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B. Le nouvel équilibre des pouvoirs permettant la préservation des droits et libertés

Citer : Christophe De Bernardinis, 'B. Le nouvel équilibre des pouvoirs permettant la préservation des droits et libertés, ' : Revue générale du droit on line, 2021, numéro 55156 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=55156)


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282• La séparation des pouvoirs est avant tout, à l’origine, un principe de technique constitutionnelle destinée à éviter le despotisme et à garantir les droits et libertés. C’est la combinaison de la règle de la spécialisation (l’Etat exerce ou doit exercer trois activités : il fait la loi, il l’exécute et il tranche les litiges. Il a donc trois fonctions, législative, exécutive et juridictionnelle) et de l’indépendance (les pouvoirs ne resteraient pas longtemps spécialisés si l’un d’eux pouvait exercer des pressions sur le titulaire de l’autre) qui doit procurer le résultat souhaité. Et c’est généralement à Montesquieu que la doctrine traditionnelle a imputé ce système. Or, comme l’ont montré Eisenmann (C. Eisenmann, « L’Esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges Carré de Malberg, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1933, p. 190) et Troper (M. Troper, La Séparation des pouvoirs et l’Histoire constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1980) de manière irréfutable, le système préconisé par Montesquieu est, en réalité, entièrement différent et même radicalement opposé à celui de la séparation des pouvoirs (terme qui n’est d’ailleurs pas employé par l’auteur dans l’Esprit des lois). L’auteur cherche, en réalité, à sauvegarder les droits et libertés par des mécanismes souples impliquant des rapports entre les pouvoirs et même une véritable collaboration. Chaque pouvoir ne peut agir sans le concours des autres, ils doivent collaborer et, « par le mouvement nécessaire des choses », ils sont « forcés d’aller de concert ». Si chacun peut décider dans son domaine, il peut aussi s’opposer aux décisions de l’autre, c’est la fameuse « faculté d’empêcher » distinguée de la « faculté de statuer ». C’est pour ne pas l’avoir compris que l’Assemblée constituante de 1791 instaura, dans notre 1ère Constitution, une séparation tranchée qui devait se révéler impraticable avant que l’histoire constitutionnelle, sous les régimes des deux Chartes (Chartes de 1814 et 1830), ne réussisse, enfin, à concrétiser et appliquer les principes dégagés par l’auteur à travers la naissance du régime parlementaire en France

La pratique du régime parlementaire a, néanmoins, essentiellement été centrée sur la dualité de rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et l’exercice entre eux de moyens d’actions réciproques (dissolution et responsabilité politique du gouvernement), la tradition constitutionnelle étant, par nature, hostile à un quelconque rôle du pouvoir juridictionnel dans l’agence des pouvoirs depuis 1789. Fondement théorique du système actuel, le principe ainsi décrit ne rejoint, en aucun cas, la pratique et ne correspond plus à la réalité de l’Etat moderne. On ne peut plus faire la distinction entre un parlement qui élabore les lois et un gouvernement qui reste cantonné dans sa tâche exécutive. Aujourd’hui, le pouvoir exécutif dispose non seulement de l’administration ou « pouvoir gouvernemental » mais il possède aussi le pouvoir d’édicter les règles législatives indispensables à la mise en œuvre de la politique décidée. Plus qu’il n’exécute, le pouvoir exécutif décide, administre mais fait aussi les lois. Il tend de plus en plus à être un pouvoir d’impulsion, d’animation de direction générale de l’Etat. A ces côtés, on a plutôt un Parlement qui surveille, contrôle et sanctionne l’action du gouvernement quand il n’est pas, en réalité, qu’une vulgaire chambre d’enregistrement des lois. Il reste néanmoins là pour poser quelques bornes générales et en assurer le contrôle et on continue à opposer, à cet égard, plutôt le pouvoir d’action du gouvernement au pouvoir de contrôle du Parlement même si celui-ci peut se révéler par moment plus que relatif. Et on peut dire que cette distinction avait été déjà clairement aperçue par Montesquieu lorsqu’il opposait la faculté de statuer donc la faculté d’agir à la faculté d’empêcher qu’on peut, elle, assimiler à une faculté de contrôler.

284• Est-ce à dire que l’équilibre des pouvoirs permettant la préservation des droits et libertés a disparu ? Il a disparu si on reste fixé sur l’architecture classique entre les différents pouvoirs mais il est toujours présent si l’on tient compte du mouvement tendant à développer le droit des droits fondamentaux qui renforce considérablement le rôle et les pouvoirs des juges chargés de les faire respecter. La séparation entre ce qu’on peut appeler le « pouvoir juridictionnel » et le « pouvoir politique », pris dans son ensemble, remplace la séparation classique entre pouvoir exécutif et législatif. Elle est devenue la nouvelle matrice du système, le nouvel axe majeur de la séparation des pouvoirs. Cette montée en puissance du « pouvoir juridictionnel » constitue l’une des innovations majeures du droit constitutionnel contemporain se traduisant par une multiplication des fonctions du juge et un renforcement corrélatif de son pouvoir normatif. Comme on a déjà pu le montrer, 5 Cours suprêmes se disputent aujourd’hui le pouvoir de contrôler la loi française à travers le contrôle de constitutionnalité (Conseil constitutionnel) et le contrôle de conventionnalité (Conseil d’Etat, Cour de cassation, CourEDH, CJCE). Traditionnellement perçu comme contrevenant à la théorie de la séparation des pouvoirs, le contrôle de la loi par le juge doit, au contraire, être considéré comme une application de celle-ci en ce qu’il confère au juge une « faculté d’empêcher » propice à l’équilibre des pouvoirs. Le contrôle juridictionnel de la loi a redonné ses lettres de modernité au concept de séparation des pouvoirs tout en faisant ressortir une des dimensions fondamentales du concept : la protection des droits et libertés. Plus qu’une remise en cause (1), on peut parler aujourd’hui de l’avènement d’une nouvelle séparation des pouvoirs (2).

1 – La remise en cause de la séparation classique des pouvoirs sous la Vème république

285• Toutes les théories liées à la séparation des pouvoirs ont toujours reposées sur un but identique : mettre fin au despotisme et préserver les droits et libertés. Influencés par la pensée de Montesquieu, les constituants de 1789 considéraient cette protection comme la conséquence nécessaire d’une limitation du pouvoir obtenue par sa division. Cette conception se maintiendra comme discours légitime jusqu’à ce que la doctrine reconnaisse que, pris dans toute sa rigueur, le principe de la séparation des pouvoirs n’a, en réalité, jamais pu assurer seul une telle protection et que, s’il s’avère impossible que « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », il faut que le texte constitutionnel s’intéresse davantage aux « droits des gouvernés » qu’au « statut des gouvernants ». Le constat est le même sous la Vème république d’autant plus que la séparation des pouvoirs y a été complètement dénaturé et que le fonctionnement du système a abouti à une confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif et que le contrôle juridictionnel de la loi ne servait, à l’origine, qu’à réguler l’activité des pouvoirs publics.

a) La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : une amorce dans le texte de la C°
i) Une Constitution qui présente, d’un prime abord, les caractéristiques d’un régime parlementaire (1)

286• Lorsqu’on regarde la Constitution, toutes les caractéristiques d’un régime parlementaire classique de séparation souple des pouvoirs sont réunies. Il existe un équilibre à l’intérieur de chacun des pouvoirs. Le pouvoir législatif est bicaméral avec une organisation permettant la meilleure confection possible de la loi. La chambre basse, l’Assemblée Nationale, assure la représentation démocratique des opinions et représente les « grands courants de politique générale » (Général De Gaulle, Discours de Bayeux, 16 juin 1946, www.charles-de-gaulle.org) tout en exerçant de façon pleine et entière le pouvoir législatif. Les membres de cette chambre sont, en conséquence, élus au suffrage universel (art. 24 al. 3 C°). La chambre haute, le Sénat, élu et composé différemment, ne procède pas de la même légitimité populaire que la 1èrechambre. Il incarne, avant tout, l’unité nationale par rapport aux divisions des opinions politiques de la chambre basse. Les membres de cette chambre sont, en conséquence, élus au suffrage universel indirect et assurent la représentation des collectivités territoriales de la République (art. 24 al. 4 C°). L’intervention de la 2nde chambre est d’ordre technique plus que politique. L’objectif étant de compléter et tempérer les excès de la première chambre en faisant « valoir dans la confection des lois, ce facteur d’ordre administratif qu’un collège purement politique a tendance forcément à négliger » (Général De Gaulle, Discours de Bayeux, 16 juin 1946, op. cit.)

ii) Une Constitution qui présente, d’un prime abord, les caractéristiques d’un régime parlementaire (2)

287• Le pouvoir exécutif procède du même équilibre. Il est bicéphale parce qu’il comprend deux têtes : un chef d’Etat (le Président de la République) et un chef de gouvernement (le Premier Ministre). Il est dyarchique parce que les deux têtes ont des pouvoirs d’importance comparable pour un exercice conjoint de la fonction. La légitimité supérieure du Président compense les pouvoirs plus étendus du Premier Ministre. Au chef de l’Etat revient la fonction supérieure de l’arbitrage et du long terme (art. 5 C° et art. 19 C°), au chef de gouvernement, la responsabilité du quotidien et la détermination de la politique de la nation (art. 20 C°). L’indépendance du gouvernement, son unité, sa cohésion, sa discipline intérieure est garantie par le chef d’Etat, en tant « qu’arbitre au-dessus des contingences politiques » (Général De Gaulle, Discours de Bayeux, 16 juin 1946, op. cit.). Au-delà de l’équilibre intérieur à chaque pouvoir, ce dernier se matérialise aussi entre les pouvoirs puisque, comme dans tous les régimes parlementaires, la majorité parlementaire vote les lois que le gouvernement qu’elle soutient lui présente. Si un désaccord durable voit le jour et subsiste, chaque pouvoir dispose d’un moyen d’action pour contrer l’autre et maintenir l’équilibre. L’Assemblée nationale, seule chambre élue au suffrage universel direct, dispose de la faculté d’engager la responsabilité du gouvernement, et donc de pouvoir le renverser, en adoptant une motion de censure ou en désapprouvant le programme ou la déclaration de politique générale du Gouvernement (art. 49 et 50 C°). En retour, cette même chambre peut être dissoute par le Président de la République après consultation du Premier Ministre et des présidents des assemblées (art. 12).

iii) La 1ère particularité de l’équilibre des pouvoirs : le parlementarisme rationalisé

288• La tradition et les éléments classiques du régime parlementaire sont clairement respectés dans le texte de la Constitution. Par certains aspects, cette dernière s’en éloigne. C’est en raison de la volonté initiale des constituants de restaurer, en priorité, l’autorité de l’Etat tout comme celle de diminuer, en corrélation directe, l’influence des partis politiques dont les intérêts l’ont trop longtemps emporté sur l’intérêt national et notamment réduit à l’impuissance les régimes des IIIème et IVème républiques. Une des premières préoccupations des constituants a été de corriger l’instabilité des républiques précédentes en mettant en place un ensemble de règles techniques destinées à encadrer les pouvoirs du Parlement qu’on résume à travers l’expression commune de Parlementarisme rationnalisé (Voir discours prononcé par Michel Debré devant le Conseil d’Etat le 27 août 1958, mjp.univ-perp.fr) dont le champ a été étendu par rapport à celui existant sous la IVème république.

