162 • C’est à travers une conception particulière du rôle joué par le législateur que, dans le contexte de la fin du XVIIIème siècle, on a été conduit à répondre à la question fondamentale du moyen devant permettre d’assurer la protection effective des droits et libertés alors nouvellement consacrés. C’est la loi, parce qu’elle est sacralisée par les philosophes des lumières et parce que, inversement, on a une piètre opinion du rôle que doivent réellement jouer les juges dans le nouvel agencement des pouvoirs, qui apparaît, aux acteurs de la révolution, comme le « canal privilégié » de la garantie du respect des droits, comme l’instrument de l’idéal moderne d’émancipation permettant d’appliquer les principes destinés à éviter l’arbitraire. Cette conception légicentriste a perduré même après la 2nde guerre mondiale qui avait pourtant démontré qu’un système politique vivant selon les principes du « droit des Lumières » pouvait approuver, par la loi, un régime qui allait finalement nier toute trace quelconque d’humanité. Ce n’est que, progressivement, qu’on va remettre la norme en cause sous l’influence des 1ères tentatives de mise en place du contrôle juridictionnel de la loi et des débuts de l’internationalisation de la protection des droits fondamentaux (§ 1er).
163 • Ce mouvement convergent lié au contrôle juridictionnel de la loi et à l’internationalisation des droits renforce considérablement les pouvoirs des juges. Il est, aussi, directement à l’origine d’une nouvelle logique dans l’agencement des pouvoirs. L’agencement classique tenant à la séparation des pouvoirs, entre un pouvoir législatif qui légifère, un pouvoir exécutif qui exécute et un pouvoir judiciaire plus en retrait, tend à s’estomper en France. Aujourd’hui, le pouvoir exécutif décide plus qu’il n’exécute et le pouvoir législatif contrôle dans le meilleur des cas, voire enregistre dans le pire des cas, plus qu’il ne détermine une politique. Dans l’exercice de cette confusion des pouvoirs, c’est la séparation entre le pouvoir politique et le « pouvoir juridictionnel » pris largement (Conseil d’Etat, Cour de cassation, Conseil constitutionnel, CJUE, CEDH) qui définit la nouvelle matrice du système politique ou qui constitue le nouvel axe de la séparation des pouvoirs permettant de faire respecter les droits et libertés. Tout se passe comme si on opérait, à cet égard, un retour assez paradoxal à la monarchie d’Ancien Régime et son « Etat de justice » alors matérialisé par le rôle joué par les Parlements d’Ancien Régime, seul rempart au pouvoir absolu du Roi pour faire respecter les droits et libertés. La montée en puissance du « pouvoir juridictionnel » constitue, à cet égard, l’une des innovations majeures du droit constitutionnel contemporain et cette réévaluation de l’office des juges n’est permise et justifiée que par la poursuite d’un seul but : permettre le respect et la garantie effective des droits et libertés (§ 2nd).
§1er: Le rôle initial et particulier joué par le législateur dans la protection des droits fondamentaux
164 • Plusieurs acteurs sont chargés, selon les équilibres et traditions nationales, d’œuvrer à la garantie et au respect des droits. Les Etats ne se sont pas contentés de proclamer les droits et libertés, ils ont aussi fait en sorte de les protéger effectivement. Mais le système français allait se révéler, dès l’origine et dès la période révolutionnaire, assez particulier dans les croyances alors développées. Le juge s’est révélé être l’acteur essentiel, dans la plupart des Etats ayant proclamé l’existence de ces droits et libertés, pour en assurer la protection. Pour les révolutionnaires français, le simple bon agencement constitutionnel des pouvoirs devait matérialiser la garantie des droits. La séparation des pouvoirs se suffisant à elle seule comme garantie, pas besoin de l’action ou du contrôle des juges.
165 • Si les textes proclamés, comme la DDHC de 1789, étaient dépourvus de qualification juridique, c’est la loi, et, à travers elle, le législateur, qui, naturellement, devait assurer le respect des droits ainsi consacrés. Si sous certains régimes peu libéraux, les proclamations solennelles des Constitutions furent démenties assez rapidement par la pratique des gouvernants ou du législateur, les droits proclamés, notamment ceux de 1789, furent néanmoins globalement respectés tout en étant complétés, notamment, par les lois de la IIIème république. Cette dernière proclamant et aménageant, plus d’un siècle plus tard, les libertés dites « publiques ». Pour autant et ce faisant, la France, contrairement à d’autres puissances étrangères, n’a jamais pris le parti de placer les droits et libertés, fussent-ils fondamentaux, au-dessus de l’ordre juridique garanti par le législateur. Dans plusieurs Etats étrangers, la Constitution place les droits fondamentaux au-dessus d’une quelconque action du législateur et organise pour eux une protection particulière (A). En France, on s’est longtemps fondé sur une logique différente qui fait que la protection des droits et libertés ne peut utilement se faire qu’à travers l’action du législateur (B).
A – Des droits fondamentaux à l’abri de l’action du législateur dans la plupart des pays étrangers
166 • La protection des droits fondamentaux doit primer sur toute autre considération, elle constitue une mission de l’Etat qui est aussi essentielle ou prioritaire que la protection de ses intérêts supérieurs. Tel est le principe consacré, par exemple, par le droit espagnol ou le droit allemand qui font des droits fondamentaux le principal vecteur de légitimité de l’ordre juridique sous le contrôle du juge (1). Dans les pays de tradition anglo-saxonne, marqués par la prééminence d’un droit à la fois coutumier et jurisprudentiel, c’est la Common Law qui a légué, notamment aux anglais et américains, l’idée de droits fondamentaux préexistants, l’idée d’un corps de règles ancestrales qu’il faut respecter au-delà des règles législatives. La notion particulière de « judge made law » voulant alors que ce soit le juge qui fasse avant tout le droit et seulement après, de façon supplétive, le législateur (2).
1 – L’exemple espagnol et allemand : les droits fondamentaux, principal vecteur de légitimité de l’ordre juridique
167 • Le droit allemand donne une place centrale aux droits fondamentaux en les érigeant au rang de principes « supra-constitutionnels ». Le droit espagnol les fait bénéficier d’une protection juridique renforcée à travers notamment le recours de l’Amparo, recours que l’on retrouve aussi en droit allemand sous l’expression « Verfassungsbeschwerde ».
→ L’exemple allemand et la place centrale des droits fondamentaux
Des droits fondamentaux érigés au rang de principes supra-constitutionnels non susceptibles de révision
168 • La Loi fondamentale (Grundgesetz) est la Constitution de l’Allemagne depuis le 8 mai 1949. Son contenu est profondément marqué par la volonté de tirer les leçons de l’échec de la république de Weimar (1919-1933) et par le contexte historique au sortir de la 2nde Guerre mondiale. Des efforts considérables sont alors entrepris pour développer la protection des droits fondamentaux à un degré de perfection atteint nulle part ailleurs. Le droit allemand fait ainsi des droits fondamentaux (Grundrechte) le principal vecteur de légitimité de l’ordre juridique en érigeant ceux-ci au rang de principes « supra-constitutionnels » non susceptibles de révision (art. 79 III de la Loi fondamentale). On parle de clause d’éternité (Ewigkeitsklausel) interdisant toute modification des principes constitutionnels fondamentaux comme ceux touchant à la démocratie, l’Etat de droit, la dignité de la personne humaine ou encore le fédéralisme. L’Etat allemand voit sa nature fédérale, sociale et démocratique hors d’atteinte des modifications constitutionnelles. Les droits fondamentaux lient le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire à titre de droit directement applicable (art. 1 III Loi fondamentale) et présentent ainsi un caractère obligatoire pour la puissance publique. Il est donc impossible de modifier les droits fondamentaux dans leur substance ou même dans leur forme. Ils sont, en quelque sorte, immuables et rigides.
