996 • Aujourd’hui, la ConvEDH est une source des droits fondamentaux dans les ordres juridiques de tous les Etats membres de l’Union dans la mesure où ces derniers sont tenus d’adhérer au texte pour pouvoir adhérer à l’Union (art. 49 TUE). En droit de l’Union, par contre, l’Union n’a pas signé le texte, elle n’est pas formellement partie à la ConvEDH et donc cette dernière ne peut être une source directe des droits fondamentaux dans l’Union. Cela ne l’empêche pas d’être une source d’inspiration indirecte quand il s’agit d’interpréter les droits fondamentaux de l’Union. La Cour de justice s’est, par exemple, servi de la ConvEDH pour répondre aux ultimatum des cours constitutionnelles nationales ou pour établir les PGD de l’Union. La Cour de justice a même reconnu que la ConvEDH présentait une « signification particulière » (CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone, Aff. n°C-305/05, §29) par rapport aux autres traités internationaux des droits de l’homme du fait de sa qualité d’instrument européen commun à tous les Etats membres de l’Union. Elle a, de plus, toujours fait explicitement référence aux jurisprudences de la CourEDH sur lesquelles elle s’appuie. Ce mouvement a été confirmé par l’adoption de la CDFUE, source d’inspiration commune à la CJUE et à la CourEDH (la CourEDH vise et cite aussi régulièrement la CDFUE comme, par ex., dans CourEDH, GC, Christine Goodwin contre Royaume-Uni, req. n° 28957/95, §58 et autres notamment) ce qui amène à rapprocher les deux systèmes juridiques.
1 – L’échec programmé de l’adhésion de l’Union à la ConvEDH
→ Un contexte politique et institutionnel difficile
La crise institutionnelle et identitaire de l’Union
997 • C’est d’abord l’évolution du contexte politique et institutionnel européen qui peut expliquer l’existence d’une certaine crainte pour aller plus loin dans les liens entre les deux systèmes européens. Du côté du système de l’Union, une crise politique à la fois institutionnelle et identitaire agite l’intégration économique et les institutions qui en ont la charge. Jusque-là toutes les crises avaient plus ou moins été contrôlées (dévaluations monétaires, convulsions de l’euro, soubresauts de la politique agricole commune, crise de la dette, …) en tenant compte des exigences minoritaires, en établissant un statut sur mesure ou en jouant sur le provisoire pour sauver le définitif. Mais la crise actuelle est bien plus profonde et touche les valeurs mêmes de l’Union. Des forces politiques, de plus en plus nombreuses, affichent une attitude fortement critique, voire hostile ou méprisante, à l’égard de ces valeurs et prônent un changement de système face à la logique de la politique d’austérité jusque-là mise en place pour maintenir l’équilibre. Cette montée en puissance et cet accès au pouvoir des partis populistes dans beaucoup de démocraties européennes met à mal la capacité de réaction de l’Union pour le maintien des valeurs traditionnelles. Au-delà de ce phénomène, la crise migratoire amène à un repli sur les frontières nationales, à la protection de son territoire, au refus du collectif et, au final, à la perte de confiance dans le système de l’Union. La crise politique devient ainsi identitaire et il y a une sorte d’impuissance latente qui amène à remettre en cause l’union politique tant voulue.
La crise du Covid-19 et l’accentuation des dissensions
998 • La fracture entre les pays du Nord et du Sud, apparue lors de la crise de la dette de la zone euro en 2010, a ressurgi à la suite de la crise sanitaire du Covid-19. L’idée est donc d’instaurer des obligations communes aux Etats membres sur les marchés financiers, obligations, plus communément appelées « corona bonds » (elles sont l’équivalent des « euro bonds » qui avaient été, un temps, pressentis en 2011 lors de la crise de la dette grecque). Les Etats membres contribueraient ainsi à un fond qui pourrait émettre ces obligations et les garantir. Ces dernières seraient remboursables sur le long terme par le biais du budget de l’Union sur la base d’une durée plus longue afin d’échelonner autant que possible les contributions annuelles des Etats membres. L’impact économique de la lutte contre l’épidémie pourrait être ainsi limiter. Cette mutualisation est fréquemment réclamée par les pays les plus endettés (Italie, Espagne, …) mais elle est rejetée par les pays plus vertueux en matière budgétaire dont les finances sont plus saines (Allemagne, Hollande, Finlande, …). Si cette dernière pose donc des soucis, il existe déjà une certaine forme de solidarité entre les Etats adossée à un dispositif récemment créé : le Mécanisme européen de stabilité (MES) mais comme son nom l’indique, il n’est pas question, à proprement parler, de solidarité, le MES ne repose pas sur le principe de mutualisation des dettes de ses parties prenantes mais permet juste un soutien ponctuel et ciblé en échange de réformes structurelles. Le 21 juillet 2020, les Etats membres sont parvenus à un accord quant à la mutualisation de la dette portant sur un emprunt communautaire de 750 milliards d’euros. Il faut, pour autant, adapter le Traité de Lisbonne pour permettre cet emprunt européen avec comme contrepartie l’émergence du concept « d’impôt européen ». Si le terrain politique et économique est aujourd’hui favorable, la pandémie a et est toujours entrain d’aggraver les écarts entre les pays du nord et du sud, l’opposition est forte et elle doit, de plus se combiner avec celle existante entre les démocraties libérales et les démocraties illibérales ce qui rend difficile d’être optimiste quant à un futur Etat fédéral.
Des difficultés toujours persistantes dans la coopération entre les juges constitutionnels et la Cour de justice
999 • Face à la crise institutionnelle et identitaire, le système juridictionnel de l’Union semble le rempart le plus efficace pour maintenir les équilibres. Au-delà de l’action qui est menée contre les Etats membres qui ne respectent pas le socle de valeurs traditionnels définis dans les traités, le principal défi actuel pour la Cour de justice est de nouer le dialogue avec les juridictions constitutionnelles nationales sur la question des standards de protection des droits fondamentaux. Les saisines « espagnole » (CJUE, 26 février 2013, Melloni, Aff. n°C-399/11) et « française » (CJUE, 30 mai 2013, Jeremy F., Aff. n°C-168/13 PPU) avaient, par exemple, au même titre que d’autres saisines, permis une avancée majeure en la matière pour l’élévation constitutionnelle progressive de la coopération juridictionnelle dans l’Union. Mais le processus demeure fragile comme en témoigne lepremier renvoi préjudiciel renvoyé par la Cour constitutionnelle allemande (Décision du 14 janvier 2014 (2 BvR 2728/13) ; Cf. par ex., F.-C. Mayer, « La décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande relativement au programme OMT – Rebelles sans cause ? Une analyse critique du renvoi de la Cour constitutionnelle fédérale allemande dans le dossier des OMT », RTDE 2014, p. 683 et suiv et la réponse de la Cour de justice : CJUE, GC, 16 juin 2015, Paul Gauweiler e.a. contre Deutscher Bundestag, Aff. n°C-62/14). Le juge constitutionnel allemand applique, dans la décision d’espèce et pour la première fois, un contrôle d’identité constitutionnelle dans une affaire exclusivement couverte par le droit de l’Union. En fondant son argumentation juridique sur le principe de confiance mutuelle, il affirme, pourtant, que la protection des droits fondamentaux peut exiger le contrôle de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen par rapport au respect de « l’identité constitutionnelle » allemande. La porte est ouverte pour l’hypothèse d’une non-application du droit de l’Union malgré le principe de primauté. Si le juge de l’Union faiblit dans la protection des droits, le juge constitutionnel allemand se chargera d’assurer la fonction délaissée au sein de l’Union même si contraire à certains principes de l’Union (Cf. Par ex., F.-X. Millet, « Le premier renvoi préjudiciel de la Cour constitutionnelle fédérale allemande : un pas en avant, trois pas en arrière », RDP 2015, p. 185 et suiv.). Si le principe de l’arbitrage ultime sur l’interprétation des valeurs communes sera opéré par la ConvEDH à partir du moment où le projet d’adhésion est acté, cela peut bloquer le ralliement des juges constitutionnels au système juridictionnel de l’Union (Voir, en ce sens, E. Debout, « Une question de confiance : nature juridique de l’Union européenne et adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme », RDLF 2015, chron. n°9)
La crise d’efficacité et de légitimité du système conventionnel et la nouvelle frontière du principe de subsidiarité
1000 • Du côté du système de la ConvEDH, le contexte est aussi à une crise de légitimité voire d’efficacité ce qui peut, à certains égards, engendré une certaine réticence à la collaboration. La CourEDH fait face aujourd’hui aux attaques et remises en cause incessantes de sa jurisprudence par les Etats membres notamment dans l’application de leur politique sécuritaire. On parle, tour à tour, de « gouvernement des juges » comme de « tyrannie des droits de l’homme ». Au Royaume-Uni, David Cameron et Theresa May ont exprimé à plusieurs reprises leur mécontentement quant aux décisions des juges de la CourEDH, souhaitant soustraire leur pays à la juridiction strasbourgeoise. Alors que l’ancienne 1ère ministre Theresa May s’était engagée à introduire le RGPD dans la législation du Royaume-Uni, Boris Johnson a fait marche arrière pour ne pas aligner le Royaume-Uni sur la législation européenne sur la protection des données. Dans une décision du 13 septembre 2018 (CourEDH, 13 septembre 2018, Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, req. n°58170/13, n°62322/14 et n°24960/15), la CourEDH a mis en évidence l’historique controversé du pays en matière de programmes de surveillance massive et a conclu à la violation des article 8 et 10 ConvEDH à travers la loi sur l’extension des pouvoirs des agences de renseignement (Investigatory Powers Act du 4 novembre 2015). Les condamnations des autorités françaises ont suscité le même sentiment de rejet, la Cour étant accusée de s’immiscer dans les valeurs de base de la société. Cette crise de légitimité est confortée par une résurgence de l’idée de subsidiarité dans les dernières révisions issues des Protocoles n° 15 et 16 à la ConvEDH amenant à un contrôle ou à des reproches encore plus poussés de la CourEDH. Les Protocoles ont, pour l’essentiel, un double objet : consacrer le principe de subsidiarité et instaurer une nouvelle procédure d’avis consultatif. Mais, au-delà des apparences, les réformes amorcent une réorientation du mécanisme de garantie de la ConvEDH et visent à encadrer plus étroitement le contrôle qu’exerce la Cour sur les mesures nationales (F. Sudre, « La subsidiarité, « nouvelle frontière » de la Cour européenne des droits de l’Homme – A propos des Protocoles 15 et 16 de la Convention », JCP 2013, G, n°1086).