iv) Le parlementarisme rationalisé et la perte de souveraineté de la loi

289• Le 1er élément révélateur du parlementarisme rationalisé est la perte de souveraineté de la loi. Il est mis fin à la confusion de la loi, du règlement et de la mesure individuelle qui avait conduit à l’encombrement du Parlement et à l’impossibilité pour celui-ci d’examiner sérieusement les textes. Il est assigné, pour la 1ère fois, un domaine de la loi alors que la norme n’avait aucune limite sous les IIIème et IVème républiques. L’article 34 C° distingue les matières dans lesquelles le Parlement fixe les règles et celles pour lesquelles il détermine les principes fondamentaux. La fixation de ce domaine tend à faire de la loi la norme d’exception par rapport au règlement, la norme principale, dans la mesure où l’article 37 C° affirme que ce qui n’est pas du domaine de la loi est du domaine du règlement. Dans cette logique, l’article 37 C° donne un champ de compétences très large au gouvernement et au pouvoir règlementaire, que ce soit pour l’application de la loi ou que ce soit dans des matières a priori exclues du domaine de la loi (pouvoir réglementaire « autonome »). A cela s’ajoute la possibilité pour le gouvernement de demander au Parlement le droit de légiférer par voie d’ordonnances (art. 38 C°) dont la pratique est officialisée sous la Vème république en héritage des anciens décrets lois des IIIème et IVème républiques. La suprématie absolue de la loi, expression de la volonté générale se traduisait aussi par l’absence d’un quelconque recours la concernant. Sous la Vème république, celle-ci est désormais contrôlée par le Conseil constitutionnel par rapport à la Constitution qui devient la norme de référence (art. 61 C°).

v) Le parlementarisme rationalisé et les nouvelles prérogatives de l’exécutif

290• Les nouvelles prérogatives de l’exécutif dans la procédure législative sont une autre marque de ce Parlementarisme rationalisé. Le gouvernement bénéficie d’une réorganisation profonde de la procédure législative qui lui donne de larges pouvoirs d’intervention. C’est le gouvernement qui fixe, dans le texte de 1958, l’ordre du jour (art. 48 C° avant la réforme de 2008), il dispose de moyens constitutionnels pour diriger les débats ou faire voter les textes dans le sens voulu par le gouvernement (art. 40 et 41 C° et la possibilité d’empêcher l’adoption de propositions parlementaires gênant la politique du gouvernement ; art. 44-3 et la procédure du vote bloqué qui règlemente et encadre aussi le droit d’amendement ; art. 49-3 C° et la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte ; art. 45-4 C° donnant le dernier mot à l’Assemblée Nationale en cas d’échec de la commission mixte paritaire). Dans le même ordre d’idée, le travail des assemblées a été réglementé, dans le texte de 1958, de façon stricte à travers, notamment, le régime des sessions parlementaires dont les durées limitées peuvent seulement, sous certaines conditions, être prolongées par des sessions extraordinaires (art. 28 et 29 C°). Il y a aussi des obstacles à l’exercice du contrôle du Parlement sur l’activité du Gouvernement qui sont fixés. La mise en cause de la responsabilité du gouvernement est plus difficile à mettre en œuvre que ce soit à travers une déclaration de politique générale, à travers le programme du gouvernement ou, surtout, par le biais de la procédure de la motion de censure (art. 49 et 50 C°). L’obligation du vote personnel est officialisée pour ne plus délibérer en l’absence des parlementaires (art. 27 C°). Le travail des commissions parlementaires, qui avait favorisé le régime des assemblées, est étroitement réglementé. Les questions des parlementaires ne peuvent engager la responsabilité et donner lieu à une interpellation. Enfin, il faut relever l’incompatibilité entre les fonctions ministérielles et le mandat parlementaire (art. 25 C°) qui marque une séparation stricte entre les ministres et les députés ou les sénateurs, alors même que, dans les régimes des IIIème et IVème républiques, les fonctions exécutives étaient systématiquement exercées par des parlementaires et que les ministres disposaient du droit de vote dans leur assemblée d’origine.

vi) Une 2nde particularité dans l’équilibre des pouvoirs : le nouveau statut présidentiel

291• Le rationalisme parlementaire sous la Vème république va être soutenu par le nouveau statut et les nouveaux pouvoirs du Président de la République qui tranchent avec ce qui existait sous les régimes précédents. Si la responsabilité politique pèse sur le Premier Ministre, c’est parce que la Constitution lui donne le rôle majeur. A lui la charge de choisir les orientations et réformes politiques et de les traduire en actes mais certains éléments de texte vont montrer que sa position n’est pas aussi centrale qu’elle devrait l’être dans un régime parlementaire. La fonction présidentielle de la Constitution de 1958 est sans aucun précédent ni aucune référence. Le Président conserve les attributions traditionnelles d’un chef d’Etat parlementaire (la promulgation des lois (art. 10 C°), la nomination aux emplois civils et militaires de l’Etat (art. 13 C°), la qualité de chef des armées (art. 15 C°) ou encore la négociation et la ratification des traités (art. 52 C°)) mais deux articles vont innover pour finaliser, pour la 1ère fois dans un texte constitutionnel français, la fonction présidentielle proprement dite (art. 5 C°) et l’existence de pouvoirs propres du Président pouvant s’exercer sans contreseing ministériel directement en opposition à une règle classique du régime parlementaire (art. 19 C°).

vii) Le nouveau statut présidentiel et l’article 5 C°

292• D’un prime abord, l’article 5 C° donne une idée très générale et un peu vague du rôle du Président de la République puisqu’il ne lui confère ni compétences concrètes, ni obligations précises. Mais les devoirs définis sont surtout significatifs et symboliques et donnent ainsi un statut à part au Président puisqu’il se voit clairement propulser au rang de défenseur des intérêts supérieurs et vitaux de la nation. On distingue traditionnellement 3 aspects : le gardien, le garant et l’arbitre. En tant que gardien, il est chargé de « veiller au respect de la Constitution » (al. 1er) même s’il n’y a pas d’exclusivité et que sa mission est limitée par rapport aux attributions du Conseil constitutionnel. En tant que garant, il est chargé d’être le « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités » (al. 2nd) ce qui témoigne de devoirs en matière de défense nationale et de souveraineté internationale de l’Etat mais là encore il n’est pas le seul à exercer cette charge puisque-en sont responsables aussi les autres pouvoirs institutionnels comme le Parlement ou le Gouvernement, défenseurs ordinaires de la souveraineté. Le Président n’étant habilité à se substituer à eux qu’en cas d’ultime recours (art. 16 C°). En tant qu’arbitre, le Président doit assurer « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat » (al. 1er). C’est la fonction la plus ambiguë des trois dans la mesure où le terme « arbitre » peut être pris dans un sens faible (veiller à la régularité du système sans participer au jeu politique) comme dans un sens fort (concilier des intérêts opposés en décidant souverainement) justifiant des compétences différentes du Président. Au-delà de cette distinction et contrairement aux deux premières fonctions, la fonction d’arbitre n’a pas une portée générale puisque deux domaines sont définis à la portée assez limitée. Ces deux domaines font que le Président n’a pas pour rôle de fixer les réformes politiques ou d’être le régulateur de l’activité publique (c’est le rôle du gouvernement) mais plutôt, plus modestement, d’assurer la continuité de l’exécutif ou de faire appel au peuple lors d’un différend.

viii) Le nouveau statut présidentiel et l’article 19 C°

290• L’article 19 C° dresse, pour la 1ère fois, la liste de ce qu’on peut définir comme étant des « pouvoirs propres » du Président pouvant s’exercer sans contreseing ministériel. La règle du contreseing subsiste comme dans n’importe quel régime parlementaire mais l’article 19 C° énumère, limitativement, un certain nombre d’exceptions où le Parlement ne peut exercer un quelconque contrôle, exceptions qui échappent donc à toute responsabilité politique. Parmi ces actes faisant office d’exception, il y en a un qui va être particulièrement révélateur de la future primauté du Président dans le couple de l’exécutif, celui concernant la nomination et la démission du Premier Ministre (art. 8 al. 1er). Les autres actes concernent respectivement le referendum législatif (art. 11 C°), le droit de dissolution (art. 12 C°), les pouvoirs de crise (art. 16 C°), le droit de message (art. 18 C°), l’organisation et le fonctionnement de la justice constitutionnelle (art. 54, 56, 61 C°). Il y a là, contrairement à l’article 5 C°, des attributions concrètes pour le Président mais ces dernières restent néanmoins d’un usage exceptionnel pour ne pas dire théorique ou fictif eu égard à la conjoncture politique.

b) La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : une confirmation dans la pratique du régime
i) Le nouveau statut présidentiel accentué par l’élection au suffrage universel direct

294• Le statut exceptionnel défini dans le texte de la Constitution ne permet pas au Président de gérer les intérêts généraux de la nation. Le quotidien comme les orientations à long terme lui échappent et sont gérés par le Premier Ministre. Les circonstances et l’évolution des forces politiques vont transformer la nature des liens entre Président et Premier Ministre et instituer, en conséquence, une subordination ou une hiérarchie à la place de la dyarchie initiale entre les deux têtes de l’exécutif. Le Président devenant à la fois chef de l’Etat et chef du gouvernement. Le fondement initial de la nouvelle prépondérance présidentielle est l’élection au suffrage universel direct instituée par le général De Gaulle par le referendum du 28 octobre 1962 (Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 (JO, 7 novembre 1962, p. 10762) relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel). Le texte originel de l’article 6 C° avait institué l’élection du Président par un collège électoral composé de 81 764 grands électeurs (parlementaires, conseillers généraux, élus municipaux). Sans modifier les prérogatives présidentielles, elle conforte la position du Président en lui confiant une autorité indéniable. Il est maintenant l’élu de la nation entière et il dispose d’une légitimité supérieure à toute autre autorité publique conforté, de plus, par le mode de scrutin. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours permettant au candidat élu d’obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés.

ii) Le nouveau statut présidentiel accentué par la bipolarisation et le phénomène majoritaire

295• L’élection au suffrage universel direct et son mode de scrutin vont aussi être directement à l’origine de 2 phénomènes qui vont structurer la vie politique sous la Vème république et renforcer d’autant plus les pouvoirs du Président. Tout d’abord la bipolarisation et cette tendance à l’organisation de la vie politique autour de deux blocs, deux pôles dominants qui s’opposent pour la prise de pouvoir au détriment du pluralisme. En réservant le 2nd tour aux deux candidats arrivés en tête du 1er tour, l’élection du Président structure un comportement bipolaire en poussant les forces politiques à se regrouper autour des leaders arrivés au 2nd tour. Le pays est divisé en deux camps qui soutiennent chacun un des prétendants et s’identifient à lui. On observe le même phénomène au niveau de l’élection législative où le scrutin uninominal à deux tours écarte les partis aux scores trop faibles tout en favorisant les grosses formations politiques et donc la création d’une majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale. L’élection présidentielle devient l’évènement majeur de la vie politique, les élections législatives, normalement les plus importantes en régime parlementaire, deviennent le moyen de concrétiser, sanctionner ou de continuer la politique présidentielle. Le lien entre la majorité parlementaire et présidentielle assure, en conséquence, une place prépondérante quant à la direction de l’Etat. C’est le 2nd phénomène : on parle de fait majoritaire ou de phénomène majoritaire permettant à l’exécutif de disposer d’une majorité fidèle tout au long de sa législature. Cette nouvelle donne fait du Président le leader de la majorité au détriment du Premier Ministre. Le gouvernement ne peut agir que sous son autorité et met en œuvre la politique présidentielle avec le soutien de sa majorité au Parlement. Les députés s’engagent à une forte discipline de vote pour la majorité ou l’opposition ce qui rend les débats souvent assez stériles.

