avec l’accord du membre concerné, la conduite de l’entretien peut être confiée, par délégation, au président de chambre concerné (CJA, art. R. 131-5). Le collège de déontologie peut être sollicité en cas de doute sur l’existence d’un conflit d’intérêts (CJA, art. L. 131-7-I al. 5).
On notera enfin que dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de celles-ci, le vice-président du Conseil d’Etat et les présidents de section doivent adresser une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (CJA, art. L. 131-10 al. 1er). Il en va de même dans les deux mois qui suivent une modification substantielle de la situation patrimoniale (CJA, art. L. 131-10 al. 3).
78. La charte de déontologie. Conformément à l’article L. 131-4 du code de justice administrative, une charte de déontologie a été établie, après avis du collège de déontologie, par le vice-président du Conseil d’Etat. Cette charte, adoptée le 14 mars 2017, énonce les principes déontologiques et les bonnes pratiques propres à l’exercice de membre de la juridiction administrative. Sans doute vallait-il mieux évincer au plus vite tout doute quant à la conformité de cette disposition à la Constitution et le Conseil d’Etat a pris le parti, sans se prononcer sur son caractère sérieux, de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité afin de déterminer si l’article L. 131-4 du code de justice administrative méconnaît ou non, compte tenu des compétences du Conseil d’Etat en matière contentieuse, le principe d’impartialité des juridictions et le droit à un recours juridictionnel effectif tels que garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (CE, 19 juill. 2017, M. L., requête numéro 411070).
79. La composition du collège de déontologie. En application de l’article L. 131-5 du code de justice administrative, le collège de déontologie est présidé par le vice-président du Conseil d’Etat et est composé d’un membre du Conseil d’Etat élu par l’assemblée générale ; d’un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel élu par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ; d’une personnalité extérieure désignée alternativement par le premier président de la Cour de cassation parmi les magistrats en fonction à la Cour de cassation ou honoraires et par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats en fonction à la Cour des comptes ou honoraires ; d’une personnalité qualifiée nommée par le Président de la République sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat. Le mandat de chaque membre est de trois ans renouvelable une fois.
80. Les fonctions du collège de déontologie. Conformément à l’article L. 131-6 du code de justice administrative, le collège de déontologie est chargé de quatre fonctions. En premier lieu, comme cela a déjà été précisé, il rend un avis préalable à l’établissement de la charte de déontologie. En deuxième lieu, il rend des avis sur toute question déontologique concernant un membre de la juridiction administrative, à la demande de l’intéressé, du vice-président du Conseil d’Etat, d’un président de section du Conseil d’Etat, du secrétaire général du Conseil d’Etat, du président de la mission d’inspection des juridictions administratives, d’un président d’une cour administrative d’appel ou d’un tribunal administratif ou du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. En troisième lieu, à son initiative ou à la demande du vice-président du Conseil d’Etat, d’un président de section, du secrétaire général du Conseil d’Etat, du président de la mission d’inspection des juridictions administratives, d’un président d’une cour administrative d’appel ou d’un tribunal administratif, du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, ou d’une organisation syndicale ou association de membres de la juridiction administrative, il formule des recommandations propres à éclairer les membres de la juridiction administrative sur l’application des principes déontologiques auxquels ils sont soumis. En quatrième lieu, il rend des avis sur les déclarations d’intérêt des membres de la juridiction administrative.
81. Jusqu’où devra-t-on aller ? Le renforcement des mécanismes propres à garantir les membres du Conseil d’Etat – mais la même observation pourra être faite pour les autres magistrats administratifs – de tout agissement répréhensible surprend d’autant moins qu’il s’inscrit dans une dynamique commune à l’ensemble des pouvoirs constitués. Au demeurant, la magistrature judiciaire partage des contraintes sensiblement équivalentes que celles auxquelles est soumise la magistrature administrative. Le contenu de la loi organique n° 2106-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature en témoigne. Ce renforcement a d’ailleurs pour lui de bons arguments. Il constitue une réponse supplémentaire aux problèmes d’impartialité objective et subjective qui peuvent se poser en pratique. Il est susceptible de renforcer le sentiment de qualité de la justice administrative que doit pouvoir nourrir le justiciable même si le risque est également de lui laisser penser que la survenance de conflits d’intérêts est plus fréquente qu’elle ne l’est en réalité.
Le législateur devrait cependant prendre garde du message qu’il diffuse à son corps défendant. Notamment, voilà quelque chose de singulier que d’exiger de certains membres du Conseil d’Etat qu’ils transmettent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale comme si leurs fonctions sont susceptibles de favoriser un enrichissement. Cette prise de risque est d’autant moins utile que leur intégrité n’est discutée.
Si un soupçon peut éventuellement exister, c’est sur un autre terrain que celui de la déontologie. La culture de la haute administration partagée par une frange déterminante des membres du Conseil d’Etat le rend suspect d’être excessivement sensible aux intérêts de l’administration, au détriment des particuliers. Ce procès est sans doute infondé dans une certaine mesure. On rappellera que le dualisme juridictionnel, et l’existence du droit administratif, trouvent essentiellement leur explication dans cette idée que juger l’administration suppose de la comprendre. Ceci ne signifie pas que le Conseil d’Etat est inféodé à l’administration. Sa jurisprudence en a témoigné à maintes occasions. Reste que le justiciable trouve ici un motif de défiance qu’aucun faisceau de contraintes déontologiques ne saurait lever…
II. La structure du Conseil d’Etat
82. Une structure en lien avec la dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat. Aux termes de l’article L. 121-3 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat est composé d’une section du contentieux (B) et de sections administratives (A). Il n’y a rien là que de très logique et même de très historique, la dichotomie – qui se retrouve même jusqu’à la couleur des tapis du Palais-Royal (rouge pour l’« aile » des sections administratives, bleue pour l’« aile » de la section du contentieux) – des formations administratives et contentieuse est une nécessité renouvelée avec la prise en considération de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. C’est aussi une nécessité d’ordre pratique que de distinguer les sections suivant les spécialités qui leur sont affectées.
A. Les sections administratives
83. En quelques mots… Il y a assurément beaucoup à apprendre sur les sections administratives du Conseil d’Etat. Cependant, et aussi intéressantes que de telles études peuvent être, leur champ excède celui de cet ouvrage, ce qui explique que l’on sera lapidaire à leur sujet. L’on rappellera qu’il existe six sections administratives : la section de l’Intérieur ; la section des Finances ; la section des Travaux publics ; la section Sociale ; la section de l’Administration ; la section du rapport et des études (CJA, art. R. 123-2). Chaque section administrative est composée d’un président, de conseillers d’Etat en service ordinaire au nombre de six au minimum, de conseillers d’Etat en service extraordinaire, de maîtres des requêtes et d’auditeurs (CJA, art. R. 123-6), et ne peut valablement délibérer que si son président et trois membres ou, en formation restreinte, deux membres au moins sont présents (CJA, art. R. 123-8).
84. La section du rapport et des études. La section du rapport et des études a un rôle particulier qui la distingue des autres sections administratives. En application de l’article R. 123-5 du code de justice administrative :
– elle a pour mission d’élaborer les propositions que le Conseil d’Etat adresse spontanément aux pouvoirs publics sur les réformes d’ordre législatif, réglementaire ou administratif qui lui paraissent conformes à l’intérêt général, en application de l’article L. 112-3 du code de justice administrative ;
– elle procède à des études à la demande du Premier ministre ou à l’initiative du vice-président du Conseil d’Etat ;
– elle prépare le rapport d’activité que le Conseil d’Etat établit chaque année.
B. La section du contentieux
85. Présentation de la section du contentieux. La section du contentieux existe depuis la création, par le décret du 22 juillet 1806 contenant règlement sur les affaires contentieuses portées au Conseil d’Etat, de la commission du contentieux qui – on mesure le chemin parcouru depuis – était composée de six maîtres des requêtes et de six auditeurs. La section du contentieux est juge de toutes les affaires qui relèvent de la juridiction du Conseil d’Etat, sous réserve des affaires portées devant l’assemblée du contentieux (CJA, art. R. 122-1). La section du contentieux comprend : un président assisté de trois présidents adjoints (1) ; pour chacune des chambres (2), un conseiller d’Etat en service ordinaire chargé des fonctions de président et deux conseillers d’Etat en service ordinaire chargés des fonctions d’assesseur ; des conseillers d’Etat en service ordinaire, des maîtres des requêtes et des auditeurs chargés des fonctions de rapporteur ou de rapporteur public (CJA, art. R. 122-2). Avec le concours des services de la section du contentieux (4), elles instruisent les affaires, dont le jugement peut être confié à des formations dont la composition sera différente (3).
1. Le président de la section
86. L’incarnation de la section. Le président de la section du contentieux est nommé par décret en conseil des ministres sur proposition du garde des sceaux. Ses attributions sont aussi nombreuses qu’importantes. Il dirige la section (voir, notamment, P. Cassia, « Le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat » in Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, pp. 125 et s.). A ce titre, il décide de l’affectation des membres du Conseil d’Etat dans les chambres (CJA, art. R. 122-9), propose la nomination aux fonctions de rapporteur public (CJA, art. R. 122-5), de président de chambre (CJA, art. R. 122-6) et d’assesseur (CJA, art. R. 122-7). Il délibère avec les autres présidents de section et le vice-président pour proposer la nomination d’un président adjoint (CJA, art. R. 122-4). Le président de la section dispose encore de nombreux pouvoirs dans la sphère contentieuse. Ainsi, il préside la section du contentieux en formation de jugement (CJA, art. R. 122-19) et les chambres réunies, rôle qu’il partage cependant avec ses adjoints (CJA, art. 122-15). Il lui est même loisible de présider une chambre jugeant seule (CJA, art. R. 122-14) même s’il ne le fait jamais en pratique. Il peut encore demander le renvoi d’une affaire en section ou en assemblée (CJA, art. R. 122-17). Il règle les difficultés de compétence (CJA, art. R. 351 et s.) et de connexité (CJA, art. R. 341-1 et s.) et statue sur les difficultés nées d’un problème d’impartialité affectant un tribunal administratif (CJA, art. R. 312-5) ou une cour administrative d’appel (CJA, art. R. 322-3). Il est, en outre, le juge des référés du Conseil d’Etat (CJA, art. R. 511-2) même s’il peut déléguer cette fonction à d’autres membres de la juridiction. Il intervient enfin en matière d’administration judiciaire. A ce titre, notamment, il désigne les experts et fixe leurs honoraires (CJA, art. R. 621-11), liquide les dépens (CJA, art. R. 761-4) et statue sur les recours formés contre les refus d’aide juridictionnelle (décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, art. 57). Plus largement, il exerce une véritable magistrature d’influence à l’extérieur et un vrai pouvoir d’impulsion à l’intérieur de la section, au point que certains parmi les auteurs les plus légitimes à formuler un tel constat ont pu dire du président de la section qu’il est l’artisan principal de l’évolution de la jurisprudence (D. Labetoulle, « Remarques sur l’élaboration des décisions du Conseil d’Etat statuant au contentieux » in Mélanges R. Chapus, Paris, LGDJ, 1992, p. 341).
87. Les présidents adjoints. Le président de la section du contentieux est assisté de trois présidents adjoints, désignés par décret pris sur la proposition du garde des sceaux, après présentation du vice-président du Conseil d’Etat délibérant avec les présidents de section (CJA, art. R. 122-4). Les présidents adjoints suppléent le président de la section dans un certain nombre d’activités. Ils président par exemple des chambres réunies et, éventuellement, des chambres jugeant seules. Ils siègent en tant que juges des référés.
88. La troïka. Informelle, la troïka n’en est pas moins une structure des plus déterminantes pour la cohérence de l’activité juridictionnelle du Conseil d’Etat (pour une explicitation, D. Labetoulle, « Une histoire de la troïka » in Mélanges en l’honneur de Louis Dubouis, Paris, Dalloz, 2002, pp. 83 et s.). Composée du président de la section du contentieux et de ses adjoints, la troïka se réunit tous les mardi après-midi. A cette occasion, il est fait état des affaires examinées en chambres réunies dans la semaine qui a précédé et des solutions qui ont été retenues. Ainsi, et avant la lecture des décisions, l’occasion est donnée de s’assurer qu’il n’y a pas de contradictions entre les positions des différentes formations de jugement. Dans le cas contraire, le renvoi de l’affaire devant une formation de jugement supérieure – section ou assemblée – peut être décidé. C’est encore à l’occasion de la troïka que se décide le fichage des décisions au Recueil Lebon.