Des éléments convergents néanmoins favorables à l’adhésion : une adhésion constitutionnellement programmée et un consensus général
1001 • En contrepoids des obstacles à l’adhésion, d’autres éléments de contexte juridique semblent, au contraire, particulièrement favorables. A la veille de la conclusion du Traité d’Amsterdam, le juge de l’Union avait émis un 1er avis négatif sur la perspective d’adhésion sur la base d’une lecture restrictive du principe d’attribution et en estimant que la communauté ne disposait pas, en matière de droits fondamentaux, des compétences internes ou externes qui lui permettraient d’adhérer à la ConvEDH (CJCE, 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avis 2/94). Au moment de l’avis 2/13 (CJUE, Ass. Plén., 18 décembre 2014, Adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Compatibilité dudit projet avec les traités UE et FUE, Avis 2/13) la situation est bien différente de celle qui existait en 1996. L’adhésion est maintenant constitutionnellement programmée par l’article 6 §2 TUE, mais il y aussi un consensus assez exceptionnel sur l’intérêt de l’adhésion que ce soit au niveau des institutions de l’Union (la Commission européenne a lancé la procédure et a plaidé en faveur de la compatibilité de l’accord, de même que le Parlement ou le Conseil) ou de la majorité des Etats membres de l’Union ou ayant signé la ConvEDH. Même l’Avocat général, Julianne Kokott, bien que soulevant certains arguments de blocage, n’avait pas osé, dans sa prise de position, s’opposer, ouvertement et définitivement, à un rapprochement qui semblait inéluctable. Sa prise de position, rendue publique le même jour que l’avis, a été emprunte d’ouverture et l’avocat générale s’est contentée d’émettre des réserves à l’adhésion sans déceler d’incompatibilité insurmontable.
→ Un cadre légal d’adhésion assez ambigu
Un cadre légal d’adhésion (article 6-2 TUE) sorti de son contexte par la Cour de justice
1002 • Ce sont les rédacteurs du Traité de Lisbonne, conscients de la force des symboles et de la nécessité d’une lecture unifiée des droits fondamentaux, qui ont donné mandat à l’Union pour adhérer à la ConvEDH (art. 6 al. 2 TUE). Le but était de rationnaliser la garantie des deux textes fondamentaux (CDFUE et ConvEDH), fortement analogues mais néanmoins distincts. La position des Etats membres apparaissait de plus en plus intenable depuis l’élargissement des compétences de l’Union en matière de contrôle des droits fondamentaux. On a pu voir que les occasions de confrontation entre le droit de l’Union et le droit de la ConvEDH s‘étaient multipliées ces dernières années concernant la lutte contre le terrorisme, l’obligation de secourir les migrants en péril ou encore dans le domaine de la protection des données sur Internet. Pour mettre fin à cette situation, l’article 6-2 TUE donne une base juridique à l’adhésion en disposant que « L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales » et que « Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités ». L’ensemble étant confortée par un protocole spécifique joint au traité (Protocole n°8 relatif à l’article 6 §2 TUE sur l’adhésion de l’Union à la ConvEDH, www.gdr-elsj.eu). Cette disposition, a priori anodine et claire, a, plus ou moins, été sorti de son contexte pour être utilisé par le juge de l’Union dans son avis rejetant le projet d’adhésion comme voulant à ce que ce soit en considération de la particularité de l’Union et de son droit que « les traités soumettent cette adhésion au respect de diverses conditions » (Avis 2/13, § 159).
Un prétexte pour un rappel fort des conditions de fond à respecter
1003 • Contrairement à ce que le texte pouvait laisser paraitre à l’origine, il n’y a, dans le mandat de l’article 6-2 ConvEDH, aucune obligation d’adhésion au sens d’une obligation de résultat mais une obligation de négocier l’adhésion conformément aux caractéristiques spécifiques du droit de l’Union. Le protocole n°8 au TUE se chargeant de définir le cadre préétabli dans trois articles visant notamment à ce que l’accord préserve « les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union » (art. 1er du protocole) De nombreuses spécificités et caractéristiques de l’Union sont ainsi mises en avant pour être préservées : « les modalités particulières de l’éventuelle participation de l’Union aux instances de contrôle de la ConvEDH » (Ibid.), « les mécanismes nécessaires pour garantir que les recours formés par des Etats non-membres et les recours individuels soient dirigés correctement contre les Etats membres et/ou l’Union, selon le cas » (Ibid.). L’accord ne doit pas affecter « ni les compétences de l’Union ni les attributions de ses institutions » (art. 2 du protocole). Il doit « garantir qu’aucune de ses dispositions n’affecte la situation particulière des États membres à l’égard de la Convention européenne […] » (Ibid.). Cela concerne plus particulièrement les protocoles et les réserves aux droits de la ConvEDH signés par les Etats membres. Enfin, l’exclusivité de la juridiction de la CJUE est également mentionnée au titre du respect de l’article 344 TFUE.
Un lien très fort entre le rappel des exigences de fond et la jurisprudence de la CJUE
1004 • Au surplus des conditions de fond ainsi rappelées, il faut relever, comme a pu le faire Hélène Gaudin (H. Gaudin, « Si proches, si lointaines…L’Union européenne face à la Convention européenne des droits de l’homme », AJDA 2015, p. 1079 et suiv.), l’importance du lien entre la définition de ces exigences de fond et la jurisprudence de la Cour de justice. C’est un vocabulaire constitutionnel qui est globalement utilisé par le juge de l’Union comme l’y autorise la procédure de l’article 218 -11 TUE qui fait de lui le gardien de son ordre juridique puisqu’il peut, par un avis négatif, empêcher l’entrée en vigueur de l’accord international, « sauf modification de celui-ci ou révision des traités ». La Cour défend les droits souverains de l’Union comme des juges constitutionnels nationaux défendent les droits souverains de l’Etat. Les termes employés dans l’avis renvoient très clairement à des principes déjà protégés par la Cour de justice que ce soit le principe d’autonomie (Cf. CJCE, GC, 30 mai 2006, Mox, Aff. n° C-459/03, Rec. CJCE, I, p. 4635 et CJCE, GC, 3 septembre 2008, Kadi, Aff. n° C-402/05, Rec. CJCE, I, p. 6351) ou le principe de non affectation de l’Union permettant d’assurer la prééminence du droit de l’Union face aux tendances centrifuges qu’il peut connaitre (CJCE, GC, 13 septembre 2005, Commission des communautés européennes contre Conseil de l’Union européenne, Aff. n° C-176/03, Rec. CJCE, I, p. 7879). La Cour s’appuie aussi, de manière significative, sur l’article 19 TUE qui matérialise sa compétence (§163 de l’avis). Il est utilisé chaque fois qu’elle s’érige en gardienne de son ordre juridique et qu’elle preuve d’innovation interprétative (Cf., dans le même sens, l’utilisation de l’article dans les jurisprudences CJCE, 23 avril 1986, Parti écologiste Les verts contre Parlement européen, Aff. n° C-294/83, Rec. CJCE, I, p. 1339 ; CJUE, Ass. Plén., 27 novembre 2012, Thomas Pringle contre Gouvernement irlandais, Aff. n° C-370/12 ou encore CJUE, GC, 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami, Aff. n°C-583/11).