Des droits fondamentaux qui présentent des caractéristiques remarquables
169 • La place des droits fondamentaux, suivant la logique précédemment décrite, présente plusieurs caractéristiques remarquables. La déclaration de droits fondamentaux, très complète, est présente dans le texte même de la Constitution et non pas en préambule (comme en France par exemple) ou en addendum (comme le Bill of Rights au Royaume-Uni). Les 19 premiers articles de la Constitution allemande sont consacrés uniquement aux droits fondamentaux. Toutes les restrictions à la substance d’un droit fondamental sont interdites (art. 19 al. 2). Toute personne qui abuse des droits pour nuire à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique peut être déchu de ses droits même si le cas ne s’est encore jamais présenté (art. 18). Il existe aussi des mécanismes de défense active pour protéger ces droits et éviter que les droits garantis par le texte mettent en cause la démocratie elle-même. Il est ainsi possible d’aller jusqu’à l’interdiction de partis politiques opposés à l’organisation démocratique et libérale de la république fédérale. Cette procédure fait partie de ce qu’on appelle la « démocratie combative » (wehrhafte Demokratie, article 21-2). Un parti d’extrême droite, le Socialistische Reichpartei a été ainsi interdit en 1952, le parti communiste en 1956. Fin 1992, 3 organisations d’extrême droite sont interdites : la Deutsche Alternative, le Nationalistische Front et la Nationale Offensive. En mars 2016, les juges constitutionnels ont été saisis par le Bundesrat, la 2nde chambre qui représente les Länder, d’une demande d’interdiction du parti néo-nazi NPD. En 2003, une précédente tentative avait échoué. La Cour constitutionnelle allemande a une nouvelle fois rejeté l’interdiction le 17 janvier 2017 justifiant la décision par la marginalité du mouvement (Voir A. Gaschignard, « Nouveau rejet de l’interdiction du parti néo-nazi allemand », RDH 2017, février, https://journals.openedition.org/revdh/3019). A noter que l’Allemagne a interdit, en 2020, quatre groupuscules d’extrême droite (le groupe « Combat 18 », le groupe « Geeinte deutsche Völker und Stämme » (Peuples et tribus allemands unis), le groupe « Nordadler » (« aigle du nord ») et le groupe « Sturmbrigade 44 ou Wolfsbrigade 44 »).
Des droits fondamentaux qui présentent une double dimension subjective et objective (1)
170 • En Allemagne, la prééminence des droits fondamentaux ne se traduit pas seulement par la place que ceux-ci occupent dans la Loi fondamentale, elle se traduit aussi et surtout par la particularité de leurs effets juridiques. Ces derniers s’appliquent non seulement en droit public mais aussi en droit pénal et en droit civil (dans ce dernier domaine, leur application n’est reconnue que de manière indirecte par la doctrine dominante et la Cour fédérale, on parle « d’effet indirect à l’égard des tiers »). Ces droits possèdent une double dimension : une dimension « subjective », d’une part, permettant à l’individu de se défendre contre l’Etat et de préserver sa sphère de liberté individuelle et une dimension « objective » (Mittelbare Drittwirkung) dont le but est de créer un ordre de valeur pour renforcer l’autorité même de ces droits fondamentaux. Cette dimension objective oblige le juge, même dans des litiges de nature civile où le plaignant ne peut invoquer contre le défendeur un droit fondamental qui ne peut être exigé que de la puissance publique, à ne pas ignorer « l’effet d’irradiation des droits fondamentaux » (Ausstrahlungswirkung) sur les autres branches du droit (En ce sens, C. Autexier, Chapitre 5 : Les droits fondamentaux, Introduction au droit public allemand, Paris, PUF, 1997 précité ; Reprint Revue générale du droit on line, 2015, n°20739 https://www.revuegeneraledudroit.eu). Si la dimension subjective ou de garantie institutionnelle concerne surtout le législateur, la dimension objective impose aussi à l’administration et au juge de tenir compte des droits fondamentaux dans leur activité d’interprétation et de mise en œuvre des règles de droit.
Des droits fondamentaux qui présentent une double dimension subjective et objective (2)
171 • Les droits fondamentaux forment donc « un véritable système de valeurs débouchant sur des fonctions institutionnelles et démocratiques » (C. Grewe, « Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français », Pouvoirs 2011, n°137, p. 143 et suiv.) et doivent, ainsi, influencer le système juridique tout entier. Dans leur dimension objective, ces droits ne sont plus seulement dirigés contre l’Etat mais deviennent des droits opposables tant à la puissance publique qu’aux puissances privées. Les droits fondamentaux se retrouvent ainsi dans tout l’ordre juridique mais ils comportent aussi un autre aspect éminemment dynamique, celui d’une obligation de protection et de promotion à la charge de l’Etat (En ce sens, C. Grewe, « Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français », précité). La prestation essentielle que l’Etat doit à l’individu est d’organiser une protection efficace de ses droits par le juge (Rechtsschutz). Les pouvoirs publics doivent faire constamment attention à ces droits, ils « ne sauraient s’en tenir au statu quo mais ont l’obligation même positive de les protéger et de les développer toujours plus » (C. Grewe, Ibid.). Le législateur est obligé de garantir activement les valeurs contenues dans les droits fondamentaux.
Des droits fondamentaux qui associent le juge au contrôle de la loi
172 • La culture juridique allemande s’oppose aux conceptions françaises sur la loi et le juge. La loi n’a jamais été confondue avec le droit ou considérée comme étant la seule source objective. Les parlements allemands, au XIXème, n’ont jamais exercé à eux seuls la souveraineté. Le juge, bénéficiant d’une confiance ancienne, a toujours été, bien plus que la loi, identifié à la figure du droit. Il faut également intégrer dans ce contexte la dimension fédérative très favorable à l’émergence d’une justice constitutionnelle puisque c’est la position éminente du juge qui a permis de penser que des conflits aussi politiques qui ceux qui opposent l’Etat central aux Etats fédérés puissent être réglés par un juge spécial de manière juridique. C’est la Cour constitutionnelle fédérale qui va recueillir cet héritage de confiance dans le juge et être doté de larges pouvoirs avec une variété et un nombre important de recours : un contrôle préventif par nature abstrait qui porte sur la conformité générale de la norme à la constitution, un contrôle concret qui veut que tout juge allemand a le droit et l’obligation de s’assurer que les dispositions juridiques qu’il s’apprête à appliquer au litige du fond dont il est saisi sont compatibles avec la Constitution et les normes en vigueur. Dans cette mesure et même s’il est obligé de surseoir à statuer, le juge est associé au contrôle de la loi ce qui ne survient en France que dans le cadre du contrôle de conventionnalité, les juges français classiques s’interdisant un quelconque contrôle de constitutionnalité.
Un recours constitutionnel ou individuel dirigé contre les actes de la puissance publique : le « Verfassungsbeschwerde »
173 • Il existe enfin un recours constitutionnel ou recours individuel, voie de droit exceptionnelle et subsidiaire, qui peut être dirigé contre les actes de la puissance publique, notamment contre la loi ou les actes d’un jugement devenu définitif. L’expression « Verfassungsbeschwerde » est « le nom que la Constitution, la législation et la doctrine allemande donnent à cette requête qu’une personne peut introduire devant la Cour constitutionnelle fédérale contre la violation de certains droits déterminés par la Constitution » (A. Dittmann, « Le recours constitutionnel en droit allemand », Cahiers du CC 2001, n°10). L’utilisation de ce recours individuel, près de 5000 requêtes chaque année, même si beaucoup ne passent pas le cap de l’admission, montre comment le droit institutionnel est réinterprété voire supplanté par la prédominance des droits fondamentaux. Le recours ayant notamment, en ce sens, une double fonction. Quand le citoyen défend sa sphère de liberté, il déclenche en même temps une procédure ayant une approche plus générale et qui sert tout le droit constitutionnel. Cette double fonction se traduit notamment par le caractère obligatoire spécifique que les décisions de la Cour constitutionnelle fédérale revêtent et qui dépassent de loin l’effet habituellement relatif de la chose jugée entre parties (En ce sens, A. Dittmann, « Le recours constitutionnel en droit allemand », précité). Les décisions liant les organes constitutionnels de la Fédération comme les Länder ainsi que tous les tribunaux et autorités. Dans certains cas, il leur revient même force de loi notamment lorsque la Cour déclare une loi compatible, incompatible ou nulle.