2. Les chambres
89. La composition des chambres. On a très longtemps parlé de sous-section… Cela ne perturbait foncièrement personne. On parle dorénavant de chambre… Cela laissera certainement insensible le plus grand nombre. La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 a procédé à ce qui se veut être une modernisation de la terminologie de nature à rendre l’organisation du Conseil d’Etat plus intelligible aux justiciables. Prenons acte… La section du contentieux comprend dix chambres qui participent à l’instruction et au jugement des affaires (CJA, art. R. 122-1). A la tête de chaque chambre, se trouve un président, nommé pour quatre ans, par arrêté du Premier ministre, sur proposition du garde des sceaux. Les présidents de chambre sont renouvelés, à leur demande, pour une durée de trois ans, par arrêté du vice-président du Conseil d’Etat (CJA, art. R. 122-6). La chambre comprend en outre deux assesseurs, désignés pour une durée également de quatre ans par le vice-président du Conseil d’Etat parmi les conseillers d’Etat, sur avis du président de la section du contentieux et de ses adjoints. Ils peuvent être renouvelés dans leurs fonctions, à leur demande, pour une durée de trois années (CJA, art. R. 122-7). La répartition des autres membres du Conseil d’Etat, entre les chambres, est arrêtée par le président de la section du contentieux après avis des présidents adjoints et des présidents de chambre (CJA, art. R. 122-9). A chaque chambre, sont également affectés deux rapporteurs publics, désignés par le vice-président du Conseil d’Etat sur proposition du président de la section du contentieux, pour une durée maximale de sept années (CJA, art. R. 122-5).
90. La répartition des domaines de compétence. Chaque chambre se voit reconnaître des domaines de compétence, ce qui explique par exemple que les affaires ayant trait à l’urbanisme seront normalement confiées à la 1ère chambre quand celles relatives au contentieux des marchés publics relèveront de la 7ème chambre. Il ne s’agit pas d’une spécialisation à outrance de chaque chambre mais plutôt d’une rationalisation du travail, d’autant plus utile que, familiers de l’esprit autant que des textes qui animent une matière, les rapporteurs de la chambre trouveront des réflexes plus appropriés au traitement de chaque dossier. On précisera, d’une part, que cette répartition des matières est évolutive, d’autre part, qu’elle n’est pas toujours exclusive. Ainsi, si les questions de nationalité sont de la compétence de la seule 2ème chambre, le contentieux fiscal est réparti entre les 5ème, 9ème et 10ème chambres.
3. Les formations de jugement
91. L’expression d’une hiérarchie. Il existe cinq formations de jugement différentes : les décisions du Conseil d’Etat peuvent être rendues par l’assemblée du contentieux, par la section du contentieux, en chambres réunies, en chambre jugeant seule, par ordonnance (CJA, art. L. 122-1), l’ordre de solennité étant ici décroissant.
92. L’assemblée du contentieux. La présidence de l’assemblée du contentieux est assurée par le vice-président du Conseil d’Etat (CJA, art. R. 122-20 al. 2) ou, en cas d’empêchement, par le président de la section du contentieux (CJA, art. R. 122-21). L’assemblée du contentieux comprend, outre le vice-président du conseil d’Etat, les présidents de section, les présidents adjoints de la section du contentieux, le président de la chambre à laquelle l’affaire a été initialement confiée et les quatre présidents de chambre les plus anciens, le rapporteur (CJA, art. R. 122-20 al. 1er). Lorsqu’il s’agit de statuer sur la légalité d’un acte pris après avis du Conseil d’Etat, les contraintes en terme d’impartialité font défense au président de la section administrative ayant eu à délibérer sur l’avis de siéger (CJA, art. R. 122-21). Il en va de même des autres membres du Conseil d’Etat ayant eu à délibérer sur cet avis (CJA, art. R. 122-21-1).
93. La section du contentieux. La présidence de la section du contentieux en formation de jugement est assurée par le président de la section du contentieux ou, en cas d’empêchement, par le président adjoint pris dans l’ordre d’ancienneté ou, à défaut, par le président de chambre le plus ancien dans ses fonctions présent à la séance (CJA, art. R. 122-19). La section du contentieux en formation de jugement comprend le président, les trois présidents adjoints, les présidents de chambre, et le rapporteur (CJA, art. R. 122-18).
94. Les chambres réunies. Lorsque l’affaire est portée devant des chambres réunies (c’est le cas pour un tiers environ des affaires à juger), ce sont alors, en règle générale, deux chambres qui sont réunies, dont celle qui a été chargée de l’instruction. Les chambres réunies travaillent d’ailleurs en binôme. Les configurations se décèlent à la lecture des décisions rendues : 1/6 (ou 6/1), 2/7 (ou 7/2), 3/8 (ou 8/3), 4/5 (ou 5/4), 9/10 (ou 10/9), la première chambre citée étant celle qui a rapporté sur l’affaire. Toutefois, le pouvoir réglementaire (décret du 22 février 2010) a rétabli ce qui avait été un temps abandonné, et il est possible de réunir jusqu’à quatre chambres pour statuer sur une affaire (CJA, art. R. 122-11). Les chambres réunies sont présidées par l’un des présidents adjoints, par le président de la section du contentieux ou par le vice-président (CJA, art. R. 122-15). Ce dernier cas de figure se rencontre très rarement. Mais il a pu arriver qu’une telle solution s’impose, avant même que les textes ne le prévoient (décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives). Tel a été le cas, par exemple, de l’examen par deux sous-sections réunies du recours en révision dirigé contre une décision rendue par la section du contentieux. Le président de la section du contentieux et les présidents adjoints ne pouvaient, à peine de porter atteinte aux règles d’impartialité, présider la formation de jugement (Conseil d’Etat, SSR., 7 septembre 2009, M. Serge Dassault, requête numéro 330040, mentionné aux tables ; RFDA 2010, p. 288, concl. B. Bourgeois-Machureau et note B. Pacteau). La formation de jugement comprend, outre son président et le rapporteur, les présidents des chambres concernées, les assesseurs des chambres ou, si quatre chambres sont réunies, l’assesseur le plus ancien dans ses fonctions de chaque chambre et, en cas de parité du nombre de chambres, un conseiller d’Etat appartenant à la section du contentieux et étranger aux chambres concernées, désigné par le président de la section, selon un tour de rôle établi deux fois par an (CJA, art. R. 122-15).
95. La chambre en formation de jugement. L’ensemble des chambres statuant en formation de jugement règle les deux tiers des affaires enregistrées par le Conseil d’Etat. La chambre jugeant seule est présidée par le président de la chambre ou un de ses assesseurs (CJA, art. R. 122-10). Il est encore possible de la faire présider soit par le vice-président du Conseil d’Etat, soit par le président de la section du contentieux ou un de ses présidents adjoints (CJA, art. R. 122-14). La chambre en formation de jugement est composée de trois membres au moins ayant voix délibérative (CJA, art. R. 122-14), ce qui signifie que, classiquement, la formation de jugement est composée du président, du rapporteur et d’un des assesseurs, une chambre ne pouvant délibérer que si son président et un de ses assesseurs ou, à défaut, si les deux assesseurs sont présents (CJA, art. R. 122-10).
96. En juge unique. La réflexion se fait de plus en plus pressante autour de la question du juge unique, qui a longtemps été l’objet de la plus nette détestation. On en mesure aujourd’hui les vertus en tant que cette formation de jugement concoure à la célérité de la justice administrative. On peut également continuer d’en déplorer les effets en tant que la collégialité passe pour être meilleure garante de la qualité des décisions rendues, et on s’inquiétera, à ce titre, de l’accroissement des hypothèses dans lesquelles le juge unique intervient.
Trois types de décisions en juge unique peuvent être distingués.
Il y a, en premier lieu, les décisions au fond. Le président de la section du contentieux ou son délégué statue, en appel, en juge unique, en application des articles L. 512-2 à L. 512-5 et L. 513-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il y a, en deuxième lieu, les ordonnances en référé. En effet, il en va des référés devant le Conseil d’Etat comme devant les autres juridictions administrations : les décisions sont rendues, en référé, par ordonnance du juge des référés. Sans doute lui est-il toujours possible de réunir une formation de jugement collégiale (CJA, art. L. 522-1 et R. 522-11). Cela reste cependant, et de loin, l’exception.
Il y a, en troisième lieu, les ordonnances dites « de tri ». Le législateur en a prévu le principe (CJA, art. L. 122-1) et c’est un rôle dévolu au président et aux présidents adjoints de la section du contentieux ainsi qu’aux présidents des chambres que de statuer sur un certain nombre de situations, par ordonnances de tri, lesquelles évitent au Conseil d’Etat la charge inutile d’instruire une affaire alors que la solution s’impose d’ores et déjà. Les présidents de chambres peuvent ainsi :
– donner acte des désistements ;
– rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ;
– constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la requête ;
– rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter à la régulariser ou que la régularisation n’est pas intervenue à l’expiration du délai imparti pour ce faire ;
– statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger que la question des dépens ou des frais exposés et non compris dans les dépens ;
– statuer sur les requêtes relevant d’une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification des faits, présentent à juger en droit des questions identiques à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d’Etat au contentieux ou examinées ensemble par un même avis sur une question de droit rendu, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative ;
– rejeter, après l’expiration du délai de recours ou après le dépôt du mémoire complémentaire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, irrecevables, inopérants ou encore qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou qui ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
– rejeter des conclusions à fins de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle (CJA, art. R. 122-12).
4. Les services de la section du contentieux
97. Le secrétariat. C’est l’évidence, la section du contentieux, pas plus qu’aucune autre juridiction, ne peut accomplir sa tâche sans avoir le soutien de services administratifs en charge, notamment, du greffe. C’est précisément la fonction du secrétariat du contentieux. Le secrétariat de la section du contentieux est assuré par le secrétaire du contentieux, nommé par arrêté du Premier ministre sur proposition du garde des sceaux, et sur présentation du vice-président et du président de la section du contentieux (CJA, art. R. 122-26). Il est assisté d’un secrétaire adjoint, désigné par le vice-président du Conseil d’Etat, sur la proposition du président de la section (CJA, art. R. 122-27).
Pour chaque chambre, en outre, le secrétaire du contentieux est assisté d’un greffier en chef désigné par le vice-président du Conseil d’Etat sur la proposition du président de la section du contentieux (CJA, art. R. 122-28). L’officialisation du rôle et de l’importance du greffe est – enfin – intervenue avec le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016. L’article R. 122-28 du code de justice administrative a ainsi été complété, lequel précise désormais que « le greffier en chef de chambre assiste le président de chambre dans l’instruction des dossiers. A cette fin, il peut proposer toute mesure utile pour leur mise en état. Il est chargé de la mise en œuvre et du suivi des mesures retenues et peut signer à cette fin les courriers en informant les parties ».
Au nombre des services relevant du secrétariat de la section du contentieux, l’on doit encore évoquer le bureau des référés et des compétences du président, le bureau du greffe et de l’information du public, le bureau de gestion des services administratifs, le bureau de suivi de l’activité contentieuse, le secrétariat du bureau d’aide juridictionnelle et du Tribunal des conflits. Le secrétaire du contentieux, le secrétaire adjoint, les greffiers en chef de chambres ainsi que les agents de la section désignés à cet effet par le président de la section du contentieux assurent le secrétariat des séances (CJA, art. R. 122-28-1).
98. Le service d’aide à la décision. Il faut encore prendre en considération ce qu’il est convenu d’appeler le « service d’aide à la décision » qui constitue un moyen non négligeable d’alléger la charge de travail pesant sur les membres de la section. Déjà doit-on souligner ici que le Centre de recherches et de diffusion juridiques consacre une part déterminante de son activité aux recherches juridiques demandées par les membres des formations de jugement et, à ce titre, collabore au service d’aide à la décision (L. Dutheillet de Lamothe et N. Labrune, « Le « centre de doc » soixante ans après l’auditeur Marceau Long » in Mélanges en l’honneur de Marceau Long, Paris, Dalloz, 2016, pp. 295 et s.). Par ailleurs, issu de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, l’article L. 122-2 du code de justice administrative dispose que le Conseil d’Etat peut comprendre en son sein, en qualité d’assistants de justice, des personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation juridique d’une durée minimale de quatre années après le baccalauréat et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions. A ces assistants de justice, l’on doit encore ajouter les stagiaires, provenant notamment des centres régionaux de formation à la profession d’avocat. Les assistants de justice et les stagiaires sont répartis entre les différentes chambres et le bureau des référés. Ils sont placés sous l’autorité des présidents de chambres et du président de la section du contentieux. Ils effectuent des recherches et préparent des projets d’ordonnances, voire de décisions pour les affaires les moins complexes. Ils assistent aux séances d’instruction et aux délibérés, non seulement des chambres jugeant seules mais encore ceux des formations de jugement plus solennelles (CJA, art. R. 731-4).
Sous-section 2 – Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel
99. Les tribunaux administratifs. La loi du 28 pluviôse an VIII avait institué les conseils de préfecture, présidés par les préfets. En dépit de ce mélange des genres peu propice à l’indépendance de ces conseils, mélange peu surprenant si l’on se souvient de l’époque à laquelle ils ont été créés, il s’agissait bien de juridictions. Sans doute cette fonction juridictionnelle n’était-elle pas exclusive de fonctions consultatives, schéma ici encore peu surprenant, consistant en une forme déconcentrée du Conseil d’Etat. Le mouvement d’oscillation a été net, où les conseils de préfecture ont d’abord été des juridictions avant d’être les conseils des préfets, puis l’inverse, puis de nouveau essentiellement des juridictions. Reste que leurs compétences n’en étaient pas moins d’attribution, le Conseil d’Etat étant devenu le juge de premier ressort de droit commun du contentieux administratif (Conseil d’Etat, 13 décembre 1889, Cadot, requête numéro 66145, rec. p. 1148, concl. H. Jagerschmidt). La réforme des 6 et 26 septembre 1926 se voulait importante, en substituant des conseils de préfecture interdépartementaux et en supprimant la présidence des préfets. Mais cette réforme resta insuffisante, eu égard aux attributions toujours trop limitées qui leur étaient confiées. La réforme opérée par le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, fut heureusement ambitieuse, qui institua les tribunaux administratifs. Juridictions de droit commun du contentieux administratif (CJA, art. L. 211-1), on en dénombrait 42 au 31 décembre 2015.