iii) Un président législateur confirmé par la réforme constitutionnelle de 2008

296• La personnalisation du pouvoir exécutif au profit du Président, associée aux éléments du Parlementarisme rationalisé, va faire en sorte que le Président s’arroge toutes les compétences constitutionnelles du Premier Ministre. On parle dorénavant de « Président législateur » ou de « domaine réservé » (la paternité de l’expression revient à Jacques Chaban-Delmas au début de la Vème république) où le chef de l’Etat, par l’usage et non le texte, se réserve certaines compétences (affaire étrangères, défense nationale et toutes les grandes réformes) tout en intervenant directement dans la gestion des affaires courantes du gouvernement. La puissance du Président a été sans limite tant que le fait majoritaire a été parfait (Après 1986, il s’est quelque peu modifié, jouant en faveur du Premier Ministre en périodes de cohabitation (1986-88, 1993-95 et 1997-2002) voire disparaissant (1988-1993) jusqu’à ce qu’il soit quelque peu discuté aujourd’hui en raison de conflits au sein des majorités qui se sont succédées dernièrement et de l’existence de « députés frondeurs ». Mais mis à part ces différentes périodes, l’influence du Président n’a jamais été remise en cause). La réforme du quinquennat suite au referendum du 24 septembre 2000 (loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 (JO, 3 octobre 2000, p. 15582) relative à la durée du mandat du Président de la République) et celle, conjointe du calendrier électoral (loi organique n°2001-419 du 15 mai 2001 (JO, 16 mai 2001, p. 7776) modifiant la date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale) plaçant les élections législatives juste derrière l’élection présidentielle et faisant coïncider le mandat des députés avec celui du Président, ont fait en sorte de supprimer ou, tout le moins, plus que limiter, à l’avenir, les périodes de cohabitations. La réforme du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 (JO, 24 juillet 2008, p. 11890) de modernisation des institutions de la Ve République) encadre les pouvoirs du Président sans changer l’orientation du régime. Si elle multiplie apparemment les garde-fous, elle offre, en réalité, les moyens de renforcer encore sa prééminence (Voir, en ce sens, par ex., A. Vidal-Naquet, « Un Président de la République plus « encadré » », JCP 2008, G, I, n°172). Peut-on parler d’une certaine « confusion des pouvoirs », d’« arbitraire présidentiel », de « monarque républicain » (L’expression de Maurice Duverger voulant ainsi caractériser les nouveaux pouvoirs dont dispose, sous la Ve République, le chef de l’État a connu un vif succès) et, en définitive, d’un agencement des pouvoirs attentatoires aux droits et libertés ? Oui, si l’on se fonde sur la séparation classique des pouvoirs, non si l’on tient compte du nouveau contre-pouvoir que constitue le « pouvoir juridictionnel ».  

c) Un Conseil constitutionnel qui ne servait, à l’origine, qu’à réguler l’activité des pouvoirs publics
i) Un Conseil constitutionnel institué pour servir les desseins de l’exécutif

297• La Vème république a proclamé son attachement aux droits et libertés en les plaçant dans le préambule du texte constitutionnel. Elle a également prévu un contrôle concret et direct permettant de les mettre en avant et de les faire respecter. Ce contrôle, c’est le contrôle de constitutionnalité. Si ce contrôle existe sous la Vème république et est exercé par le tout nouveau Conseil constitutionnel, il n’a pourtant pas été appliqué dans la logique de protection des droits et libertés mais plutôt pour servir les dessins de l’exécutif. En ce sens, le juge constitutionnel a été établi pour être l’organe clé du régime parlementaire rationalisé, l’arme principale contre la déviation du régime parlementaire. Son but initial est de sanctionner le dépassement par les organes constitutionnels des compétences qui leur ont été attribuées par la loi fondamentale, le contrôle de constitutionnalité des lois étant considéré comme une arme supplémentaire aux mains de l’exécutif pour cantonner le pouvoir normatif du Parlement et le réduire à la portion congrue. Toute la logique de la construction de l’institution l’amène, à l’origine, à veiller à ce que l’autorité législative et l’autorité réglementaire disposent de domaines d’intervention propres d’où la mission de veiller au respect du domaine de la loi et du domaine du règlement. Du « chien de garde de l’exécutif » au « canon braqué vers le Parlement » en passant par l’institution « qui rend des services et non des arrêts », le Conseil constitutionnel sera en ce sens, d’emblée décrié par une grande partie de la doctrine et de la classe politique (ex : J. Boulouis, « Le défenseur de l’exécutif », Pouvoirs 1980, n°13, p. 33 ou D. Lochak, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des libertés ? », Pouvoirs 1980, n°13, p. 41). Il est intéressant ainsi de constater, par exemple, que près de 20 ans après sa création, aucun article ne lui a été consacré dans un numéro spécial de la Revue Pouvoirs consacré à la Vème république (Revue Pouvoirs 1978, n°4).

ii) Un Conseil constitutionnel qui n’est pas une Cour constitutionnelle au sens plein du terme

298• La création du Conseil constitutionnel, dénommé ainsi notamment par référence au Conseil d’Etat, manifeste la volonté de subordonner la loi à la règle supérieure édictée par la Constitution mais comme peut le relever Michel Debré, directement à l’origine de la création de l’institution, « il n’est ni dans l’esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française de donner à la justice, à chaque justiciable le droit d’examiner la valeur de la loi » (Cf. F. Rouvillois, « Michel Debré et le contrôle de constitutionnalité », RFDC 2001, n°46, p. 227). Les constituants n’ont donc pas voulu créer une Cour constitutionnelle au sens plein du terme à l’exemple des autres juridictions constitutionnelles existantes en Europe. Ils ont imaginé une institution « sui generis », sans exemple dans les autres démocraties, à la procédure spécifique échappant aux règles du procès équitable et qui peut seulement être saisie par quatre autorités (Président de la République, Premier Ministre, Président du Sénat, Président de l’Assemblée Nationale) pour contrôler, de manière facultative, la constitutionnalité d’une loi (art.61 alinéa 2 C°). Le contrôle a été envisagé de façon abstraite en ce que le juge considère la loi en elle-même indépendamment de tout litige particulier (le contrôle concret ne sera mis en place qu’à partir de la loi de révision du 23 juillet 2008 précitée et l’instauration de la QPC). Une fois saisi, la suite de la procédure ne dépend plus de la volonté des saisissants. Le Conseil se réserve aussi la possibilité de statuer ultra petita en retenant des moyens non soulevés par les saisines mais qui lui paraissent suffisamment importants pour être soulevés d’office ou, en d’autres termes, de sa propre initiative.

iii) Un contrôle obligatoire sur les lois organiques pour que les parlementaires ne puissent pas modifier l’équilibre des pouvoirs

299• Dans l’optique du contrôle des moyens pouvant être employées par le Parlement pour rompre l’équilibre des pouvoirs, les constituants ont prévu un contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel pour deux types de normes que sont les lois organiques et les règlements d’assemblée (il y a un 3ème contrôle obligatoire, en vertu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 précitée, sur les propositions de loi mentionnées à l’article 11 C°, avant qu’elles ne soient soumises au referendum). Il n’y a pas de lettre de saisine, le Conseil recherchant lui-même les moyens d’inconstitutionnalité avant de statuer dessus en remplissant à la fois la fonction de procureur et de juge. Les lois organiques sont des lois qui fixent les modalités d’application de certains articles de la Constitution. Les constituants redoutaient que, par ce biais, les parlementaires puissent modifier l’équilibre des pouvoirs ou procéder à une révision constitutionnelle déguisée. Le contrôle est obligatoire mais non automatique puisque c’est sur saisine du 1er Ministre que le Conseil effectue son contrôle. La loi organique ne peut ainsi être promulguée qu’après déclaration de conformité de l’ensemble du texte. Cette saisine automatique est exclusive de toute autre procédure, elle fait obstacle à ce que le Conseil puisse être saisi par des députés ou des sénateurs sur le fondement du 2ème alinéa de l’article 61 C° (CC, n°92-305 DC, 21 février 1992 Loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 29 février 1992, p. 3122, Rec. CC, p. 27) ou d’une demande de délégalisation, par exemple, du Premier Ministre.

iv) La présomption de constitutionnalité des ordonnances organiques de l’article 92 C°

300• Le contrôle du Conseil ne s’est pas appliqué aux 25 ordonnances organiques adoptées avant le 4 février 1959 pour la mise en place des institutions et prises sur le fondement de l’article 92 C°. Ces lois organiques prises sous la forme d’ordonnances sont entrées en vigueur sans avoir pu être déférées au contrôle du Conseil (ce dernier n’a été installé que le 13 mars 1959). Par une décision dite « Magistrats musulmans » (CC, n°60-6 DC, 15 janvier 1960, Loi organique portant promotion exceptionnelle des Français musulmans dans la magistrature et modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, JO, 20 janvier 1960, p. 629, Rec. CC, p. 21), le Conseil a exclu tout contrôle par voie d’exception de ces « ordonnances organiques » à l’occasion du contrôle des lois organiques qui les modifient. Il a néanmoins admis, logiquement, qu’elles pouvaient faire l’objet d’une procédure de délégalisation de l’article 37-2 C° (CC, n°59-1 L, 27 novembre 1959, Nature juridique de l’article 2, alinéa 3 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne, JO, 14 janvier 1960, p. 442, Rec. CC, p. 67). La jurisprudence « Magistrats musulmans » est aujourd’hui peu en phase avec la jurisprudence « Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie » (CC, n°85-187 DC, 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, JO, 26 janvier 1985, p.1137, Rec. CC, p. 43) par laquelle, dans une situation similaire, le Conseil accepte de contrôler la constitutionnalité de lois ordinaires en vigueur à l’occasion de recours contre des lois ordinaires non promulguées qui modifient ces ordonnances organiques). La présomption de constitutionnalité dont les « ordonnances organiques » bénéficient est partiellement tombée avec l’adoption de la QPC. Conformément aux solutions retenues pour un décret dit « loi du gouvernement de Vichy » (CC, n°2010-52 QPC, 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau [Imposition due par une société agricole], JO, 15 octobre 2010, p. 18540, Rec. CC, p. 278), une ordonnance prise par le gouvernement provisoire de la République française (CC, n°2011-211 QPC, 27 janvier 2012, M. Éric M. [Discipline des notaires], JO, 28 janvier 2012, p. 1674, Rec. CC, p. 87) ou une ordonnance du Comité français de libération nationale (CC, n°2012-259 QPC, 29 juin 2012, M. Mouloud M. [Statut civil de droit local des musulmans d’Algérie et citoyenneté française], JO, 30 juin 2012, p.10803, Rec. CC, p. 320), une ordonnance de l’article 92 C° peut faire l’objet d’une QPC (CC, n°2012-278 QPC, 5 octobre 2012, Mme Elisabeth B. [Condition de bonne moralité pour devenir magistrat], JO, 6 octobre 2012, p. 15655, Rec. CC, p. 511).

v) Un contrôle des lois organiques qui va au-delà des simples règles formelles ou procédurales