→ Les motifs de la déclaration d’incompatibilité : la mise en avant de l’autonomie du droit de l’Union
Un avis qui défend les caractéristiques spécifiques du droit de l’Union
1005 • Le juge de l’Union a entamé son avis par de longues considérations liminaires sur les « caractéristiques spécifiques de l’Union et son droit » pour démontrer la spécificité de l’adhésion d’une organisation telle que l’Union par rapport à l’adhésion d’un Etat, seule hypothèse jusque-là connue dans le fonctionnement de la ConvEDH. Le juge de l’Union rappelle sa jurisprudence classique (notamment Van Gend and Loos, Aff. n°C-26/62 ; Costa, Aff. n°C-6/64) tout en évoquant, de manière forte, l’appartenance de l’Union à un « ordre juridique d’un genre nouveau, ayant une nature qui lui est spécifique, un cadre constitutionnel et des principes fondateurs qui lui sont propres, une structure institutionnelle particulièrement élaborée ainsi qu’un ensemble complet de règles juridiques qui en assurent le fonctionnement » (§158 de l’avis). La Cour justifie ensuite son interprétation sur des considérations de texte (art. 6-2 TUE et protocole n°8) tout en déclinant une nouvelle fois les composantes de la spécificité de l’Union (principe des compétences d’attribution, système des sources autonomes, principes de primauté et d’effet direct). Toutes ses caractéristiques ayant donné lieu « à un réseau structuré de principes, de règles et de relations juridiques mutuellement interdépendantes liant, réciproquement, l’Union elle-même et ses États membres, ainsi que ceux-ci entre eux, lesquels sont désormais engagés, […] dans un « processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » (§167 de l’avis).
L’absence de mécanisme de coordination entre les article 53 ConvEDH et CDFUE
1006 • L’article 53 ConvEDH fait de la ConvEDH une garantie minimale de protection des droits fondamentaux au-delà de laquelle les Etats contractants sont libres d’agir en accordant, par exemple, des droits supérieurs. L’article 53 CDFUE apporte une précision similaire à propos de la Charte. Néanmoins, la Cour de justice a eu l’occasion d’interpréter ce dernier article dans la décision Melloni (CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, Aff. n°C-399/11) en estimant que l’application des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, si elle se révèle plus élevée que celle offerte par la Charte, ne devait pas compromettre le niveau de protection prévu par la Charte, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union. Les Etats membres ne peuvent refuser de mettre en œuvre le droit de l’Union au nom d’un droit fondamental national qui serait plus efficacement garanti par leur Constitution nationale que par la Charte. L’adhésion de l’Union à la ConvEDH serait ainsi susceptible de mettre en cause la jurisprudence Melloni par la possibilité pour les Etats membres d’invoquer l’article 53 ConvEDH. Le juge de l’Union souhaite, ainsi, qu’en cas de conflit entre les deux niveaux de protection, il ne soit pas possible de s’appuyer sur la ConvEDH pour revendiquer l’application de dispositions offrant un niveau de protection plus élevé aux requérants.
L’absence d’articulation entre la procédure d’avis consultatif (Protocole n°16 à la ConvEDH) et la procédure de renvoi préjudiciel (art. 267 TFUE)
1007 • Le protocole n°16 à la ConvEDH permet, comme on a déjà pu le souligner, aux juridictions suprêmes d’un Etat de demander un avis consultatif à la CourEDH. Aux termes de l’article 1er dudit protocole, les plus hautes juridictions d’une Haute Partie contractante, peuvent adresser à la CourEDH des demandes d’avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles. La procédure est facultative et l’avis du juge européen est non contraignant. L’extension de la compétence consultative du juge européen est censée renforcer l’interaction entre la Cour et les autorités nationales tout en consolidant la mise en œuvre de la Convention. Mais la Cour de justice juge qu’il pourrait affecter l’autonomie et l’efficacité de la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE. L’objection est discutable dans la mesure où la faculté offerte par le protocole s’exerce sans porter préjudice à d’autres procédures préjudicielles comme la QPC en France. En réalité, l’objection découle de la possibilité pour les juridictions nationales de saisir la CourEDH de questions présentant un lien avec le droit de l’Union au détriment du renvoi préjudiciel. Il y a des articles identiques entre la ConvEDH et la CDFUE, les juridictions nationales pourraient solliciter une interprétation de la ConvEDH au lieu de solliciter, en priorité, une interprétation de la Charte (par ex. dans le cadre du traitement des données personnelles sur Internet). Pourtant les deux procédures ne sont pas sans parenté et elles pourraient être interprétées comme un signe de rapprochement conceptuel entre les deux juges. L’objectif de ces deux consultations est le même et vise à faciliter l’application des décisions internationales par les juridictions nationales (voir en ce sens, A.-C. Guillermain, « Quand l’élève transcende le maitre : le dialogue européen dans le protocole additionnel n°16 à la convention européenne des droits de l’homme à la lumière de la procédure préjudicielle de l’Union européenne », https://blogs.parisnanterre.fr). Nonobstant ses éléments, la CJUE y voit plutôt deux procédures concurrentes. Reste à savoir quel serait la position des juges nationaux, le refus d’appliquer la Charte au bénéfice de la ConvEDH exposerait les Etats à une procédure en manquement si le droit de l’Union est concerné. La règle est que rien ne doit empêcher le juge national de faire un renvoi préjudiciel à Luxembourg (Cf. CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, Aff. jointes n° C-188/10 et C-189/10 précitées, §45 à propos du conflit entre QPC et questions préjudicielle à la CJUE). En tout état de cause, la menace du protocole n°16 sur le renvoi préjudiciel doit « être relativisée, en ce qu’elle ne devrait être que ponctuelle » compte tenu des aspects procéduraux différents et fonction propre de chacun des dispositifs (L. Blatiere, « Le bilan du renvoi préjudiciel : un succès menacé par l’avis consultatif devant la CEDH ? », Revue UE 2019, p. 479 et suiv.).
→ Les motifs de la déclaration d’incompatibilité : les risques liés à l’adhésion
Les risques liés à l’institution du nouveau mécanisme de codéfendeur dans les requêtes individuelles
1008 • Le mécanisme de coresponsabilité au niveau des requêtes individuelles est prévu à l’article 3 du projet d’accord sur l’adhésion qui dispose que « l’Union européenne, ou un Etat membre de l’Union européenne, peut devenir codéfendeur dans une procédure par décision de la Cour ». Le mécanisme devait permettre à l’Union de devenir partie à l’affaire quand une requête était introduite devant la CourEDH avec un Etat membre comme seul défendeur dans la mesure ou l’Union, par sa nature spécifique, se superpose institutionnellement aux Etats membres. Il fallait que l’action ou l’omission de l’Etat membre en cause ait pour origine l’acte d’exécution d’un acte de droit de l’Union. L’inverse est également possible quand la requête vise uniquement l’Union, des Etats membres pourront également devenir partie en tant que codéfendeurs. Il pouvait y avoir codéfendeur soit sur invitation du juge européen, soit à la demande de l’Union ou de l’Etat qui voyait alors sa demande examinée par la CourEDH pour vérification des conditions. Si une violation était constatée, le défendeur et le codéfendeur étaient normalement conjointement responsables de la violation mais, par exception au principe, le juge européen pouvait décider de ne retenir que la responsabilité de l’un deux. Dans les deux cas évoqués, la CJUE a jugé que le mécanisme amènerait, pour le juge de l’Union, à ce que la CourEDH puisse porter préjudice à la répartition des compétences entre l’Union et ses Etats membres. Cette question ne peut être résolue qu’en application des règles du droit de l’Union et que sous le contrôle du juge de l’Union qui bénéficie d’un monopole de compétence en la matière d’où la remise en cause.