100. Les cours administratives d’appel. La création des cours administratives d’appel, par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, a été une réponse à l’étranglement auquel le Conseil d’Etat devait faire face. Voici donc que s’est intercalée, entre les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat, une nouvelle juridiction chargée de connaître – la chose s’est faite progressivement – des appels formés contre les jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, avec le succès que l’on connait, bien qu’il faille souligner que celui-ci est la résultante d’une combinaison de réformes. On dénombre aujourd’hui huit cours : Paris, Lyon, Bordeaux, Nancy, Douai, Versailles, Marseille, Nantes.
101. Le classicisme du double degré de juridiction. Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel empruntent à la même organisation (§ 1). Les fonctions dévolues à chacun (§ 2) traduisent un double degré de juridiction qui, loin d’être propre à la juridiction administrative, s’apparente à ce que l’on connaît classiquement.
§ 1 : L’organisation des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel
102. Classique et particulière à la fois. Bien qu’elle ne diffère pas fondamentalement, dans ses principes, de l’organisation judiciaire, l’organisation des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel mérite qu’on s’y attarde. Elle explique une part des spécificités du contentieux administratif autant qu’elle en procède. Il en va d’abord ainsi de la composition de ces juridictions (I). Mais encore, telle que déterminée par le code de justice administrative, la structure propre à chaque juridiction (II) a des incidences sur son fonctionnement et son degré d’efficacité, notamment par le degré de spécialisation qu’elle autorise.
I. La composition des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel
103. Une architecture favorable à l’efficacité de la juridiction administrative. Une juridiction ne saurait se résumer aux magistrats (A) qui la composent. Les efforts consentis par le législateur (notamment par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice) témoignent au demeurant de l’importance, pour le bon fonctionnement et pour l’efficacité de la juridiction, des autres personnels (B).
A. Les magistrats
104. L’article L. 221-1 du code de justice administrative. Aux termes de l’article L. 221-1 du code de justice administrative, « les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel se composent d’un président et de plusieurs magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Ils peuvent également comprendre d’autres membres détachés dans ce corps dans les conditions définies par les lois et règlements en vigueur ».
105. Le président de la juridiction. La terminologie est, à certains égards, trompeuse et il y a lieu ici d’insister sur le fait que tout président appartenant au corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel n’est pas nécessairement président de juridiction. Ainsi, si le président de chaque tribunal administratif est, en principe, un membre ayant le grade de président, chaque cour administrative d’appel est présidée par un conseiller d’Etat en service ordinaire (CJA, art. L. 222-3), nommé pour une durée maximale de sept années au même poste, par décret sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat délibérant avec les présidents de section (CJA, art. L. 222-4). Aux termes de l’article R. 222-3 du code de justice administrative, « le président prend les dispositions nécessaires au fonctionnement de la juridiction qu’il préside. Il assure la direction des services de cette juridiction et le maintien de sa discipline intérieure ». En tant que chef du service, il dispose d’un pouvoir de gestion considérable, à quatre titres.
En premier lieu, le président joue un rôle notable dans la gestion des magistrats. Il arrête l’ordre du tableau (CJA, art. R. 222-7). Il décide de la spécialisation des chambres ainsi que l’affectation des magistrats dans chacune d’elles (CJA, art. R. 222-8). En tant que chef du service, le président de la juridiction intervient encore sur l’exercice de l’activité des magistrats. A ce titre, il autorise les cumuls d’activités des magistrats (CJA, art. R. 237-1) ainsi que les absences. Il a la charge de l’évaluation et de la notation des magistrats composant la juridiction qu’il préside (CJA, art. R. 234-7) et fait connaître son avis au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sur l’avancement des membres de la juridiction qu’il préside (CJA, art. R. 222-9).
En deuxième lieu, le président de la juridiction encadre le travail du greffe. Même si le personnel du greffe est placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur en ce qui concerne le recrutement, la mutation, l’avancement, la discipline, le président de la juridiction détient sur celui-ci un certain nombre de prérogatives. En effet, et heureusement si l’on se souvient du rôle du greffe pour le bon fonctionnement de la juridiction, celui-ci est placé sous l’autorité du président de la juridiction (CJA, art. R. 226-1). Le chef de la juridiction formule ses propositions sur la nomination du personnel des greffes affectés dans sa juridiction (CJA, art. R. 222-9). Il procède à la notation de l’ensemble des agents du greffe (CJA, art. R. 226-4), propose l’avancement (CJA, art. R. 222-9). L’activité du greffe est encore organisée par le chef de la juridiction, qu’il s’agisse de délimiter les greffes de chambres, d’y affecter les personnels, ou encore de fixer les règles de fonctionnement.
En troisième lieu, si le vice-président du Conseil d’Etat est l’ordonnateur principal des dépenses d’investissement et de fonctionnement de l’ensemble des juridictions administratives (CJA, art. R. 222-11), le président de la juridiction est l’ordonnateur secondaire des dépenses de fonctionnement de sa juridiction (CJA, art. R. 222-12).
En quatrième lieu, le président d’un tribunal administratif ou d’une cour administrative d’appel se voit reconnaître par le code de justice administrative certaines compétences propres en matière de référés (CJA, art. L. 511-2), de contraventions de grande voirie (CJA, art. L. 774-1), d’arrêtés de reconduite à la frontière (CJA, art. R. 776-2). Il a encore la charge d’orienter les dossiers vers la juridiction compétente (CJA, art. R. 351-3) ou vers le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat en cas de difficulté de détermination de la compétence matérielle ou territoriale (CJA, art. R. 351-1 et s.), ou de problème de connexité (CJA, art. 343-1). Il désigne les experts (CJA, art. R. 621-2), taxe et liquide les frais et honoraires de l’expert (CJA, art. R. 621-11). Il assure l’exécution des décisions juridictionnelles qui font l’objet d’une demande d’exécution (CJA, art. R. 921-6). Il procède, par voie d’ordonnance, à la rectification matérielle des jugements et arrêts que la raison commande (CJA, art. R. 741-11). C’est encore lui qui donne l’impulsion aux différents stades de la procédure juridictionnelle. A ce titre, il attribue les dossiers aux rapporteurs (CJA, art. R. 611-9 et R. 611-16). Il établit le rôle des audiences.
106. Les présidents. Au sein des tribunaux administratifs, les présidents occupent les fonctions de président, de vice-président ou de président de chambre, étant encore précisé que, au tribunal administratif de Paris, ils occupent en outre les fonctions de président ou de vice-président de section (CJA, art. L. 234-3). Les présidents occupent, au sein des cours administratives d’appel, les fonctions de vice-président, de président de chambre ou d’assesseur (CJA, art. L. 234-3).
Les présidents sont nommés au choix sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel après inscription au tableau d’avancement parmi les membres du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel comptant huit ans de services effectifs et ayant soit satisfait à l’obligation de mobilité pour ceux qui ont été recrutés postérieurement au 12 mars 1971, soit exercé leurs fonctions juridictionnelles pendant trois ans dans une cour administrative d’appel (CJA, art. L. 234-2).
107. Les conseillers et premiers conseillers. Les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont nommés par décret du Président de la République (CJA, art. L. 233-1). Il existe plusieurs canaux de recrutement, le code de justice administrative posant les règles garantissant un équilibre des profils recrutés. Pour la nomination au grade de conseiller, il s’agira, pour deux tiers, d’anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration (CJA, art. L. 233-2). Pour le tiers restant, un membre sera désigné au « tour extérieur ». Il s’agira, plus précisément, d’un fonctionnaire civil ou militaire de l’Etat ou d’un fonctionnaire de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière justifiant, au 31 décembre de l’année considérée, d’au moins dix ans de services publics effectifs dans un corps ou cadre d’emplois de catégorie A ou sur un emploi de catégorie A ou assimilé, ou d’un magistrat de l’ordre judiciaire (CJA, art. L. 233-3).
Pour la nomination au grade de premier conseiller, pour sept conseillers promus à ce grade, une nomination est prononcée au tour extérieur, et sous réserve qu’ils justifient d’au moins huit ans de services effectifs dans un ou plusieurs des corps ou cadres d’emplois concernés, au bénéfice :
– de fonctionnaires de l’un des corps recrutés par la voie de l’Ecole nationale d’administration ;
– de fonctionnaires appartenant à un autre corps de catégorie A ou cadre d’emplois de même niveau, titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Ecole nationale d’administration ainsi que d’un grade et d’un échelon déterminés par décret en Conseil d’Etat ;
– de magistrats de l’ordre judiciaire ;
– de professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
– d’administrateurs territoriaux ;
– de personnels de direction des établissements de santé et autres établissements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (CJA, art. L. 233-4).
Le nombre d’emplois à pourvoir au tour extérieur, ainsi que la date limite de dépôt des candidatures, sont fixés chaque année par le vice-président du Conseil d’Etat (CJA, art. R. 233-4).
Les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration, les magistrats de l’ordre judiciaire, les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, les administrateurs des assemblées parlementaires, les administrateurs des postes et télécommunications et les fonctionnaires civils ou militaires de l’Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel peuvent être détachés dans ce dernier corps, aux grades de conseiller ou de premier conseiller. A l’issue de trois années de services effectifs en détachement dans ce corps, et si les conditions prévues aux articles L. 233-3 et L. 233-4 du code de justice administrative sont satisfaites, l’intégration est alors possible (CJA, art. L. 233-5).
La dernière manière d’intégrer la magistrature administrative est celle du concours. Le nombre de postes ouverts est contingenté : il ne saurait excéder trois fois le nombre de postes offerts chaque année dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel aux élèves sortant de l’Ecole nationale d’administration et aux candidats au tour extérieur. Il existe en réalité deux concours : le concours externe, ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au premier concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration ; le concours interne, ouvert aux fonctionnaires ainsi qu’aux magistrats de l’ordre judiciaire et autres agents publics civils ou militaires appartenant à un corps ou cadre d’emplois de la catégorie A ou assimilé et justifiant, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs (CJA, art. L. 233-6). Aucun des deux concours ne peut permettre le recrutement de plus de 60% du nombre total de places (CJA, art. R. 233-8).
108. Les incompatibilités. Le code de justice administrative organise une série d’incompatibilités qui ne saurait surprendre. Ne peut être nommée membre d’un tribunal administratif ou d’une cour administrative d’appel, une personne exerçant ou ayant exercé depuis moins de trois ans, dans le ressort de la juridiction, une fonction publique élective, une fonction de représentant de l’Etat dans une région ou dans un département, de délégué de celui-ci dans un arrondissement, ou de directeur régional ou départemental d’une administration publique de l’Etat, une fonction de direction dans l’administration d’une collectivité territoriale (CJA, art. L. 231-5). Ne peut davantage être nommée une personne ayant exercé, depuis moins de cinq ans, la profession d’avocat dans le ressort de la juridiction (CJA, art. L. 231-6). L’exercice des fonctions de membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel est incompatible avec l’exercice des fonctions de président d’un conseil régional ou général, les fonctions de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et celles de membre d’une assemblée de province, les fonctions de président et de membre du gouvernement de la Polynésie française et le mandat de représentant à l’assemblée de la Polynésie française, et encore le mandat de conseiller territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon (CJA, art. L. 231-7). En cas d’élection intervenant après nomination au sein de la juridiction administrative, le magistrat concerné doit faire connaître son choix dans les quinze jours de l’élection ou, en cas de contestation, dans les quinze jours de la décision définitive, à peine de mise en disponibilité (CJA, art. L. 231-8).
109. La soumission des magistrats aux règles déontologiques. Déjà observé pour les membres du Conseil d’Etat (supra n° 80), le renforcement de la déontologie s’applique également aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Ils sont tenus aux mêmes exigences d’indépendance, de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité, et doivent également s’abstenir de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions (CJA, art. L. 231-1-1). Ils doivent veiller à prévenir ou mettre fin à toute situation de conflit d’intérêts (CJA, art. L. 231-4). Ils sont tenus, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres du Conseil d’Etat, de produire une déclaration d’intérêts (CJA, art. L. 231-4-1). Les présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel doivent adresser une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (CJA, art. L. 231-4-4).
B. Les autres personnels
110. Le greffe. Appréhender la juridiction administrative au prisme des seuls magistrats qui la composent procèderait d’une vision toute aussi méprisante qu’erronée. Disons-le clairement, il ne saurait exister une juridiction administrative efficace sans un greffe compétent sur le fond et suffisant par le nombre. Le travail quantitativement considérable abattu par le greffe, qualitativement déterminant pour la régularité des procédures, conditionne la célérité et le désengorgement des juridictions.