→ L’exemple espagnol et le recours spécifique d’Amparo
Un recours extraordinaire et subsidiaire
174 • Les droits fondamentaux sont l’objet, en Espagne, d’une protection renforcée dans l’ordre juridique parce qu’ils ont une place éminemment centrale et emblématique. Cette protection a été instaurée, en grande partie, en réaction au régime franquiste et fondée sur la normativité de la norme constitutionnelle. Comme dans la plupart des régimes ayant connu un régime autoritaire, la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 fait figurer un long catalogue de droits fondamentaux dans le titre 1er de sa Constitution. Ces derniers peuvent être invoqués devant tous les tribunaux et à l’occasion de n’importe quel procès. Mais il existe une « protection constitutionnelle renforcée » devant le Tribunal constitutionnel, via le « recours d’Amparo » qui se présente comme le moyen de protection ultime offert aux espagnols dans le cadre de la garantie des droits fondamentaux que la Constitution leur reconnaît. Si la protection des droits est en principe du ressort du juge ordinaire, l’intervention de celui-ci peut être insuffisante ou inefficace. Le recours à l’Amparo est là pour parer aux carences de ses juges ordinaires. Ce recours, qui a vocation à rétablir l’intéressé dans la pleine jouissance de son droit fondamental lésé, se caractérise par son ouverture : la conception large de l’intérêt à agir permet à toute personne qui invoque un intérêt légitime d’utiliser l’Amparo. Au vu de son objet spécifique, il est une voie de droit à la fois extraordinaire (le recours n’est utilisé qu’en vue de protéger les droits fondamentaux auxquels tout acte ou agissement des pouvoirs publics aurait pu porter atteinte) et subsidiaire (il ne peut être mobilisé qu’après épuisement des voies de recours internes et en cas de défaut de protection par les juridictions ordinaires). Cette procédure originale n’a pas tout à fait d’équivalent dans les autres grandes démocraties constitutionnelles.
Un recours historique à dimension objective et subjective
175 • Au Moyen-Âge, il existait en Aragon (communauté autonome aujourd’hui) une institution dénommée « Justicia Mayor » (sorte de défenseur du peuple). Elle avait notamment comme compétence celle de protéger les individus dans l’exercice de leurs droits que ce soit par rapport aux autorités publiques ou par rapport à d’autres particuliers. Cette institution de protection des droits a été transférée dans le nouveau monde et notamment au Mexique où l’on a pu voir la mise en place de procédures alors dénommées « Amparo ». En 1978, quand il a fallu réfléchir à la mise en place de la nouvelle Constitution espagnole, le pouvoir constituant a décidé d’inclure l’Amparo comme protection spécifique des droits fondamentaux avec pour référence, certes, déjà l’ancienne constitution de 1931 mais, aussi et surtout, l’Amparo mexicain et le recours constitutionnel allemand (Verfassungsbeschwerde) (Voir, pour l’ensemble des éléments ici développés, C. Ruiz Miguel, « L’Amparo constitutionnel en Espagne : droit et politique », Cahiers du CC 2001, n°10). Deux mécanismes de protection ou deux sortes d’Amparo sont institués (article 53.2) : un recours « ordinaire » ou « judiciaire » à la charge des tribunaux ordinaires (proche de « l’Amparo » mexicain) et un recours « constitutionnel » confié au Tribunal constitutionnel (art. 161. b) dans la droite ligne de l’Amparo prévu dans la Constitution de 1931 et de la Verfassungsbeschwerde allemande. Dès l’origine, le recours d’Amparo a été configuré avec une double logique, objective et subjective. Il devait, d’abord, faire en sorte de respecter la suprématie de la Constitution tout en en améliorant l’interprétation. Il devait, ensuite, offrir aux citoyens une voie de recours appréciable pour faire valoir leurs libertés et droits fondamentaux.
Une tentative de suppression en 2007 de la dimension subjective du recours
176 • L’Amparo a connu un succès retentissant dans le système espagnol. L’instauration du recours a indéniablement participé au processus de démocratisation de l’Espagne post-franquiste en ce sens qu’il a contribué véritablement à la participation et à l’implication du peuple dans la construction de la société. Le recours a également contribué à l’instauration d’un Etat de droit respectueux des droits fondamentaux de la personne humaine. Il a permis de clarifier le contenu des droits, la doctrine ainsi créée a été suivie par les tribunaux et, une « culture des droits fondamentaux » est née au niveau de la magistrature comme au niveau du peuple. En 2007, le recours a fait l’objet d’une réforme (la loi organique nº6/2007 du 24 mai 2007 modifiant la loi organique nº2/1979 du 3 octobre 1979 relative au Tribunal constitutionnel). La logique de la réforme a mis l’accent sur l’établissement d’un critère objectif pour juger la recevabilité de la saisine et sur l’objectivation de la demande d’Amparo. Le but étant d’alléger la charge de travail du Tribunal constitutionnel espagnol en effectuant une nouvelle répartition des compétences entre le Tribunal constitutionnel et les juges ordinaires. Le premier nommé s’occupant de la tâche, essentiellement objective, d’établir la jurisprudence constitutionnelle en matière de droits et libertés fondamentaux alors que les seconds nommés devenaient les protecteurs naturels de ces mêmes droits et libertés, en s’appuyant, le cas échéant, sur la jurisprudence rendue par le Tribunal constitutionnel. L’idée était de faire, en définitive, de la juridiction constitutionnelle un « juge du droit » qui agirait dans l’intérêt de la Constitution et non un « juge des droits » qui interviendrait pour défendre les droits et libertés fondamentaux des individus.
Une tentative de suppression avortée par la pratique du Tribunal constitutionnel
177 • La pratique a montré cependant que la révolution n’a pas eu lieu et que la mise en œuvre de la réforme a plutôt généré une évolution qu’une révolution du recours direct (Cf. M. Carillo, « La réforme de l’Amparo en Espagne : un nouveau certoriari ? », Constitutions 2014, p. 60 ou F. Barque, « La réforme du recours d’Amparo : évolution ou révolution ? Réflexions en guise de bilan », RDLF 2014, chron. n°03). A l’image de ce qui s’est produit en 1993 en Allemagne (Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale du 11 août 1993, BGBl. I, p. 1473) et en 2004 pour la CourEDH (protocole n°14 à la Convention du 13 mai 2004 amendant le système de contrôle de la Convention, STCE, n°194), où l’objet des réformes semblait davantage la protection de la juridiction constitutionnelle à l’égard des requêtes individuelles que la protection des droits et libertés des individus vis-à-vis des agissements des pouvoirs publics, la summa divisio nouvellement établie entre juges ordinaires et tribunal constitutionnel s’est vite trouvée brouillée par une pratique fort discrète du Tribunal constitutionnel. Si la sélection s’est toujours effectuée sur la base de critères objectifs, ce dernier a continué à utiliser un critère subjectif portant sur la gravité de l’atteinte portée aux droits et libertés. Cette logique subjective du contrôle devait disparaitre avec la réforme, cela n’a pas été le cas. Il a été très difficile de rompre avec le passé. Dans un arrêt du 20 janvier 2015, la CourEDH s’est, pour la 1ère fois, prononcée sur la conformité à la ConvEDH de la réforme du recours d’Amparo constitutionnel espagnol, introduite par la loi organique du 24 mai 2007 (CourEDH, 20 janvier 2015, Arribas Antón contre Espagne, req. n°16563/11). L’appréciation de la CourEDH était attendue dans la mesure où l’on pouvait parler de « la fin de l’illusion de l’accès universel au juge de l’Amparo constitutionnel » (S. Nicot, « Il a fallu sauver le Tribunal Constitutionnel… (la fin de l’illusion de l’accès universel au juge de l’Amparo constitutionnel) ? », Revue d’Actualités juridiques, l’Europe des libertés 2008, n°25, p. 9 et suiv.). Cette dernière a eu une appréciation largement positive et en a profité pour saluer l’effort de souplesse du Tribunal constitutionnel espagnol dans l’appréciation de ces nouveaux critères de recevabilité, qui auraient pu paraître contraire aux principes de la ConvEDH. Le juge européen concluant à une application non disproportionnée de ces limites ne portant pas atteinte au droit d’accès à un Tribunal et confirmant la survivance de la double dimension, objective et subjective, du recours.