Les risques liés à la fixation de l’ordre des compétences pour le règlement des différends dans les recours interétatiques (art. 344 TFUE et art. 33 ConvEDH)
1009 • L’article 344 TFUE octroie un monopole de juridiction au juge de l’Union quant à tous les litiges touchant le droit de l’Union entre Etats membres. Il prévoit qu’en cas de différend entre Etats membres ou entre Etats membres et Union européenne quant à l’interprétation ou à l’application des traités, il y a obligation pour les Etats de soumettre leur différend qu’à un mode de règlement prévu par le droit de l’Union. Du côté de la ConvEDH, l’article 33 permet à « toute Haute partie contractante », donc à un Etat membre de l’Union ou l’Union elle-même, de saisir la CourEDH de tout manquement aux dispositions conventionnelles qui pourrait être imputé « à une autre Haute partie contractante », donc à nouveau à un Etat membre de l’Union ou l’Union elle-même. En conséquence, l’article pourrait autoriser un Etat membre à poursuivre un autre Etat membre devant la CourEDH pour un litige touchant au droit de l’Union mais qui poserait une question d’application de la ConvEDH ce qui, pour le juge de l’Union, violerait l’article 344 TFUE et le monopole de juridiction du juge de l’Union. D’un point de vue pratique, quand on regarde les recours interétatiques devant la CourEDH (Cf. tableau récapitulatif de l’ensemble des 17 requêtes interétatiques portées devant la Cour EDH : http://www.echr.coe.int) voire devant la CJUE (très peu d’arrêts ont été rendus au titre de l’article 259 TFUE : CJCE, 4 octobre 1979, France contre Royaume- Uni, Aff. n°C-141/78, Rec CJCE, p. 2923 ; CJCE, 16 mai 2000, Belgique contre Espagne, Aff. n°C-388/95, Rec. CJCE, I, p. 3123 ; CJCE, 12 septembre 2006, Espagne contre Royaume- Uni, Aff. n°C-145/04, Rec. CJCE, I, p. 7917 et CJUE, 16 octobre 2012, Hongrie contre Slovaquie, Aff. n°C-364/10 ; CJUE, GC, 18 juin 2019, Autriche contre Allemagne, Aff. n°C-591/17 où la CJUE s’est prononcée sur la compatibilité avec le droit de l’Union du cadre juridique allemand qui a introduit une redevance pour l’utilisation par les véhicules automobiles particuliers des routes fédérales, y compris les autoroutes), le phénomène est plus que secondaire. Les Etats préférant la plupart du temps agir par le biais de la Commission et du recours en manquement. De toute façon, il y aurait immanquablement violation du principe de primauté. A noter la première utilisation de l’article 273 TFUE qui prévoit que la « Cour de justice est compétente pour statuer sur tout différend entre Etats membres en connexité avec l’objet des traités, si ce différend lui est soumis en vertu d’un compromis » à propos d’un différend opposant l’Autriche à l’Allemagne où le juge, pour éviter de se retrouver à interpréter les droits nationaux, a fondé son refus de prendre position sur une information insuffisante (CJUE, GC, 12 septembre 2017, Autriche contre Allemagne, Aff. n°C-648/15, RTDE 2018, p. 351, chron. L. Coutron, AJDA 2017, p. 2299, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser).
Les risques liés à la mise en place du « mécanisme d’implication préalable » de la CJUE
1010 • Le mécanisme d’implication préalable (ou procédure de contrôle interne préalable) est prévu à l’article 3 du projet d’accord. Il s’analyse comme un renvoi préjudiciel de la CourEDH auprès de la CJUE de questions relatives à la compatibilité du droit de l’Union avec la ConvEDH ou les protocoles auxquels l’UE a adhéré (pour une approche générale, voir R. Foucart, « Avis 2/13 : la sanction du mécanisme d’implication préalable par la Cour de Justice », http://www.gdr-elsj.eu, 20 février 2015). La mise en place de cette procédure était souhaitée par la CJUE elle-même (Document de réflexion du 5 mai 2010 de la CJUE sur certains aspects de l’adhésion de l’Union à la ConvEDH) pour palier au risque que le juge européen soit amené à se prononcer dans une affaire ayant un lien avec le droit de l’Union sans que le juge de l’Union ait pu le faire au préalable. Malgré l’accord initial du juge de l’Union, la procédure reste remise en cause. Le projet d’accord entend permettre à la CJUE de statuer, dans le cadre de la procédure de l’implication préalable, aussi bien sur la validité d’une disposition du droit dérivé que sur l’interprétation d’une disposition du droit primaire. Cette disposition apparait limitative aux yeux du juge de l’Union dans la mesure où il serait privé de la possibilité d’interpréter le droit dérivé. Il y a là une limitation de la compétence exclusive de la CJUE en la matière. Le juge de l’Union exige, au contraire, une communication automatique de toute affaire pendante devant la CourEDH afin de pouvoir lui-même apprécier s’il a déjà statué sur la même problématique (point 241 de l’avis).
Un compromis impossible sur la question de la PESC ?
1011 • La Cour de justice a une compétence plus que limitée en matière de PESC. L’article 24-1 TUE dispose que la « CJUE n’est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions ». Pour autant, le Traité de Lisbonne a ouvert quelque peu les possibilités de contrôle juridictionnel en permettant à la Cour de justice de s’assurer de la séparation effective des éléments de la PESC avec les autres politiques de l’Union (en vertu art. 40 TUE) et de contrôler la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales (en vertu des articles 263 et 275 TUE, les particuliers pouvant demander à ce sujet l’annulation des décisions). Le juge de l’Union rappelle alors dans l’avis 2/13 qu’il « n’a pas encore eu l’opportunité de préciser la portée des limitations de sa compétence résultant, en matière de PESC, desdites dispositions » (§251). Comme « en l’état actuel du droit de l’Union, certains actes adoptés dans le cadre de la PESC échappent au contrôle juridictionnel de la Cour » (§252), cela impliquerait que la CourEDH puisse être saisi d’un acte qui n’aurait, faute de voie de recours disponible en droit de l’Union, pu être soumis à la Cour de justice et cela impliquerait, par voie de conséquence, la soumission exclusive de l’Union au contrôle d’un organe externe. Cela n’est pas acceptable pour le juge de l’Union même si ce contrôle est limité « au respect des seuls droits garantis par la CEDH » (§255). Il ne peut y avoir de renégociation sur ce point mis à part le fait d’exclure le contrôle de ces actes du champ de compétence du juge européen pour les besoins toujours identiques de flexibilité et de discrétion. Mais quel serait le message ainsi envoyé à un moment où le climat politique au sein de l’Union est si tendu ?
Un compromis impossible sur la gestion par les juges du conflit entre respect de la confiance mutuelle et respect des droits fondamentaux ?
1012 • C’est l’élément qui semble poser le plus de souci au juge de l’Union. Le problème n’est plus structurel mais relève directement d’une interprétation divergente entre les deux juges. En matière de droits fondamentaux, l’élément clé du système au niveau des différents mécanismes de coopération est celui de la « confiance mutuelle », notamment dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Le principe implique que, dans leurs relations mutuelles, les Etats membres acceptent que la protection des droits fondamentaux qu’ils assurent soit équivalente entre tous les Etats membres de telle sorte qu’ils puissent s’abstenir d’exercer un contrôle ou de s’opposer à ce qui pourrait exister en la matière sur le territoire d’un Etat membre donné. Le respect des droits fondamentaux est en quelque sorte présumé. Cette logique est notamment appliquée en matière de mandat d’arrêt européen ou en droit des étrangers pour les demandes d’asile. La Cour de justice relève ainsi que si « le droit de l’Union impose la confiance mutuelle entre ses Etats membres » (§194) et que les Etats membres peuvent être tenus, en vertu du droit de l’Union, de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres Etats membres, la « CEDH […] exigerait d’un Etat membre la vérification du respect des droits fondamentaux par un autre Etat membre » (§194) ce qui serait « susceptible de compromettre l’équilibre sur lequel l’Union est fondée ainsi que l’autonomie du droit de l’Union » (§194).
2 – L’échec relatif de l’adhésion de l’Union à la ConvEDH
→ Un refus d’adhésion aux conséquences à relativiser
Les réactions, a priori, négatives sur l’avis 2/13
1013 • C’est d’abord la CourEDH, elle-même, qui a réagi en estimant que l’avis contraire de la CJUE était « une grande déception » (D. Spielmann, ex-président de la CourEDH dans ses avant-propos rapport annuel d’activité de la CourEDH pour 2014) et en rappelant, à la fois, que les Etats membres et les institutions de l’Union s’étaient déjà exprimés en faveur de la compatibilité de l’accord avec les traités TUE et TFUE et que les premières victimes de l’avis contraire se trouvaient être les citoyens qui se voyaient ainsi privés du « droit de soumettre les actes de l’Union européenne au même contrôle du respect des droits de l’homme que celui qui s’applique à tous les États membres » (p. 6 du rapport). Les instances du Conseil de l’Europe ont ainsi pu marquer une légitime déception, sans que le processus ne puisse, être considéré comme achevé ni arrêté. Du côté de la doctrine, on a pu parler d’un véritable « psychodrame juridique » dans le sens où il mettait un coup d’arrêt au processus d’adhésion de l’Union à la ConvEDH (C. Maubenard, « Dossier : Après l’avis 2/13 de la Cour de justice. De la saine concurrence à la préservation d’un patrimoine commun des droits fondamentaux par les cours européennes », RUE 2016, p. 398), d’un avis négatif « particulièrement négatif » (D. Simon, « Deuxième (ou second et dernier) coup d’arrêt à l’adhésion de l’Union à la CEDH : étrange avis 2/13 », Europe 2015, étude n°2), d’un « éventuel « black Thursday » dans l’histoire de la protection des droits fondamentaux » (Ibid.) ou encore « d’ukase (édit promulgué par le tsar, décision arbitraire) de la Cour » (L. Usunier, « Requiem for a dream : la Cour de justice de l’Union européenne se prononce contre l’adhésion de l’Union européenne à la ConvEDH », RTDCiv 2015, p. 335 et suiv.).