Le greffe de chaque tribunal administratif se compose d’un greffier en chef et, le cas échéant, de plusieurs greffiers et d’autres agents de greffe (CJA, art. R. 226-1 al. 1er). Le greffe de chaque cour administrative d’appel comprend un greffier en chef, des greffiers et d’autres agents de greffe (CJA, art. R. 226-1 al. 2). Les greffiers en chef et les greffiers sont nommés par le ministre de l’Intérieur sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat, après avis, selon le cas, du président du tribunal administratif ou du président de la cour administrative d’appel (CJA, art. R. 226-1 al. 5). Ils sont placés sous l’autorité exclusive du président pour ce qui concerne l’ensemble des attributions exercées par eux dans le greffe (CJA, art. R. 221-4).
Au sein du greffe, le greffier en chef joue un rôle prépondérant. Il encadre les services du greffe et veille au bon déroulement de la procédure juridictionnelle. Il assiste le chef de juridiction dans la gestion des agents du greffe ainsi que dans celle des locaux, des matériels et des crédits de la juridiction (CJA, art. R. 226-1 al. 3). Le greffier est chargé du bon déroulement de la procédure juridictionnelle pour les dossiers qui lui sont confiés. Il encadre les agents de greffe chargés de le seconder (CJA, art. R. 226-1 al. 4).
Comme en ce qui concerne les greffiers au sein du Conseil d’Etat, le pouvoir réglementaire a également consacré formellement et explicitement le rôle des greffiers dans la conduite de l’instruction. Dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, l’article R. 226-5 al. 4 du code de justice administrative énonce que le greffier « assiste le magistrat chargé de l’instruction dans la conduite de celle-ci. A cette fin, il peut proposer toute mesure utile pour la mise en état des dossiers. Il est chargé de la mise en œuvre et du suivi des mesures retenues par le magistrat et peut signer à cette fin les courriers en informant les parties ».
Le greffe des audiences et l’exécution des actes de procédure sont assurés par le greffier en chef et par les greffiers, ainsi que par les autres agents du greffe désignés à cet effet par le président (CJA, art. R. 226-5).
111. Le service d’aide à la décision. Comme au Conseil d’Etat, le service d’aide à la décision joue un rôle particulièrement important au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Il est composé d’assistants du contentieux, d’assistants de justice et de stagiaires.
Les assistants du contentieux sont des agents du greffe auxquels le chef de la juridiction confie des fonctions d’aide à la décision en raison de leurs compétences pour l’analyse contentieuse.
Créés, en ce qui concerne les juridictions administratives, par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, les assistants de justice « apportent leur concours aux travaux préparatoires réalisés par les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel pour l’exercice de leurs attributions » (CJA, art. R. 227-1). Leur rôle ne doit pas être négligé. Par l’examen des dossiers auquel ils procèdent, par les recherches de fond qu’ils accomplissent, par la rédaction des projets de décisions qu’ils établissent, les assistants de justice allègent substantiellement le travail des magistrats qui peuvent, dans une meilleure mesure, se concentrer sur le plus important. Juste retour des choses, on notera que les assistants de justice trouvent en cette qualité, et eu égard à l’immersion dans la juridiction administrative, une préparation parmi les meilleures – sinon la meilleure – en vue du concours complémentaire de conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel. Les assistants de justice sont nommés par le vice-président du Conseil d’Etat sur proposition du président de la juridiction auprès de laquelle la candidature a été adressée (CJA, art. R. 227-4). Peuvent être nommés assistants de justice, pour une durée de deux ans renouvelables deux fois, au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appels, les titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation juridique d’une durée de quatre années au moins après le baccalauréat et dont les compétences les qualifient pour l’exercice de ces fonctions (CJA, art. L. 227-1). Les assistants de justice ne peuvent exercer dans le même temps une activité libérale juridique ou judiciaire, si le domicile professionnel se situe dans le ressort de la juridiction auprès de laquelle ils sont affectés (CJA, art. R. 227-3).
Le service d’aide à la décision peut être renforcée par des stagiaires, notamment – mais pas seulement – élèves des centres de formation à la profession d’avocat, qui trouvent à cette occasion une remarquable opportunité de découvrir la procédure juridictionnelle sous un œil différent de celui naturellement retenu par l’avocat. L’éclairage leur est indéniablement utile à la compréhension des attentes qui sont celles des juridictions administratives au regard de leur futur travail d’auxiliaires de justice. Ici encore, l’opération repose sur une logique de « gagnant-gagnant », le service d’aide à la décision trouvant, pour ce qui le concerne, un précieux renfort, puisque les stagiaires accomplissent des travaux similaires à ceux effectués par les assistants de justice.
II. La structure des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel
112. La division par chambres. Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel comportent des chambres dont le nombre, variable suivant les juridictions, est fixé par arrêté du vice-président du Conseil d’Etat (CJA, art. R. 221-4 et R. 221-8). Il faut réserver ici le cas du tribunal administratif de Paris qui, aux termes de l’article R. 221-6 du code de justice administrative, comprend des chambres regroupées en sections dont les nombres respectifs sont également fixés par arrêté du vice-président du Conseil d’Etat. Le rôle dévolu au vice-président du Conseil d’Etat est la réponse trouvée par le pouvoir réglementaire à la difficulté antérieure tenant à la lourdeur de la procédure présidant à la modification du nombre de chambres, celui-ci ayant été, jusqu’au décret n° 2010-164 du 22 février 2010 précité, fixé par décret. La plupart des tribunaux administratifs comportent au moins deux chambres. Il en est en tous cas ainsi en métropole. En disposant que « chaque cour administrative d’appel comporte des chambres », l’article L. 221-3 du code de justice administrative semble exclure l’hypothèse d’une cour administrative d’appel à chambre unique. Chaque chambre est une entité composée d’un nombre de magistrats autorisant une formation collégiale de jugement. Ainsi, une chambre comporte au minimum quatre membres : un président, deux magistrats, et un magistrat exerçant les fonctions de rapporteur public.
§ 2 : Les fonctions des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel
113. La fonction juridictionnelle. Le principe qui préside aux fonctions juridictionnelles des tribunaux administratifs et des cours administratives est des plus simples à énoncer : « les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées aux autres juridictions administratives, juges de droit commun du contentieux administratif » (CJA, art. L. 211-1) et, en principe toujours, « les cours administratives d’appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs » (CJA, art. L. 211-2).
114. Les missions de conseil. Le législateur confère une fonction consultative aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel (CJA, art. L. 212-1). Les tribunaux et les cours peuvent ainsi être appelés à donner leur avis sur des questions soumises, respectivement par les préfets et par les préfets de région (CJA, art. R. 212-1).
115. Les missions d’assistance. Le vice-président du Conseil d’Etat peut, à la demande d’un ministre et avec l’accord du chef de juridiction et de l’intéressé, désigner un magistrat d’un tribunal administratif ou d’une cour administrative d’appel pour qu’il apporte son concours à une administration de l’Etat (CJA, art. R. 212-2). Le président de la cour administrative d’appel ou du tribunal administratif peut, à la demande d’un préfet du ressort et avec l’accord de l’intéressé, désigner un membre de la juridiction pour qu’il apporte son concours à une administration de l’Etat (CJA, art. R. 212-3).
116. De la logique de conciliation à celle de médiation. La dynamique de promotion des modes alternatifs des litiges n’est pas neuve. L’article L. 211-4 du code de justice administrative reconnaissait déjà aux présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, avec l’accord des parties, d’organiser une mission de conciliation et de désigner à cet effet la ou les personnes qui avaient la charge de la mener. A proprement parler, la fonction exercée n’était pas juridictionnelle même si elle restait contentieuse. Le juge n’était jamais tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tenait de l’article L. 211-4 du code de justice administrative (CAA Paris, 28 septembre 1995, Epoux Lestienne et Commune de Viroflay, requête numéro 94PA00865 et 94PA00906, mentionné aux tables, Rec., T., p. 980), son refus d’exercer une telle mission n’étant pas susceptible de recours (Conseil d’Etat, Ass., 23 juin 1989, Vériter, requête numéro 84799, publié au recueil, Rec., p. 146, concl. M. Lévis ;Conseil d’Etat, SJS., 1 août 2012, Société nationale des chemins de fer français, requête numéro 358157, mentionné aux tables, Rec., T., pp. 827 et 894), et il ne pouvait exercer cette mission que pour autant qu’elle portait sur un litige relevant de la compétence de la juridiction (Conseil d’Etat, SSR., 22 mars 1995, Dadillon, requête numéro 155718, publié au recueil, Rec., p. 138). Conceptuellement intéressante, cette mission de conciliation était inadaptée à l’essentiel du contentieux administratif. Pour dire les choses autrement, il en va de la conciliation comme de la transaction et de l’arbitrage : ces outils sont, pour l’essentiel, « trop sophistiqués pour que l’on puisse en attendre des résultats dans les contentieux de masse » (P. Fombeur, « De quelques considérations de gestion en matière contentieuse » in Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, p. 353).
Ceci explique sans doute, en partie au moins, l’intervention du législateur, lequel a donné un nouveau souffle à la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a ainsi consacré le principe de la médiation devant les juridictions administratives en même temps qu’elle a abrogé l’article L. 211-4 du code de justice administrative. La médiation n’était certes pas ignorée du code de justice administrative. Les articles L. 771-3 à L. 771-3-2 du code, également abrogés par la loi du 18 novembre 2016, organisaient les conditions de la médiation transfrontalière. Il y a donc seulement eu ici une systématisation de la médiation en contentieux administratif, laquelle est définie comme un « processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction » (CJA, art. L. 213-1). A prendre cette définition, l’idée de la médiation a précédé le mot : la conciliation était déjà une forme de médiation, et la différence tient sans doute ici au degré accru de structuration du processus aménagé par le législateur.
117. Les autorisations de plaider. Conformément à l’article L. 212-2 du code de justice administrative, les tribunaux se prononcent sur les demandes d’autorisation formées par les contribuables en vue d’exercer des actions juridictionnelles en lieu et place, et pour le compte de certaines collectivités territoriales ou de leurs établissements publics. L’autorisation de plaider dont il s’agit ou le refus de l’autoriser restent des actes non juridictionnels (Conseil d’Etat, Assemblée, 26 juin 1992, Pezet et San Marco, requête numéro 134980, publié au recueil, Rec., p. 247, concl. G. Le Chatelier ; AJDA 1992, p. 477, chron. C. Maugüé et R. Schwartz et p. 506, concl. G. Le Chatelier), les refus étant à ce titre susceptibles de recours en pleine juridiction devant le Conseil d’Etat (infra n° 348).
118. Bibliographie indicative.
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Dutheillet de Lamothe et N. Labrune, « Le « centre de doc » soixante ans après l’auditeur Marceau Long » in Mélanges en l’honneur de Marceau Long, Paris, Dalloz, 2016, pp. 295 et s.
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Vigouroux, « Déontologie du juge administratif », RFDA 2017, pp. 8 et s.
Section 2 – Les juridictions administratives spécialisées
119. Abondance de juridictions ne peut que nuire. Les juridictions administratives spécialisées ne sont pas seulement nombreuses. Elles sont encore excessivement nombreuses. On perçoit mal ce que l’intérêt général et le principe de bonne administration de la justice gagne à multiplier ainsi les organes juridictionnels. Sans doute l’intérêt existe-t-il dans un certain nombre de domaines dont la technicité requiert une forme d’expertise particulière. Sans doute la solution de la juridiction spécialisée peut-elle s’imposer dans le cadre des professions réglementées. Sans doute la juridiction spécialisée passe-t-elle pour être le moyen d’affronter utilement certains contentieux de masse. Mais faut-il à ce point décentraliser le contentieux administratif qu’il était pertinent d’instituer une commission du contentieux du stationnement, compétente pour examiner les recours des automobilistes contre les forfaits de post-stationnement et les titres exécutoires (ordonnance n° 2015-45 du 23 janvier 2015 relative à la commission du contentieux du stationnement payant) ? Déjà les causes d’agacement peuvent-elles grandes, mais elles s’aggravent encore lorsque l’on connaît l’indétermination fréquente de la nature de l’organe eu égard aux critères d’identification des juridictions administratives spécialisées (Sous-section 1) que ne compense que trop peu toute tentative d’inventaire (Sous-section 2).
Sous-section 1 – Les critères d’identification des juridictions administratives spécialisées
120. Qualifications législatives et critères jurisprudentiels. En principe, le législateur a seul compétence pour créer un nouvel ordre de juridiction (CE, Ass., 13 juill. 1962, Conseil national de l’Ordre des médecins, requêtes numéros 51265 et 51266, Rec., p. 479 ; RDP 1962, p. 739, concl. G. Braibant). Il arrive qu’il épuise sa compétence, en qualifiant l’organe de juridiction (§ 1). On regrettera son silence trop fréquent, qui implique le recours aux critères consacrés par la jurisprudence (§ 2) dont la mise en œuvre, sans confiner à l’arbitraire, accorde une place parfois excessive et donc critiquable à des considérations d’opportunité.