301• Au début de son activité, le Conseil constitutionnel a semblé cantonner le contrôle des lois organiques au respect des règles formelles et procédurales, se bornant à vérifier la procédure d’adoption de ces textes et le respect du domaine qui leur est assigné par la Constitution. Ainsi, si des dispositions ne relèvent pas de la matière organique mais de la loi ordinaire, le Conseil « déclasse » ces dispositions mais ne les censure pas (CC, n°87-234 DC, 7 janvier 1988, Loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de sécurité sociale, JO, 9 janvier 1988, p. 444, Rec. CC, p. 26 ; CC, n°99-410 DC, 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, JO, 21 mars 1999, p. 4234, Rec. CC, p. 51). Le législateur organique ne peut, de même, intervenir là où une loi constitutionnelle est nécessaire pour modifier la Constitution (CC, n°77-80/81 DC, 5 juillet 1977, Lois organiques complétant les articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral (remplacement des députés et des sénateurs), JO, 6 juillet 1977, p. 3561, Rec. CC, p. 24 ; CC, n° 87-234 DC, 7 janvier 1988, Loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de sécurité sociale, JO, 9 janvier 1988, p.444, Rec. CC, p. 26). Le Conseil a aussi censuré toute disposition d’une loi organique renvoyant au pouvoir réglementaire la fixation de règles qui relèvent de la compétence du seul législateur organique (CC, n°94-353/356 DC, 11 janvier 1995, Loi organique modifiant diverses dispositions relatives à l’élection du Président de la République et à celle des députés à l’Assemblée nationale et loi organique relative au financement de la campagne en vue de l’élection du Président de la République, JO, 14 janvier 1995, p. 731, Rec. CC, p. 166, § 12, 13 et 14). Aujourd’hui, le contrôle s’étend, comme pour tout autre texte soumis au Conseil, à la vérification du respect des normes constitutionnelles substantielles et, en particulier, des dispositions constitutionnelles qui garantissent les droits et libertés (CC, n° 70-40 DC, 9 juillet 1970, Loi organique relative au statut des magistrats, JO, 19 juillet 1970, p. 6773, Rec. CC, p. 25). Le Conseil vérifie ainsi que le législateur organique, dans l’exercice de son pouvoir de modification et d’abrogation, ne prive pas de garanties légales des principes constitutionnels (CC, n° 92-305 DC, 21 février 1992, Loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 29 février 1992, p. 3122, Rec. CC, p.27).

vi) Un contrôle obligatoire sur les règlements des assemblées parlementaires pour éviter l’octroi de pouvoirs que la Constitution ne définit pas

302• Les règlements des assemblées parlementaires sont de simples résolutions (noms donnés aux délibérations adoptées par une seule assemblée) sans valeur constitutionnelle ni même législative par lesquelles une assemblée parlementaire détermine les modalités de son organisation et de son fonctionnement. L’expérience des IIIème et IVème républiques avait montré que, par le biais de ses instruments, une assemblée parlementaire pouvait parfois s’octroyer des pouvoirs que la Constitution ne lui avait pas accordés. C’est pour éviter une telle dérive qu’ils sont désormais obligatoirement soumis, avant leur mise en application, au contrôle du Conseil constitutionnel. Le risque n’est pas simplement théorique puisque le Conseil a déclaré, dès leur 1er établissement en 1959, et à plusieurs reprises lors des révisions qui sont intervenues depuis, inconstitutionnelles certaines dispositions du règlement de chacune des assemblées et celles-ci durent s’incliner. Si on a ainsi pu conclure à une défense renforcée des prérogatives du gouvernement (C.-L. Vier, « Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les règlements des assemblées parlementaires », RDP 1972, p. 165), il faut néanmoins relever que le contrôle s’exerce, plutôt, aujourd’hui dans l’intérêt de la C° et de l’équilibre entre les organes qu’elle établit. Le Conseil a, par exemple, dégagé de l’article 6 DDHC et du 1er alinéa de l’article 3 C°, les exigences de clarté et de sincérité du débat budgétaire pour les appliquer aux règlements (voir, par ex., CC, n° 2014-705 DC, 11 décembre 2014, Résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, JO, 13 décembre 2014, p. 20882). Depuis 1959, le Conseil a examiné à 40 reprises celui de l’Assemblée nationale (voir, dernièrement, CC, n°2019-785 DC, 4 juillet 2019, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale, JO, 6 juillet 2019, texte n°123) et aussi à 42 reprises celui du Sénat (voir, dernièrement, CC, n°2019-786 DC, 11 juillet 2019, Résolution clarifiant et actualisant le règlement du Sénat, JO, 13 juillet 2019, texte n° 101). Il s’est aussi déclaré compétent pour examiner le règlement du Congrès (dernière en date : CC, n°2009-583 DC, 22 juin 2009 Résolution modifiant le règlement du Congrès, JO, 23 juin 2009, p. 10248, Rec. CC, p. 118) ou du Parlement réuni en Haute Cour (CC, n°2014-703 DC, 19 novembre 2014 Loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, JO, 25 novembre 2014, p. 19698).

 
d) Un Conseil constitutionnel destiné à éviter l’intrusion du Parlement dans le domaine du gouvernement
i) La procédure spécifique d’irrecevabilité (art. 41 C°) : une utilisation initiale rare

303• Des procédures spécifiques ont été mises en place par le constituant pour assurer le respect et la frontière entre les deux domaines respectifs de la loi et du règlement. Le but étant d’assurer les équilibres institutionnels et l’efficacité de la production normative. Si le Gouvernement veut ainsi éviter l’intrusion du Parlement dans son domaine, il dispose de la procédure d’irrecevabilité de l’article 41 C°. Cet article donne au Gouvernement et au Président de l’Assemblée concernée le droit, au cours de la procédure législative, de saisir le Conseil d’une proposition de la loi ou d’un amendement estimé irrecevable car ne faisant pas partie du domaine de la loi. C’est un contrôle préventif dont l’utilisation est peu à peu tombée en désuétude. Dans l’ensemble, les chiffres restent maigres, invoqué une cinquantaine de fois à l’Assemblée nationale et, approximativement autour de 80 au Sénat, l’exception d’irrecevabilité n’a donné lieu qu’à 12 décisions du Conseil (Cf. pour la dernière décisions en date : CC, n° 2014-12 FNR, 1er juillet 2014, Présentation du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, JO, 3 juillet 2014, p. 11023 ; E. Olliva, L’article 41 de la Constitution du 4 octobre 1958, initiative législative et Constitution, Paris/Marseille, Economica/PUAM, 1997 ; E. Douat, « L’article 41 de la constitution : le contrôle au dépôt des initiatives parlementaires » LPA 2018, 9 juillet, n°137, p. 15 et suiv.). Jusqu’à récemment, elle semblait même en voie de disparition jusqu’à ce que Jean-Louis Debré, alors Président de l’Assemblée Nationale, ne relance quelque peu la pratique et déclare irrecevable, en janvier et avril 2005, des amendements au projet de loi relatif aux activités postales (14587 en 1ère lecture et 101 en 2nde lecture). Il y a, globalement, plusieurs raisons à ces mauvais chiffres. D’abord, le recours à la procédure n’est qu’une faculté pour le Gouvernement qui n’a, d’ailleurs, pas toujours intérêt à protéger le domaine du règlement pour renforcer la cohérence d’un texte. Tolérer l’inclusion de dispositions réglementaires dans une loi peut avoir certains avantages comme celui, par exemple, de soustraire la disposition réglementaire au contrôle du juge administratif même si, naturellement, la pratique est contestable. La procédure est aussi lourde et difficile à mettre en œuvre, l’examen du texte peut s’éterniser et il crée, au sein du Parlement, un climat conflictuel d’autant plus que la frontière entre le domaine de la loi et du règlement est difficile à maitriser. Enfin, aujourd’hui, les limitations au droit d’amendement, en vertu notamment de la valorisation de la clarté et de la sincérité du débat budgétaire ou le recadrage des conditions particulières d’exercice au cours de la navette, empêchent ou rendent inutile l’utilisation de la procédure (Cf. M.-A. Granger, « La rénovation du droit d’amendement », RFDC 2008, n°75, p. 585).

ii) La procédure spécifique d’irrecevabilité (art. 41 C°) : une utilisation contemporaine renouvelée

304• On note aujourd’hui une certaine revalorisation de la procédure, cette dernière faisant l’objet d’une attention jurisprudentielle renouvelée. Ainsi, pour faire face à des lois qui dépassent trop largement leur domaine initial, le Conseil s’estime désormais compétent pour déclarer préventivement règlementaires des dispositions contenues dans des lois (CC, n°2005-512 DC, 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, JO, 24 avril 2005, p. 7173, Rec. CC, p. 72). Même si le Gouvernement ne fait pas usage de l’exception d’irrecevabilité, des articles d’une loi déférée au Conseil et dépassant le domaine de la loi peuvent se voir piéger par le jeu de cette délégation préventive. Faute d’assurer sa mission de police qui lui a été confié par la Constitution (en vertu de la décision « Blocage des prix et des revenus » : CC, n°82-143 DC, 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus, notamment ses articles 1, 3 et 4, JO, 31 juillet 1982, p. 2470, Rec. CC, p. 57), le Conseil vient néanmoins en aide à ce dernier en assurant une certaine discipline et oblige les parlementaires à redoubler de vigilance. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 précitée permet aussi aux présidents des Assemblées de saisir, en vertu de l’article 41 C°, le Conseil eu égard au fait que c’est souvent à l’initiative ou avec l’accord du Gouvernement que le Législateur intervient dans le domaine réglementaire. Mais si l’on donne ce pouvoir aux Présidents de chambre, ce n’est plus pour corriger un déséquilibre entre le législatif et l’exécutif mais pour qu’ils améliorent ensemble la qualité de la loi, l’article 41C° ayant en l’occurrence un nouvel objectif. Il devient plutôt une arme au service de la loi qui incite les pouvoirs à la protéger plutôt qu’à protéger leur domaine respectif (Cf. En ce sens B. Quiriny, « La métamorphose de l’article 41 de la Constitution », RFDC 2010, n°82, p. 313).

iii) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : redonner un caractère réglementaire à certaines dispositions législatives prises hors du domaine de la loi

305• Si le Gouvernement a laissé passer par mégarde des dispositions de nature réglementaire, il peut rétablir les choses à tout moment par la procédure de délégalisation de l’article 37-2 C°. L’article reconnaît le droit au gouvernement de modifier par décret en Conseil d’Etat les textes de forme législative qui ont été pris dans des matières relevant du domaine règlementaire. La procédure peut être employée, à tout moment, de façon discrétionnaire même si, sur le principe, elle est susceptible de recours (CE, Sect., 3 décembre 1999, Association ornithologique et mammologique de Saône-et-Loire, req. n°164789, Rec. CE, p. 379, concl. F. Lamy). Elle a d’abord, à l’origine, été destinée à surveiller les limitations de l’activité législative et à faciliter une extension maximale de la compétence réglementaire du Gouvernement. Il s’agissait d’un instrument purement technique permettant à ce dernier de ne pas être systématiquement contraint de repasser devant le Parlement afin de modifier ou d’abroger certaines règles législatives. Puis le développement de la codification a entraîné une utilisation renouvelée de la procédure, dans la mesure où la codification permet un réaménagement entre la partie législative et la partie réglementaire des Codes. On remarque, dans ce cadre, une certaine hésitation du Gouvernement à recourir à la procédure de délégalisation et donc à saisir le Conseil constitutionnel. Le processus de codification se substitue ainsi la délégalisation, ce qui est contraire tant à la lettre qu’à l’esprit de l’article 37 C° (G. Drago, « Lois : de la codification à l’évaluation », JCP 1996, G, n°3953). On peut même se demander si le processus d’abrogation des textes antérieurs, législatifs et réglementaires, qui accompagne la codification n’est pas en train de supplanter la procédure de délégalisation.

iv) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : remise en cause par la bienveillance du Conseil à l’égard du domaine de la loi