2 – L’exemple anglais et américain et le respect ancestral de la « Common Law »
178 • Dans les pays de tradition romaine, où l’on parle de droit romano-civiliste, c’est la loi qui est la source primordiale du droit, les juristes cherchent d’abord les solutions aux problèmes dans les textes législatifs et réglementaires et seulement, de façon supplétive, dans la jurisprudence. Les pays de Common Law (Royaume-Uni sauf Ecosse où le droit est mixte influencé par le modèle latin, en Irlande, au Canada sauf Québec, aux Etats-Unis sauf la Louisiane et la Californie et de façon générale dans les pays du Commonwealth), à l’inverse, sont marqués par la prééminence d’un droit à la fois coutumier, général, commun et jurisprudentiel. La Common Law (droit coutumier ou droit commun) a légué aux anglais et américains l’idée d’un droit fondamental, d’un corps de règles ancestrales qu’il faut respecter au-delà des règles législatives et elle a introduit la notion particulière de « judge-made law » qui veut que ce soit le juge qui fasse avant tout le droit et seulement après, de façon supplétive, le législateur. Le droit est idéalement conçu comme venant d’abord du juge et non du législateur que ce soit dans la culture anglaise où l’approche des droits fondamentaux s’articule autour du principe du Rule of Law (tel que théorisé par Albert Venn Dicey dans son œuvre majeure An Introduction to the Study of the Law of the Constitution (1885) et défini comme étant le « règne du droit » ou la « primauté du droit » et non l’ « Etat de droit », le terme « Etat » étant absent dans la version anglaise) ou dans la culture américaine où l’approche est plus pragmatique et s’articule autour de la notion de Judicial Review (L’expression « judicial review » est utilisée, pour la 1ère fois, par Edward S. Corwin dans son article « The Rise and Establishment of Judicial Review », Lansing, Michigan Law Review, vol. 9, n° 2, décembre 2010, pp. 102-125 et 283-316. Elisabeth Zoller propose de la traduire par le « droit de censure judiciaire des lois » (Cf. « Marbury v. Madison : Deux siècles de censure judiciaire sur les lois », in Elisabeth Zoller (dir.), Marbury v. Madison : 1803-2003. Un dialogue franco-américain, Paris, Dalloz, 2003).
→ L’exemple anglais et le principe du Rule of Law
La naissance de la « Common Law »
179 • En Angleterre, c’est d’abord le légicentrisme qui est considéré comme le principe fondateur du droit constitutionnel moderne dans la mesure où le Parlement est à la fois une assemblée législative et constituante et qu’il est, d’un prime abord, totalement libre pour fixer sa législation. Comme la source de toute norme dérive du Parlement, le juge ne peut, a priori, être que la bouche de la loi et ne peut contrôler ni la validité interne ni externe d’une loi promulguée. En réalité, la logique est inverse. Derrière cette image de façade, le principe même de la souveraineté du Parlement repose sur une convention constitutionnelle particulière et des mœurs propres à l’Angleterre qui sont des sortes de garde-fous du système qu’on résume à travers les notions particulières de Common Law ou de Rule of Law. Le système de Common Law tire ses origines de la Conquête normande de 1066 et du règne de Guillaume le Conquérant (Roi d’Angleterre de 1066 à 1087). C’est à partir de cette date que les Cours royales, qui ont alors acquis une certaine autonomie au sein de la Curia Regis et qui ont accru peu à peu leurs compétences par rapport aux juridictions populaires, seigneuriales ou ecclésiastiques, vont chercher à uniformiser le droit au détriment des coutumes locales. Au début du XIIIème siècle, on distinguait, comme déjà vu précédemment, 3 cours royales : la Cour de l’échiquier (compétente pour les finances royales), la Cour des Plaids (compétente pour la propriété foncière et la possession des immeubles) et la Cour du Banc du Roi (compétente pour les affaires criminelles graves). Afin d’assurer la paix royale sur tout le territoire, les Rois d’Angleterre avaient pris l’habitude de confier à des juges itinérants le soin de dire le droit et la mission de transcrire certains édits qui allaient ainsi permettre, sur cette base, d’élaborer petit à petit une jurisprudence commune uniforme. Droit créé par les juges et non par la loi, il allait être rédigé dans les Year Books de 1290 à 1536 qui étaient alors la principale source matérielle du droit à cette époque. La Common Law était née, ce droit commun donnant la primauté aux précédents jurisprudentiels et voyant son existence, selon une des nombreuses fictions qu’elle a engendrées, définie comme étant immémoriale. En ce sens, le juge ne la crée pas, mais la déclare. Le raisonnement du juge anglais se veut pragmatique et reflète une activité judiciaire qui consiste à évaluer des jugements antérieurs, en vue de retrouver les principes qui décideront de l’affaire. En France, le processus de prise de décision est, à l’inverse, à la fois analytique et abstrait. A la différence du juge anglais dont le 1er devoir est d’identifier la règle qui va s’appliquer, la clef du raisonnement français se trouve, plutôt, dans l’interprétation et l’application de ces règles.
Le principe du règne du droit : le « Rule of Law »
180 • Les juges en s’appuyant sur la théorie de la « Common Law » réussiront à soumettre le Roi, le pouvoir exécutif au règne du droit et empêcheront l’émergence d‘un despotisme absolu en Angleterre. La « Rule of Law » fera ainsi prédominer le principe fondamental de la primauté du droit. Selon ce principe, les règles de droit ont priorité sur toutes les autres normes ou règles de conduite. Plus particulièrement, cela veut dire que le droit prime sur la volonté ou l’arbitraire d’un individu (monarque, ministre, fonctionnaire, parti politique, …) ou sur la volonté ou l’arbitraire de tout autre corps social, religieux ou moral (armée, église, ethnie, minorité, …). Le principe de Rule of Law, recouvre, tel qu’il a été défini par Albert Venn Dicey, 3 aspects distincts : un principe de légalité, un principe d’égalité de tous devant le droit et un principe de protection judiciaire des droits (Cf. La traduction d’A. Batut et de G. Jèze de A. V. Dicey, Introduction à l’étude du droit constitutionnel, Paris, Girard & Brière, 1902, p. 167). En d’autres termes, cela pourrait se traduire par la soumission de l’Etat (du gouvernement) au droit ordinaire (Common Law) administré par les juridictions judiciaires ; l’égalité des citoyens devant le droit (ordinaire) et la vocation du droit ordinaire (Common Law) à fournir les principes constitutionnels de protection des droits individuels.