§ 1 : Les juridictions administratives spécialisées par détermination de la loi
121. Les juridictions administratives spécialisées par qualification directe de la loi. Le cas le plus simple – et assurément le plus confortable – est celui où le législateur lui-même a pris le soin de qualifier expressément un organe de juridiction. L’article L. 111-1 du code des juridictions financières dispose ainsi que « la Cour des comptes juge les comptes des comptables publics, sous réserve de la compétence que les dispositions du présent code attribuent, en premier ressort, aux chambres régionales et territoriales des comptes ». En tant qu’elle juge, la Cour des comptes est donc bien une juridiction financière (Conseil Constitutionnel, 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, décision numéro 2001-448 DC, Rec. Cons. const. p. 99 ; RFDC 2002, p. 152, note E. Oliva ; RDP 2002, p. 313, note R. Pellet ; RFDA 2001, p. 1205, note L. Tallineau). Ainsi encore, l’article L.731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que « la Cour nationale du droit d’asile est une juridiction administrative ». Il en va encore ainsi des tribunaux des pensions et les cours régionales des pensions (C. pensions militaires, art. L. 711-1).
122. Les juridictions administratives spécialisées par qualification indirecte de la loi. Sans qualifier expressément l’organe de juridiction, le législateur utilise parfois un vocabulaire permettant d’en déduire sans trop de difficultés le caractère juridictionnel. C’est ainsi que la qualification de juridiction s’est imposée à propos du conseil supérieur de l’instruction publique, la loi du 27 février 1880 l’ayant institué ayant qualifié de « jugements » les décisions rendues par cet organe (Conseil d’Etat, 20 juillet 1913, Téry, requête numéro 41854, publié au recueil, Rec., p. 736, concl. L. Corneille). Par-delà, toutes les fois (et c’est l’hypothèse de loin la plus répandue aujourd’hui) où la loi prévoit expressément que les décisions rendues par un organe sont susceptibles de recours en cassation, cela atteste le caractère juridictionnel de celui-ci.
§ 2 : Les juridictions administratives spécialisées par application de la jurisprudence
123. La juridictionnalisation de l’action administrative. Le silence du législateur n’exclut pas pour autant la qualité de juridiction d’un organe. La jurisprudence européenne y concourt grandement, soucieuse de donner leur plein effet aux stipulations de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. On comprendra un tel réflexe, qui procède de la juridictionnalisation de l’action administrative en même temps d’ailleurs qu’il y contribue. On sera davantage surpris par la propension de certaines autorités à s’ériger en juridiction sauf à admettre, comme cela a été soutenu, que cette propension traduit surtout la volonté de ces organes de disposer de la possibilité de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité (ce qu’une autorité administrative ne peut faire). Tel a été le cas, en effet, de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP, Comm. Sanctions, procédure numéro 2010-06 bis du 13 mai 2011 ; JCP Ent. 2011, 1544, note A. Couret et B. Dondero), laquelle sera rapidement contredite sur ce point par le Conseil d’Etat qui a jugé qu’il ne s’agissait pas là d’une juridiction nationale (Conseil d’Etat, SSR., 30 janvier 2013, Caisse de crédit municipal de Toulon, requête numéro 347357, mentionné aux tables, Rec., T., pp. 520 et 673). Assurément, l’indétermination textuelle est génératrice de difficultés, que la jurisprudence ne parvient qu’imparfaitement à lever, tant il est parfois difficile de déterminer les éléments pris en considération par le Conseil d’Etat pour retenir ou exclure la qualification de juridiction spécialisée, recourant à un critère matériel et un critère formel qui se modulent bien plus qu’ils ne s’opposent.
124. Le rôle essentiel du critère matériel. La juridiction est appréhendée à l’aune du critère matériel. Il en résulte que l’organe sera qualifié, dans le silence de la loi, de juridiction au regard de l’objet de ses décisions. C’est le sens de la décision De Bayo du 12 décembre 1953, dans laquelle le Conseil d’Etat a énoncé que les inscriptions au tableau professionnel « n’ont pas, eu égard à la nature de cette matière et quelles que soient les formes dans lesquelles elles interviennent, le caractère de décisions rendues par une juridiction » (CE, Ass., 12 déc. 1953, De Bayo, requête numéro 9405, Rec., p. 544). L’exercice d’une fonction de répression disciplinaire s’avère donc déterminant, avec cette conséquence que le même organe pourra, suivant les matières dans lesquelles il intervient, avoir la qualité d’autorité administrative juridictionnelle ou non juridictionnelle. C’est ainsi que le Conseil supérieur de la magistrature intervient comme juridiction lorsqu’il statue sur la discipline des magistrats du siège (Conseil d’Etat, Assemblée,12 juillet 1969, L’Etang, requête numéro 72480, publié au recueil, Rec., p. 388 ; AJDA 1969, p. 559, chron. J.-L. Dewost et R. Denoix de Saint Marc ; RDP 1970, p. 387, note M. Waline), et comme organe administratif lorsque l’instruction concerne les magistrats du parquet (Conseil d’Etat, SSR., 18 octobre 2000, Terrail, requête numéro 208168, publié au recueil, Rec., p. 430 ; AJDA 2001, p. 288, note M.-C. Rouault).
125. Le rôle nécessaire du critère formel. Statistiquement déterminant, le critère matériel s’avère cependant impuissant, à lui seul, à régler toutes les difficultés de qualification des organes. Si un organe peut être qualifié de juridiction spécialisée, c’est encore parce que, eu égard à sa composition et son mode de fonctionnement, rien ne s’oppose à une telle qualification. Le défaut de collégialité interdit de voir dans une autorité administrative une juridiction spécialisée (Conseil d’Etat, Section, 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, requête numéro 77133, publié au recueil, Rec, p. 690). Parfois, la procédure suivie par l’organe induit la qualification de juridiction (CE, 12 juill. 1929, Leroux, requête numéro 87229, Rec., p. 710), l’indépendance de l’organe, le caractère contradictoire de la procédure, la motivation obligatoire des décisions rendues pouvant être pris en considération (CE, 19 févr. 1943, Bugnet, requêtes numéros 71245 à 71248, Rec., p. 46).
126. La permanence de certaines difficultés d’identification. L’on verse ici dans l’aporie de l’œuf et de la poule, avec des conséquences importantes que le Conseil d’Etat a su parfois neutraliser. La question se pose en effet de savoir si c’est la procédure instituée qui conditionne le caractère juridictionnel de la décision ou si c’est le caractère juridictionnel de la décision qui impose une procédure appropriée. Le seul critère formel permettrait de répondre, en retenant la première branche de l’alternative. Mais l’interférence du critère matériel rend les choses plus complexes et plus périlleuses car la procédure doit se conformer à la nature de l’activité prise en charge par l’organe, le Conseil d’Etat admettant à présent que l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales s’applique aux juridictions administratives spécialisées (Conseil d’Etat, Section, 3 décembre 1999, Leriche, requête numéro 195512, publié au recueil, Rec., p. 402 ; AJDA 2000, p. 126, chron. M. Guyomar et P. Collin ; RFDA 2000, p. 584, concl. A. Seban). En outre, le législateur étant seul compétent pour instituer une juridiction, fût-elle spécialisée, celles créées par le pouvoir réglementaire s’en trouvent être illégales. Pour pallier ces difficultés, et en toute opportunité – ce qui reste infiniment discutable –, le Conseil d’Etat écarte parfois la qualification de juridiction (par ex., Conseil d’Etat, SSR., 16 novembre 1984, Woetglin, requête numéro 03450, publié au recueil, Rec., p. 373 ; D. 1985, p. 58, concl. B. Stirn).
Sous-section 2 – Panorama des juridictions administratives spécialisées
127. L’inventaire : nécessaire mais périlleux. L’identification de ceux qui, parmi des organes administratifs, constituent des juridictions n’est pas un exercice purement académique. La réalité contentieuse n’est pas indifférente à cette juste qualification. Le seul renvoi au discours de la juridictionnalisation de l’action administrative, et la soumission de l’ensemble de ces organes aux injonctions de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne sauraient suffire. La procédure administrative juridictionnelle réserve en effet un traitement différencié aux juridictions au sens du droit interne. Notamment, les actes des juridictions administratives échappent au champ d’application du référé liberté (par ex.,Conseil d’Etat, 5 novembre 2002, Rousselle, requête numéro 251202, inédit au recueil). Les juridictions administratives sont les uniques titulaires du droit de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité (ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée, art. 23-1). Leurs seules décisions sont revêtues de l’autorité de la chose jugée (infra n°s 962 et s.). Le contrôle opéré par le Conseil d’Etat, en cassation, n’est pas équivalent à celui exercé sur les décisions administratives.
Pour importante qu’elle peut donc être, il est toujours périlleux de tenter une recension parfaite de ces juridictions spécialisées, pour deux raisons. D’une part, comme cela été dit, les modalités d’identification de la juridiction administrative spécialisée sont telles qu’elles ne facilitent pas l’inventaire. D’autre part, les textes sont mouvants, qui créent et qui font disparaitre des juridictions spécialisées. Par exemple, le Conseil supérieur de l’éducation et les conseils académiques de l’éducation nationale ont été dessaisis de leurs compétences juridictionnelles depuis le 1er septembre 2015 (ordonnance n° 2014-691 du 26 juin 2014 prise en application de l’article 82 de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école). Par exemple également, l’ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes a eu pour effet de retirer aux commissions régionales de discipline et au Haut Conseil du commissariat aux comptes leur qualité de juridictions spécialisées, leurs décisions étant désormais susceptibles de recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat (C. commerce, art. L.824-14). Par exemple encore, dans le sens cette fois d’une création, la Commission du contentieux du stationnement payant commencera son activité le 1er janvier 2018 (ordonnance n° 2015-401 du 9 avril 2015).
On s’essaiera ici à en omettre le moins qu’il est permis, en distinguant les juridictions compétentes en matière de finances publiques (§ 1), les juridictions statuant sur les droits (§ 2) et les juridictions disciplinaires (§ 3), sans préjudice de l’existence d’autres juridictions qu’il convient de mentionner (§ 4).
§ 1 : Les juridictions spécialisées compétente en matière de finances publiques
128. Les chambres régionales et territoriales des comptes et la Cour des comptes. Les chambres régionales des comptes jugent l’ensemble des comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi que les comptes des personnes qu’elles ont déclarées comptables de fait (CJF, art. L. 211-1). Elles comprennent chacune au moins un président et deux assesseurs (CJF, art. L. 212-2), leurs présidents étant des conseillers maîtres ou des conseillers référendaires de la Cour des comptes (CJF, art. L. 212-3). Elles sont également composées de conseillers recrutés parmi les anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration (CJF, art. L. 221-3) et, pour le tiers restant, des fonctionnaires de catégorie A ou assimilé, des magistrats de l’ordre judiciaire, des membres de la fonction publique territoriale ou hospitalière, justifiant au 31 décembre de l’année considérée de dix années de services publics ou de services accomplis dans un organisme relevant du contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes (CJF, art. L. 221-4). Elles sont encore composées de membres de la Cour des comptes détachés ou mis à disposition (CJF, art. L. 212-4). En outre, peuvent être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, les magistrats de l’ordre judiciaire, les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration, les professeurs d’université, les maîtres de conférences, les administrateurs des postes et télécommunications, les fonctionnaires civils et militaires issus de corps et cadres d’emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable (CJA, art. L. 212-5). Les magistrats de l’ordre judiciaire, les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration, les membres des trois fonctions publiques appartenant à des corps et cadres d’emplois de même niveau de recrutement, les fonctionnaires des assemblées parlementaires appartenant à des corps de même niveau peuvent être mis à disposition, sans pouvoir alors exercer de fonctions juridictionnelles (CJF, art. L. 212-5-1).
Aux termes de l’article L. 111-1 du code des juridictions financières, « la Cour des comptes juge les comptes des comptables publics, sous réserve de la compétence que les dispositions du présent code attribuent, en premier ressort, aux chambres régionales et territoriales des comptes. Elle statue sur les appels formés contre les décisions juridictionnelles rendues par les chambres régionales et territoriales de comptes ». La Cour des comptes est la plus ancienne des juridictions administratives spécialisées. Elle est composée du premier président, de présidents de chambre, de conseillers maîtres, de conseillers référendaires et d’auditeurs (CJF, art. L. 112-1), ainsi que des magistrats de l’ordre judiciaire, des fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration, des professeurs d’université, des administrateurs des postes et télécommunications et des fonctionnaires civils et militaires de même niveau de recrutement, par détachement (CJF, art. L. 112-7-1). Des fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères ou des personnes ayant exercé des fonctions d’encadrement supérieur au sein de l’Etat ou soumis au contrôle des juridictions financières peuvent être nommés conseillers maîtres en service extraordinaire sans pouvoir exercer aucune activité d’ordre juridictionnel (CJA, art. L. 112-5). Il en va également ainsi des rapporteurs extérieurs pouvant être recrutés parmi les magistrats de l’ordre judiciaire et les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration, des fonctionnaires appartenant à des corps de même niveau de recrutement des trois fonctions publiques, des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale, des militaires et des fonctionnaires des assemblées parlementaires appartenant à des corps de même niveau (CJF, art. L. 112-7).