306• La procédure de délégalisation a aussi été touchée par l’attitude et la bienveillance du Conseil constitutionnel à l’égard du domaine de la loi qui s’est irrésistiblement étendu. Au titre d’un discours révérencieux à l’égard de la loi, il rappelle qu’il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que le Parlement. Il indique qu’il ne lui appartient pas de s’immiscer dans les choix politiques que seul le Parlement peut faire mais seulement de juger de la constitutionnalité d’une loi parce que la loi votée n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution. En conséquence, et en 1er lieu, la distinction au sein de l’article 34 C° entre la fixation des règles et la détermination des principes fondamentaux n’a pas lieu d’être (CC, n°59-1 FNR, 27 novembre 1959, Nature juridique de l’article 2, alinéa 3 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne, JO, 14 janvier 1960, p. 442, Rec. CC, p. 67). Quelle que soit la matière, le législateur est compétent pour les mettre en cause et le Gouvernement, par le biais de décrets du 1er Ministre, ne peut, de son côté, que les mettre en œuvre. En 2nd lieu, le Conseil estima que l’article 34 C° n’épuise pas, à lui seul, le domaine de la loi (CC, n°65-34 L, 2 juillet 1965, Nature juridique des articles 1er, 5 et 6 de l’ordonnance n° 58-1383 du 31 décembre 1958 portant modification de certaines dispositions du régime de retraite des marins du commerce, JO, 23 août 1965, Rec. CC, p. 75) se fondant sur d’autres articles de la Constitution (art. 3, 35, 53 et 72 C°) et, plus tard, sur ceux de la DDHC de 1789 (art. 7 à 11) et du Préambule de la Constitution de 1946 (al. 7). Enfin, en 3ème lieu, le Conseil a été amené à fragiliser sérieusement la délimitation des domaines dans sa décision « Blocage des prix et des revenus » (CC, n°82-143, 30 juillet 1982, précitée) puisqu’il refuse, s’il est saisi au titre du contrôle de constitutionnalité des lois (art. 61 C°), d’invalider une disposition législative en raison de son immixtion dans le domaine réglementaire. Il n’existe, en réalité, pas de domaine de la loi, la loi ayant retrouvé son aire initiale si le gouvernement laisse le législateur agir.

v) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : une résurgence de la séparation des deux domaines pour faire face aux dérives de la loi

307• La malléabilité qui a été introduite dans les règles de délimitation du champ législatif a contribué à un phénomène qui pourrait s’analyser comme une sorte de « dérive de la loi ». On observe, aujourd’hui, une sorte d’inflation de la loi qui déborde de détails techniques, empiète fréquemment sur le domaine du règlement ou se répand encore en dispositions qui sont plus proclamatoires qu’autre chose. Pour restaurer l’autorité de la loi, le Conseil est revenu sur l’ouverture qu’il avait ainsi dégagée en infléchissant sa jurisprudence « Blocage des prix et des revenus » à travers sa décision « Avenir de l’école ». Il juge, dorénavant, comme on a déjà pu le voir, qu’il peut désormais identifier, dans les motifs et le dispositif de sa décision, les dispositions législatives qui « à l’évidence » relèvent du domaine réglementaire (CC, n°2005-512 DC, 21 avril 2005, précitée). L’identification entraînant, de facto, la délégalisation de la disposition. Si ce nouveau courant jurisprudentiel ne s’est pas trop développé, il témoigne néanmoins d’une certaine résurgence de la séparation entre les deux domaines au titre, notamment, de la clarté de la loi. Aujourd’hui, plus de 291 décisions ont été prises dans ce cadre (Cf. Pour la dernière en date : CC, n° 2021-290 L, 11 février 2021, Nature juridique de certaines dispositions de l’article L. 3122-3 du code des transports, JO, 12 février 2021, texte n°85).

e) Un Conseil constitutionnel qui s’autolimite
i) Le refus de contrôler les lois référendaires : la décision du 6 novembre 1962

308• Les attributions du Conseil constitutionnel sont énumérées de façon limitative et la plupart d’entre elles correspondent à des hypothèses très spécifiques. On ne trouve pas dans la Constitution de clause de compétence générale analogue, par exemple, à celle de l’article 93 alinéa 1er de la Loi fondamentale allemande qui permet au Tribunal constitutionnel allemand de statuer « en cas de litiges portant sur les droits et obligations d’un organe fédéral ». L’autorité constitutionnelle française n’a, en d’autres termes, qu’une compétence d’attribution et certains problèmes peuvent lui échapper pour la simple et bonne raison que ni la Constitution, ni la Loi organique n’ont prévu de le saisir. Si, pour autant, l’article 61 C° ne fait aucune distinction entre les lois selon leur mode d’élaboration, le Conseil a jugé que les lois référendaires ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. Saisi d’une demande du Président du Sénat tendant à déclarer non-conforme à la Constitution la loi relative à l’élection du Président de la République adoptée par le referendum du 28 octobre 1962, le Conseil s’est déclaré incompétent au motif que la loi ne pouvait être assimilée ni aux lois organiques automatiquement déférées ni aux lois ordinaires car, n’émanant pas des représentants du peuple mais du peuple lui-même et tenant compte de « l’esprit de la Constitution interprété par la juridiction constitutionnelle », il ne pouvait exercer un contrôle sur « l’expression directe de la volonté du peuple » (CC, n°62-20 DC, 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962, JO, 7 novembre 1962, p. 10778, Rec. CC, p. 27).

ii) Le refus de contrôler les lois référendaires : la décision du 20 septembre 1992

309• La nature souveraine des lois référendaires interdit qu’en l’absence de dispositions expresses de la Constitution, le Conseil, qui est « un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics », puisse se prononcer sur la conformité à la Constitution d’une loi votée directement par le peuple souverain. La doctrine a pu faire ressortir le raisonnement assez étrange du juge constitutionnel dans sa décision de 1962 notamment si on tient compte de l’article 3 C° qui définit la souveraineté comme appartenant au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du referendum. En effet, lorsque le peuple se prononce par referendum, il n’exerce pas plus sa souveraineté que lorsqu’il s’exprime par ses représentants (Voir, en ce sens, F. Hamon et M. Troper, Droit constitutionnel, LGDJ, 32ème éd., 2011, p. 820). Cela ne l’a pas empêché de confirmer cette jurisprudence par une décision du 20 septembre 1992 dite « Maastricht III » (CC, n°92-313 DC, 20 septembre 1992, Loi autorisant la ratification du traité sur l’Union européenne, JO, 25 septembre 1992, page 13337, Rec. CC, p.94) mais avec des motifs nouveaux. Il ne fait plus référence à « l’esprit de la Constitution », ne se qualifie plus comme « un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics » mais comme étant chargé d’assurer « l’équilibre des pouvoirs publics établis par la Constitution ». Certaines décisions rendues par le juge constitutionnel en 2005 dans le cadre de la campagne du referendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe laissent néanmoins supposer que cette position est susceptible d’évolution.

iii) Le refus de contrôler les lois référendaires : les décisions « Hauchemaille » du 25 juillet 2000 et du 24 mars 2005

310• Chargé de veiller à la régularité des opérations de referendum, le juge constitutionnel s’est  toujours déclaré incompétent pour examiner les réclamations dirigées contre les actes préparatoires de ces referendums (CC, n°88-13 REF, 25 octobre 1988, M. Stéphane Diemert et M. Cédric Bannel, JO, 26 octobre 1988, p. 13521, Rec. CC, p. 191). Les réclamations relèvent de la compétence du Conseil d’Etat à travers une procédure d’urgence (CE, 28 octobre 1988, Centre national des indépendants et paysans, req. n°107769, Rec. CE, p. 385). L’autorité constitutionnelle a, cependant, opéré un revirement de jurisprudence à l’occasion de la campagne sur le quinquennat en l’an 2000 en étendant sa compétence au contrôle des actes préalables au referendum (CC, n°2000-21 REF, 25 juillet 2000, M. Stéphane Hauchemaille, JO, 29 juillet 2000, p. 11768, Rec. CC, p. 117). Puis en 2005 la question lui était posée de savoir, si par le biais d’un recours dirigé contre un acte préparatoire, il pouvait apprécier la conformité à la Constitution du projet de loi soumis au referendum. Au lieu de décliner sa compétence, il rejeta directement la requête (CC, n°2005-31 REF, 24 mars 2005, M. Stéphane Hauchemaille et M. Alain Meyet, JO, 31 mars 2005, p. 5834, Rec. CC, p. 56, considérant n°7) ce qui, pour nombre de commentateurs, laisse au minimum entrevoir le fait qu’il n’exclut pas un jour de se déclarer compétent en la matière ou une sorte d’avertissement adressé au pouvoir exécutif au cas où ces observations formulées dans le cadre de ces attributions consultatives seraient systématiquement ignorées par ce dernier ( Voir, en ce sens, F. Hamon et M. Troper, Droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 32ème éd., 2011, p. 578).

iv) Le refus de contrôler les lois constitutionnelles : le caractère souverain du pouvoir constituant 

311• La question du contrôle éventuel des lois constitutionnelles a longtemps été considérée comme ne se posant pas. Le pouvoir constituant étant l’expression de la souveraineté du peuple, pas de contrôle de constitutionnalité sur l’acte pris par le constituant lui-même. Le problème a cependant été renouvelé suite à deux décisions importantes du juge constitutionnel en 1992 et 2003 (CC, n°92-312 DC, Traité sur l’Union européenne, JO, 3 septembre 1992, p. 12095, Rec. CC, p. 76 et CC, n°2003-469 DC, Révision constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République, JO, 29 mars 2003, p. 5570, Rec. CC, p. 293). Le Conseil a d’abord rappelé fermement le caractère souverain du pouvoir constituant interdisant toute forme de contrôle, l’article 61-2 C° visant exclusivement les lois ordinaires et non les lois de révision adoptées dans le cadre de l’article 89 C°. Il s’est donc déclaré incompétent pour contrôler les lois de révision même lorsqu’elles ont été adoptées par la voie du Congrès et non par celle du referendum. La réaffirmation du principe semblait ainsi faire cesser les interrogations mais le juge a également rappelé, dans ces deux décisions, que si le pouvoir constituant était souverain, il était néanmoins soumis à certaines limites (ces dernières concernent, d’une part, les périodes au cours desquelles les lois de révision ne peuvent être adoptées (art. 7 et art. 16 C°) et, d’autre part, l’interdiction de porter atteinte à la « forme républicaine du gouvernement » (art. 89 C°) auxquelles il faudrait rajouter, au surplus, des limitations, dont la méconnaissance est au demeurant plus plausible, que le Conseil n’a pas évoqué et qui tiennent à tous les incidents qui peuvent corrompre la procédure législative qui préside aussi l’adoption des révisions constitutionnelles). De là vient le paradoxe dans la mesure où si l’on marque les limites du pouvoir de révision, on apporte également la preuve qu’il ne s’agit pas, en réalité, d’un pouvoir souverain.

v) Le refus de contrôler les lois constitutionnelles : les thèses concernant l’existence de principes supra-constitutionnels inviolables

