964 • On a pu voir précédemment que les deux systèmes européens (Conseil de l’Europe et les différentes Communautés européennes) étaient nés sur la base d’une même volonté qui était celle de ne plus jamais revivre la seconde guerre mondiale et tous ses travers et d’unir, en ce sens, les peuples d’Europe dans un cadre général d’état de droit préservant les droits et libertés (le Conseil de l’Europe a pour but de « réaliser une union plus étroite entre ses membres » (préambule ConvEDH) alors que les signataires du Traité instituant la Communauté européenne en 1957 ont pu parler de leur volonté d’ « établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite des peuples »). On a pu voir, aussi, que depuis la mise en place des deux systèmes, ils avaient plutôt évolué en parallèle sans lien organique et que, malgré des interactions réciproques, cette évolution parallèle apparaissait à maints égards comme présentant des limites dans l’approche de la protection des droits et libertés. Ce sont, en premier lieu, les juges européens, la CourEDH et la CJUE, qui se sont progressivement engagées dans la tâche d’organiser les relations entre les deux systèmes. Leur dialogue jurisprudentiel, non prévu à l’origine, s’est peu à peu développé pour prendre une tournure de plus en plus stratégique dans le but de combler les lacunes dans l’ordonnancement normatif de la protection des droits fondamentaux en Europe. La période actuelle, encore plus qu’avant, est caractérisée par une densification de l’action normative des organisations internationales à l’égard des individus.
965 • Même le droit du marché intérieur est aujourd’hui susceptible de provoquer des atteintes aux droits et libertés. Plusieurs éléments expliquent cet état de fait. Si l’Union s’est d’abord attachée à construire le marché intérieur, elle dispose, dorénavant, des moyens juridiques, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, pour réaliser l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Elle avait déjà œuvré en matière de politiques d’asile et d’immigration ou de coopération pénale entre les Etats membres mais depuis que ces deux éléments font partie du droit commun de l’Union, les demandes d’interprétation des juridictions nationales se sont faites plus pressantes devant le prétoire de la Cour de justice. A cela s’ajoute les phénomènes majeurs que sont la crise migratoire en Europe, le développement du terrorisme international et la question de la protection des données personnelles sur Internet. L’Union s’est lancée dans une politique de réforme continue de sa politique d’asile et d’immigration (ce qui a provoqué des décisions multiples de transferts de demandes d’asile en fonction des règlements Dublin II et III) tout en augmentant ces sanctions pour enrayer le développement du terrorisme international. C’est cette action de l’Union à l’égard des individus qui est particulièrement susceptible de provoquer des atteintes aux droits fondamentaux. Les risques d’atteinte potentielles sont démultipliés dans le cadre de cet espace de liberté, de sécurité et de justice comparativement au marché intérieur (Ex : demandeur d’asile qui fait valoir son droit de ne pas être renvoyé vers un territoire sur lequel il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants ou l’individu figurant sur une des listes antiterroristes et dont les avoirs sont gelés depuis de nombreuses années et qui ne peut quitter le territoire sur lequel il est établi). Pour pallier ces risques, la Cour de justice, en tant que gardienne de l’ordre juridique européen et de ses valeurs, a largement contribué à matérialiser la protection des individus visées.
966 • Autre domaine où l’action de l’Union est significative en matière de droits fondamentaux, c’est celui qui concerne la protection des données personnelles. La Cour de justice, pour sauvegarder les droits des individus, a pu invalider la directive sur la détention des données (CJUE, 8 avril 2014, Aff. jointes n° C-293/12 et C-594/12, Digital Rights Ireland et Seitlinger) ou bien l’accord Safe Harbour relatif au transfert des données personnelles de l’Europe vers les Etats-Unis (CJUE, 6 octobre 2015, Maximilian Schrems contre Data Protection Commissioner, Aff. n°C-362/14) ce qui a permis d’établir un dialogue plus que constructif avec la CourEDH en ce domaine : voir, par ex., CourEDH, GC, 4 décembre 2015, Zakharov contre Russie, req. n°47143/06 ou CourEDH, 12 janvier 2016, Szabo contre Hongrie, req. n°37138/14 ; Cf. J.-P. Foegle, « Chronique du droit « Post-Snowden » : La CJUE et la CEDH sonnent le glas de la surveillance de masse », RDH 2016). Puis, pour répondre aux évolutions du numérique, l’Union s’est dotée, en 2016, d’un nouveau cadre juridique en matière de protection des données personnelles. Appelé « paquet européen de protection des données », il vise à renforcer les droits des Européens mais aussi à responsabiliser les acteurs traitant des données. Il se compose d’un règlement général sur la protection des données (RGPD), directement applicable dans les pays membres depuis le 25 mai 2018, et d’une directive relative aux traitements des données personnelles en matière pénale (applicable après transposition depuis le 6 mai 2018).
967 • L’ensemble amène à ce que le dialogue entre les deux juges européens devienne ainsi plus que constructif dans la protection des droits fondamentaux même si celui-ci s’organise sans lien organique entre les deux systèmes (A). Le projet d’adhésion de l’Union à la ConvEDH apparait alors comme l’élément clé permettant d’assurer l’étape finale pour la garantie des droits en Europe. Car, comme peut le noter Jean-Marc Sauvé, « du pluralisme des juges et de leurs interactions, de la « diversité organisée », peuvent naitre une cohérence et un équilibre accrus entre les pouvoirs, qui sont le propre de la démocratie et de l’Etat de droit » (J.-M. Sauvé, « L’adhésion de l’Union européenne à la ConvEDH », www.conseil-etat.fr, 24 mai 2011). En effet, les actes et agissements de l’Union seront alors, comme ceux des Etats membres, soumis aux dispositions de la ConvEDH sous le contrôle du juge de l’Union mais aussi celui de la CourEDH et sans qu’il soit nécessaire de faire le détour par le contrôle des mesures nationales de transposition. Mais cette adhésion n’est pas sans danger car elle peut encore conduire à des contradictions entre les juges européens et à des situations d’indétermination mais aussi à un éclatement du contrôle de l’interprétation du droit de l’Union. En ce sens, le projet d’adhésion a fait l’objet de beaucoup d’interrogations et de remise en cause jusqu’à ce que la Cour de justice rende un avis, le 18 décembre 2014 (CJUE, Ass. Plén., 18 décembre 2014, n°2/13, EU : C : 2014 : 2454) dans lequel elle conclut à l’incompatibilité du projet d’accord d’adhésion de l’Union à la ConvEDH avec les traités de l’Union. Elle a adopté, ce faisant, une analyse contraire à celle de l’avocate général Kokott, celle des institutions et Etats membres, qui avaient déposé des observations devant la CJUE, ainsi que celle de la doctrine majoritaire. Si cet échec plus ou moins programmé apparait comme un coup d’arrêt dans le développement de la protection des droits et libertés, il s’avère, au final, plus que relatif dans l’établissement d’une protection optimum des droits et libertés (B).
A – La mise en place d’un dialogue constructif entre les juges
968 • Le dialogue entre le juge européen et le juge de l’Union s’est esquissé en différentes étapes. Les débuts ont été particulièrement difficiles eu égard aux incertitudes originelles affectant le statut de la ConvEDH dans la jurisprudence du juge de l’Union et celles affectant le statut des Communautés dans la jurisprudence du juge européen. Mais par le jeu d’une certaine observation voire d’une certaine comparaison ou d’ « une sorte de fertilisation croisée » (J.-M. Sauvé, « La protection européenne des droits fondamentaux », www.conseil-etat.fr, 31 janvier 2017), les deux ordres juridiques ont ajouté de nouvelles règles, emprunté de nouveaux principes juridiques pour compléter leur propre arsenal juridique mais aussi former, ainsi, une sorte de « droit supplétoire général » (J-L. Thireau, « Droit commun », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2003, p. 446) tourné tout autour d’un standard minimum de protection des droits fondamentaux. C’est l’émergence et la reconnaissance progressive de la notion de protection équivalente entre les ordres juridiques en Europe qui illustre le mieux ce mouvement, en faisant primer une logique de protection optimum des droits fondamentaux au détriment de la logique de hiérarchie entre les deux ordres.