Les principaux reproches émis à propos de l’avis 2/13
1014 • C’est d’abord la qualification d’une « prise de position défensive manquant d’ouverture » et, qui plus est, contraire à la prise de position de l’avocate générale qui avait estimé, elle, l’accord compatible, sous certaines réserves, avec les règles des traités, qui est soulignée par la majorité de la doctrine. Mais le principal reproche tient au fait que la CJUE aurait accordé plus d’importance à la spécificité de l’Union qu’à la réalité de la protection des droits fondamentaux en son sein (par ex., H. Gaudin, « Si proches, si lointaines… L’Union européenne face à la ConvEDH », AJDA 2015, p. 1079 et suiv.). La Cour reviendrait ainsi à placer à nouveau les droits fondamentaux à un niveau inférieur dans la hiérarchie de ces priorités, ces derniers n’étant sauvegardé que « dans le cadre de la structure et des objectifs de la Communauté » (selon la formule de l’arrêt CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, Aff. n°11/70, Rec. CJCE, p. 1125, §4). L’évolution de leur contrôle va pourtant dans le sens inverse puisqu’ils sont aujourd’hui valorisés et élevés au rang de fondement de l’Union. De même, alors que la logique actuelle tend à assurer une cohérence dans la protection des droits au niveau européen, la Cour réaffirme l’autonomie des droits fondamentaux au sein de l’Union. Il y a ici une contradiction avec les dispositions mêmes du droit de l’Union, notamment l’article 52 CDFUE, qui organisent pourtant une mise en cohérence des droits de l’homme dans l’espace juridique de l’Union. Les droits reconnus par la Charte étant limités et interprétés tant vis-à-vis de la ConvEDH que des droits constitutionnels nationaux.
Une solution aléatoire visant à renégocier l’accord
1015 • Il y a débat, d’abord, au sein de la doctrine quant à l’existence ou non d’une obligation juridique pour l’Union visant à renégocier l’accord. Pour certains auteurs, l’avis 2/13 va à l’encontre de l’article 6-2 TUE qui impose à l’Union d’adhérer à la ConvEDH aux termes de ce qui s’apparente à une obligation de résultat (« L’Union adhère à la Convention… »). Il semble, de ce fait, qu’il y ait une obligation de reprise du processus d’adhésion ou tout le moins d’impossibilité de remise en cause définitive de ce même processus (Cf. J.-P. Jacqué, « L’avis 2/13 CJUE. Non à l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme ? », www.free-group.eu ; L. Usunier, « Requiem for a dream : la cour de justice de l’Union se prononce contre l’adhésion de l’Union européenne à la ConvEDH », RTDCiv 2015, p. 335 et suiv.) ; prise de position de l’avocat général Kokott le 13 juin 2014 sur la procédure d’avis 2/13, §73, www.curia.europa.eu). Pour d’autres auteurs, l’obligation semble plus ambiguë à partir du moment où l’obligation d’engager le processus est satisfaite (Cf. J.-C. Bonichot, « Des rayons et des ombres : les paradoxes de l’article 6 du Traité sur l’Union européenne », Mélanges Costa, Paris, Dalloz, 2011, p. 59 ; H. Labayle et F. Sudre, « L’avis 2/13 de la Cour de justice sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme : pavane pour une adhésion défunte ? », RFDA 2015, p. 3 et suiv., § 99). Il est ainsi difficile de savoir si le processus d’adhésion doit reprendre ou non. D’un point de vue pratique, l’ensemble de la doctrine reconnait que la renégociation de l’accord est, au minimum, « délicate voire présomptueuse » (en ce sens, H. Labayle et F. Sudre précité) voire, au maximum, « une véritable gageure » (L. Usunier, art. précité). Obtenir de nouvelles concessions semble quasi impossible. Certains éléments pourraient être retravaillés comme le mécanisme de codéfense, l’implication préalable, l’article 344 TFUE ou la contradiction entre l’article 53 ConvEDH avec l’article 53 CDFUE mais il resterait principalement trois soucis majeurs à régler : outre l’incompatibilité tirée du protocole n°16 ou la question de la PESC, il reste le souci de l’appréhension entre les deux juges européens du conflit entre respect de la confiance mutuelle et protection des droits fondamentaux (Voir, en ce sens, S. Platon, « Le rejet de l’accord d’adhésion de l’Union européenne à la CEDH par la Cour de justice : un peu de bon droit, beaucoup de mauvaise foi ? », RDLF 2015, chron. n° 13).
→ Le cas particulier de l’appréhension du principe et de la notion de « confiance mutuelle » : des divergences à relativiser
Un conflit de jurisprudence a priori entre le juge européen et le juge de l’Union
1016 • Comme l’on fait remarquer plusieurs auteurs (par ex., S. Platon, « Le rejet de l’accord d’adhésion de l’Union européenne à la CEDH par la Cour de justice : un peu de bon droit, beaucoup de mauvaise foi ? », RDLF 2015, chron. n°13), le rejet de l’adhésion par le juge de l’Union eu égard à la question de l’appréhension de la notion de confiance mutuelle renvoie à une contradiction de jurisprudence entre le juge de l’Union et le juge européen. Le juge européen a ainsi posé un standard assez élevé dans le cadre du contrôle des transferts de demandeurs d’asile puisque ces derniers ne peuvent être transférés, en application du « système Dublin », s’ils risquent d’être soumis à un traitement contraire à la ConvEDH (CourEDH, GC, 21 janvier 2011, M.S.S. contre Belgique et Grèce, req. n°30696/09) ou qu’il existe, par exemple, une insuffisance des conditions d’accueil dans l’Etat en question (CourEDH, GC, 4 novembre 2014, Tarakhel contre Suisse, req. n°29217/12). Le juge de l’Union a fait sien ce raisonnement mais avec une différence notable dans la mesure où il a estimé que seule une défaillance systémique de l’Etat d’accueil dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant pouvait conduire à lever la présomption (CJUE, 21 décembre 2011, N.S. contre Secretary of State for the Home Department et M.E. et autres contre Refugee Applications Commissioner, Minister for Justice, Equality and Law Reform, Aff. n°C-411/10 et n°C-493/10, §86 ou CJUE, 10 décembre 2013, Abdulllabi contre Bundesasylamt, Aff. n° C-394/12, §60). Ce n’est pas la position du juge européen qui n’utilise pas ce critère de la défaillance systémique (critère d’ailleurs codifié à l’article 3 §2 al. 2 lors de la refonte en 2013 du système Dublin par le règlement « Dublin III » n°604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), JOUE, 26 juin 2013, L180/31). La CourEDH impose un examen au cas par cas de chaque situation et l’origine du risque importe peu pour elle. Il ne modifie en rien le niveau de protection garanti par la Convention ou les obligations imposées à l’Etat auteur de la mesure de renvoi.
Une convergence de jurisprudence a posteriori : l’arrêt « Avotins » et la reconnaissance conventionnelle de la confiance mutuelle
1017 • Il y avait deux façons d’analyser l’utilité de l’adhésion de l’Union à la ConvEDH. La première amenait à considérer l’adhésion comme un moyen d’institutionnaliser la relation déjà existante entre la ConvEDH et l’Union ce qui posait la question de l’utilité réelle de l’adhésion (En ce sens, H. Labayle et F. Sudre, « L’avis 2/13 de la Cour de justice sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme : pavane pour une adhésion défunte ? », RFDA 2015, p. 3 et suiv., §119). La seconde amenait à considérer que la CourEDH devait abandonner, en conséquence, la présomption d’équivalenceposée par l’arrêt « Bosphorus » qui, jusqu’alors, réglait, pour l’essentiel, les rapports de la ConvEDH avec l’ordre juridique de l’Union. L’adhésion de l’Union à la ConvEDH étant bloquée, la présomption d’équivalence a vocation à demeurer le seul outil de conciliation entre les deux systèmes européens et on attendait avec impatience la position du juge européen suite au refus d’adhésion. Deux choix possibles : soit laisser les choses en l’état, soit renforcer la jurisprudence « Bosphorus » en rendant le contrôle plus tranchant ou plus aigu (en ce sens, D. Szymczak, « La perspective d’un contrôle externe des actes de l’Union européenne » in R. Tinière et C Vial, La protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne. Entre évolution et permanence, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 357 et suiv.). Il n’y a pas eu de représailles, en réalité, du côté du juge européen qui a maintenu à l’égard de l’Union la théorie de la présomption de protection équivalente telle qu’il l’appliquait jusque-là. L’arrêt « Avotins » (CourEDH, 23 mai 2016, Avotins contre Lettonie, req. n°17502/07) aurait pu lui permettre, dans le contexte du refus de la Cour de justice, de durcir quelque peu sa jurisprudence. Il s’agissait d’une affaire d’exécution à Chypre d’un jugement de recouvrement de dettes à l’endroit d’un ressortissant letton qui estimait n’avoir jamais reçu la citation à comparaitre ni la notification du jugement La Cour était amenée à analyser, pour la première fois, les mécanismes de reconnaissance mutuelle de décisions étrangères qui limitent le pouvoir de contrôle du juge national. La Cour souligne que, de façon paradoxale, ce contrôle est doublement limité (§115) soit par deux types de présomption, celle en matière de reconnaissance mutuelle posée par le droit de l’Union et celle en matière d’équivalence posée par le droit européen dans l’arrêt Bosphorus.