312• Deux thèses et deux interprétations doctrinales divergentes ont vu le jour autour de l’adoption ou non de la notion de « supraconstitutionnalité » et le débat, notamment célèbre, entre les doyens Favoreu et Vedel (Cf. L. Favoreu, « Souveraineté et supraconstitutionnalité », Pouvoirs 1993, n°67, p. 71 ; G. Vedel, « Souveraineté et supraconstitutionnalité », Pouvoirs 1993, n°67, p. 79 et A. Le Divellec, A. Levade et C. Miguel Pimentel, « Le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles – Avant-propos », Cahiers du CC 2010, n°27). La 1ère thèse défendue par le doyen Vedel va dans le sens de la déclaration d’incompétence du Conseil dans la mesure où comme le pouvoir constituant est souverain, il n’y aurait aucune norme de valeur supérieure à la Constitution, aucune disposition de valeur supra-constitutionnelle qui puisse être imposé au constituant et justifier le contrôle. L’énumération des limites ne pouvant aller jusqu’au contrôle de constitutionnalité et le Conseil ne pouvant, en tout état de cause, sous l’égide du respect du droit, empêcher un coup d’Etat (Voir, en ce sens, F. Luchaire, « L’Union européenne et la Constitution », RDP 1992, p. 157, G. Vedel, « Schengen et Maastricht », RFDA 1992, p. 173 ou la doctrine sur la décision de 2003 : H. Moutouh, « Décision prévisible », AJDA 2003, p. 753 ou J.-E. Schoettl, « Le Conseil constitutionnel peut-il contrôler une loi constitutionnelle ? », LPA 2003, n°70, 8 avril, p. 793). La 2nde thèse défendue par le doyen Favoreu va à l’encontre de la déclaration d’incompétence du Conseil puisque l’existence de principes de valeur supra-constitutionnelle justifierait, en réalité, le contrôle (Voir, en ce sens, L. Favoreu et sa note sur CC, n°92-312 DC, Traité sur l’Union européenne, RFDC 1992, n°12, p. 738 et G. Carcassonne, « un plaidoyer résolu en faveur d’un tel contrôle sagement circonscrit », Cahiers du CC 2010, n°27). Mais plus qu’un contrôle fondé sur une idée de droit naturel, ce dernier se ferait plutôt sur le fondement même d’une Constitution positive, le contrôle restant à l’intérieur du cadre constitutionnel, de la Constitution prise dans son ensemble et dans sa globalité (en y incluant les principes à valeur constitutionnelle). Le but n’étant pas de faire que le droit puisse empêcher un coup d’Etat mais de se protéger contre le détournement de la légalité à l’occasion d’une révision et, en tout cas, de ne pas autoriser sous couvert de légalité constitutionnelle un changement de nature du régime politique (voir, en ce sens, O. Beaud, « Un plaidoyer modéré en faveur d’un tel contrôle », Cahiers du CC 2010, n°27).

2 – L’avènement d’une nouvelle séparation des pouvoirs : la formalisation du « pouvoir juridictionnel »

313• La France n’est ni un Etat fédéral, ni un pays de Common Law et rien ne la prédisposait à recevoir l’existence d’un contrôle juridictionnel sur les lois. Toutes les traditions juridiques étaient même plutôt contre. Le principe d’une censure juridictionnelle sur les lois est pourtant aujourd’hui accepté et intégré dans notre système juridique. On peut donc dire que c’est l’une des transformations les plus importantes enregistrées par notre droit au cours du XXème siècle. Cette révolution s’est faite, à la faveur, d’une part, d’une métamorphose complète du Conseil constitutionnel et, d’autre part, d’une lente dérive du principe de supériorité des traités sur les lois.

a) La métamorphose du Conseil constitutionnel : une fonction législative qui devient dominante
i) Un organe à la fois juge, administrateur et législateur

314• A l’origine et conformément aux traditions de notre droit public qui ne retient pas une séparation stricte des fonctions, le Conseil constitutionnel était une institution mixte (comme d’ailleurs le parquet ou le Conseil d’Etat) c’est-à-dire un organe exerçant plusieurs des fonctions politiques de l’Etat, un organe à la fois juge, administrateur et législateur. Une fonction consultative (R. Arsac, « La fonction consultative du Conseil constitutionnel », RFDC 2006, n°68, p. 228) lorsque le Conseil doit être consulté dans le cadre de l’exercice des pouvoirs exceptionnels de l’article 16 C° et des décisions prises dans ce cadre. Il vérifie, aujourd’hui, en se prononçant dans les délais les plus brefs, par un avis public, si les conditions de mise en œuvre sont toujours réunies soit à la demande d’un président d’assemblée ou 60 députés ou sénateurs au bout de 30 jours, soit de plein droit au bout de 60 jours et à tout moment au-delà de cette durée (art. 16 C°). Le Conseil est également consulté sur les textes relatifs aux opérations de referendum et les textes relatifs à l’élection du Président de la République. Une fonction juridictionnelle lorsqu’il statue, en cas de contestation, sur la régularité de l’élection du Président de la République (art. 58 C°) ou des parlementaires (art. 59 C°) dont il juge les inéligibilités et les incompatibilités ou lorsqu’il veille à la régularité des opérations de referendum dont il proclame les résultats. Une fonction législative, enfin, lorsqu’il est appelé à contrôler la constitutionnalité des normes.

ii) Un organe à la fonction législative dominante pour confirmer, paradoxalement, la qualité de « juge constitutionnel »

315• En l’espace d’une trentaine d’année, la fonction législative du Conseil a pris complètement le pas sur les autres pour arriver à ce qu’on retienne paradoxalement et principalement, à son égard, la fonction juridictionnelle. On parle désormais de deux fonctions juridictionnelles distinctes : le contentieux électoral et référendaire, d’un côté, et le contentieux normatif, de l’autre côté. L’ancienne fonction législative est désormais assimilée à un contentieux distinct de la compétence juridictionnelle (Cf. Site Internet du Conseil constitutionnel : www.conseil-constitutionnel.fr). L’institution est maintenant tenue pour une juridiction à part entière à la fois dans sa fonction juridictionnelle classique mais aussi dans sa fonction de contrôle de constitutionnalité des normes, ses membres sont présentés comme des juges et l’on enseigne dans les facultés qu’il faut désormais compter dans l’ordre juridique français sur une « justice constitutionnelle ». Cette transformation s’est opérée à travers l’ouverture du contrôle, l’approfondissement du contrôle mais aussi l’élargissement de la portée des décisions du Conseil à la faveur de la politique de juridictionnalisation de l’institution entamée, notamment, dans les années 1980.

b) La métamorphose du Conseil constitutionnel : l’extension aux droits et libertés du contrôle de la loi
i) La décision du 16 juillet 1971 « Liberté d’association »

316• Le Conseil constitutionnel s’est lui-même libéré du carcan dans lequel il avait été enfermé par les constituants de 1958. Le 1er pas et le plus révélateur en ce sens fut celui de la décision du 16 juillet 1971, « Liberté d’association » (CC, n°71-44 DC, 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, JO, 18 juillet 1971, p. 7114, Rec. CC, p. 29), « véritable coup d’Etat juridique » (R. Badinter, « Une longue marche « du Conseil à la Cour constitutionnelle » », Cahiers du CC 2009, n°25) par laquelle le Conseil s’est reconnu compétent pour apprécier la constitutionnalité d’un texte au regard du Préambule de la Constitution. Par la même, il reconnaissait sans ambiguïté que la DDHC de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946, auxquels renvoie le préambule de la Constitution de 1958, font partie des normes constitutionnelles de référence et peuvent donc être invoqués dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Il adopte ainsi une conception large de la notion de Constitution comprenant les textes auxquels, selon l’alinéa 1er du préambule, le peuple français réaffirme solennellement son attachement (il faut aujourd’hui rattacher la Charte de l’environnement de 2004 à la DDHC de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946). Ces dispositions ont toujours été considérées comme étant trop générales, souvent vagues et contradictoires, et ayant un caractère surtout plus philosophique que juridique pour pouvoir servir de normes de références. En les incluant dans ses normes de référence, le Conseil prend le contrepied des intentions des constituants de 1958 (certains ayant nié la valeur juridique de ces dispositions pendant les travaux préparatoires : Séance du Comité consultatif constitutionnel, 9ème séance, 7 août 1958, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. II, Paris, La Documentation française, 1998, p. 254-257) et élargi considérablement son pouvoir de contrôle puisqu’il dispose dorénavant d’une marge de pouvoir discrétionnaire considérable pour pouvoir juger de la constitutionnalité d’une loi.

ii) L’apparition du bloc de constitutionnalité

317• En 1971, le principe de « liberté d’association » n’était mentionné ni dans la Constitution, ni dans la DDHC de 1789, ni même dans le préambule de 1946. Il constituait néanmoins un PFRLR, notion énoncée sans plus de précisions par le préambule de la C° de 1946 et dont aucune liste ne figure dans un document à valeur normative. De telle sorte, la loi de 1971, portant atteinte au principe de cette liberté, était contraire à la Constitution (pour une analyse plus que complète et remarquable de la décision Cf. G. Boudou, « Autopsie de la décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association », RFDC 2014, n°1, n°97, p. 5). Par sa décision et la marge de manœuvre qu’elle lui offre, le Conseil peut ainsi devenir l’interprète autorisé et le gardien nouveau des libertés et droits fondamentaux des citoyens. La voie vers un contrôle juridictionnel des lois fondées sur le respect par le législateur des libertés et droits fondamentaux exprimés au plus haut niveau de la hiérarchie des normes de l’ordre juridique français est ouverte. C’est désormais tout un « bloc de constitutionnalité » et non simplement le texte fondateur de la Vème république qui s’impose au législateur quand il vote une loi ou ratifie un traité. S’il faut rajouter dans ce bloc, aux éléments déjà évoqués, les principes ou objectifs à valeur constitutionnelle à la construction très audacieuse (puisqu’ils ne reposent sur aucun texte précis et que le Conseil les définit eu égard à « l’esprit » de certaines dispositions), il reste néanmoins certaines normes ne faisant pas partie des normes de référence. Le Conseil refusant toujours d’intégrer dans le bloc de constitutionnalité les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés, ayant, dès leur publication, une autorité supérieure aux lois et d’exercer ainsi un contrôle de conventionnalité (CC, n°74-54 DC, 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse, JO, 16 janvier 1975, p. 671, Rec. CC, p. 19).

iii) La juridictionnalisation de l’institution

318• Il y a d’abord certains éléments qui éloignent le Conseil de la pratique d’un juge. Ainsi, s’il répond presque systématiquement aux arguments avancés par les requérants dans les mémoires déposés par les parties, il estime que son contrôle porte sur l’ensemble du texte. Il n’est pas lié par l’argumentation des auteurs de la saisine. Il met en œuvre un contrôle objectif de la loi en se laissant la possibilité de statuer ultra petita c’est-à-dire d’aller au-delà des moyens invoqués en examinant des dispositions dont l’inconstitutionnalité n’avait pas été soulevée par les requérants. Pour autant, il faut noter que la procédure s’est considérablement juridictionnalisée ces dernières décennies et ceci sans parler du nouveau contrôle a posteriori. Les audiences ne sont pas publiques et le recours à des avocats n’est pas pris en compte mais la procédure est devenue de plus en plus contradictoire (Cf. D. Rousseau, « Le procès constitutionnel », Pouvoirs 2011, n° 137, p. 47 ; G. Drago, « Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », Mélanges Guinchard, Paris, Dalloz, 2010, p. 442 ; S. Nicot, « Le Conseil constitutionnel face à ces contradictions », RDLF 2011, chron. n°13, www.revuedlf.com). Par définition, pourtant, la contradiction ne s’applique pas dans le contrôle a priori effectué par le Conseil, puisque le procès constitutionnel est un procès sans partie malgré la qualité de requérants que l’on peut attacher aux parlementaires.