969 • Le recours à la protection équivalente a ainsi pu avoir lieu dans le cadre des rapports entre l’Union européenne et ses Etats membres (à l’image de la célèbre jurisprudence Solange de la Cour constitutionnelle allemande ou de l’arrêt Arcelor du Conseil d’État français déjà mentionnés) ou dans le cadre des relations entre organisations internationales (elle a ainsi pu être envisagée entre l’Union et les Nations-Unies dans les arrêts Kadi alors que son utilisation a été écartée entre le système de la ConvEDH et les Nations-Unies dans l’arrêt Al-Dulimi précités). Toutefois, la protection équivalente est principalement envisagée pour articuler les relations entre l’Union et la ConvEDH pour régler, dans la très grande majorité des cas, la suspicion initiale selon laquelle l’ouverture à un autre ordre juridique pourrait provoquer un abaissement de la garantie des droits fondamentaux. La notion a provoqué une sorte d’émulation entre les juges en incitant les juridictions européennes qui étaient à ce titre sollicitées ou interpellées par les juridictions nationales, à se montrer plus que vigilantes dans la protection des droits (2).
1 – Les difficultés initiales
→ Les incertitudes originelles affectant le statut de la ConvEDH dans la jurisprudence du juge de l’Union
Les prémices, dans les années 1970, du projet d’adhésion de l’Union à la ConvEDH
970 • C’est depuis les années 1970 que les institutions de l’Union ont comme projet l’adhésion à la ConvEDH. Celle-ci était envisagée dans un souci de cohérence et de sécurité juridique en Europe et devait confirmer la séparation fixée durant les années 1950 entre l’Union (mise en place du marché commun) et la ConvEDH (droits de l’homme). Beaucoup d’acteurs politiques se montraient, à l’origine, favorable à cette adhésion dans la mesure où elle pouvait combler des lacunes importantes du système de l’Union en matière de protection des droits de l’Homme en garantissant des standards minimums et un contrôle externe. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont ainsi rendu publique une déclaration commune sur les droits fondamentaux où ils ont pu souligner expressément « l’importance primordiale qu’ils attachent au respect des droits fondamentaux tels qu’ils résultent notamment des Etats membres ainsi que de la ConvEDH » (Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission du 5 avril 1977, JOCE, n°C103, 27 avril 1977). La doctrine était plutôt partagée, certains mettant en doute la nécessité d’une telle adhésion pour faire de la ConvEDH une source formelle de la légalité communautaire. Se fondant notamment sur la jurisprudence « GATT » (par laquelle la Cour de justice en 1972, que, compte tenu des transferts de compétences réalisés, il convenait de considérer que la Communauté avait succédé aux Etats membres dans les accords du GATT : CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company NV et autres contre Produktschap voor Groenten en Fruit, Aff. n°21 à 24-72, Rec. CJCE, p. 1219, § 38 ) qui serait ainsi transposable à la ConvEDH, il était, notamment, soutenu que la Communauté était devenue partie à la ConvEDH, ayant succédé aux engagements souscrits par les Etats membres au titre de ce traité dans le champ des compétences (Cf. P. Pescatore, « La Cour de justice des Communautés européennes et la Convention européenne des Droits de l’Homme », Mélanges. Wiarda, Cologne, Carl Heymanns Verlag, 1988, p. 441 et suiv.).
L’avis 2/94 : la 1ère opposition de la CJUE
971 • Les objections doctrinales n’ont pas empêché l’adhésion d’avoir fait l’objet, dès 1979, d’un mémorandum de la Commission européenne qui resta cependant sans suite faute de consensus entre les États (Mémorandum du 4 avril 1979, Bull. C.E., Suppl. 2/79 ; voir, notamment, G. Cohen-Jonathan, « La problématique de l’adhésion des Communautés européennes à la Convention européenne des droits de l’homme », Mélanges Teitgen, Paris, Pedone, 1984, p. 81 et suiv.). La Commission a alors tenté à plusieurs reprises d’obtenir l’autorisation du Conseil de négocier un accord d’adhésion avec le Conseil de l’Europe. Après des premières tentatives sans succès en 1982 et 1985, le Parlement européen a demandé, à nouveau, en 1989 (résolution du Parlement portant adoption de la Déclaration des droits et libertés fondamentaux, du 12 avril 1989, JOCE, n° C 120 du16 mai 1989, p. 51), à la Commission d’ouvrir les négociations formelles d’adhésion. Reconnaissant la nécessité de soumettre les actes de la Communauté à un contrôle externe, cette dernière a alors établi une proposition en ce sens au Conseil en 1990 pour que ce dernier lui accorde un mandat en vue de négocier les modalités de l’adhésion de la Communauté à la ConvEDH (Communication de la Commission concernant l’adhésion de la Communauté à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’à certains de ses protocoles, 19 nov. 1990, Doc. SEC (90), 2087 final – C3-022/93). Une demande d’avis de compatibilité avec les traités a alors été déposée par le Conseil auprès de la CJUE en 1994 (Bull. UE 1994, n°4, point 1.1.4). L’avis 2/94 est rendu par la CJUE le 28 mars 1996 (CJCE, 28 mars 1996, Avis 2/94, Adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rec. CJCE, I, p. 1759). La Cour de justice a estimé que « en l’état actuel du droit communautaire, la Communauté n’a pas compétence pour adhérer à la ConvEDH ». Il faudrait une réforme des traités actuels et une expression claire de la volonté des Etats membres en ce sens. Le juge souligne aussi la difficulté pour l’autonomie et la primauté du droit de l’Union et qualifie l’adhésion de modification constitutionnelle de l’ordre de l’UE nécessitant un amendement des traités. La perspective d’adhésion devient alors, à ce moment-là, fortement compromise, l’avis constituant un frein à l’adhésion immédiate de la Communauté à la Convention en la soumettant à une révision préalable du traité (Voir notamment, M. Waelbroeck, « La Cour de justice et la Convention européenne des droits de l’homme », CDE 1996, p. 549 et suiv. ; P. Wachsmann, « L’avis de la Cour de justice relatif à l’adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales », RTDE 1996, p. 467 et suiv. ou encore J.-F. Flauss, « La protection des droits de l’homme dans le cadre de la Communauté européenne », LPA 1997, n°91, p. 4 et suiv.).
Les références tardives de la CJCE à la ConvEDH vue en tant que simple source matérielle du droit communautaire
972 • La Cour de justice, quant à elle, a d’abord proclamé que les actes communautaires devaient, à peine de nullité, être compatibles avec les droits fondamentaux de la personne, compris dans les PGD dont elle assure le respect (CJCE, 12 novembre 1969, Erich Stauder v City of Ulm – Sozialamt, Aff. n° C-29/69, Rec. CJCE, p. 419 ; CJCE, 17 décembre 1970, Aff. n°C-11/70, Rec. CJCE, p. 1125). La Cour a attendu 1974 pour mentionner implicitement la ConvEDH en évoquant les « instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré » (CJCE, 14 mai 1974, J. Nold, Kohlen- und Baustoffgroßhandlung v Ruhrkohle Aktiengesellschaft, Aff. n° C-4/73, Rec. CJCE, p. 491). Il a été fait, par la suite, expressément référence à la ConvEDH « ratifiée par tous les Etats membres » (CJCE, 28 octobre 1975, Roland Rutili v Ministre de l’intérieur, Aff. n° C-36/75, Rec. CJCE, p. 1219), le juge a admis qu’elle revêtait « une signification particulière » (CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst AG v Commission of the European Communities, Aff. n°C-46/87 et n°C-227/88, Rec. CJCE, p. 2859) et qu’elle était conçue comme source d’inspiration des PGD communautaires. Le juge allant même jusqu’à effectuer des références directes aux dispositions de la ConvEDH et à la pratique de la CourEDH (ex : CJCE, 17 décembre 1998, Baustahlgewebe GmbH contre Commission des Communautés européennes, Aff. n°C-185/95 P, Rec. CJCE, I, p. 8417 où le juge de l’Union a pu condamner la durée excessive d’une procédure contentieuse parce qu’elle violait l’article 6-1 ConvEDH et a accordé une satisfaction équitable à la victime conformément à la pratique du juge européen). Mais il est toujours resté une volonté persistante à ne voir dans la ConvEDH qu’une source matérielle des droits fondamentaux de l’Union et à lui refuser le statut de source formelle du droit de l’Union en l’absence d’adhésion (Cf. Par ex. : CJUE, 24 avril. 2012, Kamberaj, Aff. n° C‑571/10, Servet Kamberaj contre Istituto per l’Edilizia Sociale della Provincia autonoma di Bolzano (IPES) e.a., § 62 ; CJUE, 7 mai 2013, Åklagaren contre Hans Åkerberg Fransson, Aff. n° C-617/10, § 44).