Un contrôle de la loi sans censure formelle
181 • Le principe du règne du droit permet aux tribunaux de contrôler l’Administration et les actes de prérogative royale et éventuellement les lois sans pour autant censurer formellement cette dernière catégorie de normes. En Angleterre, la constitution est dérivée de la « Common law » et non l’inverse : c’est cette dernière qui détermine la position de la Couronne et des fonctionnaires. En effet, la « Common Law » de nature constitutionnelle forme un corps de règles supérieures aux lois et, en tant que telle, s’impose au pouvoir législatif. Le juge britannique n’applique une loi qu’après l’avoir interprétée ou même après l’avoir rendue conforme aux grands principes de la « Common Law ». Dans la pratique, c’est dès le stade de la discussion sur le projet ou même dès sa préparation, que la loi est confrontée au respect des principes de la « Common law ». Cette confrontation est l’œuvre des « Lords judiciaires », qui, en tant que parlementaires, font connaitre leur avis quant à une possible violation de la « Common law », le gouvernement prenant soin alors de se conformer aux avis juridiques ainsi définis. Une disposition législative qui transgresse clairement et ouvertement un droit protégé par la « Common Law » est réputée comme non écrite à moins qu’elle ne soit précédée d’une déclaration sans équivoque faisant ressortir que le contenu de la loi en question produit son effet en dépit de tel ou tel principe de la « Common Law ». Une dérogation expresse aux droits fondamentaux est nécessaire mais ceci est politiquement difficile à obtenir. Le Parlement conserve toujours la faculté de corriger toute interprétation judiciaire considérée comme erronée à travers une nouvelle législation. Il y a lieu de souligner néanmoins que le prestige et l’autorité des hauts magistrats britanniques font que les principes constitutionnels déclarés de la « Common Law » soient des normes quasi immuables. Certains hauts magistrats pensent qu’il appartient uniquement aux tribunaux, en vertu de leur compétence inhérente, d’assurer la protection des droits fondamentaux dans le cadre d’un usage raisonnable par le législatif et l’exécutif de leurs pouvoirs. Les hauts magistrats sont investis d’une double mission : rendre la justice et diriger le développement du droit.
La remise en cause des règles de la « Common Law » et la concurrence des règles de « l’Equity »
182 • La supériorité de la « Common Law » jurisprudentielle est dissimulée et n’est jamais proclamée expressément par le juge britannique sans doute pour des raisons tenant à l’image démocratique du système institutionnel du Royaume-Uni. Elle se cache derrière le principe, certes fictif, mais affirmé avec rigueur, de la souveraineté du Parlement. Cependant, après le XVIème siècle, la « Common law » s’est embourbée dans une logique visant à modifier difficilement les règles, les juges étant liés par la jurisprudence. Les règles de « l’Equity » fondées sur les principes de justice et d’équité ce sont alors développées mettant en place une nouvelle juridiction parallèle permettant de pallier les insuffisances de la « Common law » et ses rigidités (Voir, par ex., R.-S. Pasley, « L’Equity en droit anglo-américain », RIDC 1961, vol. n°13, n°2, p. 292). Le but étant de rendre des décisions équitables, morales, visant non pas à modifier la « Common Law » mais à la compléter voire la corriger. De nouvelles règles autonomes plus simples se sont ainsi développées faisant prévaloir le droit écrit (procédure écrite ou inquisitoriale et non orale, absence de jury alors qu’il en existait même dans les affaires civiles jusqu’au XIXème siècle). Les deux notions continuent d’exister en droit anglais. Certains juges pouvant statuer selon la procédure de la « Common Law », d’autres selon celle de « l’Equity ». Avant de lancer une action, il faut savoir dans quelle branche du droit on se trouve d’où l’importance de la distinction entre « Common Law » et « Equity ». Depuis la 2nde moitié du XIXème siècle, le droit anglais a subi une évolution importante due à l’influence croissante du législateur. Les lois se sont progressivement multipliées en totale rupture avec les siècles précédents où elles ne concernaient que le droit public et presque jamais le droit privé. Elles ont apporté un esprit nouveau, plus collectif, moins individualiste augmentant les pouvoirs du gouvernement et des collectivités publiques, mettant en place une société plus juste et égalitaire. Au-delà de cette révolution pour les juristes anglais, la loi reste une source secondaire du droit. Le Constitutional Reform Act du 24 mars 2005 mettant en place une Cour suprême au Royaume-Uni indépendante de la Chambre des Lords (avant les 11 Justices membres de la Cour suprême siégeaient au sein de la chambre haute du parlement de Westminster, la Chambre des Lords) le prouve dans la mesure où il fait référence, pour la 1ère fois, dans un texte de loi, au principe de « Rule of Law », qui constitue avec la souveraineté du Parlement, comme on a pu l’expliquer, l’un des deux fondements de la Constitution britannique.
Un rappel récent à l’importance de la « Rule of Law » dans la volonté de renationaliser la protection des droits face à l’influence des juges européens
183 • La consécration textuelle de la « Rule of Law » s’inscrit dans un mouvement visant à rééquilibrer l’ensemble des fondements constitutionnels anglais en faveur de ce principe. Les deux piliers du système constitutionnel font, aujourd’hui, l’objet d’importantes évolutions. La réalité du principe de souveraineté parlementaire ne correspond plus à l’image qui en faisait le 1er principe du droit public anglais. L’impossibilité pour le Parlement de lier ses successeurs, l’interdiction faite à toute personne ou à tout corps d’annuler ou d’écarter une loi et l’absence de distinction entre lois ordinaires et constitutionnelles, qui sont les 3 composantes de la souveraineté parlementaire, sont aujourd’hui remises en cause. C’est l’adhésion du Royaume-Uni au cadre européen communautaire, avec le European Communities Act 1972, et conventionnel, avec le Human Rights Act 1998 qui matérialise cette remise en cause. Avec l’institution de la nouvelle Cour suprême, cela témoigne d’un mouvement général de transformation de la Constitution britannique qui résulte de la mutation de ses deux fondements et de son écriture progressive par un nombre croissant de lois matériellement constitutionnelles. La Cour suprême jouant alors le rôle de juge constitutionnel classique tel que l’on peut le voir dans les autres pays de Constitution écrite. Il existe de même, aujourd’hui, un débat incessant sur la création d’un nouveau Bill of Rights. Les raisons qui ont conduit le Royaume-Uni de Tony Blair à se donner un Human Rights Act en 1998 sont d’ailleurs les mêmes que celles que le Gouvernement conservateur d’aujourd’hui avance pour promouvoir un nouveau Bill of Rights. Elles consistent, globalement, à vouloir rapatrier les droits au Royaume-Uni. L’intention en 1998 était notamment de dégonfler le contentieux européen des droits de l’Homme contre le Royaume-Uni par la nationalisation du règlement des litiges en donnant aux juges britanniques les moyens de protéger les droits de façon cohérente (voire connivente) avec les juges de Strasbourg. Aujourd’hui, c’est un peu différent. L’intention est de renationaliser complètement la protection des droits afin de mieux maîtriser le processus d’application interne de la ConvEDH, quitte à se défaire de l’obligation d’interpréter les droits en fonction de la jurisprudence de Strasbourg. L’exécutif ne semble plus supporter les immixtions des juges sur fond de « Human Rights Act » dans ses prérogatives d’exécutif, l’objectif est clairement d’abroger cet acte de manière à limiter la « capacité de nuisance » des juges à l’égard du pouvoir exécutif. L‘intention politique est assez nette : en finir avec l’activisme judiciaire, soutenu qui plus est par un pouvoir étranger venu d’Europe que ce soit dans sa version liée à la ConvEDH ou celle liée à l’Union européenne. Le choix récent du Royaume-Uni tendant à mettre fin à son appartenance à l’Union européenne s’inscrit notamment dans ce contexte.