iv) Les progrès du contradictoire

319• La pratique a démontré que, suite à la volonté de ses présidents successifs (Cf. f., sur ce point, le témoignage de Robert Badinter in R. Badinter, « Une longue marche « du Conseil à la Cour constitutionnelle » », op. cit.), le développement de cette contradiction a été encouragé. On peut citer, à titre d’exemple, le développement des échanges organisés entre les requérants et le secrétariat général du Gouvernement. Mais la procédure est aussi devenue moins secrète par le biais de sa publication au Journal officiel, depuis 1983, des saisines des parlementaires et, depuis 1994, des mémoires des députés ou des sénateurs et du mémoire en réponse du secrétariat général du gouvernement (ou encore depuis 1995 du nom des membres du Conseil ayant participé aux délibérations). Les progrès du contradictoire ont été officialisés avec l’avènement du contrôle par voie d’exception et de l’accès au prétoire du juge constitutionnel des parties. On sait que le juge européen exige le respect du contradictoire pour le contrôle de constitutionnalité des lois exercé sur renvoi préjudiciel (CourEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos contre Espagne, req. n°12952/87 où l’Etat espagnol a été condamné pour violation du principe d’égalité des armes, faute d’un échange contradictoire sur la question préjudicielle examinée par le Tribunal constitutionnel). En ce sens, la procédure relative à la QPC a résolument été inscrite dans une perspective de contradiction (article 23-10 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ou article 3 du Règlement intérieur du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les QPC). En pratique, le contradictoire de la procédure est respecté par la communication, sous format électronique, des observations en intervention à l’ensemble des parties et autorités de l’Etat.

v) Le contrôle de proportionnalité

320• Dans le cadre de l’approfondissement du contrôle du Conseil, il faut aussi évoquer la mise en place d’un contrôle de proportionnalité inspiré quelque peu du modèle allemand et de celui mis en place par le juge de l’Union. Selon ces modèles, pour être proportionnée, la disposition législative doit satisfaire à une triple exigence :  d’adéquation (la mesure doit être appropriée), de nécessité (la mesure ne doit pas excéder, par sa nature ou ses modalités, ce qu’exige la réalisation du but poursuivi) et de proportionnalité au sens strict (la mesure ne doit pas, par les charges qu’elle crée, être hors de proportion avec le résultat recherché ce qui correspondrait, à titre de comparaison au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation pratiqué par le juge administratif). Le contrôle exercé par le Conseil ne reprend pas cette triple exigence et se contente des deux premiers éléments (adéquation et nécessité). Si le contrôle s’apparente ainsi à un contrôle restreint ou contrôle minimum, il suppose néanmoins un examen par le Conseil au cœur de la loi. Le contrôle ne s’effectuant plus entre la loi et la Constitution mais plutôt à l’intérieur même de la loi. De même, alors que l’exigence de proportionnalité n’est inscrite dans aucun texte de portée générale, le Conseil tend à en faire une exigence autonome que le législateur doit respecter indépendamment de toute conciliation entre des principes constitutionnels même s’il veille au respect de la liberté du choix politique (CC, n°2000-433 DC, 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO, 2 août 2000, p. 11922, Rec. CC, p. 121, §41 où le Conseil précise qu’il ne dispose pas d’un pouvoir de décision et d’appréciation identique à celui du Parlement). Le pouvoir discrétionnaire du Parlement est ainsi encadré tout en respectant la nature particulière de ce dernier liée à sa qualité première de représentant du peuple.

vi) La Constitutionnalisation des branches du droit

321• C’est la décision du 16 juillet 1971 qui a déclenché le processus de constitutionnalisation des branches du droit. En étendant ces normes de contrôle aux droits proclamés par le préambule de la Constitution, le Conseil a augmenté considérablement les règles de fond ayant valeur constitutionnelle. Mais c’est la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 (Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 (JO, 30 octobre 1974, p.11035) portant révision de l’article 61 de la Constitution) ouvrant la saisine à une minorité parlementaire, en d’autres termes à l’opposition (60 députés ou 60 sénateurs) qui allait réellement formaliser ce processus. Bien vite, les groupes parlementaires comprirent l’intérêt que pouvait offrir la saisine du Conseil. Celle-ci devint de plus en plus fréquente (il y a eu seulement 9 lois ordinaires qui ont été déférées au Conseil de 1958 à 1974 alors que pendant la période suivante de même durée (de 1974 à 1989), ce sont 166 lois qui ont été soumises à l’examen du Conseil). Le recours se banalise d’autant plus que les moeurs politiques sous la Vème République incitent l’opposition à poursuivre le débat parlementaire et sa critique politique par une critique plus juridique sous peine d’adhérer à la politique mise en place par la majorité. La saisine reste plutôt fondée sur une stratégie politique, mais la nécessité d’argumenter juridiquement les requêtes va susciter l’intérêt de la doctrine et renforcer la discussion proprement juridique des normes constitutionnelles au détriment de l’analyse des politistes. Désormais, toutes les branches du droit (pénal, social, fiscal, civil, …) sont affectées par la jurisprudence du Conseil à l’occasion de la discussion des lois. En leur donnant un fondement constitutionnel, le Conseil unifie ainsi le droit français autour de la notion de Constitution au sens large et autour, surtout, des droits et libertés consacrés par le préambule (Cf. B. Mathieu et M. Verpeaux, La constitutionnalisation des branches du droit, Paris, Economica, 1998 ; L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », RFDC 1990, p. 71 ou « La constitutionnalisation du droit », Mélanges Drago, Paris, Economica, 1996, p. 25). Le développement du contrôle par voie d’exception ou a posteriori de la constitutionnalité des lois amplifie encore ce phénomène.

c) La métamorphose du Conseil constitutionnel : l’extension de la portée de ses décisions
i) Le caractère particulier de l’article fixant l’autorité de chose jugée (art. 62 C°)

322• A l’inverse de ce qui peut exister pour la Cour suprême aux Etats-Unis (qui peut, par exemple, tenir toute juridiction inférieure, fédérale ou d’Etat, dans les limites de sa compétence en lui retirant une affaire pour en décider elle-même (certiorari), annuler des jugements des autres juridictions, rendre des jugements déclaratoires (declaratory judgments) ou protéger la liberté des citoyens contre l’emprisonnement arbitraire par une interposition rapide et sommaire qui prend la forme d’un ordre de remise en liberté immédiate (habeas corpus)), il n’existe pas de sanction quant au non-respect de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel. On retrouve cette logique pour l’ensemble des juridictions constitutionnelles européennes voire pour la CourEDH qui ne peuvent compter que sur la coopération loyale des juges nationaux. En France, le juge constitutionnel reste un juge spécialisé à travers la matière constitutionnelle et n’est pas le supérieur hiérarchique du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation. En aucun cas, il ne peut annuler les jugements des autres juridictions. La portée de l’autorité de chose jugée des décisions est fixée par l’article 62 C° : « Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Il n’est pas fait mention dans l’article de la notion « d’autorité de chose jugée », une certaine supériorité est reconnue aux décisions du juge constitutionnel mais la portée de l’article est assez incertaine à définir.

ii) Une autorité définie personnellement par le juge constitutionnel

323• C’est le Conseil lui-même qui s’est attaché à définir cette autorité de chose jugée. Il l’a fait sans la mentionner dans une décision de 1962 à propos d’une procédure de délégalisation de l’article 37-2 C° (CC, n°62-18 L, 16 janvier 1962, Nature juridique des dispositions de l’article 31 (alinéa 2) de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole, JO, 25 février 1962, p.1915, Rec. CC, p. 31) en faisant référence au dispositif de la décision et « aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même » (cons. n°1). Par la même, le Conseil mettait en avant, le fondement juridique de la décision tout en faisant ressortir le caractère objectif du contentieux porté devant lui. L’autorité de chose jugée ne se limitant pas à l’effet sur les parties ou à son caractère relatif. Cette jurisprudence a été reprise, pour le contentieux des décisions « DC », dans 2 décisions de 1988 et de 1989 où l’autorité de chose jugée est expressément visée (CC, n°88-244 DC, 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, JO, 21 juillet 1988, p. 9448, Rec. CC, p. 119, considérant n°18 et CC, n° 89-258 DC, 8 juillet 1989, Loi portant amnistie, JO, 11 juillet 1989, p. 8734, Rec. CC, p. 48, considérant n°12 et n°13). La décision de 1989 comportant juste une évolution par rapport à celle de 1988 dans la mesure où le Conseil a considéré que l’autorité qui s’attache à l’une de ses décisions peut être invoquée à l’encontre d’une disposition qui diffère de celle initialement déférée. Il s’agit d’opposer cette autorité à une autre loi qui a « en substance » un objet « analogue ». Dans le cadre ainsi fixé, les deux Cours suprêmes se conforment à la chose jugée par le Conseil mais elles ne s’estiment pas juridiquement liées par ses décisions ou sa jurisprudence. L’autorité s’imposant que lorsqu’elles font application du texte même qui a été déféré au Conseil. Si le litige concerne une autre disposition alors que le problème est analogue, la décision du Conseil n’aura pas la même portée.

iii) L’interprétation stricte de l’autorité par la Cour de cassation

324• Pour vérifier la réception de l’autorité des décisions du juge constitutionnel par la Cour de cassation, il faut évoquer l’affaire de la responsabilité pénale du chef de l’Etat entre 1999 et 2001, où le juge judiciaire a été saisi à peu près au même moment que le Conseil Constitutionnel. L’affaire en question a montré les limites de cette autorité de chose jugée. Une 1ère décision du Conseil concernait le traité sur la Cour pénale internationale (CC, n°98-408 DC, 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour pénale internationale, JO, 24 janvier 1999, p. 1317, Rec. CC, p. 29). Il a notamment mis en avant que l’article 68 C° posait une irresponsabilité absolue et perpétuelle du Président et interdisait les poursuites pendant la durée du mandat sauf devant la Haute Cour de Justice (considérant n°16). La Cour de cassation, quant à elle, restreint la compétence de la Haute Cour de Justice au seul cas de haute trahison (Cass., Ass. Plén., 10 octobre 2001, Breisacher, n° 01-84922, Bull. civ., Ass. Plén., n° 11) et, pour elle, la responsabilité pénale du Président peut donc en conséquence être mise en cause devant les juridictions répressives ordinaires, pour des actes antérieurs à ses fonctions ou des actes détachables commis pendant son mandat. Il y a divergence avec le Conseil sur ce point, la décision de ce dernier n’ayant pas de caractère obligatoire, simplement une autorité « morale » ou « persuasive » (l’expression étant attribuée à Bruno Genevois in « Le Conseil constitutionnel et le droit pénal international », RFDA 1999, p. 285 et suiv. et « Observations complémentaires », RFDA 1999, p. 717 et suiv.) et non l’autorité de chose jugée parce que l’affaire dont elle était saisie ne concernait pas le Traité sur la Cour pénale internationale.

iv) L’interprétation stricte de l’autorité par le Conseil d’Etat

325• L’interprétation est tout aussi restrictive du côté du Conseil d’Etat. En présence d’un texte sur lequel le juge constitutionnel n’a pas eu à statuer, le juge administratif estime qu’il est libre de choisir même si la question de principe soulevée par l’affaire a, à propos d’un autre texte, déjà été examiné par le Conseil constitutionnel. On cite généralement, à ce propos, la décision « Outters » (CE, Ass., 20 décembre 1985, Société Établissements Outters, req. n°31927, Rec. CE, p. 382, rendue au visa de l’article 62 C°, à propos d’un texte sur lequel le Conseil s’était prononcé dans le cadre de la procédure de délégalisation (art. 37 C°)) voire une décision dès 1983 où le juge avait accepté de vérifier qu’un texte réglementaire ne méconnaissait pas des dispositions législatives telles qu’interprétées par le Conseil (CE, 1er juillet 1983, Syndicat unifié de la radio et de la télévision CFDT, req. n°20838, Rec. CE, p. 293).

v) Une autorité de « chose jugée » qui s’étend à l’autorité de « chose interprétée »