→ Les incertitudes originelles affectant le statut des Communautés européennes dans la jurisprudence du juge européen
Une absence de contrôle direct de la Conventionnalité du droit communautaire
973 • L’Union et, avant elle, les Communautés, n’ont jamais été un Etat partie à la ConvEDH. En ce sens, le juge européen s’est toujours refusé à contrôler directement la conventionnalité du droit de l’Union (ComEDH, 10 juillet 1978, CFDT contre Communautés européennes, req. n°8030/77 ; CourEDH, 9 janvier 1989, Duffay contre les communautés européennes, req. n°13539/88 ; CourEDH, 20 janvier 2009, Cooperatieve Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. contre Pays-Bas, req. n°13645/05 ; CourEDH, 3 avril 2012, Irini Lechouritou et autres contre l’Allemagne et 26 autres Etats membres de l’Union européenne, req. n°37937/07). Plus précisément, les requêtes dirigées contre les institutions de l’Union pour violation de la ConvEDH sans acte ou omission des Etats membres ont toujours été déclarées irrecevables (CourEDH, 9 décembre 1990, M. & Co. contre République fédérale d’Allemagne, req. n°13258/87 ; CourEDH, 18 février 1999, Waite et Kennedy contre Allemagne, req. n°26083/94, cons. n°67). Il en est de même pour les actes de droit dérivé pris par les institutions de l’Union où les recours mettant en cause leur conventionnalité ont, logiquement, là aussi, été déclarés irrecevables (jurisprudence constante depuis ComEDH, 10 juillet 1978, CFDT contre Communautés européennes, req. n°8030/77). Par contre, la CourEDH (et avant elle la ComEDH) a admis sa compétence pour connaitre d’actes de droit primaire (CourEDH, GC, 18 février 1999, Matthews contre Royaume-Uni, req. n°24833/94, cons. n°31-3) et d’actes nationaux d’application du droit communautaire (Voir F. Tulkens, « L’Union européenne devant la Cour européenne des droits de l’homme », RUDH 2000, n°1-2, p. 51 et suiv. et les décisions citées, par ex : CommEDH, 10 juin 1958, X. contre RFA, req. n°235/556 où ce principe se trouve clairement posé : « Si un Etat assume des obligations contractuelles et conclut par la suite un autre accord international qui ne lui permet plus de s’acquitter des obligations qu’il a par le premier traité, il encourt une responsabilité pour toute atteinte portée de ce fait aux obligations qu’il assumait en vertu du traité antérieur »). Les Etats qui ont adhéré à la ConvEDH sont, en effet, responsables des atteintes portées à la Convention qu’elles résultent du droit interne ou qu’elles soient la conséquence d’obligations internationales assumées par eux. Le transfert de compétences souveraines ne peut être un prétexte pour échapper à leur responsabilité (Cf. CommEDH, 9 décembre 1987, Etienne Tête contre France, req. n°11123/84 et CommEDH, 28 mai 1975, Ilse Hess contre Royaume-Uni, req. n°6231/73).
Un contrôle indirect des actes nationaux d’application du droit de l’Union si les Etats disposent d’une marge d’appréciation
974 • Dans le cas d’acte d’exécution du droit de l’Union, il faut, cependant, faire une distinction selon les cas où les Etats disposent ou non d’une marge d’appréciation. Si ce n’est pas le cas, l’Etat membre se trouve dans une sorte de situation de compétence liée et, dans ce cas, le juge européen se déclare incompétent amenant à une certaine immunité du droit communautaire en l’espèce (ComEDH, 9 décembre 1990, M. & Co. contre République fédérale d’Allemagne, req. n°13258/87 où la Commission rappelle que la requête n’est pas irrecevable ratione personae, les Etats parties à la Convention restent sur le principe responsables de la mise en œuvre d’actes communautaires, mais elle l’est ratione materiae parce qu’il n’est guère possible de mettre en œuvre cette responsabilité dès lors que l’organisation bénéficiaire du transfert assure une protection des droits fondamentaux équivalente à celle qui résulte de la Convention. Or, le droit à un procès équitable est garanti de façon équivalente dans le cadre du droit communautaire et il n’y a pas lieu de déclarer recevable une requête alléguant une violation de l’article 6 à propos d’une procédure communautaire en matière de concurrence). Si les Etats disposent, par contre, d’une marge d’appréciation, une action devant la CourEDH est admise contre l’Etat mis en cause, celui-ci demeurant, sur le plan des principes, la seule entité responsable de la violation de ses obligations en vertu de la ConvEDH. Le contrôle peut s’effectuer à l’encontre d’un acte de droit primaire comme d’un acte de droit dérivé. Pour le droit primaire, il faut citer l’arrêt « Matthews » (CourEDH, GC, 18 février 1999, Matthews contre Royaume-Uni, req. n°24833/94 ; Cf. G. Cohen-Jonathan et J.-F. Flauss, « A propos de l’arrêt Matthews c/ Royaume-Uni », RTDE 1999, p. 646 et suiv.). Le Royaume‐Uni y a été condamné pour avoir violer l’article 3 du Protocole n°1 à la ConvEDH (organisation à intervalles réguliers d’élections libres et au scrutin secret) par son refus d’organiser des élections européennes sur le territoire de Gibraltar (en application de l’Acte de 1976 portant élection des représentants au Parlement européen). Pour le droit dérivé, le juge européen s’est, par exemple, livré, dans un arrêt « Cantoni », au contrôle de la mesure d’exécution d’une directive européenne qui en reprenait par ailleurs les termes, contrôle admis au regard de l’obligation de précision et de prévisibilité imposée par l’article 7 ConvEDH (CourEDH, GC, 15 novembre 1996, Cantoni contre France, req. n°17862/91 à propos d’un acte adopté par la France ; Voir également : CourEDH, GC, 21 janvier 2011, M.S.S. contre Belgique et Grèce, req. n°30696/09). L’arrêt Cantoni est un des arrêts fondateur d’un contrôle plus conséquent du juge européen sur les actes pris en application du droit communautaire par les autorités nationales.
Un contrôle dont la logique tend à se développer
975 • Le juge européen a, dans la même logique, admis sa compétence pour condamner un Etat membre pour violation de l’obligation d’exécution des décisions juridictionnelles lorsque la Grèce a refusé d’exécuter un arrêt du Conseil d’Etat grec imposant l’exécution d’un arrêt de la CJUE (CourEDH, 19 mars 1997, Hornsby contre Grèce, req. n°18357/91). De même, la jurisprudence « Cantoni » avait été précédé d’une jurisprudence qui avait admis d’examiner la comptabilité avec la ConvEDH de mesures nationales d’application de règlements communautaires (CourEDH, 28 septembre 1995, Procola contre Luxembourg, série A, n°326, req. n° 14570/89 et CourEDH, 19 avril 1994, Van de Hurk contre Pays-Bas, série A, n°288, req. n°16034/90) et d’une jurisprudence qui qualifiait le refus d’une juridiction nationale de saisir la CJCE d’un renvoi préjudiciel, de refus de nature à porter atteinte au droit à un procès équitable au sens de l’article 6-1 CEDH (CommEDH, 12 mai 1993, Société Divagsa contre Espagne, req. n°20631/92 et CommEDH, 28 mai 1993, Fritz et Nana S. contre France, DR 75, p. 39). De même, si l’arrêt « Matthews » avait pu inaugurer une nouvelle étape dans les ajustements entre les deux systèmes européens, des requêtes ultérieures ont pu, là encore, mettre en cause d’autres actes de droit primaire et concrétiser l’esprit de ce nouveau contrôle (ex : CourEDH, 7 mars 2000, T.I. contre Royaume‐Uni, req. n°43844/98 à propos de la Convention de Dublin relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile au sein de l’Union).