129. La Cour de discipline budgétaire et financière. Instituée par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, la Cour de discipline budgétaire et financière a la charge de sanctionner les fautes de gestion que les agents publics peuvent commettre dans le cadre de leurs fonctions. Suivant la jurisprudence constitutionnelle, il s’agit même d’un ordre de juridiction (Cons. const., décision numéro 2005-198 L du 3 mars 2005, Nature juridique de dispositions du code des juridictions financières, Rec. Const. const., p. 47 ; AJDA 2005, p. 1672, note X. Vandendriessche et M. Lascombe), ce qui pourrait justifier que cette juridiction ne figure dans l’énumération des juridictions administratives spécialisées. En réalité, en tant que ses décisions sont susceptibles de recours en cassation decant le Conseil d’Etat (CJF, art. L. 315-2), il s’agit bien d’une juridiction administrative spécialisée. La Cour de discipline budgétaire et financière est présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée en outre d’un nombre égal de conseillers d’Etat et de conseillers maîtres à la Cour des comptes (CJF, art. L. 311-2) nommés par décret pris en conseil des ministres pour cinq ans (CJF, art. L. 311-3). Le ministère public est assumé par le procureur général près la Cour des comptes.
§ 2 : Les juridictions spécialisées statuant sur les droits
130. La Cour nationale du droit d’asile. La plus importante – et la plus active – des juridictions administratives spécialisées est certainement la Cour nationale du droit d’asile qui a succédé à la Commission de recours des réfugiés (loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007). La Cour nationale du droit d’asile statue sur les demandes relatives à l’obtention du statut de réfugié politique. La jurisprudence excluait la compétence de cette juridicition pour connaître des refus du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides d’enregistrer une demande d’asile (Conseil d’Etat, SSR., 9 mars 2005, Moinuddin, requête numéro 274509, mentionné aux tables). Sous l’effet de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, cette jurisprudence a été abandonnée. Le Conseil d’Etat admet à présent que la Cour nationale du droit d’asile est également compétente pour connaître de ces refus (CE, 23 déc. 2016, M. A., requête numéro 403975, Rec., T.), comme elle est d’ailleurs aujourd’hui compétente pour connaître des refus d’enregistrer une demande tardive par un étranger en rétention (CE, 23 déc. 2016, M. B., requête numéro 403971, Rec., T.) et des décisions mettant fin au statut de réfugié (CE, 23 déc. 2016, M. A., requête numéro 403976, Rec., T.).
La Cour nationale du droit d’asile est présidée par un membre du Conseil d’Etat désigné par le vice-président (CESEDA, art. L. 731-1). Elle est composée de formations de jugement comportant, chacune, un président nommé soit par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres du Conseil d’État ou parmi les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires, soit par le garde des sceaux parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire ; une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d’État, en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique ; une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le vice-président du Conseil d’Etat, en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique (CESEDA, art. L. 732-1). Les formations de jugement sont regroupées en chambres elles-mêmes regroupées en sections (CESEDA, art. L. 732-1). La Cour nationale du droit d’asile comprend aujourd’hui onze chambres regroupées en trois sections (arrêté du vice-président du Conseil d’Etat du 15 septembre 2015).
131. Les commissions départementales d’aide sociale et la Commission centrale d’aide sociale. Les commissions départementales d’aide sociale sont compétentes pour connaître des recours dirigés contre les décisions du conseil départemental et du représentant de l’Etat dans le département prévues à l’article L. 131-2 du code de l’action sociale, à l’exception de celles concernant l’attribution des prestations d’aide sociale à l’enfance et de celles concernant le revenu de solidarité active (CASF, art. L. 134-1). Présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou son délégué (CASF, art. L. 134-6), la commission départementale comprenait en outre trois conseillers départementaux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l’Etat nommés par le préfet. Cette composition a été censurée par le Conseil constitutionnel en tant qu’elle méconnaissait le principe d’impartialité de la formation de jugement et que les garanties propres à assurer l’indépendance des membres n’avaient pas été instituées (Cons. const., 25 mars 2011, Jean-Pierre B., décision numéro 2010-110, rec. p. 160 ; RFDC 2011, p. 820, note A. Le Quinio ; AJDA 2011, p. 1214, note I. Crépin-Dehaene). L’article L. 134-6 du code de commerce dispose désormais que, outre son président, la commission départementale est composée, en tant que rapporteurs, du secrétaire de la commission et, le cas échéant, de fonctionnaires ou magistrats en activité ou à la retraite nommés par le président parmi les personnes figurant sur sur une liste établie conjointement par le président du conseil départementale et le préfet.
Les décisions des commissions départementales sont susceptibles d’appel devant la Commission centrale d’aide sociale (CASF, art. L. 134-2 al. 1er), laquelle est encore compétente en premier et dernier ressort pour connaître des recours formés contre les décisions prises en application des articles L. 111-3, L. 122-1 al. 2, L. 122-2 à L. 122-4 et L. 212-1 du code de l’action sociale (CASF, art. L. 134-3 al. 1er). Présidée par un conseiller d’Etat nommé par décret en conseil des ministres sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat (CASF, art. L. 134-2 al. 3), la Commission centrale d’aide sociale est composée de sections et de sous-sections au nombre fixé par le pouvoir réglementaire (CASF, art. L. L34-2 al. 2). Elle comprend actuellement six sections de quatre membres chacune (CASF, art. R. 134-3). Elle est composée, en nombre égal, d’une part, de membres du Conseil d’Etat, de magistrats de la Cour des comptes et de magistrats de l’ordre judiciaire nommés respectivement par le vice-président du Conseil d’Etat, du premier président de la Cour des comptes et du garde des sceaux, d’autre part, de personnes particulièrement qualifiées en matière d’aide ou d’action sociale et nommées par le ministre chargé de l’action sociale (CASF, art. L. 134-2 al. 4).
132. Les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale et la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale. Le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale est compétent pour connaître des recours dirigés contre les décisions prises par le représentant de l’État dans le département ou dans la région, le directeur général de l’agence régionale de santé et le président du conseil départemental, séparément ou conjointement, ainsi que par le président du conseil régional et, le cas échéant, par les ministres compétents, déterminant les dotations globales, les dotations annuelles, les forfaits annuels, les dotations de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les remboursements forfaitaires, les subventions obligatoires aux établissements de santé mentionnés à l’article L. 4383-5 du code de la santé publique, les prix de journée et autres tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux de statut public ou privé et d’organismes concourant aux soins (CASF, art. L. 351-1). Présidée par un conseiller d’Etat ou un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ayant le grade de président nommé par le vice-président du Conseil d’Etat (CASF, art. L. 351-2 al. 1er), le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale est par ailleurs composé de deux membres choisis sur une liste établie par le préfet de région, deux membres choisis sur une liste proposée par les représentants à la conférence régionale de santé et de l’autonomie des organismes gestionnaires d’établissements et services de santé, sociaux et médico-sociaux et des usagers de ces établissements, par le président de la cour administrative d’appel du siège dans le ressort de laquelle siège le tribunal (CASF, art. L. 351-2). Les décisions rendues par le tribunal sont susceptibles d’appel devant la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CASF, art. L. 351-4), présidée par le président de la section sociale du Conseil d’Etat et comprenant trois membres nommés par le vice-président au sein d’une liste proposée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’action sociale et trois membres nommés par le vice-président au sein d’une liste proposée par le collège formé des membres du comité national de l’organisation sanitaire et sociale (CASF, art. L. 351-5).
133. La Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. C’est à la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées qu’il appartient de reconnaître la qualité de travailleur handicapé (C. trav., art. L. 5213-2). Cette juridiction comprend des représentants du département, des services et des établissements publics de l’Etat, des organismes de protection sociale, des organisations syndicales, des associations de parents d’élèves. Par ailleurs, et pour un tiers au moins des membres, la commission comprend des représentants des personnes handicapées et de leurs familles désignées par les associations représentatives et un membre du conseil départemental consultatif des personnes handicapées. Des représentants des organismes gestionnaires d’établissements ou de services siègent à la commission avec voix consultative (CASF, art. L. 241-5). La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées peut siéger en formation plénière et peut être organisée en sections locales ou spécialisées. Cependant, lorsque des sections sont constituées, elles comportent obligatoirement parmi leurs membres un tiers de représentants des personnes handicapées et de leurs familles (CASF, art. L. 241-5).
134. Les tribunaux des pensions et les cours régionales des pensions. Le tribunal des pensions connaît en premier ressort des contestations individuelles relatives aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et droits annexes (C. pensions militaires, art. L. 711-1 al. 1er). Il est présidé par un juge désigné par le premier président de la cour d’appel parmi les juges du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé le tribunal, et si nécessaire, il peut être fait appel à des magistrats honoraires de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire désignés, au début de chaque année judiciaire, et chaque fois qu’il est nécessaire, par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le siège du tribunal (C. pensions militaires, art. L 721-2). Il comprend par ailleurs un médecin désigné par le premier président de la cour d’appel sur la liste des médecins experts près les tribunaux du ressort de la cour d’appel, un pensionné tiré au sort sur une liste de cinq membres présentée par les associations de pensionnés au titre du code des pensions militaires du ressort de la cour d’appel et agréée par le tribunal des pensions (C. pensions militaires, art. L. 721-3). Dans le cas où la contestation concerne un membre de la Résistance ou ses ayants cause, l’assesseur pensionné est remplacé par un membre de la Résistance pensionné ou, à défaut, non pensionné, titulaire de la carte du combattant volontaire de la Résistance, tiré au sort sur une liste de cinq noms présentée par les représentants de la catégorie intéressée aux services départementaux de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre du ressort de la cour d’appel et agréée par le tribunal des pensions (C. pensions militaires, art. L. 721-5). La cour régionale des pensions est compétente en appel (C. pensions militaires, art. L. 711-1 al. 1er). Elle est présidée par un président de chambre à la cour d’appel et de deux conseillers à la cour d’appel (C. pensions militaires, art. L. 722-1) désignés par le premier président de la cour d’appel (C. pensions militaires, art. L. 722-2). Il peut, ici encore, être fait appel à des magistrats honoraires de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire, désignés à cet effet au début de chaque année judiciaire, et chaque fois qu’il est nécessaire, par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le siège de la cour régionale (C. pensions militaires, art. L. 722-3).
§ 3 : Les juridictions disciplinaires
135. Une constellation de juridictions. Les juridictions disciplinaires sont nombreuses. Nombre d’entre elles statuent sur les manquements à l’exercice d’une profession réglementée (I). D’autres sont en lien avec un service public (II).
I. Les juridictions disciplinaires professionnelles
136. La juridiction disciplinaire des médecins. En principe, la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins comprend huit membres élus, en nombre égal, parmi les membres du conseil régional dont elle dépend et parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4132-7). La chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins de la région d’Ile de France comporte trois sections étant chacune composée de huit membres (CSP, art. L. 4132-8). La chambre disciplinaire de première instance comprend en outre, avec voix consultative, un médecin désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé, un professeur d’une unité de formation et de recherche de médecine de la région désigné par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, un praticien-conseil d’un échelon local du service médical désigné par le médecin-conseil régional pour les affaires relevant de l’application des lois sur la sécurité sociale (CSP, art. L. 4132-9). La Chambre disciplinaire nationale, compétente en appel, comprend douze membres élus, en nombre égal, parmi les membres du conseil national et parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4232-5).
137. La juridiction disciplinaire des chirurgiens-dentistes. La chambre disciplinaire de première instance des chirurgiens-dentistes est composée de huit membres élus (douze dans la région d’Ile de France et deux pour la Réunion-Mayotte) en nombre égal parmi les membres du conseil régional dont elle dépend et parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4142-4) en présence d’un chirurgien-dentiste désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé (CSP, art. L. 4142-5). Suivant la même logique, la chambre disciplinaire nationale, compétente en appel, comprend six membres élus en nombre égal parmi les membres du conseil national et parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4242-3).
138. La juridiction disciplinaire des infirmiers. La discipline des infirmiers est assurée, en premier ressort, par la chambre disciplinaire de première instance. Sa composition diffère suivant le nombre total d’infirmiers inscrits aux derniers tableaux. Lorsque le nombre est inférieur ou égal à 10 000, elle est composée, outre son président, de six membres, c’est à dire d’un membre représentant chacun des collèges, élu par les membres titulaires du conseil régional parmi ses membres, d’un membre représentant chacun des collèges, élu pour six ans par les membres du conseil régional parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre à l’exclusion des conseillers régionaux en cours de mandat (CSP, art. R. 4311-89). Lorsque le nombre d’infirmiers inscrits est supérieur à 10 000, la chambre disciplinaire de première instance est composée, outre son président, de douze membres, suivant les mêmes répartition et proportion que précédemment (CSP, art. R. 4311-89). Les appels sont formés devant la chambre disciplinaire nationale, constituée au sein du conseil national des infirmiers (CSP, art. L. 4132-7). Elle comprend, outre son président, deux membres représentant chacun des collèges élus parmi les membres du conseil national, deux membres représentant chacun des collèges élus pour six ans parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre à l’exclusion des conseillers nationaux en cours de mandat (CSP, art. R. 4311-93).