L’évolution du système britannique et l’affirmation de la Cour suprême comme juge constitutionnel : l’affaire Miller contre 1er Ministre du 24 septembre 2019
C’est en pleine crise du Brexit, le 24 septembre 2019, que la Cour suprême du Royaume-Uni a rendu une décision dites décision « Miller 2 » (Cf. C. Lageot et C. Costello, « Cour suprême du Royaume-Uni, 24 septembre 2019, Miller versus Prime Minister. Traduction intégrale», RFDC 2021, n°125, p. 97 et suiv.) que tous les commentateurs ont salué comme étant historique dans l’histoire constitutionnelle britannique. (Voir, en ce sens, A. Antoine, « Le Brexit, la Cour suprême et la prérogative royale», RFDA 2020, p. 410 et suiv). La recommandation du Premier ministre, Boris Johnson, faites à la Reine, de suspendre (par prorogation) le Parlement pendant cinq semaines (en vertu de la Prérogative royale, la prorogation visant à suspendre les initiatives législatives et les adoptions des projets de loi ne peut être prononcée que par la Reine) a, en effet, été jugé non seulement illégale, mais aussi nulle et dépourvue d’effet, le Premier ministre ayant agi en dehors de ses pouvoirs. Pour arriver à cette conclusion, elle s’est appuyée, en l’absence de Constitution, sur le droit de la Common Law et le principe de la Rule of Law pour protéger l’équilibre politique des pouvoirs tel qu’il a été bâti au fil du temps dans le pays. Comme ont pu notamment le souligner Céline Roynier ou Aurélie Duffy-Meunier, en défendant l’autorité politique du Parlement britannique sur la base d’une légitimation par l’histoire et le droit, la Cour a pu « revivifier la confusion originelle entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire » (C. Roynier, « Illégalité de la prorogation du Parlement britannique : seule la reine peut mal faire ! », 1er octobre 2019, https://blog.juspoliticum.com) et remettre au gout du jour « la Constitution judiciaire dans le fonctionnement de la Constitution politique, la seconde dépendant, en l’espèce, de la première » (A. Duffy-Meunier, « L’affaire de la prorogation : Miller (n°2). L’annulation de la suspension du Parlement par la Cour suprême britannique », RFDC 2021, n°125, p. 127 et suiv.). Ceci démontrant que « les juges, tout comme les parlementaires, sont donc des représentants, d’abord du roi bien sûr […], mais plus fondamentalement, de la société » et que « lorsque le Parlement ne peut en pratique contrôler le gouvernement ou lui demander des comptes, ce sont les juges aidés de citoyens vigilants, qui, en quelque sorte, assument cette fonction de contrôle » (C. Roynier). C’est en ce sens que la décision Miller mérite d’être mentionné parce qu’elle « s’inscrit ainsi dans une tradition centenaire de lutte contre l’abus de pouvoir, une tradition de séparation des pouvoirs » (A. Duffy-Meunier).
→ L’exemple américain et le contrôle du « Judicial review »
Une Cour suprême, dès l’origine, aussi puissante que les autres pouvoirs grâce au contrôle de constitutionnalité par voie d’exception (« Judicial Review »)
184 • La notion de droits fondamentaux a été l’un des piliers de la République américaine. Le fait que le pouvoir ait été obligé de respecter certains droits fondamentaux des gouvernés fut, à la fois, une justification de la Révolution américaine et de la Déclaration d’indépendance (The unanimous declaration of the thirteen united States of America) du 4 juillet 1776 et une part essentielle de la formation du nouveau régime américain, comme l’ont été la Constitution fédérale du 17 septembre 1787 et la Déclaration des droits (United States Bill of Rights) du 15 septembre 1791. Très tôt dans l’histoire de la nouvelle République, la notion des droits fondamentaux s’est révélée importante pour fonder le contrôle par voie d’exception ou, en d’autres termes, le contrôle juridictionnel a posteriori de constitutionnalité (procédure du « Judicial Review »). L’objectif de la Convention de Philadelphie était clair, il fallait sauver une Confédération moribonde et le moyen retenu consistait à placer au-dessus des Etats un autre Etat nécessairement investi des puissances classiques. Mais, contrairement aux révolutionnaires français qui se limitèrent à la puissance exécutive et législative, ce sont bien trois puissances qui ont été retenues avec l’inclusion claire de la puissance de juger. C’est le caractère fédéral des Etats-Unis qui explique, dans une large mesure, cette vision des choses et la puissance ainsi donnée à la représentante de ce pouvoir de juger à savoir la Cour suprême des Etats-Unis. Celle-ci est placée sur un même pied d’égalité que les deux autres pouvoirs dans la mesure où elle est jugée seule capable d’être cet organe indépendant et légitime capable de défendre les lois fédérales et de l’imposer aux Etats fédérés. Et, elle ne peut le faire, en réalité, qu’à travers un seul pouvoir, celui par voie d’exception, qui l’amène, à la fois, à être la gardienne et l’interprète de la Constitution et des lois fédérales et à jouir d’une autorité légitime pour contrôler et redresser les actes du Congrès et du Président qu’elle tient pour inconstitutionnels. En exerçant son contrôle de constitutionnalité, la Cour suprême a gardé vivante la notion de droits fondamentaux dans sa doctrine en constant développement tout en allant, quelquefois, au-delà des dispositions mêmes du texte de la Constitution en estimant comme fondamentaux certains droits. Cela s’est traduit par d’importants débats, qui se poursuivent toujours aux Etats-Unis, sur la question de savoir ce que doit être la vraie nature de l’interprétation constitutionnelle et de la méthode appropriée pour définir les droits fondamentaux.
La décision fondatrice du pouvoir de la Cour suprême : l’arrêt « Marbury contre Madison »
185 • C’est par la décision Marbury contre Madison rendue le 24 février 1803 (5 U.S. 137) (Cf. J. Henninger, Marbury v. Madison, PU de Strasbourg, 2006 ; J. Lambert, « Les Origines du contrôle de constitutionnalité des lois fédérales aux États-Unis. Marbury v. Madison », RDP 1931, p. 1 ; E. Zoller (dir.), Marbury v. Madison : 1803, 2003, Un dialogue franco-américain, Paris, Dalloz, 2003 ou, plus récemment, E. Zoller, « Les deux constitutions de John Marshall : Une relecture de l’arrêt Marbury v. Madison », RFDC 2020, n°123, p. 521 et suiv.) que la Cour suprême des Etats-Unis institua le mécanisme même du « Judicial review », ce principe essentiel du droit américain selon lequel c’est au juge suprême des Etats-Unis qu’il appartient d’interpréter, en dernier ressort et avec l’autorité la plus élevée, la Constitution américaine et les droits fondamentaux qu’elle protège. En effet, par cet arrêt, la Cour avait à connaître d’une nomination d’un juge (Marbury) dont l’affectation avait été signée par le président John Adams mais non notifié au principal intéressé. Le nouveau président, Thomas Jefferson, ordonna de rendre sans effet la nomination. Pour la Cour, et quand bien même le pouvoir de nomination est discrétionnaire, le comportement de l’administration est illégal et cause un dommage au juge effectivement nommé par le président alors en place. Il n’y a pas de contrôle de la nomination par le juge mais ce dernier ordonne néanmoins la délivrance de l’acte d’affectation car Marbury a un droit acquis à l’obtenir. L’exécutif ne peut le priver de ce droit. L’arrêt insiste sur le fait que la Constitution a remis au pouvoir judiciaire le pouvoir de formuler de telles injonctions et pose que la Constitution est une norme suprême et inaltérable par des moyens ordinaires. Tous les juges judiciaires deviennent alors les gardiens de la constitutionnalité des normes (théorie du contrôle diffus de constitutionnalité). Au final, si la constitution est supérieure à la loi, « une loi contraire à la constitution n’est pas du droit, elle est nulle. Si elle est nulle, elle ne doit pas être appliquée » (Cf. L’analyse de l’arrêt par E. Zoller, Les Grands de la Cour suprême des Etats-Unis, Dalloz, coll. Les Grands Arrêts, 1ère éd., 2010, p.1 à 28). Dès cette époque, les critiques ont été importantes, notamment celle du président Jefferson qui considérait que ce nouveau pouvoir des juges de la Cour suprême plaçait l’Amérique : « sous le despotisme d’une oligarchie » (Thomas Jefferson, Henry Augustine Washington, The Writings of Thomas Jefferson : Correspondence. Reports and opinions while Secretary of State, New York, Derby & Jackson, 1859, p. 178).