La question de la responsabilité collective des Etats membres de l’Union (1)
976 • Concernant la responsabilité collective des Etats membres de l’Union dans l’adoption des actes communautaires, la Cour a rappelé, dans les affaires « Biret » (CourEDH, 9 décembre 2008, Etablissements Biret et Cie S.A. et Biret International contre 15 Etats membres de l’Union européenne, req. n°13762/04 à propos des lacunes alléguées de l’ordre juridique communautaire quant à la possibilité d’engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté) et « Connolly » (CourEDH, 9 décembre 2008, Connolly contre 15 Etatsmembres de l’Union européenne, req. n°73274/01 à propos de la révocation par la Commission d’un fonctionnaire de l’Union et aux conditions dans lesquelles cette mesure avait pu être contestée devant les juridictions communautaires) que, dirigée, contre les Etats, une requête était irrecevable si elle mettait en cause uniquement un acte de l’Union, à l’exclusion de tout comportement étatique. Dans les deux cas, les actes et procédures litigieux ne pouvaient être imputés aux Etats défendeurs « puisqu’aucun d’entre eux n’est intervenu, directement ou indirectement, dans le litige ». A noter, cependant, que certaines décisions du juge européen paraissent quelque peu renouveler ces deux jurisprudences. La Cour de justice a pu juger, concernant les procédures de règlement des litiges entre l’OTAN et ses agents, que la conventionnalité de la responsabilité collective des Etats pouvait être recherchée à raison d’une lacune structurelle dans le fonctionnement de l’organisation à laquelle ils ont transféré une partie de leurs pouvoirs souverains (CourEDH, 12 mai 2009, Gasparini contre Italie et Belgique, req. n°10750/03). Encore faut-il que le requérant conteste bien les caractéristiques intrinsèques du système mis en place et non la décision individuelle prise à son encontre (Cf. CourEDH, 31 mars 2015, req. n°28827/11, Andreasen contre Royaume-Uni et 26 autres Etats membres de l’Union européenne à propos de griefs mettant en cause la sanction disciplinaire infligée à une fonctionnaire européenne déclarés, en ce sens, irrecevables ratione personae (§ 70)).
La question de la responsabilité collective des Etats membres de l’Union (2)
977 • Sans en rejeter explicitement le principe, la CourEDH parvient, la plupart du temps à esquiver la question, le plus souvent au motif d’une irrecevabilité matérielle. Les requêtes sont déclarées irrecevables ratione materiae (CourEDH, 4 juillet 2000, Société Guérin Automobiles contre 15 Etats membres, req. n°51717/99 où la procédure permettant de contester au fond des lettres de la Commission européenne devant les juridictions de l’Union n’est pas couverte par la protection de la ConvEDH ; CourEDH, 10 mars 2004, Senator Lines, req. n°56672/00 à propos du refus de considérer le requérant comme victime au sens de la ConvEDH dans une procédure de contestation impliquant une sanction infligée par la Commission européenne pour infraction au droit de la concurrence, voir F. Benoît‐Rohmer, « Chronique d’une décision annoncée : l’affaire Senator Lines devant la Cour européenne des droits de l’homme », L’Europe des Libertés 2001, n°4, janvier, p. 2 et F. Krenc, « La décision Senator Lines ou l’ajournement d’une question délicate », RTDH 2005, p. 121 et suiv. ; CourEDH, 23 mai 2002, Segi et autres et Gestoras Pro-Amnistia et autres contre 15 Etats membres, req. n° 6422/02 et n°9916/02 à propos du refus de considérer les requérants, organisations basques, comme victimes au sens de la ConvEDH relativement aux positions communes adoptées par le Conseil de l’Union dans le cadre de la PESC à la suite des attentats du 11 septembre ; CourEDH, 15 janvier 2005, Emesa Sugar NV contre Pays‐Bas, req. n°62023/00 à propos du refus de considérer l’affaire relative à des droits de douane comme entrant dans le champ d’application de l’article 6 §1 ConvEDH).
2 -Le rapprochement contemporain : la technique de la présomption de protection équivalente
→ La mise en place de la technique : l’arrêt « Bosphorus »
Une responsabilité des Etats recherchée qu’en cas d’insuffisance manifeste de protection
978 • A l’aube des années 2000, la position de la CourEDH à l’égard du droit produit par l’Union est actée. Il n’est pas interdit aux Etats, parties contractantes à la ConvEDH, de transférer des compétences à des organisations internationales mais, si cette organisation internationale n’est pas partie à la ConvEDH, la CourEDH ne peut contrôler les procédures et actes de celle‐ci. Pour autant, les Etats demeurent responsables au regard des obligations de la ConvEDH de tous les actes ou omissions de leurs organes, qu’ils découlent de leur droit interne ou de la nécessité d’observer des obligations juridiques internationales. Dans le cas de l’Union, il faut ensuite se reporter à deux distinctions, la 1ère entre droit primaire et droit dérivé, puis la 2ndeentre les actes laissant une marge d’appréciation à l’Etat et ceux n’en laissant pas. Dans le premier cas, la responsabilité sera recherchée de la même façon qui si l’acte national ne découle pas du droit de l’Union. Dans le second cas, la jurisprudence européenne restait incomplète. C’est l’arrêt « Bosphorus » qui est venu combler les lacunes en faisant en sorte que la responsabilité des Etats ne sera recherchée que dans la mesure où il existe une « insuffisance manifeste de protection ». Cette dernière ne pouvant être établie qu’après avoir appliquée une « présomption de protection équivalente » (CourEDH, GC, 30 juin 2005, Bosphorus Airways contre Irlande, req. n°45036/98 ; Voir, par ex., J.-P. Jacqué, « Droit communautaire et convention européenne des droits de l’homme : l’arrêt Bosphorus, une jurisprudence Solange II de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDE 2005, p. 749 et suiv. ; J. Andriantsimbazovina, « La Cour européenne des droits de l’homme, gardienne des droits de l’homme dans l’Union européenne ? », RFDA 2006, p. 566 et suiv. ; F. Benoît‐Rohmer, « A propos de l’arrêt Bosphorus Airlines du 30 juin 2005 : l’adhésion contrainte de l’Union à la Convention », RTDH 2005, p. 827 et suiv. ; V. Constantinesco, « C’est comme si c’était fait ? (Observations à propos de l’arrêt de la CourEDH, GC, Bosphorus Airlines, du 30 juin 2005) », CDE 2006, p. 363 et suiv. ; F. Kauff‐Gazin, « Quand le juge de Strasbourg pallie le retard du constituant de l’Union européenne en matière de protection des droits fondamentaux », L’Europe des Libertés 2005, septembre, n° 14 ; F. Sudre, « La conventionnalité du système communautaire de protection des droits fondamentaux », JCP 2005, G, II, n°10128). En agissant ainsi, la CourEDH abandonne la jurisprudence « M & Co » (CommEDH, 9 janvier 1990, M & Co contre RFA, req. n°13258/87) qui semblait offrir un blanc-seing à l’Union dans un tel cas.
Un raisonnement en deux temps pour faire œuvre de conciliation
979 • Dans l’arrêt « Bosphorus », le juge européen admet la responsabilité de l’Irlande au regard de la ConvEDH mais, en retenant que le règlement communautaire était obligatoire dans tous ses éléments, il admet aussi que l’Irlande était tenue de le mettre en œuvre sans aucune marge d’appréciation sous peine de violation du droit communautaire. Comme beaucoup d’auteurs l’ont souligné, en présence d’un possible conflit entre la ConvEDH et le droit communautaire, la CourEDH fait œuvre de conciliation. Elle va, en s’inspirant de la jurisprudence « Solange » (jurisprudence, on le rappelle, de la Cour constitutionnelle allemande qui a considéré qu’aussi longtemps que le droit communautaire ne prévoirait pas un système de garantie des droits fondamentaux équivalent au sien, elle s’autoriserait à vérifier la conformité des normes communautaires aux droits fondamentaux inscrits dans la Loi fondamentale allemande : BverfGE, 29 mai 1974, Entscheidungen des Bverf GE, 271), mettre en place un raisonnement en deux temps. En premier lieu, la CourEDH considère que la mesure prise par l’Etat pour exécuter les obligations qui résultent de son appartenance à une organisation est légitime si l’organisation en question place les droits fondamentaux dans une protection au moins équivalente à celle assurée par la ConvEDH. En second lieu, le juge européen établi une présomption : à partir du moment où l’organisation internationale offre une protection équivalente (le caractère « équivalent » n’étant pas le synonyme d’ « identique » mais de « comparable » (§ 165 arrêt Bosphorus), l’Etat est présumé respecter les exigences de la ConvEDH lorsqu’il ne fait qu’exécuter des obligations résultant de son adhésion à l’organisation. Cette présomption n’est, cependant, pas considérée alors comme irréfragable. Elle demeure aussi longtemps que l’Union offre des garanties substantielles et des mécanismes de contrôle équivalents à ceux prévus par la ConvEDH et sous réserve que, dans le cadre d’une affaire donnée portée devant la CourEDH, il n’est pas démontré que la protection offerte par l’Union est entachée d’une insuffisance manifeste (§ 156 arrêt Bosphorus). Dans le cas contraire, elle disparait.