Une convergence de jurisprudence a posteriori : l’arrêt « Avotins » et le contrôle conciliant de « l’insuffisance manifeste »
1018 • La Cour rappelle bien, dans l’arrêt « Avotins », que la présomption n’est pas un blanc-seing car les dispositifs de reconnaissance mutuelle ne doivent laisser « subsister aucune lacune ou situation particulière donnant lieu à une insuffisance manifeste de la protection des droits de l’homme garantis par la Convention » (§ 116). Elle renvoie aussi, conformément au principe de subsidiarité, les juges nationaux à leur responsabilité dans ce cas (§116). En agissant ainsi, alors même que la confiance mutuelle entre Etats membres vient d’être érigé comme principe constitutionnel du droit de l’Union, le juge européen envoie un message non seulement aux juges nationaux mais aussi au juge de l’Union, un contrôle de « l’insuffisance manifeste » de protection pouvant être établi par la CourEDH nonobstant le principe de confiance mutuelle. Pour autant la CourEDH va se révéler particulièrement « conciliante » (L. Milano, « Protection des droits fondamentaux et mécanismes de reconnaissance mutuelle dans l’Union européenne », JCP 2016, G, n°898) dans son contrôle de « l’insuffisance manifeste » en évitant de déceler une violation des règles du procès équitable. Elle rejette, en effet, l’obligation de diligence incombant aux juridictions nationales en dressant, à l’inverse, une « obligation renforcée de diligence » (L. Milano, op. cit.) à l’encontre du requérant. Pour la Cour, le requérant est fautif dans la mesure où il « aurait dû veiller à connaitre les modalités d’une éventuelle procédure devant les juridictions chypriotes et son « inaction et son manque de diligence » a « largement contribué à créer la situation dont il se plaint […] » (§ 124). Au final, le contrôle opéré par le juge européen s’avère « très superficiel » (L. Milano, op. cit.) sacrifiant « le niveau de protection conventionnelle sur l’autel de la « courtoisie » judiciaire » » (L. Burgorgue-Larsen, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme (janvier-juillet 2016) », AJDA 2016, p. 1738 et suiv.).
Une convergence de jurisprudence a posteriori : un refus de la confiance mutuelle pas limité, par le juge de l’Union, aux défaillances systémiques (1)
1019 • C’est d’abord, en premier lieu, l’avis 2/13 qui ne se présente pas comme une répétition de principe de la jurisprudence N.S. Le juge de l’Union substitue, en effet, à l’expression « défaillances systémiques », l’expression « circonstances exceptionnelles » (§191). Cette dernière expression amenant éventuellement à couvrir l’hypothèse de l’arrêt « Tarakhel » (CourEDH, 4 novembre 2014, Tarakhel contre Suisse, req. n° 29217/12) où, compte tenu de la situation particulièrement vulnérable des demandeurs en l’espèce, la décision suisse d’expulser sans condition une famille afghane avec des enfants mineurs vers l’Italie a été jugé contraire à l’article 3 ConvEDH parce qu’ils n’ont pas obtenu, au préalable, des autorités italiennes la garantie d‘une prise en charge adaptée à l’âge des enfants et de la préservation de l’unité familiale (Voir, en ce sens, J.-P. Jacqué, « La confiance mutuelle, un élément fédéral dans l’Union européenne ? », Mélanges Zoller, Paris, Dalloz, 2018, p. 82 et suiv., spéc. p. 93). C’est dans un arrêt « Aranyosi et Caldararu » (CJUE, GC, 5 avril 2016, Pal Aranyosi et Robert Caldararu, Aff. n°C-404/15 et n°C-659/15 PPU) que l’on va noter le rapprochement le plus marquant de la vision de la Cour de justice avec celle du juge européen. Le juge de l’Union y élargi les circonstances qui peuvent justifier la non application du principe de confiance mutuelle en jugeant que celui-ci ne peut jouer lorsque des violations graves des droits fondamentaux sont allégués. La CourEDH évoque des « défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes, soit encore certains centres de détention en ce qui concerne les conditions de détention dans l’Etat membre d’émission […] » (§ 193). Des défaillances locales ou encore concernant des catégories particulières de personnes (réfugiés, demandeurs d’asile d’une nationalité particulière, personnes discriminées en raison de leur homosexualité ou familles avec enfants mineurs, …) peuvent ainsi également mettre à l’écart le principe de confiance mutuelle. Dans l’affaire en question, l’Allemagne s’est vue autorisée, au final, à ne pas remettre à la Hongrie un de ses ressortissants, au motif que l’intéressé risquait de rester longtemps en détention préventive, alors que la surpopulation carcérale dans ce pays avait été qualifiée de traitement inhumain et dégradant par la CourEDH.
Une convergence de jurisprudence a posteriori : un refus de la confiance mutuelle pas limité, par le juge de l’Union, aux défaillances systémiques (2)
1020 • L’arrêt « C. K. » (CJUE, GC, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. contre Slovénie, Aff. n° C-578/16 PPU), rendus aux conclusions contraires de l’avocat général Tanchev, a confirmé cette évolution. L’arrêt confirme le dépassement du seul cas de la présence de « défaillances systémiques » dans le pays responsable. Lorsque le transfert du demandeur d’asile, dont l’état de santé est particulièrement grave, pourrait avoir des conséquences irréversibles, les autorités doivent tenir compte de tous les éléments médicaux à la cause et écarter le doute d’un risque lié au transfert lui-même, y compris sur un plan psychique. Pour cela, elles doivent prendre des précautions suffisantes, sous le contrôle du juge national. La Cour rappelant que l’interdiction des traitement inhumains et dégradants de l’article 4 CFDUE « correspond à celle énoncée à l’article 3 CEDH » (§67), son sens et sa portée sont « les mêmes que ceux que lui confère cette convention » (Ibid.) Il y a là un rapprochement marqué entre les deux juridictions. La CourEDH, dans son arrêt Tarakhel, avait indiqué expressément, que même en l’absence de « défaillances systémiques », l’État n’est pas exempt de l’examen du doute sérieux de violation de l’article 3 ConvEDH et qu’il doit sursoir au transfert en cas de risque avéré.
→ Le cas particulier de l’appréhension du principe et de la notion de « confiance mutuelle » : des convergences destinées à matérialiser une protection optimum des droits fondamentaux
Des préoccupations relatives aux droits fondamentaux qui viennent, désormais, limiter le principe
1021 • Pour certains, l’adhésion à la ConvEDH serait devenue « superflue, voire anachronique » (en ce sens, J.-L. Sauron, « L’avis 2/13 de la Cour de justice de l’Union européenne : la fin d’une idée anachronique ? », GP 2015, 17 janvier, n° 17, p. 4 ; F. Picod, « La Cour de justice a dit non à l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme – Le mieux est l’ennemi du bien, selon les sages du plateau du Kircherg », JCP 2015, G, n°145), l’avis 2/13 ne présentant pas en lui-même « d’innovation particulière » (R. Tinière, « Le rôle de la Charte dans la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne depuis l’avis 2/13 : vers un modus vivendi avec le droit de la Convention ? », RUE 2016, p. 400 et suiv.…) et n’ayant pas « nécessairement d’effet de prescription pour le futur » ( Ibid.). L’étude de la jurisprudence postérieure à l’avis 2/13 montre qu’on ne se dirige pas vers une autonomisation des droits respectifs de l’Union et de la Convention mais plutôt vers une recherche, de la part du juge de l’Union d’une sorte de « modus vivendi avec le droit de la Convention » (Ibid.). S’il y a débat sur la véritable position du juge de l’Union dès l’origine (le président de la CJUE Koen Lenaerts a pu démonter qu’il n’y avait pas de changement de jurisprudence et que la position actuelle du juge de l’Union était déjà celle prise initialement : Cf. ouverture de l’année judiciaire 2018 à la CourEDH, intervention K. Lenaerts, « La CEDH et la CJUE : créer des synergies en matière de protection des droits fondamentaux », https://www.echr.coe.int, 26 janvier 2018), les préoccupations relatives aux droits fondamentaux viennent, désormais, clairement limiter le principe de confiance mutuelle. La jurisprudence porte essentiellement, on l’a vu, sur l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants (art. 3 ConvEDH et art. 4 CDFUE) mais elle pourrait être complété par le droit à un recours juridictionnel ou à une protection juridictionnelle effective (art. 6 ConvEDH et art. 47 CDFUE) ou le droit des enfants ou la règle non bis in idemdans le cas de la reconnaissance de jugements étrangers (en ce sens, J.-P. Jacqué, « La confiance mutuelle : un élément fédéral dans l’Union européenne », op. cit.)