La conviction du caractère protecteur de la Constitution
186 • Cette tradition du contrôle de constitutionnalité des actes du législateur peut être tenue pour la caractéristique distinctive du droit américain, en particulier lorsqu’il est comparé aux autres systèmes de Common law, inspirés par le modèle juridique anglais. Au cœur de la doctrine du contrôle de constitutionnalité se tient la conviction, partagée par tous, que la Constitution des Etats-Unis et la Déclaration des droits sont par essence des textes juridiques et non pas seulement politiques. Le contrôle judiciaire de constitutionnalité mis en place par la Cour suprême ne suffit pas à légitimer cette doctrine mais le fait qu’il soit établi depuis près de deux siècles légitime l’amalgame de la Constitution au « droit » et le rôle de gardien, en conséquence, de la Cour suprême. Sur un plan plus concret, beaucoup d’Américains ont la conviction que le pouvoir politique est plus limité par les contrôles juridictionnels liés à la protection des droits fondamentaux, fût-ce-t-ils ponctuels, que par l’exercice de révolutions ou de changements constitutionnels plus dramatique ou spectaculaire. Le régime américain comme sa Constitution n’ont d’ailleurs jamais été remis en cause par un mouvement populaire contrairement aux nombreuses expériences connues en ce sens en France.
Les premières critiques tenant au « gouvernement des juges »
187 • Depuis la 1ère critique du président Jefferson, la Cour suprême a été, à de nombreuses reprises, confrontée à la critique d’un « gouvernement des juges », critique qui s’articulerait autour du fait que la Cour rende ses décisions davantage sur le fondement de considérations personnelles ou politiques que sur le droit existant (Le « gouvernement des juges » est une expression d’Edouard Lambert apparue pour la 1ère fois dans son ouvrage Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis. L’expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité de la loi, Paris, Giard, 1921, réédité, Paris, Dalloz, 2005). Le juge suprême s’est justifié en démontrant que sa compétence de « Judicial Review » était directement liée au principe de suprématie de la Constitution posée à l’article VI-2 C° ( « La présente Constitution, ainsi que les lois des Etats-Unis qui en découleront, et tous les traités déjà conclus, ou qui le seront, sous l’autorité des Etats-Unis, seront la loi suprême du pays ; et les juges dans chaque Etat seront liés par les susdits, nonobstant toute disposition contraire de la Constitution ou des lois de l’un quelconque des Etats »). Il a, de même, justifié sa jurisprudence par sa volonté d’apporter une garantie aux droits constitutionnels ainsi consacré, en particulier, concernant le 14ème amendement et la clause d’égale protection (selon lequel « […] aucun Etat ne fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des Etats-Unis […] ni ne refusera une égale protection des lois à quiconque relève de sa juridiction). Ni les 1ers constituants américains, ni les 6 juges, qui formèrent la 1ère Cour suprême en 1790 à New York, ne pouvaient, cependant, préjuger de ce que deviendrait la Cour. Son activisme judiciaire l’a amené à s’opposer directement au Président et au Congrès américain sur un certain nombre de sujets relatifs à l’égalité des droits ou aux libertés publiques. L’histoire constitutionnelle des Etats-Unis montre que la mise en œuvre du « Judicial Review » ne s’est pas déroulée sans heurts. La guerre civile (1861-1865) fut induite, en partie, par une décision de la Cour suprême du 6 mars 1857, Dred Scott contre Sandford (Arrêt 60 U.S. 393) où la Cour prend fermement position en faveur de l’esclavage, déclarant, d’une part, qu’un Noir, même libre, ne peut être citoyen des Etats-Unis, d’autre part que, dans les territoires des Etats-Unis qui, à l’époque, ne sont pas encore des Etats et sont administrés par le gouvernement fédéral, ces derniers ne peuvent y interdire l’esclavage. C’est certainement aujourd’hui l’arrêt de la Cour suprême le plus unanimement réprouvé (Cf. A. Coutant, « Dred Scott v. Sandford, quand la Cour suprême consacrait l’esclavage », RFDC 2015, avril, n°1, p. 27 et E. Zoller, Grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis, Paris, PUF, 2000, p. 209).
Des difficultés tenant à la justification de la légitimité des juges pour exercer leur pouvoir : l’ère « Lochner »
188 • L’argument majeur mis en avant contre l’activisme de la Cour a toujours été celui de son illégitimité en raison de son caractère anti-démocratique. Ce problème essentiel a été qualifié, aux Etats-Unis, de « difficulté contre majoritaire ». Cette expression formalisée par Alexander Bickel signifie que le principe de l’invalidation, par des juges non élus, de lois votées par la majorité des représentants élus du peuple, ne peut pas être réconcilié avec le principe démocratique (A. Bickel, The Least Dangerous Branch : The Supreme Court at the Bar of Politics, Yale University Press, New Haven, 1962, p. 16 ; M. Laporte, « La pensée constitutionnelle d’Alexander Mordecai Bickel. La difficulté contre-majoritaire et ses implications », juin 2014, http://juspoliticum.com). La manifestation la plus spectaculaire de l’usage de ce pouvoir par la Cour suprême fut sans aucun doute l’arrêt des 23 et 24 février 1905, Lochner v. New York (Voir Lochner v. New York, 198 U.S. 45 (1905), traduit in É. Zoller, Grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, Paris, PUF, 2000, n°16 ; également traduit, avec l’adjonction d’un commentaire, in E. Zoller, Les grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, Paris, Dalloz, 2010, n°8). Les juges, défavorables à l’interventionnisme public en matière économique, ont invalidé une loi de l’Etat de New York limitant le nombre d’heures de travail hebdomadaire pour les boulangers. Le motif retenu est celui de la méconnaissance de la liberté contractuelle garantie par la « due process clause » (Vème amendement) qui implique une liberté contractuelle totale et qui empêche toute régulation législative (le Bakeshop Act de 1895 avait limité la journée de travail des boulangers à 10 heures, et la semaine à 60 heures). L’arrêt a donné son nom à l’ère « Lochner » durant laquelle les juges de la Cour suprême se sont opposés, de façon constante, et jusqu’à la fin des années 1930, à toute régulation de l’économie et à toute législation un tant soit peu exigeante concernant le droit du travail.
La crise du « New Deal » et l’apogée du « gouvernement des juges »
189 • Le pouvoir des juges a aussi pu engendrer de graves crises constitutionnelles : on cite souvent le bras de fer qui opposa la Cour suprême à l’administration Roosevelt dans les années 1930 et à l’époque de la crise du « New Deal ». En 1935 et 1936, la Cour suprême, sur le fondement du pouvoir de contrôle de la constitutionnalité des lois et dans une logique très conservatrice, invalide plusieurs mesures importantes du pouvoir exécutif et place ainsi l’administration démocrate de l’époque dans une situation difficile : c’est toute la politique du New Deal qui est remise en cause. Dès le début de 1935, plusieurs mesures, d’une importance mineure, avaient été invalidées. C’est d’abord la décision prise, à l’unanimité des 9 juges, dans l’affaire L. A. Schechter Poultry Corporation v. United States (Cour suprême EU, 27 mai 1935, 295 U.S. 495) qui entraîne la condamnation du National Recovery Administration ou NRA créée dans le cadre du National Industrial Recovery Act du 16 mai 1933. La loi fédérale attaquée avait institué des comités pour les secteurs de l’industrie pour endiguer la Grande dépression en faisant remonter les prix, chaque comité ayant le pouvoir juridique de proposer au président des codes de « concurrence loyale ». Les juges ont estimé que ces codes impliquaient une délégation du pouvoir législatif en faveur du président et qu’ils étaient, de plus, en contradiction avec les stipulations commerciales de la Constitution. Quelques mois plus tard, un autre arrêt United States v. Butler (Cour suprême EU, 6 janvier 1936, 297 U.S. 1) invalide l’Agricultural Adjustment Act du 12 mai 1935 (loi d’ajustement agricole), pour avoir créé une taxe de transformation, au profit des fermiers, laquelle était illégale. Mais, cette fois, la décision était prise à la majorité simple (Cf. L. Franck, « Roosevelt face à la Cour suprême », Le monde diplomatique, 1982, juin, p. 2). Estimant notamment que la Cour suprême était devenu un sérieux obstacle en retoquant régulièrement les programmes du New Deal, le président Roosevelt soumit au congrès, l’année suivante en 1937, son projet de législation de « noyautage de la Cour » (Court packing) qui devait lui permettre de nommer un nouveau juge pour chaque juge en fonction ayant atteint l’âge de 70 ans. Cédant à la pression du Président, la Cour adopta une lecture plus souple de la Constitution et mis fin à cette période de « gouvernement des juges » en annonçant, dans sa décision en date du 12 avril 1937, National Labor Relations Board (NLRB.) v. Jones & Laughlin Steel Corporation (301 US. 1), un nouveau mode de contrôle de constitutionnalité des lois.