→ L’application de la technique : le caractère exceptionnel du constat d’un défaut d’équivalence
Un juge qui évite de concilier protection des droits fondamentaux et impératifs de la coopération internationale : l’affaire « M.S.S. »
980 • Il est très difficile de déduire de la jurisprudence de la CourEDH des références ou des indications fiables quant à l’application de la technique de la présomption de protection équivalente et des conditions d’activation de cette dernière. Si la marge d’appréciation d’un Etat est un critère essentiel, le juge européen peut l’identifier ou l’acter alors qu’elle semble ne pas exister pour l’Etat. La CourEDH applique alors la protection équivalente et considère que la violation relève de la pleine responsabilité de l’Etat ayant exercé pleinement sa « juridiction ». Le juge européen a raisonné ainsi dans l’arrêt « M.S.S. contre Belgique et Grèce » (CourEDH, GC, 21 janvier 2011, M. S. S. contre Belgique et Grèce, req. n° 30696/09) où les juges étaient amenés à vérifier la conventionalité du mécanisme prévu par le règlement « Dublin II » (Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil de l’Union européenne du 18 février 2003 « établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers » ; Voir aussi, concernant ce règlement : CourEDH, GC, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, req. n°29217/12 et CourEDH, 13 janvier 2015, A.M.E. contre Pays-Bas, req. n°51428/10). Le requérant, une personne d’origine afghane, est entrée sur le territoire de l’Union vers la Grèce pour finalement arriver en Belgique où il a effectué une demande d’asile. La Belgique s’est alors adressée à la Grèce pour s’occuper de cette demande en vertu du règlement « Dublin II ». Ce règlement est fondé sur une double présomption : celle qui vise à ce que « les Etats membres […] respectent tous le principe de non-refoulement des demandeurs d’asile vers un pays où il risque à nouveau d’être persécutés » et celle qui veut que tous les Etats membres de l’Union soient « considérés comme des pays sûrs par les ressortissants de pays tiers » (§ 69 de l’arrêt). Cette double présomption tend en effet à conduire le premier État à procéder à une réadmission quasi-automatique du demandeur d’asile vers l’Etat indépendamment de savoir si ce dernier respecte ou non les exigences de la ConvEDH. Il n’y a pas eu application de la technique de l’arrêt « Bosphorus » en l’espèce malgré les dénonciations et les vérifications concernant les graves lacunes dans la mise en œuvre du système, la Cour prétextant l’existence d’une marge d’appréciation des Etats au sein du mécanisme Dublin II liée à la « clause de souveraineté » qui laisse l’Etat membre libre de se désigner comme compétent pour traiter de la demande d’asile (§ 338 et suiv.). En procédant ainsi, le juge ne condamne pas le système des réadmissions « Dublin II » mais chaque Etat partie, également membres de l’Union, doit respecter les exigences de la ConvEDH sans qu’il ne puisse se cacher derrière d’autres obligations européennes. Il évite ainsi de concilier la protection des droits fondamentaux avec les impératifs de la coopération internationale, ici celle relative à l’Union.
Un juge qui évite de concilier protection des droits fondamentaux et impératifs de la coopération internationale : l’exemple des impératifs liés à l’ONU
981 • Les Etats parties ne peuvent pas être considérés responsables dans le cadre des actions et omissions attribuables aux organes de l’ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationale malgré le fait qu’elles s’appuient, pour être effectives, sur des contributions des Etats membres (CourEDH, GC, 2 mai 2007 Behrami et Behrami contre France et Saramati contre France, Allemagne et Norvège, req. n°71412/01 et 78166/01 ; CourEDH, 16 octobre 2007, Béric et autres contre Bosnie-Herzégovine, req. n°36357/04 et autres ; CourEDH, 9 juin 2009, Galic et Blagojevic contre Pays-Bas, req. n°22617/07 et n°49032/07). Par contre, en ce qui concerne les mesures nationales prises par les Etats parties dans la mise en œuvre des sanctions décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, la responsabilité des Etats peut être engagée mais il est alors intéressant de faire un parallèle avec l’attitude vis-à-vis du droit de l’Union. Dans les arrêts « Nada et Al-Dulimi contre Suisse » (CourEDH, GC, 12 septembre 2012, Nada contre Suisse, req. n°10593/08 à propos d’une condamnation de la Suisse pour mise en œuvre des sanctions prises par le Conseil de sécurité de l’ONU à l’encontre des talibans et d’Al-Qaïda et CourEDH, 21 juin 2016, Al-Dulimi et Montana Management Inc. contre Suisse, req. n°5809/08 à propos d’une condamnation de la Suisse en raison du gel des avoirs des requérants en Suisse en application d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU relative aux sanctions contre l’ancien régime irakien), le juge européen a dénoncé le caractère arbitraire de systèmes de sanction ciblées mis en place par le Conseil de sécurité mais sans que soit remis en question le droit onusien. Le juge européen a été amené à gérer, ici, la contradiction entre la primauté du droit onusien et celle tout aussi impérative de la ConvEDH. Présumant d’abord « que le Conseil de sécurité n’entend pas imposer aux Etats membres une quelconque obligation qui contreviendrait aux principes fondamentaux en matière de sauvegarde des droits de l’homme » (§ 140 arrêt Al Dulimi), il s’efforce de « retenir l’interprétation qui cadre le mieux avec les exigences de la Convention et qui permet d’éviter tout conflit d’obligations » (Ibid.), ceci « dans un esprit d’harmonisation systémique » (Ibid.) mais en faisant jouer la ConvEDH. La CourEDH n’applique donc pas le mécanisme de la protection équivalente dans un système où l’absence de constat d’équivalence ne ferait, en l’état des garanties existantes dans le système des Nations-Unies, aucun doute préférant déceler l’existence d’une illusoire marge d’appréciation étatique pour faire peser sur l’État, la responsabilité d’une violation de la ConvEDH. Une attitude pleine de réserves qui vise là encore à éviter le conflit entre impératif de la coopération internationale et protection des droits de l’homme.
Le premier constat du défaut d’équivalence : l’affaire « Michaud » (1)
982 • Le constat d’équivalence de la protection des droits offerte par l’Union est l’objet d’un contrôle qui se révèle, au final, assez formel. Le « brevet de conventionnalité » (F. Sudre, « La « conventionnalité » du système communautaire de protection des droits fondamentaux », JCP 2005, G, II, n°10128) étant délivré in abstracto à la suite d’un contrôle restreint sur l’équivalence (Cf. En ce sens, H. Labayle et F. Sudre, « L’avis 2/13 de la Cour de justice sur l’adhésion de l’Union européenne à la ConvEDH : pavane pour une adhésion défunte », RFDA 2015, p. 3 et suiv.). Le constat de protection équivalente est ainsi souvent prononcé à travers des décisions d’irrecevabilité qui n’obligent pas à un contrôle poussé sur le fond (Cf. Par ex. CourEDH, 10 octobre 2006, Coopérative des agriculteurs de Mayenne et coopérative laitière Maine-Anjou-France, req. n°16931/04 à propos d’un prélèvement fixé par règlement communautaire et imposé pour dépassement de quotas laitiers ; CourEDH, 20 janvier 2009, Cooperatieve producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij U. contre Pays-Bas, req. n°13645/05 où le juge a déclaré irrecevable la requête d’une entreprise néerlandaise qui visait à condamner les Pays-Bas pour violation du droit à un procès équitable tout en estimant que le système de l’Union présentait une présomption de garantie d’équité équivalente). Certains ont aussi pu évoquer une certaine instrumentalisation du mécanisme par la Cour « pour parvenir à un résultat défini par avance » (F.-X. Millet, « Réflexions sur la notion de protection équivalente des droits fondamentaux », RFDA 2012, p. 307 et suiv.) ou « pour le dire clairement, […] privilégier systématiquement la coopération internationale sur la protection des droits de l’homme, ne faisant jouer le mécanisme que lorsqu’elle est certaine de pouvoir dresser un constat d’équivalence avec l’autre système » (Ibid.).
Le premier constat du défaut d’équivalence : l’affaire « Michaud » (2)
983 • Il n’y a, à ce jour, qu’une seule hypothèse de renversement de la présomption imputable pour défaut de protection juridictionnelle (CourEDH, 6 décembre 2012, Michaud contre France, req. n°12323/11 à propos d’une atteinte au secret professionnel des avocats français). Si le système de l’Union bénéficie d’une certaine immunité, cette dernière n’est pas absolue et est censée s’effacer si la protection par l’Union est frappée d’une « insuffisance manifeste » d’un point de vue tant matériel que procédural. Il s’agissait, dans l’arrêt « Michaud », d’une juridiction nationale, en l’occurrence le Conseil d’Etat français, qui n’avait pas rempli son office de juge communautaire de droit commun en refusant d’user du renvoi préjudiciel et qui avait ainsi privé la Cour de justice de la possibilité d’assurer la protection des droits fondamentaux. Mais si la CourEDH a fait sauter le verrou de la présomption d’équivalence en assurant au fond le contrôle de la protection à la place de la Cour de justice, elle a surtout sanctionné la défaillance du juge national dans la mise en œuvre du mécanisme communautaire et non celle du droit de l’Union. Elle s’est, aussi, dans le même temps, aligné en grande partie, sur l’argumentation du Conseil d’Etat. Le juge européen aboutissant à la même conclusion que celle dressée par le juge administratif français qui expliquait que le renvoi n’avait pas été activé parce que la directive européenne et la loi nationale de transposition ne portaient pas une atteinte démesurée au secret professionnel des avocats.