Un principe destiné, certes, à être préservé pour respecter la souveraineté des Etats membres
1022 • Si les moyens de mettre en cause la confiance mutuelle deviennent, par les jurisprudences combinées du juge européen et du juge de l’Union, plus importants, il semble, pourtant, que les deux juges aient « l’idée de laisser toujours une chance au fonctionnement de la confiance mutuelle même en cas de risque de violation des droits fondamentaux » (J.-P. Jacqué, « La confiance mutuelle, un élément fédéral dans l’Union européenne », op.cit.). Dans le cadre du mandat d’arrêt européen, les exceptions prévues au non-respect de la confiance mutuelle sont « strictement encadrées » (M. Guiresse, « Confiance mutuelle et mandat d’arrêt européen : évolution ou inflexion de la Cour de justice ? », www.gdr.elsj.eu, 12 avril 2016). Pour le juge, il faut des éléments « objectifs, fiables, précis et dument actualisés » pour marquer le constat de défaillance par l’autorité judiciaire (CJUE, GC, 5 avril 2016, Pal Aranyosi et Robert Caldararu, op. cit., §89). A titre d’exemple, cela peut concerner des décisions judiciaires internationales comme des arrêts de la CourEDH ou des rapports d’organisations internationales ou d’organes européens. A partir du moment où la situation exceptionnelle est identifiée, l’autorité judiciaire se voit imposer une nouvelle obligation de contrôle : vérifier, à l’aide de « griefs sérieux et avérés » (CourEDH, 17 avril 2018, Pirozzi contre Belgique, req. n°21055/11, §64), l’existence de risques dont la simple existence ne suffit pas. Les risques devant être réels ou susceptibles de se réaliser. On peut aussi parler de risques concrets et précis visé par le mandat. Il y a, au final, application, par le juge, d’un double contrôle in abstracto et in concreto amenant à identifier, par exemple, les défaillances dans les conditions de détention dans l’Etat d’émission.
Un principe qui ne peut exister, néanmoins, que s’il existe un partage effectif des valeurs communes par tous les Etats membres de l’Union
1023 • Comme le suggère certains auteurs, si le principe de confiance mutuelle peut perdurer, il doit pouvoir s’appuyer sur le respect et le partage effectif de valeurs communes par tous les Etats membres de l’Union. Si ce respect n’existe pas au niveau national dans tous les Etats membres, le principe de confiance mutuelle ne peut s’appliquer. Ce sont ces valeurs communes, notamment dans l’espace de sécurité, de liberté et de justice (ELSJ), qui sont le fondement du principe de confiance mutuelle. Jusqu’alors, les arrêts du juge de l’Union pris en matière de mandats d’arrêt européen, premier outil de coopération judiciaire pénale fondé sur la reconnaissance mutuelle (Décision cadre du Conseil du 13 juin 2002), ne se fondaient pas sur le respect de ces valeurs communes, ils assistaient davantage sur le caractère spécifique du mandat. Pourtant, si le mandat européen s’est vite avéré être un outil très efficace, les juridictions avaient très tôt soulignés que, parmi les causes pouvant limiter le refus de mise en œuvre, ne figurait pas l’atteinte aux droits fondamentaux des personnes recherchées dans l’Etat d’émission du mandat. Les premières inquiétudes étaient remontées concernant les condamnations prononcées en l’absence de l’accusé (elles ont abouti à une modification de la décision cadre de 2002 par la décision cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009) puis ce sont les questions de la protection de la vie privée et familiale et les conditions de détention qui vont amener à la réticence de certaines juridictions nationales (Cf. les réponses apportées dans les arrêts CJUE, 29 janvier 2013, Ciprian Vasile Radu, aff. n°C-396/11 et CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, aff. n° C-399/11, op. cit. qui excluent toute possibilité de refus non prévue par la décision-cadre) A chaque fois, le juge de l’Union va préférer préserver l’efficacité du mandat en appliquant scrupuleusement la décision cadre au détriment de la prise en compte des droits fondamentaux. La jurisprudence récente a rompu avec cette vision des choses pour faire du respect des valeurs communes le fondement même du droit de l’Union. Désormais, c’est « le rapport vertical de chaque Etat membre au droit de l’Union, et, en particulier, au socle commun de valeurs » qui « fonde le rapport horizontal de confiance entre les Etats membres » (E. Rubi-Cavagna, « Protection des droits fondamentaux et efficacité du mandat d’arrêt européen : la nouvelle conjugaison de la CJUE », D. 2018, p. 1899 et suiv.).
Une primauté des droits fondamentaux nouvellement affirmé pour remettre en cause le principe (1)
1024 • Si le juge de l’Union a longtemps fait primer le droit communautaire sur les droits fondamentaux, sa jurisprudence relative au mandat d’arrêt européen va lui permettre de revoir sa position. L’arrêt « Aranyosi et Caldararu » (CJUE, GC, 5 avril 2016, Pal Aranyosi et Robert Caldararu, op. cit.) a ouvert la voie concernant les traitements inhumains et dégradants en légitimant le refus d’exercice du mandat si un tel risque existait dans le pays d’émission. Puis cette légitimation des droits fondamentaux a été corroboré par la suite notamment à travers l’arrêt « ML » (CJUE, GC, 25 juillet 2018, LM, Aff. n° C‑216/18 PPU) qui a enrichi le champ des moyens permettant de refuser l’exercice du mandat à celui du respect du droit à une protection juridictionnelle effective dans le pays d’émission du mandat. L’arrêt suit en cela une précédente décision, l’arrêt « Associaçao Sindical » (CJUE, GC, 27 février 2018, Associaçao Sindical dos Juízes Portugueses contre Tribunal de Contas, Aff. n°C-64/16) que la doctrine a pu évoquer comme relevant d’une « affirmation magistrale » permettant de souligner « le caractère non négociable de la valeur « Etat de droit » » (H. Labayle, « Winter is coming : la Hongrie, la Pologne, l’Union européenne et les valeurs de l’État de droit », http://www.gdr-elsj.eu, 26 septembre 2018). Interrogée à propos des conséquences à tirer des restrictions budgétaires nationales sur le principe de l’indépendance des juges, la Cour de justice répond sans se dérober. Tout en évitant de se livrer à une ingérence dans le droit interne pour affirmer une quelconque défaillance de l’Etat, elle met en avant son rôle de garante du droit de l’Union pour réclamer, haut et fort, la nécessité de l’indépendance du juge national dans l’affaire en question. Si cette dernière n’existe pas, les juges ne peuvent prétendre pouvoir s’acquitter de leurs obligations communautaires et sont de factoexcluent de la coopération judiciaire au sein de l’Union.
Une primauté des droits fondamentaux nouvellement affirmé pour remettre en cause le principe (2)
1025 • L’arrêt « LM » (CJUE, 25 mai 2018, LM, Aff. n° C-216/18 PPU) poursuit cette logique à propos d’un mandat d’arrêt polonais qui a conduit un juge irlandais à saisir le juge de l’Union quant à savoir s’il devait collaborer avec un système judiciaire ne fonctionnant plus selon le principe de l’Etat de droit. Dans la réponse apportée à la question posée, la Cour de justice autorise les autorités judiciaires irlandaises à apprécier l’indépendance des juridictions polonaises, à l’aune des standards de protection définis par le droit européen et applicables au cas d’espèce. Elle place ainsi les juges en première ligne pour défendre les valeurs de l’Union. Mais, dans cette réponse, ce qui apparait nouveau, c’est son approche beaucoup plus générale amenant à un raisonnement tenu « de façon systémique et structurelle, allant bien au-delà de la simple violation ponctuelle d’un droit fondamental, fut-il intangible » (H. Labayle, « Winter is coming : la Hongrie, la Pologne, l’Union européenne et les valeurs de l’État de droit », op. cit.). Ce qui est nouveau c’est la revendication sans ambigüités de la place du juge dans la défense des valeurs de l’Union ouvrant ainsi « la voie à une dimension juridictionnelle de cette défense, en parallèle de son canal institutionnel » (Ibid.). La dimension institutionnelle de la riposte matérialisée par l’article 7 TUE n’ayant pratiquement aucune chance de déboucher sur une sanction effective de la Pologne, l’arrêt « LM » permet ainsi d’envisager une sorte de « plan B, à la fois plus discret et plus facile à mettre en œuvre, qui consiste à écarter la Pologne de l’espace judiciaire européen, non plus par une mesure générale mais au cas par cas » (R. Letteron, « Le mandat d’arrêt européen, instrument de pression sur la Pologne », http://libertescheries.blogspot.com, jeudi 26 juillet 2018).