La nouvelle politique de retenue judiciaire (self-restraint) de la Cour
190 • L’arrêt du 12 avril 1937 va permettre à la Cour suprême de définir son nouveau mode de contrôle comme suit : « Le principe cardinal de l’interprétation des lois est de sauver, et non de détruire. [E]ntre deux interprétations possibles d’une loi, l’une qui la rend inconstitutionnelle, l’autre qui la valide, notre simple devoir est de retenir celle qui sauvera la loi » (E. Zoller, Grand arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis, Paris, Dalloz, 2000, arrêt n° 15, p. 235, § 6). Comme peut le relever Elisabeth Zoller, « La Cour admit qu’à l’heure de la démocratie majoritaire, il lui fallait se retenir, s’autolimiter comme on dit aussi, et pratiquer, sauf exceptions soigneusement encadrées, une sage politique de retenue judicaire (self-restraint) » (E. Zoller, « Considérations sur les causes de la puissance de la Cour suprême des États-Unis et de sa retenue », Cahiers du CC 2011, n°33). Avec cette nouvelle logique, la Cour inaugura une nouvelle période dans l’histoire du contrôle de constitutionalité des lois. Peu importe la provenance des lois (Président ou Congrès), la logique première n’est plus de les questionner sur leur caractère arbitraire ou contraire aux droits fondamentaux, il est juste question d’abord de les présumer conformes à la Constitution. La Cour n’exerce plus, dans cette logique, qu’un simple contrôle restreint ou minimum sur la constitutionnalité des lois. Les lois américaines, qu’elles concernent l’économie, la finance, la fiscalité ou le droit social, sont aujourd’hui toujours présumées constitutionnelles. La Cour ne s’oppose pas au principe démocratique et laisse le peuple, par le biais des élections, régler les oppositions soulevées. Il n’y a que des cas restreint où la Cour met de côté la retenue judiciaire (par exemple, pour annuler des lois qui sont conçues pour pérenniser la majorité au pouvoir comme les lois qui portent atteinte à la liberté d’expression ou, par exemple, pour écarter des lois qui ont très peu de chance d’être remises en cause par le suffrage des urnes comme les lois d’oppression concernant certaines communautés raciales ou religieuses).
Une Cour qui se limite au contrôle des prérogatives de puissance publique et qui se révèle, au final, garante des équilibres du système
191 • Avec l’adoption du 14ème amendement en 1868 (qui oblige, on le rappelle, les Etats à garantir à toute personne soumise à leur juridiction les droits fondamentaux à la vie, à la liberté et à la propriété), la Cour a toujours fait en sorte d’appliquer ces décisions à des relations juridiques mettant en cause une action d’Etat (state action), c’est-à-dire à une action qui implique l’exercice, si on prend la définition française, de « prérogatives de puissance publique ». En conséquence, la Constitution ne s’applique pas aux relations d’ordre privé et, lorsqu’elles sont concernées, la Cour suprême fait relever la question au niveau des juridictions d’Etats. Aux Etats-Unis, le contentieux constitutionnel ne concerne que les relations entre particulier et l’Etat, en d’autres termes, des relations de droit public. Les relations privées sont uniquement gérées par le législateur des Etats fédérés, éventuellement le législateur fédéral, mais en aucun cas par la Cour suprême. Au final, si on observe toutes ces évolutions, la Cour suprême n’exerce pas la puissance qu’une certaine opinion publique lui donne, elle en a les moyens mais elle ne le fait pas parce qu’elle sait qu’il y a des limites à son pouvoir dans le système des Checks and Balances (En ce sens, E. Zoller, « Considérations sur les causes de la puissance de la Cour suprême des États-Unis et de sa retenue » précité). Le Congrès peut d’abord s’opposer aux juges par les menaces d’utilisation de la procédure d’Impeachment contre les membres de la Cour même s’il le fait rarement. Le Président, quant à lui, peut profiter de sa légitimité populaire pour rappeler à l’ordre les juges. Il ne faut pas que la Cour s’écarte trop des principes qui ont porté le Président au pouvoir sous peine de voir ce dernier rappeler qu’il est, lui aussi, un interprète de la Constitution.
Les dangers de la politisation toujours plus forte de la Cour suprême dans l’équilibre jusque-là établi
191-1 • Comme peut le noter Elizabeth Zoller, au sein de la Cour suprême et sur la période contemporaine, « un consensus s’était établi qui consistait à reconnaître un équilibre entre un bloc libéral et un bloc conservateur qui se maintenait cahincaha au bénéfice d’un juge-pivot (swingvote) qui apportait sa voix prépondérante tantôt à l’un, tantôt à l’autre » (E. Zoller, « Le rôle politique de la Cour suprême, toujours recommencé », JCP 2020, G, n°1129). Mais, le 26 octobre 2020, la majorité conservatrice est passé à 6 juges contre 3 trois pour la tendance libérale (suite à la nomination de la juge Amy Coney Barrett pour succéder à la progressiste Ruth Bader Ginsburg) atteignant une proportion qui n’a jamais été aussi forte même si la Cour n’est plus sous majorité libérale depuis 1969. Si pour certains, « la bataille qui s’annonce est homérique, mais il ne faut pas en exagérer l’importance », (E. Zoller précité), pour d’autres, « il faut s’attendre à de nombreuses décisions accentuant une dérégulation tous azimuts, signant la fin des contre-pouvoirs au bénéfice d’une présidence toute-puissante, l’érosion de la séparation de l’Église et de l’État et un basculement plusieurs décennies en arrière en termes de libertés, de droits civiques et de garanties en matière de procédure pénale » (A. Deysine, « L’administration Biden face à la polarisation de la Cour suprême », interview, 19 février 2021, https://www.institutmontaigne.org). Il reste que dans une société américaine fortement divisée, qui rejette tout compromis et qui renonce aux poids et contrepoids institutionnels au profit des intérêts partisans, la Cour suprême devient un enjeu essentiel et, de plus en plus, « dans la boucle singulière à l’œuvre, […] un moyen d’acquisition du pouvoir et un instrument de sa perpétuation » (I. Fassassi, « La Cour, l’élection et le sens de la « démocratie » américaine en question », 5 septembre 2020, https://blog.juspoliticum.com) et « […] un canon que l’on ne veut ou ne peut détruire, mais dont on cherche uniquement à orienter le tir » (Ibid.).
Bibliographie
~ N-H. ANDREWS, « L’Angleterre doit-elle adopter une Déclaration des droits assortie d’un contrôle juridictionnel des lois ? », AIJC 1989, vol. V, p. 35.
~ A. ANTOINE, « La question de l’adoption d’un nouveau « Bill of Rights » au Royaume-Uni », RIDC 2013, n°3, p. 685.
~ R. ARNOLD, « La Cour constitutionnelle fédérale et les institutions politiques », RIDC 2003, p. 965 ; « La loi fondamentale de la RFA et l’Union européenne : le nouvel article 23 de la loi fondamentale », RIDC 1993, n°3, p. 673.
~ C. AUTEXIER, Introduction au droit public allemand, Paris, PUF, 1997, Reprint Revue générale du droit on line, 2015, n°19808 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=19808).
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