→ Le développement de la technique : l’approche commune chez tous les juges
Une présomption de protection développée à propos de plusieurs organisations internationales par le juge européen (1)
984 • La technique de la présomption de protection équivalente n’est pas destinée à être utilisée uniquement dans le cadre de l’Union européenne. Pour remplir au mieux son rôle, qui est de permettre au juge de concilier protection des droits fondamentaux et interactions entre ordres juridiques, elle est destinée à s’appliquer hors du cadre de la relation CourEDH/CJUE mais aussi par des juges autres que le juge européen. C’est en ce sens que le juge européen la conçoit. Pour la CourEDH, « le principe de la protection équivalente n’a jamais été conçu comme se limitant uniquement à l’Union européenne. Au contraire, la Cour lui a donné une application plus large afin de surmonter un problème fondamental, à savoir le fait que les organisations internationales ne sont généralement pas signataires des traités en matière de droits de l’homme […] » (CourEDH, GC, 21 juin 2016, Al-Dulimi et Montana Management c. Suisse, précité, § 11). Le juge européen a ainsi développé une présomption de protection équivalente en matière de droits fondamentaux en faveur de plusieurs organisations internationales, outre l’Union européenne. On peut citer l’ONU qu’on a déjà pu évoquer (CourEDH, GC, 21 juin 2016, Al-Dulimi et Montana Management c. Suisse précité)mais aussi l’OTAN (CourEDH, 12 mai 2009, Gasparini contre Italie et Belgique, req. n°10750/03) ou l’Office européen des brevets (CourEDH, 16 juin 2009, Rambus Inc. contre Allemagne, req. n°40382/04).
Une présomption de protection développée à propos de plusieurs organisations internationales par le juge européen (2)
985 • La naissance et l’application du principe de protection équivalente s’établissent de manière différente au sein d’une seule et même organisation, il y a une distinction à établir selon le type de procédure dont il est question. Le principe a, par exemple, été appliqué différemment dans des affaires relatives à l’Union européenne qu’il s’agisse de conflits du travail au sein de la Commission européenne (CourEDH, 9 décembre 2008, Connolly contre 15 Etats membres de l’Union européenne, req. n°73274/01 ; CourEDH, 31 mars 2015, Andreasen contre 27 États membres de l’Union européenne, req. n°28827/11), de l’exécution régulière d’actes de l’UE (CourEDH, 18 juin 2013, Povse contre Autriche, req. n°3890/11) ou de l’application du droit primaire de l’Union (CourEDH, GC, 3 février 1999, Matthews contre Royaume-Uni, req. n°24833/94 précité). Quant à l’Office européen des brevets, le juge européen a établi une distinction quant à l’équivalence de la protection des droits fondamentaux offerte relativement à la procédure interne de règlement des conflits du travail (CourEDH, 6 janvier 2015, Klausecker contre Allemagne, req. n°415/07) et en ce qui concerne la reconnaissance ou le retrait d’un brevet (CommEDH, 9 septembre 1998, Lenzing AG contre Allemagne, req. n°39025/97 et Lenzing AG contre Royaume-Uni, req. n°38817/97). De même, concernant les Nations unies, la Cour a mené des examens différents en matière de protection équivalente, comme déjà mentionné, selon qu’il s’agissait de résolutions du Conseil de sécurité (CourEDH, 16 octobre 2007, Béric et autres contre Bosnie-Herzégovine, req. n°36357/04 et autres précité) ou de la procédure de règlement des conflits du travail impliquant le Secrétaire Général des Nations unies (CourEDH, 6 janvier 2015, Perez contre Allemagne, req. n°15521/08).
Une présomption de protection équivalente développée devant la CJUE (1)
986 • Si les juges allemand et européen ont matérialisé la technique de protection équivalente, cette dernière s’est développée, conformément à sa destination, devant tous les prétoires et juridictions. La CJUE a semblé l’appliquer dans l’arrêt « Kadi »(CJCE, GC, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat contre Conseil de l’UE et Commission européenne, Aff. jointes n°C-402/05 P et n°415/05 P, Rec. CJCE, I, p. 6351) à propos de la validité des sanctions internationales prises à l’encontre d’organisations ou d’individus ayant perpétré des actes terroristes ou soutenu leur réalisation. Le juge de l’Union y a protéger l’effectivité d’un mécanisme destiné à lutter contre le terrorisme conformément aux dispositions de droit international relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationale. Mais il réaffirme aussi avec force que la légitimité du mécanisme repose sur la garantie du respect des droits fondamentaux des individus et entités visées par les mesures restrictives. Les décisions émanant d’Etats tiers ne sont pas rejetés par principe mais elles doivent présenter des garanties équivalentes. En l’espèce, il a été jugé que le Conseil de l’Union n’avait pas procédé à une « vérification soigneuse » de ce que la décision étrangère avait été adoptée selon des standards équivalents à ceux de l’Union (§ 147-148). Le juge de l’Union a aussi appliqué le principe à l’encontre des Etats-Unis dans son arrêt « Schrems » (CJUE, GC, 6 octobre 2015, Maximillian Schrems contre Data Protection Commissioner, Aff. n°C-362/14) à propos de la continuité du niveau élevé de protection en cas de transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers. La Cour de justice y affirme que, tout en reconnaissant que le terme « adéquat » implique qu’il ne saurait être exigé qu’un tel pays assure un niveau de protection strictement identique à celui garanti dans l’ordre juridique de l’Union, celui-ci doit néanmoins être « substantiellement équivalent à celui garanti au sein de l’Union […] » (§73). Plus précisément, si les moyens auxquels ce pays tiers a recours peuvent être différents de ceux mis en œuvre au sein de l’Union, ceux-ci doivent être lus « de manière conforme aux droits fondamentaux », ce qui implique de procéder à un contrôle maximal au regard des exigences de la directive en cause (§74).
Une présomption de protection équivalente développée devant la CJUE (2)
987 • Un contrôle aussi approfondi, dans l’arrêt « Schrems », a pour conséquence que le juge de l’Union doit analyser en profondeur le droit étranger en faisant usage de normes externes à celui-ci. Cela conduit ainsi à ériger la CJUE en une sorte de nouveau juge « constitutionnel » du droit américain à la vie privée, sans pour autant que celle-ci ait, en pratique, l’autorité pour faire appliquer ses décisions. La technique de la protection équivalente permet ainsi d’étendre la protection des données personnelles assurée par l’Union aux données conservées ou traitées dans un Etat tiers, comme les Etats-Unis, et ce quelle que soit la législation de cet Etat en la matière (la Cour invalide une décision de la Commission européenne prise sur le fondement d’une directive en estimant que le dispositif de Safe Harbour, mis en place aux États-Unis, n’apporte pas une protection équivalente au régime de protection des données prévu par l’Union). Le nouveau règlement européen du 27 avril 2016 (RGPD) (Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE) et la directive du même jour (Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil), qui sont entrés en vigueur en mai 2018, s’inscrivent dans ce courant et confirment l’affaiblissement du critère géographique ou territorial, puisqu’ils vont s’appliquer même lorsque les traitements en cause sont effectués hors de l’Union par une société elle-même établie hors de l’Union (art. 3 du règlement mentionné), dès lors que les personnes concernées par ce traitement sont présentes sur le territoire de l’Union.