139. La juridiction disciplinaire des sages-femmes. La chambre disciplinaire de première instance est composée d’un nombre de sages-femmes fixé par voie réglementaire en fonction des effectifs de sages-femmes inscrits aux derniers tableaux publiés dans l’inter-région, et elle comprend des membres élus, en nombre égal, parmi les membres du conseil interrégional dont elle dépend, et les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4152-7 al. 2). La chambre siège en formation d’au moins trois membres (CSP, art. L. 4152-7 al. 3), en présence d’un sage-femme désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé (CSP, art. L. 4152-8). Ses décisions sont susceptibles d’appel devant la chambre disciplinaire nationale, composée de quatre membres titulaires et quatre membres suppléants élus, en nombre égal, par le Conseil national de l’ordre des sages-femmes parmi, d’une part, les membres du Conseil national, et, d’autre part, parmi les membres et anciens membres du Conseil de l’ordre des sages-femmes (CSP, art. L. 4152-6 al. 1er). Elle siège en formation d’au moins trois membres (CSP, art. L. 4152-6 al. 2). Les fonctions exercées par les membres de la Chambre disciplinaire nationale sont incompatibles avec la fonction d’assesseur à la chambre disciplinaire de première instance (CSP, art. L. 4122-3) et aucun membre de la chambre disciplinaire nationale ne peut siéger lorsqu’il a eu connaissance des faits de la cause à raison de l’exercice d’autres fonctions ordinales. Dès lors, les principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions tels que garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ne sont pas méconnus (Conseil d’Etat, 4ème sous-section jugeant seule, 24 septembre 2010, Mme Pétarnaud, requête numéro 341548).
140. La juridiction disciplinaire des pédicures-podologues. La chambre disciplinaire de première instance est composée d’un nombre de pédicures-podologues fixé par voie réglementaire, en fonction des effectifs des pédicures-podologues inscrits aux derniers tableaux publiés dans la région. Elle comprend des membres élus par le conseil régional ou interrégional auprès duquel siège la chambre, pour moitié, parmi les membres du conseil régional ou interrégional dont elle dépend et, pour moitié, parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre. Lorsque les litiges concernent les relations entre professionnels et usagers, la chambre disciplinaire s’adjoint deux représentants des usagers désignés par le ministre chargé de la santé (CSP, art. L. 4322-10). Elle est présidée par un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel désigné par le vice-président du Conseil d’État (CSP, art. L. 4322-10). La Chambre disciplinaire nationale connaît en appel des décisions rendues par les chambres disciplinaires de première instance (CSP, art. L. 4322-8 al. 4). Elle comprend des membres élus, pour moitié, au sein du conseil national de l’ordre des pédicures-podologues, pour moitié parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4322-8 al 3). Lorsque le litige concerne les relations entre professionnels et usagers, la chambre disciplinaire comprend en outre deux représentants des usagers désignés par le ministre chargé de la santé (CSP, art. L. 4322-8 al. 5).
141. La juridiction disciplinaire des masseurs-kinésithérapeutes. La chambre disciplinaire de première instance est composée d’un nombre de masseurs-kinésithérapeutes fixé par voie réglementaire, en fonction des effectifs des masseurs-kinésithérapeutes inscrits aux derniers tableaux publiés dans la région. Elle comprend des membres élus par le conseil régional auprès duquel siège la chambre, en nombre égal parmi les membres du conseil régional dont elle dépend, et les membres et anciens membres des conseils de l’ordre. Lorsque les litiges concernent les relations entre professionnels et usagers, la chambre disciplinaire s’adjoint deux représentants des usagers désignés par le ministre chargé de la santé (CSP, art. L. 4321-17). La Chambre disciplinaire nationale, compétente en appel, est présidée par un magistrat de la juridiction administrative et composée, en nombre égal des membres, parmi ceux du Conseil national et parmi les membres et anciens membres des conseils de l’ordre (CSP, art. L. 4321-15). Lorsque les litiges concernent les relations entre professionnels et usagers, la Chambre disciplinaire s’adjoint deux représentants des usagers désignés par le ministre chargé de la santé (CSP, art. L. 4321-15).
142. La juridiction disciplinaire des pharmaciens. L’ordre des pharmaciens est divisé en sept sections dans lesquelles se répartissent les pharmaciens, suivant leur statut (CSP, art. L. 4232-1). En cas de faute professionnelle, un pharmacien ayant des activités pharmaceutiques différentes est jugé par la section compétente dont relève la faute commise (CSP, art. L. 4234-1). Lorsqu’il est constitué en chambre disciplinaire, le conseil régional de l’ordre (compétent pour la discipline de la section A), est présidé par un magistrat en fonction ou honoraire des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel désigné par le vice-président du Conseil d’État sur proposition du président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel (CSP, art. L. 4234-1). Il en va de même de la Chambre disciplinaire du Conseil central (CSP, art. L. 4234-4), compétent pour connaître de la discipline des autres sections. Les sanctions prononcées par un conseil régional ou par le conseil central sont susceptibles d’appel devant le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CSP, art. L. 4234-7).
143. La juridiction disciplinaire des vétérinaires. Une chambre de discipline des vétérinaires est instituée dans chaque région ordinale, divisée en circonscriptions disciplinaires déterminées par arrêté. Présidée par un conseiller à la cour d’appel désigné par le premier président de la cour d’appel dans le ressort duquel siège l’ordre régional (C. rur., art. L. 242-5 al. 1er), la juridiction disciplinaire comprend quatre assesseurs, tirés au sort pour chaque litige parmi les conseillers ordinaux des régions ordinales composant la circonscription disciplinaire, à l’exception de la région où le vétérinaire poursuivi exerce (C. rur., art. L. 242-5 al. 2). Dans le cas où la personne poursuivie est une des personnes mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article L. 242-3-1 du code rural et de la pêche maritime, deux des assesseurs sont tirés au sort parmi les conseillers ordinaux des régions ordinales composant la circonscription disciplinaire, les deux autres parmi les personnes exerçant la même profession inscrites sur les listes tenues par l’ordre (C. rur., art. L. 242-5, al. 3). Les décisions rendues par la chambre régionale de discipline sont susceptibles d’appel devant la Chambre nationale de discipline (C. rur., art. L. 242-8). Elle est présidée par un conseiller de la Cour de cassation désigné par son premier président (C. rur., art. L. 242-8-I). Lorsque la personne poursuivie est un vétérinaire, elle comprend en outre quatre assesseurs tirés au sort parmi les membres du Conseil national de l’ordre ; lorsque la personne poursuivie n’est pas un vétérinaire, les assesseurs sont tirés au sort pour moitié parmi les membres du conseil national de l’ordre, pour moitié par les personnes exerçant la même profession, inscrites sur les listes tenues par l’odre (C. rur., art. L. 242-8-I).
144. La juridiction disciplinaire des géomètres experts. La discipline des géomètres experts est organisée par le décret n° 96-478 du 31 mai 1996 portant règlement de géomètre expert et code des devoirs professionnels, modifié. Le conseil régional de l’ordre des géomètres experts est compétent pour connaître, en formation disciplinaire, des plaintes qui lui sont adressées (art. 89). Il est composé des membres en exercice dudit conseil et du délégué du commissaire du Gouvernement, et présidé par le président du conseil régional (art. 93). Le Conseil supérieur siégeant en formation disciplinaire, compétent en appel, est présidé par le président du conseil supérieur. Il est composé, du commissaire du Gouvernement et de ses membres en exercice, à l’exception du président et de tout membre du conseil régional ayant statué en première instance et, le cas échéant, du géomètre expert mis en cause ou ayant personnellement intérêt à l’affaire (art. 105).
145. La juridiction disciplinaire des architectes. La discipline des architectes est organisée par la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, modifiée. Au sein de chaque conseil régional de l’ordre des architectes, il existe une chambre de discipline compétente en première instance (art. 27). Elle est présidée par un magistrat administratif désigné par le président de la cour administrative d’appel ou par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel la chambre a son siège. Elle est en outre composée de trois architectes désignés par le conseil régional de l’ordre des architectes lors de chacun de ses renouvellements (art. 27). La Chambre nationale de discipline des architectes est compétente en appel (art. 52). Instituée au sein du conseil national de l’ordre des architectes, elle est présidée par un conseiller d’Etat désigné par le vice-président du Conseil d’Etat et composée de trois architectes désignés par le conseil national de l’ordre des architectes lors de chacun de ses renouvellements (art. 29).
146. La juridiction disciplinaire des experts-comptables. La discipline des experts-comptables est prise en charge, en première instance, par les chambres régionales de discipline de l’ordre des experts-comptables agréés (ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 et loi n° 68-946 du 31 octobre 1968). Les décisions rendues par les chambres régionales de l’ordre des experts-comptables agréés sont susceptibles d’appel devant la Chambre nationale de discipline de l’ordre.
147. Les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires des professions médicales et paramédicales. Les fautes, abus, fraudes et autres faits intéressant l’exercice de la profession, relevés à l’encontre des médecins, des chirurgiens-dentistes ou sages-femmes à l’occasion de soins dispensés aux assurés sociaux sont soumis, en premier ressort, à la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance des médecins, des chirurgiens-dentistes, ou des sages-femmes (CSS, art. L. 145-1). Les décisions rendues par la section sont susceptibles d’appel devant la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, ou des sages-femmes (CSS, art. L. 145-1). Les mêmes principes sont transposables, en premier ressort comme en appel, s’agissant des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers (CSS, art. L. 145-5-1). Les sections des assurances sociales de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens sont également compétentes pour statuer sur une plainte déposée à l’encontre d’une société exploitant un laboratoire de biologie médicale privé lorsque cette société est inscrite au tableau de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens (CSS, art. L. 145-5-6). Chaque chambre disciplinaire de première instance est présidée par un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel nommé par le vice-président du Conseil d’Etat sur proposition du président de la cour administrative d’appel dans le ressort duquel se trouve le siège du conseil régional ou interrégional, et comprend un nombre égal d’assesseurs, membres de l’ordre concerné et d’assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale dont au moins un praticien conseil (CSS, art. L. 145-6 et L. 145-7-1). La section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins est présidée par un conseiller d’Etat nommé par le garde des sceaux et comprend un nombre égal d’assesseurs membres de l’ordre et d’assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale, nommés par l’autorité compétente de l’État sur proposition de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CSS, art. L. 145-7 al. 1er). Les sections des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes et du Conseil national de l’ordre des sages-femmes sont présidées par le conseiller d’État qui préside la formation disciplinaire de chacun de ces conseils. Elles comprennent un nombre égal d’assesseurs membres de l’ordre et d’assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale, dont au moins un praticien conseil nommé par l’autorité compétente de l’État sur proposition de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CSS, art. L. 145-7 al. 2). La même composition est prévue pour la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et celle de l’ordre des infirmiers (CSS, art. L. 145-7-2).
148. La juridiction disciplinaire des conseils en propriété intellectuelle. Les manquements des conseils en propriété intellectuelle sont jugés par la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle (C. propr. intell., art. L. 422-10). Il en va de même des autres personnes admises à exercer en France des activités relevant de la profession de conseil en propriété industrielle (C. propr. intell., art. R. 422-56). Elle est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire nommé sur proposition du premier président de la cour d’appel de Paris et composée d’un membre du Conseil d’Etat nommé sur proposition de son vice-président, du président de la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle, de deux conseils en propriété intellectuelle choisis sur une liste de huit candidats proposée, en dehors des membres de son bureau, par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, de deux personnes qualifiées (C. propr. intell., art. R. 422-56). Ces membres sont nommés pour trois ans par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la propriété industrielle (C. propr. intell., art. R. 422-57).
149. Le comité disciplinaire du Conseil national de l’expertise foncière, agricole et forestière. La discipline des experts fonciers et agricoles et des experts forestiers est confiée au comité du Conseil national de l’expertise foncière, agricole et forestière. Présidé par un membre du Conseil d’Etat désigné par le vice-président, le comité est composé des membres en exercice, à l’exception de son président (C. rur., art. R. 171-21).
II. Les juridictions en lien avec un service public
150. Le Conseil supérieur de la magistrature. Comme cela a déjà été dit, le Conseil supérieur de la magistrature a la charge de la discipline des magistrats du siège de l’ordre judiciaire (ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature modifiée) et il agit alors en tant que juridiction (Conseil d’Etat, Assemblée,12 juillet 1969, L’Etang, requête numéro 72480, publié au recueil, préc.). Le principe de séparation des pouvoirs et le principe d’indépendance des magistrats le commandent. Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires explique encore que seule la discipline des magistrats de l’ordre judiciaire est connue par le Conseil supérieur de la magistrature. . Conformément à l’article 65 de la Constitution, la formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation, et comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat, et six personnalités qualifiées n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif, nommées à égale proportion par le Président de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat.
151. Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appels. La discipline des magistrats de l’ordre administratif reste autonome. Si, à l’exception des sanctions de l’avertissement et du blâme, qui peuvent être prononcés par le vice-président du Conseil d’Etat, la discipline des membres du Conseil d’Etat est de la compétence de l’autorité investie du pouvoir de nomination sur proposition de la Commission supérieure du Conseil d’Etat (CJA, art. L. 136-4), il en va différemment, depuis l’ordonnance n° 2016-1366 du 13 octobre 2016, de la discipline des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. En effet, celle-ci est prise en charge par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel (CJA, art. L. 236-3), lequel est présidé par le vice-président du Conseil d’Etat et comprend le président de la mission d’inspection des juridictions administratives, le secrétaire général du Conseil d’Etat, le directeur chargé des services judiciaires au ministère de la justice, un chef de juridiction et un suppléant élus pour trois ans par leurs pairs, un magistrat administratif ayant le grade de président, deux magistrats ayant le grade de premier conseiller et deux magistrats ayant le grade de conseiller, et leurs suppléants, élus au scrutin proportionnel de liste pour trois ans, ainsi que trois personnalités choisies pour leurs compétences, pour trois années non renouvelables, respectivement par les Président de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat (CJA, art. L. 232-4). Les décisions du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appels sont susceptibles de recours en cassation devant le Conseil d’Etat (CJA, art. L. 236-6).
152. Le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. La discipline des magistrats des juridictions financières est organisée suivant un schéma équivalent à celui qui préside à la discipline des magistrats administratifs. Ainsi, les sanctions disciplinaires à l’encontre des magistrats de la Cour des comptes sont prononcées par l’autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition du Conseil supérieur de la Cour des comptes, l’avertissement et le blâme pouvant être prononcés par le premier président de la Cour des comptes (CJF, art. L. 123-3). Il n’y a donc pas ici de juridiction spécialisée. En revanche, les membres du corps des chambres régionales des comptes sont sanctionnés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes (CJF, art. L. 223-1), lequel est présidé par le premier président de la Cour des comptes et comprend trois personnalités qualifiées désignées pour trois années non renouvelables, respectivement par les Président de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, le procureur général près la Cour des comptes, le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes, un conseiller maître à la Cour des comptes, deux magistrats exerçant les fonctions de président de chambre régionale des comptes ou de vice-président de chambre régionale des comptes, dont un conseiller maître et un conseiller référendaire, ainsi que six représentants des magistrats de chambre régionale des comptes. Le mandat des personnes élues ou désignées est de trois années, renouvelable une fois (CJF, art. L. 220-13). Les décisions du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes sont susceptibles de recours en cassation devant le Conseil d’Etat (CJF, art. L. 223-5).
153. Les sections disciplinaires des conseils académiques des universités et le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aucune sanction administrative ne peut être infligée à l’encontre des enseignants-chercheurs et des usagers du service public de l’enseignement supérieur en dehors de celles prononcées par les juridictions universitaires (Conseil d’Etat, SJS., 31 août 2009, M.A., requête numéro 309928, inédit au recueil). Les sections disciplinaires des universités sont constituées au sein des conseils académiques de ces dernières (C. éduc., art. L. 712-4). Ce sont les juridictions compétentes pour connaître, en première instance, de la discipline des personnels enseignants et des usagers (C. éduc., art. L. 712-6-2 al. 1er). La section disciplinaire est présidée par un professeur des universités élu en son sein (C. éduc., art. L. 712-6-2 al. 2) au scrutin majoritaire à deux tours (C. éduc., art. R. 712-16). La composition de la section disciplinaire varie suivant la qualité de la personne poursuivie. A l’égard des enseignants-chercheurs et des enseignants, la section comprend quatre professeurs des universités ou personnels assimilés dont au moins un membre du corps des professeurs d’université, quatre maître de conférences ou personnels assimilés, deux représentants des personnels titulaires, exerçant des fonctions d’enseignement, appartenant à un autre corps de fonctionnaires (C. éduc., art. R. 712-13), étant précisé que, pour le jugement de chaque affaire, la formation disciplinaire ne peut comprendre que des membres d’un rang égal ou supérieur à celui de la personne poursuivie et au moins un membre relevant du même corps ou de la même catégorie de personnel (C. éduc., art. L. 952-7 ; pour l’application de cette disposition, C. éduc., art. R. 712-23 à R. 721-25). A l’égard des usagers, la section comprend deux professeurs des universités ou personnels assimilés dont au moins un membre du corps des professeurs d’université, deux maîtres de conférences ou personnels assimilés, deux représentants des personnels titulaires, exerçant des fonctions d’enseignement, appartenant à un autre corps de fonctionnaires, et six usagers (C. éduc., art. R. 712-14). Les membres de ces sections sont élus au sein de la commission de la recherche et au sein de la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique et parmi les représentants élus relevant du collège auquel ils appartiennent (C. éduc., art. R. 712-15 al. 1er). On soulignera ce que la « modernité » offre à la composition de ces juridictions, en imposant une composition à parité d’hommes et de femmes (C. éduc., art. R. 712-15 al. 2)…
La formation disciplinaire du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) est compétente pour connaître des appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par les sections disciplinaires des conseils académiques des universités (C. éduc., art. R. 742-43). Saisie en ce sens, la formation disciplinaire statue en premier et dernier ressort lorsqu’une section disciplinaire n’a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n’est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente (C. éduc., art. R. 232-31) et il n’y a là rien de contraire à la Constitution (Conseil d’Etat, SSR., 10 octobre 2011, Dahmani, requête numéro 350969, inédit au recueil). Elle est présidée par un professeur des universités élus par ses membres (C. éduc., art. R. 232-25) et est composée de cinq professeurs des universités ou personnels assimilés, de cinq maîtres de conférences ou maîtres-assistants ou chefs de travaux ou personnels assimilés, et de quatre étudiants (C. éduc., art. R. 232-23). A l’instar de ce que l’on connaît des sections disciplinaires, et pour les mêmes raisons, la formation compétente pour statuer sur le cas d’un enseignant-chercheur ou d’un enseignant comprend tous les conseillers et personnels assimilés ayant un rang égal ou supérieur à celui de la personne concernée (C. éduc., art. R. 232-28). Lorsqu’elle statue à l’égard d’un usager, la formation compétente comprend, outre le président, un professeur des universités ou personnel assimilé et deux maîtres de conférences ou maîtres-assistants ou chefs de travaux ou personnels assimilés, et les quatre étudiants (C. éduc., art. R. 232-29).
154. Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire. La formation disciplinaire du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire est compétente pour connaître en appel des jugements rendus par les sections disciplinaires. Elle est encore compétente en premier et dernier ressort lorsqu’une section disciplinaire n’a pas été constituée ou lorsqu’aucun jugement n’a été rendu six mois après la date d’engagement des poursuites (CSP, art. R. 814-30-11). Elle est composée de membres élus du Conseil (CSP, art. R. 814-30-4). La composition de la formation de jugement diffère suivant la qualité de la personne poursuivie. Lorsqu’elle statue à l’égard d’un professeur de l’enseignement supérieur, d’un directeur de recherche d’un établissement public ou d’un enseignant associé de même niveau, la section disciplinaire est composée de six professeurs de l’enseignement supérieur agricole ou directeurs de recherche d’un établissement public (CSP, art. R. 814-30-6). Lorsqu’elle statue à l’égard d’un maître de conférences de l’enseignement supérieur, d’un chargé de recherche d’un établissement public ou d’un enseignant associé de même niveau, la formation de jugement est composée de son président, de trois professeurs et des quatre maîtres de conférences de l’enseignement supérieur agricole ou chargés de recherche d’un établissement public composant le Conseil (CSP, art. R. 814-30-7). Lorsqu’elle statue à l’égard d’un enseignant ou d’un autre personnel exerçant des fonctions d’enseignement, la formation de jugement est composée de son président, d’un maitre de conférences, et des deux représentants des personnels exerçant des fonctions d’enseignement (CSP, art. R. 814-30-8). Lorsqu’elle statue à l’égard d’un usager, la formation de jugement comprend, outre le président, un membre relevant de chacune des catégories de personnels et les quatre représentants des étudiants sans que leur nombre ne puisse excéder celui des enseignants-chercheurs et des personnels enseignants (CSP, art. R. 814-30-9).
155. La juridiction nationale pour les personnels hospitaliers universitaires. Les membres du personnel enseignant et hospitalier sont soumis, pour leur activité hospitalière comme pour leur activité universitaire, à une juridiction disciplinaire unique instituée sur le plan national (C. éduc., art. L. 952-22). Cette juridiction est composée d’un président nommé par arrêté conjoint du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la Santé, choisi soit parmi les conseillers d’État, soit parmi les professeurs de l’enseignement supérieur, de trois membres titulaires nommés par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur et choisis en dehors des personnels enseignants et hospitaliers, des personnels enseignants et des personnels hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, de trois membres titulaires nommés par le ministre chargé de la Santé et choisis en dehors des personnels enseignants et hospitaliers, des personnels enseignants et des personnels hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, de trois membres appartenant au corps des professeurs des universités praticiens hospitaliers élus par les personnels de ce corps, de trois membres appartenant aux corps de maîtres de conférences des universités praticiens hospitaliers et des chefs de travaux assistants des hôpitaux, élus par les personnels de ces corps, de deux membres titulaires et deux membres suppléants représentant les personnels enseignants et hospitaliers, des personnels enseignants et des personnels hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires élus pour, par et parmi ces personnels. Lorsque la juridiction disciplinaire est appelée à se prononcer sur le cas d’un professeur des universités-praticien hospitalier, la juridiction est complétée par trois membres élus par ce corps. Lorsque la juridiction disciplinaire est appelée à se prononcer sur le cas d’un membre des personnels enseignants et des personnels hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, elle est complétée par deux membres, l’un désigné par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur parmi les membres suppléants, l’autre désigné par le ministre chargé de la Santé parmi les membres suppléants (décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, art. 22). La composition de la juridiction appelée à se prononcer sur le cas d’un membre titulaire ou non titulaire des personnels enseignants et hospitaliers des disciplines pharmaceutiques est sensiblement la même avec une représentation spécifique des disciplines pharmaceutiques (décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, art. 22-1).
§ 4 : Les autres juridictions
156. La Commission du contentieux du stationnement payant. L’ordonnance n° 2015-401 du 9 avril 2015 a institué la Commission du contentieux du stationnement payant qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018 et qui sera chargée de statuer sur les recours formés contre les décisions individuelles relatives aux forfaits de post-stationnement (CGCT, art. L. 2333-87-2). Elle sera présidée par un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administrative d’appel nommé par décret (CGCT, art. L. 2333-87-1) et composée de magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire (CGCT, art. L. 2333-87-3). Les décisions seront rendues en principe en juge unique, sauf renvoi à une formation collégiale (CGCT, art. L. 2333-87-4).
157. Le Conseil des prises. S’il y a bien une juridiction qui ne redoute pas l’encombrement, c’est bien le Conseil des prises ! Mais s’agit-il seulement d’une juridiction dans l’acception qui doit être donnée au mot aujourd’hui ? Présidé par un conseiller d’Etat et composé par ailleurs de deux maîtres des requêtes, de deux représentants du ministère de la Marine, d’un représentant du ministère des Affaires étrangères, d’un professeur de droit, et d’un commissaire du gouvernement choisi parmi les membres du Conseil d’État, le Conseil des prises se prononce sur la validité des prises maritimes. Les appels contre les décisions rendues par le Conseil des prises restent régis par les dispositions qui leur sont propres (CJA, art. R. 321-2), c’est-à-dire celles contenues dans le décret du 9 mai 1859 qui lui est relatif. Les recours sont portés devant le Conseil d’Etat en tant que conseil du gouvernement. L’instruction est assurée par une section administrative et un projet de décision est arrêté par l’assemblée générale ordinaire. La décision est finalement prise par le Président de la République. La justice, ici, est toujours retenue…
158. La Commission du service national. Une commission juridictionnelle examine la situation des personnes qui, n’ayant pas accompli la totalité des obligations du service national actif et n’en ayant été ni exemptées ni dispensées, ont été condamnées définitivement à une ou plusieurs peines d’emprisonnement sans sursis ou de réclusion, dont la durée totale est égale ou supérieure à un an, et détermine ce comment les intéressés seront tenus d’accomplir le service national actif (C. serv. nat., art. L. 51). Cette commission est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le garde des sceaux, et composée de deux officiers désignés par le ministre chargé de la défense nationale et de deux magistrats de l’ordre judiciaire désignés par le garde des sceaux (C. serv. nat., art. L. 52).
159. Bibliographie indicative.
C. Broyelle, « L’intérêt général, l’arbitrage et les personnes publiques » in Mélanges en l’honneur de Didier Truchet, Paris, Dalloz, 2015, pp. 41 et s.
R. Chapus, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la juridiction administrative » in Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, pp. 265 et s.
M. Degoffe, La juridiction administrative spécialisée, Paris, LGDJ, 1996.
F. Donnat et D. Casas, « La composition des juridictions administratives spécialisées et l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 », AJDA 2003, pp. 492 et s.
L. Milano, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La question a-t-elle encore une utilité ? », RFDA 2014, pp. 1119 et s.
G. Wiederkher, « Qu’est-ce qu’un juge ? » in Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, pp. 575 et s.
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