Des remises en cause du principe qui peuvent prendre le relais des sanctions politiques inefficaces sanctionnant les violations de l’Etat droit
1026 • On a pu voir que, dans cette période charnière de l’histoire de l’Union européenne et de crise profonde, les sanctions politiques de l’article 7 TUE ne donnent pas de résultats satisfaisants concernant des violations répétées de l’état de droit dans certains membres. Le principe de confiance mutuelle, peut, en ce sens, par la voie de l’espace judiciaire européen, prendre le relais de la sanction politique et remédier à l’immobilisme institutionnel dont fait preuve l’Union européenne face aux dérives actuelles (en ce sens, J.-P. Jacqué, « La confiance mutuelle, un élément fédéral dans l’Union européenne », op. cit.). Par sa dernière jurisprudence en matière de mandat d’arrêt européen, le juge de l’Union s’engage résolument dans la défense de l’Etat de droit. Et ceci, sans excéder ses compétences et en respectant la lettre des traités qui réserve aux Etats membres la possibilité de suspendre de certains de ces droits un Etat défaillant. Si on poursuit l’interprétation des arrêts « Associaçao Sindical » et « LM », elle donne au juge de l’Union le pouvoir de contrôler l’indépendance des juges non seulement dans le domaine couvert par le droit de l’Union mais également dans celui qui n’est pas couvert par le droit de l’Union. C’est le cas d’une contestation d’une mesure nationale affectant l’indépendance de juges parce que ces derniers sont potentiellement compétents pour trancher des litiges concernant des questions de droit de l’Union (en ce sens, S. Platon, « La justice européenne au secours de l’Etat de droit ? la Cour de justice de l’Union européenne, gardienne de l’indépendance des juges nationaux », https://revue-jade.eu). Le juge de l’Union impose ainsi, sur le fondement de la confiance mutuelle, « une nouvelle obligation générale pour les Etats membres de s’assurer que leurs juridictions sont indépendantes » (Ibid.), que la situation entre ou non dans le champ d’application du droit de l’Union. Si elle impose cette nouvelle obligation, elle en est aussi la gardienne se plaçant ainsi « en position d’évaluer l’indépendance des juges dans tous les Etats » voire, plus précisément en position de Cour suprême. Mais la pression ainsi mise sur les autorités récalcitrantes ne pourra être efficace que si d’autres Etats membres et d’autres juridictions suivent le mouvement ainsi déclenché par la CJUE (en ce sens, R. Letteron, « Le mandat d’arrêt européen, instrument de pression sur la Pologne », op. cit.).
→ Le cas particulier de l’appréhension du principe et de la notion de « confiance mutuelle » : des dernières jurisprudences qui incitent à fortement relancer les négociations liées à l’adhésion
Le renversement inédit de la présomption « Bosphorus » : l’arrêt « Bivolaru et Moldovan », premier arrêt où le juge européen conclut à la violation de la ConvEDH à raison de l’exécution d’un MAE (1)
1026-1 • Après la mise en cause du principe de confiance mutuelle et le refus d’adhésion de l’Union, le juge européen avait, ces dernières années, fait preuve d’une certaine réserve et avait préservé le juge de l’Union dans les affaires mettant en cause le droit de l’Union en général et, plus particulièrement, le mandat d’arrêt européen. Il avait, par exemple, appliqué la présomption et reconnu l’importance des mécanismes de reconnaissance et de confiance mutuelle (CourEDH, 17 avril 2018, Pirozzi contre Belgique, req. n°21055/11, § 59). Il avait aussi jugé, dans une affaire où il avait constaté la violation de l’article 2 ConvEDH par la Turquie pour refus insuffisamment motivé d’exécuter un mandat d’arrêt européen visant une personne poursuivie pour assassinat et pour avoir, ainsi, manqué à son obligation de coopération garantissant la punition des atteintes volontaires à la vie (CourEDH, 9 juillet 2019, Romeo Castano contre Belgique, req. n°8351/17, RSC 2019, p. 701, obs. D. Roets), en parfaite harmonie avec le juge de l’Union. Ce dernier, en effet, comme déjà démontré par ailleurs, avait, lui aussi, ouvert son contrôle sous réserve de circonstances particulières (CJUE, 5 avril. 2016, Aranyosi, Aff. n°C-404/15). Il a notamment obligé l’Etat d’exécution du mandat à obtenir des informations écartant le risque concret de violation, ceci particulièrement quand il existe des défaillances systémiques ou généralisées des conditions de détention ((CJUE, 25 juillet 2018, M.L., Aff. n°C-220/18). La nature et l’étendue de cette obligation d’information ont notamment été précisées par le juge de l’Union (CJUE, 15 octobre 2019, Dorobantu, Aff. n°C-128/18). Après ce retour d’une relative coopération, il faut, pourtant, faire état d’une jurisprudence récente qui dénote un peu dans le paysage. La Cour EDH a, en effet, renversé, pour la première fois et près de 15 ans après sa création, dans l’arrêt Bivolaru et Moldovan contre France, la présomption de protection équivalente dite « Bosphorus » conféré au droit de l’Union en considérant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen contraire à l’article 3 ConvEDH (CourEDH, 25 mars 2021, Bivolaru et Moldovan contre France, req. n°40324/16 et n°12623/17). C’est la première fois, encore une fois, que le juge constate qu’une mesure nationale d’exécution est entachée d’une insuffisance manifeste de protection. Si la présomption trouve à s’appliquer, en l’espèce, concernant les conditions de détentions des deux requérants, elle ne peut s’appliquer pour le juge pour le 2nd requérant (M. Bivolaru) dans la mesure où celui-ci bénéficie du statut de réfugié. Ce statut pose une question réelle et sérieuse quant à la protection des droits fondamentaux par le droit de l’Union et aurait mérité de poser une question préjudicielle au juge de l’Union dans la mesure où ce dernier ne s’est jamais prononcé encore sur la question.
Le renversement inédit de la présomption « Bosphorus » : l’arrêt « Bivolaru et Moldovan », une incitation à relancer le processus d’ahésion
1026-2 • Par cette jurisprudence, le juge européen rompt l’unité apparente avec le juge de l’Union puisque la CourEDH se fait, en quelque sorte, juge des critères, pour les juridictions nationales, amenant à ce que ces dernières doivent ou non poser une question préjudicielle au juge de l’Union (tels que dégagés dans la jurisprudence CJUE, 6 octobre 1982, Cilfit et autres, Aff. n°C-283/81). Comme certains l’ont relevé, cette jurisprudence amène à faire un lien avec les craintes exprimées par le juge de l’Union lors de son refus d’adhésion à la ConvEDH, notamment les craintes quant à une possible remise en cause de son monopole d’interprétation (L. Robert, « La présomption Bosphorus à l’épreuve du mandat d’arrêt européen », RUE 2021, p. 519 et suiv.). Mais plus que confirmer ces craintes, elle les remet, au contraire, en cause dans la mesure où si l’Union avait été partie à la ConvEDH, elle aurait pu activer le mécanisme d’implication préalable prévu par le projet d’adhésion et être partie prenante. Le juge européen protège plus la procédure du renvoi qu’il ne se l’approprie en sanctionnant les juridictions nationales qui n’y ont pas recours (en ce sens également, L. Robert précité). Il apparaît, finalement, que l’adhésion est moins dangereuse pour l’autonomie que le statu quo actuel d’où l’importance d’une reprise des négociations (un séminaire sur l’adhésion de l’UE à la ConvEDH s’est tenu le 18 novembre 2019 pour relancer le processus de négociations) d’autant plus qu’il n’est pas impossible de surmonter les difficultés mentionnées dans l’avis (voir, en ce sens, J.-P. Jacqué, « Encore un effort camarades… L’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme est toujours à votre portée », https://www.europedeslibertes.eu, Europe des droits & libertés 2021, n°1, p. 27 et suiv.). L’existence d’un contrôle indépendant externe, contrôle qui serait accepté par tous les Etats membres, montre, depuis longtemps maintenant, qu’il contribue, effectivement, à une amélioration de la protection des droits fondamentaux.
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