Une présomption de protection équivalente développée devant les juges français
988 • Le Conseil d’Etat comme le Conseil constitutionnel appliquent également le principe en matière de contrôle de constitutionnalité des actes français mettant en œuvre sans marge d’appréciation les actes de l’Union. Le juge constitutionnelrefuse, a priori (CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, JO, 22 juin 2004, p. 11182, Rec. CC, p. 101 ; CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Rec. CC, p. 88) comme a posteriori (CC, n°2010-79 QPC, 17 décembre 2010, M. Kamel D. [Transposition d’une directive], JO, 19 décembre 2010, p. 22373), de procéder au contrôle de la constitutionnalité de dispositions législatives qui se bornent « à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive » ne laissant aucune marge de manœuvre aux autorités nationales. Le Conseil d’Etat a transposé cette jurisprudence aux actes réglementaires de transposition (CE, Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, req. n°287110 précité). Il a pris acte que de nombreux principes constitutionnels français qui touchent notamment aux droits fondamentaux français ont leur équivalent en droit de l’Union. Pour éviter une situation conflictuelle entre la Constitution française et le droit de l’Union, il a en quelque sorte opérer une « substitution de norme de référence » en passant du droit constitutionnel interne au droit de l’Union. En d’autres termes, le juge administratif se serait livré à une « translation normative » de la norme constitutionnelle de référence ou norme administrative objet du contrôle vers le droit de l’Union (Cf. S. Platon, « Le juge administratif, les directives et la CEDH : de l’art de la translation… », RDLF 2013, chron. n°08). L’idée est de surmonter les dangers et conflits liés aux rapports entre les ordres juridiques par cette révérence première à l’ordre juridique concurrent mais, ceci, sans forcément renoncer à la suprématie de l’ordre juridique national de référence. La présomption de protection équivalente disparaissant en cas d’atteinte aux « règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France ». Le Conseil d’Etat ne se réfère lui pas à « l’identité constitutionnelle » mais protège plus largement les « valeurs juridiques propres à l’ordre juridique français ». Les juridictions suprêmes doivent être en mesure de s’opposer au droit de l’Union lorsque celui-ci porte atteinte à ces valeurs spécifiques de l’ordre juridique français. C’est la protection des droits fondamentaux qui va justifier et légitimer cette manière d’imposer en quelque sorte la préférence nationale. C’est l’absence du même standard de protection qui déclenche la mise en place en priorité de l’ordre juridique national de référence. Le juge national n’interviendra que s’il existe une défaillance du système de protection externe et que si son intervention est la seule à même de garantir la protection des droits fondamentaux.
Le défaut de protection équivalente constatée par le CDES à propos du droit de l’Union
989 • Le CEDS a, rapidement, été amené à connaître de la conformité de législations nationales découlant directement de l’application du droit de l’Union. Or, pour résoudre la difficulté que comporte une telle situation, qui le conduit à apprécier indirectement la conformité de normes d’une organisation qui n’est pas tenue par les termes de la Charte sociale, il a retenu les principes de l’arrêt « Bosphorus » et appliqué la présomption de protection équivalente. Mais si la CourEDH suspend son contrôle dans la plupart des cas dans la mesure où une protection équivalente des droits fondamentaux est assurée au sein de l’Union, le CEDS abouti, le plus souvent, à la conclusion inverse. Pour ce dernier, « il ne résulte ni de la place des droits sociaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne ni des procédures d’élaboration du droit dérivé à leur égard qu’une présomption [de protection équivalente] puisse être retenue, même de manière réfragable, s’agissant de la conformité des textes juridiques de l’Union européenne à la Charte sociale européenne » (CEDS, 23 juin 2010, Confédération générale du travail (CGT) contre France et Confédération française de l’encadrement CFE-CGC contre France, réclam. n°55/2009 et n° 56/2009, §35 et §33 ; Voir T. Gründler, « La protection des droits sociaux par le Comité européen: entre réticence des Etats et indifférence de l’Union européenne » RTDH 2012, p.125 et suiv.) Le CDES s’est également référé à la technique de la protection équivalente pour se prononcer indirectement sur le respect, par l’Union, de la Charte sociale européenne dans sa décision « LO et TCO contre Suède » (CEDS, 3 juillet 2013, Confédération générale du travail de Suède (LO) et Confédération générale des cadres, fonctionnaires et employés (TCO) contre Suède, § 74. La décision du CEDS condamne en effet très fermement la législation suédoise qui limite fortement le droit de grève afin d’appliquer les principes issus de l’arrêt « Laval » (CJCE, 18 décembre 2007, Laval un Partneri Ltd contre, Aff. n°C-341/05 précité) en affirmant que « ni la place qu’occupent actuellement les droits sociaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne ni la teneur et le processus d’élaboration de sa législation ne lui semblent justifier que l’on parte, d’une manière générale, de l’idée que les textes juridiques de l’Union européenne sont conformes à la Charte sociale européenne » (§74). En agissant ainsi, le CEDS s’écarte quelque peu de la raison d’être de la technique de protection équivalente qui vise à éviter les conflits dans les rapports entre ordres juridiques mais il rappelle aussi la finalité même de la technique qui est d’aboutir à une protection maximum des droits fondamentaux. Le contrôle du CEDS ne s’arrête pas, ainsi, aux portes de l’Europe économique. S’il s’inscrit dans la lignée d’autres acteurs de la protection des droits fondamentaux, il s’en démarque par les conclusions qu’il en tire, démontrant avec vigueur comment les droits sociaux sont, à l’heure actuelle, le parent pauvre des droits de l’homme dans l’Union européenne.
→ Les insuffisances de la technique : un caractère et une intensité qui demandent à être précisés
Le maintien d’une certaine conception hiérarchique entre les systèmes
990 • L’intérêt de la technique est de mettre en avant la primauté des droits fondamentaux sur la diversité des ordres juridiques. Son utilisation reste, cependant, assez malléable et flexible ce qui peut amener la technique à être davantage un outil au service d’une politique jurisprudentielle plutôt qu’une solution dans la préservation des droits dans les rapports et conflits entre ordres juridiques. A cet égard, le mécanisme tend, en premier lieu, à éviter une conception hiérarchique des rapports entre les ordres juridiques. En réalité, et comme on a déjà pu l’observer, on assiste, dans la mise en œuvre de la technique, au maintien d’une certaine conception hiérarchique. Le juge de l’Union continue ainsi à affirmer l’autonomie du système communautaire en retenant une conception absolue du principe de primauté des traités dans l’ordre juridique communautaire. Cet attachement au principe de primauté se manifeste au regard du droit international (c’est le cas dans l’arrêt « Kadi » précité où la primauté de la Charte de l’ONU, si elle était reconnue au plan du droit communautaire, « ne s’étendrait pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux » (§ 308)) comme des Constitutions nationales (c’est le cas dans l’arrêt « Melloni » précité où le juge de l’Union s’oppose à l’application de standards nationaux plus favorables et les conditionne au respect de certains principes du droit de l’Union pour ne pas déroger à la primauté du droit de l’Union ; Cf. R. Mehdi, « Retour sur l’arrêt Melloni : quelques réflexions sur des usages contradictoires du principe de primauté », www.gdr.elsj.eu, 29 mars 2013). Dans le même sens, les juridictions nationales peuvent également faire obstacle à l’abaissement du niveau de protection en faisant jouer la supériorité de la Constitution et en utilisant les réserves de constitutionnalité (Cf., par ex., la décision CC, n°2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JO, 24 novembre 2004, p. 19885, Rec. CC, p. 173). La primauté du droit de l’Union n’est reconnue que si celle-ci est en accord avec la Constitution.
Des lectures différentes de la nature et de la portée de l’équivalence : l’approche souple et in abstracto des juges européens (1)
991 • L’étendue du contrôle exercé sur l’équivalence varie selon les juges. La Cour constitutionnelle allemande conçoit l’équivalence de manière générale et abstraite et se contente de vérifier si, globalement, la protection communautaire des droits fondamentaux ne s’est pas affaiblie. Elle avait, à l’origine, conclu au caractère insuffisant du système de protection en droit communautaire ce qui justifiait alors son contrôle (arrêt « Solange I » du 29 mai 1974 précité) avant d’assouplir sa position en reconnaissant une protection satisfaisante et en refusant son contrôle tant que la protection demeurait satisfaisante (arrêt « Solange II » du 22 octobre 1986 Cour constitutionnelle allemande, 2BvR 197/83, 22 octobre 1986, Solange II (BVerfGE 73,339). Aujourd’hui c’est donc l’approche globale qui prédomine et qui n’amène qu’à un contrôle ponctuel. Il y a une présomption générale d’équivalence et il appartient au requérant qui conteste un acte de droit dérivé de renverser alors cette présomption (arrêt « Règlement général des bananes » du 7 juin 2000 précité). La CourEDH se livre également à ce type d’analyse assez générale en couvrant cependant, à la fois, les garanties substantielles et les garanties procédurales pour délivrer le brevet d’équivalence au droit de l’Union (Cf., par ex., l’arrêt « Bosphorus » où la Cour s’attarde sur l’intérêt et l’efficacité des recours juridictionnels devant la CJUE malgré justement leur caractère très controversée). On parle d’un contrôle souple in abstracto portant sur le système de protection des droits fondamentaux (Cf. En ce sens R. Tinière, « Le pluralisme désordonné de la protection des droits fondamentaux en Europe : le salut réside-t-il dans l’équivalence ? », RDLF 2017, chron. n°17) qu’on retrouve également chez le juge de l’Union (arrêt « Schrems » précité, § 73 et suiv.) ou le CEDS (CEDS, déc., 3 juil. 2013, Confédération générale du travail de Suède e.a. c. Suède, préc. § 74).
Des lectures différentes de la nature et de la portée de l’équivalence : l’approche souple et in abstracto des juges européens (2)
992 • Dans la nature et la portée de l’équivalence, la CourEDH exige également une protection simplement « comparable » et non « identique » (arrêt « Bosphorus » précité, §55). Le juge de l’Union évoque, quant à lui, un niveau de protection « adéquat» qui « implique qu’il ne saurait être exigé qu’un pays tiers assure un niveau de protection identique à celui garanti dans l’ordre juridique de l’Union » (CJUE « Schrems » précité §73) même si l’article 52-3 CDFUE affirme que les droits correspondants à ceux protégés par la ConvEDH doivent bénéficier d’une protection identique tout en réservant la possibilité pour le droit de l’Union d’aller au-delà de la protection conventionnelle. Concernant le droit international, le juge européen a pu, dans l’arrêt « Al-Jedda »,faire bénéficier les résolutions du conseil de sécurité d’une présomption de respect des « principes fondamentaux en matière de sauvegarde des droits de l’homme » même si cette présomption générale « doit pouvoir être réexaminée à la lumière de tout changement pertinent dans la protection des droits fondamentaux » et qu’elle peut être « renversée dans le cadre d’une affaire donnée » ce qui a été fait dans l’arrêt d’espèce où les mesures adoptées ont été jugé potentiellement contraire à la ConvEDH. Le juge de l’Union, quant à lui, a refusé d’accorder à ces résolutions « une immunité juridictionnelle généralisée dans le cadre de l’ordre juridique interne de la Communauté » (arrêt « Kadi » précité, § 321) même si « tant que, dans ledit régime de sanctions, les particuliers ou entités concernés ont une possibilité acceptable d’être entendus grâce à un mécanisme de contrôle administratif s’intégrant dans le système juridique des Nations unies, la Cour ne devrait intervenir d’aucune façon » (Ibid., § 319).
Des lectures différentes de la nature et de la portée de l’équivalence : l’approche stricte et in concreto du Conseil d’Etat (1)
993 • Le Conseil constitutionnel déduit, lui, l’équivalence par la négative. Si le droit ou la liberté en cause sont protégés, en droit de l’Union, par une disposition identique à celle existante en droit constitutionnel, il se refuse alors à tout contrôle de constitutionnalité. Ce n’est que dans le cas contraire où il procède au contrôle. Il ne se réfère pas à l’interprétation des droits donnés par le juge de l’Union et se contente de relever que le droit en cause est protégé au niveau de l’Unionet rejoint en cela les juridictions européennes ou allemande. Dans l’ensemble, l’équivalence est déduite, de manière abstraite, par l’ensemble des juridictions mentionnées, et, finalement, seul le Conseil d’Etat adopte une approche beaucoup plus concrète dans la fixation de l’équivalence (Cf. En ce sens, F. Malhière, « Le contrôle de l’équivalence des protections des droits fondamentaux : les juges et les rapports de systèmes », RDP 2013, p. 1523 et suiv.). Cette dernière est déduite sur la base d’une approche positive qui amène à examiner, au cas par cas, « s’il existe une règle ou un principe général du droit communautaire qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu’il est interprété en l’état actuel de la jurisprudence du juge communautaire, garantit par son application l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué » (arrêt « Arcelor » précité). Le juge administratif recherche donc « une règle ou un principe » qui porte sur le seul droit visé et dont l’application permettrait d’assurer l’effectivité de la norme constitutionnelle invoquée. Cela traduit, a priori, une vision plus stricte de la notion d’équivalence.
Des lectures différentes de la nature et de la portée de l’équivalence : l’approche stricte et in concreto du Conseil d’Etat (2)
994 • Le Conseil d’Etat a appliqué, pour la première fois, l’arrêt « Arcelor » dans une espèce concernant le principe de précaution. Il vérifie, dans l’arrêt en question, l’arrêt « Confédération paysanne » (CE, 3 octobre 2016, Confédération paysanne, req. n°388649), si le principe établi par l’article 5 de la Charte de l’environnement existe bien dans l’ordre juridique de l’Union de la même manière dont il avait procédé concernant le principe d’égalité dans l’affaire « Arcelor » quelques années auparavant. Par contre, si on met de côté la formulation retenue, que ce soit dans l’arrêt « Arcelor » ou « Confédération paysanne », le Conseil d’Etat a choisi de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle lui permettant de concilier cette conception parfois différente des normes en présence (CJCE, GC, 16 décembre 2008, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres, Aff. n°C-127/07 et CJUE, GC, du 25 juillet 2018, Confédération paysanne et autres contre Premier ministre et Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Aff. n°C-528/16). Une solution analogue à celle qu’avait adoptée le Conseil constitutionnel dans la décision « Jeremy F. » (CC, n°2013-314P QPC, 4 avril 2013, M. Jeremy F. [Absence de recours en cas d’extension des effets du mandat d’arrêt européen – question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne], JO, 7 avril 2013, p. 5799, Rec. CC, p. 523). Le juge constitutionnel avait, lui aussi, interrogé par voie préjudicielle, la Cour de justice sur l’existence d’une marge d’appréciation que la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen laisserait aux autorités nationales en charge de sa transposition pour déterminer s’il pouvait contrôler la constitutionnalité de dispositions législatives de transposition qui lui avaient été déférées. Enfin à noter aussi que dans le cadre de la remise en cause de la présomption d’équivalence, le Conseil d’Etat se contente de la preuve d’une simple absence d’effectivité là où le juge européen exige la preuve d’une « insuffisance manifeste » dans la protection du droit en cause.
Un renforcement incertain de la protection des droits
995 • Il y a immanquablement, au minimum, une incertitude quant au caractère optimum de la protection des droits permise par la technique de la protection équivalente. On a pu souligner avec la doctrine les insuffisances dans l’approche commune quant à l’absence de hiérarchie entre les ordres juridiques et les lectures différentes quant à la nature et la portée de l’équivalence ou de son défaut. La théorie a été mise en place pour éviter le conflit entre les ordres juridiques tout en favorisant la primauté de la protection des droits fondamentaux. C’est un « mécanisme à géométrie variable avec autant d’applications possibles que de configurations différentes » (R. Tinière, « Le pluralisme désordonné de la protection des droits fondamentaux en Europe : le salut réside-t-il dans l’équivalence ? », précité) qui se développe aujourd’hui et qui amène à se poser la question de savoir « comment la protection équivalente pourrait-elle permettre d’ordonner le multiple si elle est elle-même plurielle ? » (Ibid.). La doctrine ne manque pas, de même, de souligner le caractère assez compliqué et illisible du principal pourvoyeur de cette protection équivalente à savoir la jurisprudence du juge européen. Les auteurs dénonçant l’absence de « critère fiable relatif aux condition d’activation de la protection équivalente dans une affaire donnée, même si la situation litigieuse semble a priori relever de l’application de ce principe » (R. Tinière, « Le pluralisme désordonné de la protection des droits fondamentaux en Europe : le salut réside-t-il dans l’équivalence ? » précité) ou encore cette façon, assez discutable, comme on a déjà pu le souligner, de caractériser la marge d’appréciation de l’Etat là où elle ne semble pas exister (Cf. F.-X. Millet, « Réflexions sur la notion de protection équivalente des droits fondamentaux », RFDA 2012, p. 307 et suiv.). La marge d’appréciation permettant de faire relever la violation de la pleine responsabilité de l’Etat et évitant la mise en cause du droit de l’Union ou du droit international. Le critère de « l’insuffisance manifeste » susceptible de renverser la présomption est aussi analysé comme fixant un seuil d’exigence assez bas et nécessite des précisions compte tenu de son importance dans la nouvelle méthode dégagée par la Cour EDH (en ce sens, F.-X. Millet). Enfin, des incertitudes existent, pour terminer, sur l’avenir de la technique de protection équivalente. Si la perspective de l’adhésion de l’Union à la ConvEDH s’éloigne depuis l’avis 2/13 de la Cour de la justice, la protection équivalente devrait donc continuer à régir les relations entre les deux systèmes. Quid dans le cas contraire ?
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