326• L’autorité des décisions du Conseil ne se limite pas à la « chose jugée » et s’étend aussi à la « chose interprétée » (Voir M. Disant, « Quelle autorité pour la « chose interprétée » par le Conseil constitutionnel ? De la persuasion à la direction », in B. Mathieu et M. Verpeaux (dir.), L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2010, p. 57, et, du même auteur, L’autorité de la chose interprétée, Paris, LGDJ, 2010). Parfois le Conseil ne se limite pas à déclarer une loi ou une de ses dispositions conforme ou non à la Constitution, il peut aussi donner, dans sa décision, l’interprétation qu’il estime correcte de la loi : c’est la technique des « réserves d’interprétation » par laquelle le Conseil est amené à réécrire la loi voire à devenir co-législateur. Ces réserves sont, tout autant que la qualification juridique retenue, revêtue de l’autorité de chose jugée de l’article 62 C°. Le juge constitutionnel l’a rappelé (CC, n°2004-506 DC, 2 décembre 2004, Loi de simplification du droit, JO, 10 décembre 2004, p. 20876, Rec. CC, p. 211, considérant n°17 à 22) tout comme le Conseil d’Etat (CE, 26 juin 2006, Anfian et Hassani, req. n° 294505 et n°294506 où « pour l’application et l’interprétation d’une loi, aussi bien les autorités administratives que le juge, sont liés par les réserves d’interprétation énoncées par le Conseil constitutionnel dans sa décision statuant sur la conformité de cette loi à la Constitution » ; il s’agissait, en l’espèce, d’une interprétation faite par le Conseil constitutionnel, dans une décision CC, n°97-389 DC, 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration) et la Cour de cassation (par ex., Cass., com., 25 janvier 2005, n° de pourvoi: 03-10068, Bulletin 2005, IV n°16, p. 15 où la chambre commerciale a mis en avant le fait qu’un arrêt de cour d’appel n’avait pas méconnu une décision du Conseil constitutionnel ou Cass., 1ère civ., 22 mars 2005, n° de pourvoi : 04-50024, Bull. 2005, I, n° 150, p. 128 rendu en matière de rétention des étrangers où la 1ère chambre civile a cassé la décision d’un 1er président de cour d’appel qui avait estimé ne pas tenir compte d’une réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel).

vi) Une appréciation restrictive des cours suprêmes qui n’empêche pas une jurisprudence en phase

327• Au-delà de l’interprétation restrictive du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, les 2 cours suprêmes sont le plus souvent en phase avec les jurisprudences du Conseil et s’attachent à en rendre compte. Elles se laissent facilement convaincre du bien-fondé des solutions adoptées. Même si elles élaborent leur propre interprétation, ces juridictions ordinaires sont forcément amenées à retenir, parmi les divers arguments juridiques pertinents, ceux qui ont pu conduire le juge constitutionnel à faire son interprétation. Mais comme peut le souligner l’ex-secrétaire général du Conseil, Marc Guillaume, cette « interprétation restrictive de l’article 62 de la Constitution pose problème alors que les juridictions administratives et judiciaires ont développé des jurisprudences très respectueuses de l’autorité des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est notamment paradoxal de reconnaître l’autorité de l’interprétation de la convention européenne des droits de l’homme par la Cour de Strasbourg et non l’autorité de l’interprétation de la Constitution par le Conseil constitutionnel » (M. Guillaume, « L’autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel. Permanence et actualité(s) », Cahiers du CC 2010, n°28).

d) La métamorphose du Conseil constitutionnel : la finalisation du rôle de protecteur des droits et libertés
i) L’avènement compliqué du contrôle par voie d’exception

328• La dernière étape tendant à faire du juge constitutionnel un véritable protecteur des droits et libertés va se concrétiser dans la mise en place d’un contrôle a posteriori et par voie d’exception de la loi. Le chemin a été long et compliqué par aboutir à cette réforme. C’est dans le début des années 1990 qu’un élargissement plus significatif de l’accès au contrôle de constitutionnalité a été sérieusement envisagé en France. L’idée de permettre aux justiciables de saisir le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une instance devant une juridiction ordinaire a d’abord été mentionnée par Robert Badinter, alors Président du Conseil puis par François Mitterrand, dès 1989 mais les 2 projets de loi constitutionnelle qui devaient mettre en place la procédure, déposés en 1990 et en 1993, n’ont pas passés l’obstacle du Sénat, qui y voyait la manifestation d’un abaissement de la loi. Le projet de loi du 30 mars 1990 (Projet de loi constitutionnelle n°1203 portant révision des articles 61, 62 et 63 de la Constitution et instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception déposé à l’Assemblée nationale le 30 mars 1990) n’a pu faire l’objet d’un accord entre les deux assemblées et a été abandonné après deux lectures devant chacune des chambres. Peu de temps après, en 1993, un Comité consultatif pour la révision de la Constitution, mis en place par le Président de la République et présidé par le Doyen Georges Vedel, ancien membre du Conseil, a proposé, à nouveau, de permettre aux justiciables de saisir le Conseil par la voie de l’exception. Un projet de loi a été déposé, en ce sens, au Sénat le 11 mars 1993 (Projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X (n° 231), art. 3) mais il n’a pas été repris après l’alternance politique qui a suivi. Les deux projets, celui de 1990 et celui de 1993, avaient comme point commun l’instauration d’un filtre obligatoire des questions de constitutionnalité, exercé par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

ii) La QPC du nouvel art. 61-1 C°

329• Les esprits ont évolué depuis les 1ères tentatives aboutissant enfin à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 (Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 (JO, 24 juillet 2008, p.11890) de modernisation des institutions de la Ve République) qui insère dans la Constitution un nouvel article 61-1 C° et modifie son article 62 C° pour créer une procédure d’examen par voie d’exception de la constitutionnalité des lois et insérer ainsi, dans notre ordonnancement juridique, la nouvelle QPC (Cf. La loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 (JO, 11 décembre 2009, p.21379) relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution qui définit la procédure applicable en la matière). Cette dernière avait d’abord comme objectif de réaffirmer la suprématie de la Constitution dans notre ordre juridique interne en la plaçant au cœur du dispositif de contrôle de la loi par rapport aux engagements internationaux qui s’étaient jusqu’alors imposés comme les principales normes de référence. Mais la QPC avait aussi comme objectif de permettre à tous les citoyens de faire valoir directement devant leurs juges les droits et libertés que la Constitution garantit. Et c’est à travers ce 2nd objectif que la procédure s’est résolument imposée comme « la pierre d’angle du système de garantie des droits fondamentaux dans notre ordre juridique, aux côtés de l’apport qui demeure essentiel des deux ordres juridiques européens, celui de l’Union et celui de la convention européenne des droits de l’Homme » (J.-M. Sauvé, « La mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionalité dans la juridiction administrative », audience solennelle de rentrée du tribunal administratif de Lyon, 12 septembre 2011).

iii) La QPC et la finalisation de l’Etat de droit complet

330• Il y a différents éléments qui permettent de matérialiser l’apport de la nouvelle procédure de QPC. Tout d’abord, la constitutionnalisation des branches du droit se trouve renforcée dans la mesure où c’est désormais la totalité des lois qui est soumise au crible des normes constitutionnelles ce que ne permettait pas le contrôle a priori puisque ce contrôle était facultatif. On dépasse aussi le caractère politique du contrôle a priori dans la mesure où l’on sort du débat politique traditionnel entre majorité et opposition et du temps contraint dans lequel il doit s’insérer pour une vision plus large et avec plus de recul touchant au respect des droits et libertés. Ce contrôle de constitutionnalité a posteriori devient aussi complémentaire au contrôle de conventionnalité dans la mesure où ce dernier ne permet que d’écarter une loi et non de la censurer. Au contraire, lorsque le Conseil valide une QPC, il prononce l’abrogation de la loi, la solution est plus efficace du fait de l’effet erga omnes qui s’attache à l’abrogation (Cf. En ce sens J.-M. Sauvé, op. cit.). Ce caractère complémentaire s’observe également dans les droits et libertés mis en avant par le Conseil. On assimile toujours les droits et libertés protégés par la Constitution et ceux protégés par les engagements internationaux mais il n’y a pas toujours une stricte identité, certains sont propres à notre tradition juridique (Cf. En ce sens J.-M. Sauvé, op. cit.) comme par exemple le principe de laïcité (art. 1er al. 1 C°), le droit à la protection de la santé (préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, n°11), le droit au logement opposable (préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, n°10 et n°11) ou encore le principe de continuité des services publics (CC, n° 79-105 DC, 25 juillet 1979, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, JO, 27 juillet 1979, Rec. CC, p. 33).

e) La difficile évolution du principe de supériorité des traités sur les lois : les manques initiaux liés à l’absence de contrôle du Conseil constitutionnel 
i) Une tradition juridique contraire au principe de supériorité des traités sur les lois

331• Dans la tradition juridique française, les normes internationales n’ont jamais été considérées comme des sources de droit interne prenant place dans la hiérarchie des normes, les administrés ne pouvaient s’appuyer sur ces dernières, par exemple, pour obtenir l’annulation d’un acte administratif. On a pu voir néanmoins que la Cour de cassation avait adopté, au début des années 1930, une position plus nuancée à travers la doctrine Matter précitée selon laquelle, lorsqu’un traité était postérieur à la loi, le juge se devait de tenter de résoudre le conflit entre la loi interne et le traité, au besoin, en interprétant l’un et l’autre pour permettre une certaine conciliation. Malgré cette doctrine, la position des normes internationales restait fragile et incertaine et le droit international n’était pas intégré au système de l’Etat de droit. La situation change avec l’article 26 de la Constitution de 1946 qui, en faisant que les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés aient « force de loi, dans le cas même où ils seraient contraires à des lois françaises », les incorpore à l’ordre juridique interne, tout en leur conférant, apparemment, une autorité supérieure à celle des lois. Apparemment parce que l’expression avoir « force de loi » n’est pas très heureuse. Si les conditions de ratification et de publications sont remplies, le traité a « force de loi » même s’il est contraire à une loi interne française. En conséquence, le traité postérieur l’emporte sur la loi antérieure en vertu de cet article 26. Concernant le traité antérieur, il faut retenir la formulation de l’article 28 de la même Constitution selon laquelle les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés ont « une autorité supérieure à celle des lois internes ». Le traité doit donc sortir vainqueur en cas de conflit entre le traité antérieur et la loi postérieure. Au final, lorsqu’on regarde les articles 26 et 28 ensemble, ils consacrent bien le principe de la primauté des traités sur le droit interne. C’est dans la logique de cette intégration que le Conseil d’Etat a accepté d’apprécier la conformité d’un décret d’extradition à une convention conclue par la France (CE Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood, req. n°16690, Rec. CE, p. 291, RDP 1952, p. 781, concl. M. Letourneur, note M. Waline, S. 1953, 3, 33, note P. Bouzat). En revanche, il ne sanctionnera la primauté des traités que par rapport aux lois antérieures, qu’ils sont censés avoir abrogées, et non par rapport aux lois postérieures. Les traités se retrouvent dès lors au même niveau que les lois dans la hiérarchie des normes.

ii) Le principe assez équivoque de l’article 55 C°

332• L’article 55 de la Constitution de 1958 va plus loin que l’ancien article 26 par une formule plus claire encore puisqu’il pose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, « une autorité supérieure à celle des lois ». Il y a néanmoins un flou terminologique dans les prescriptions posées et un principe qui reste assez équivoque ou ambigu. L’article ne précise pas si la primauté établie des traités vaut pour les lois postérieures ou antérieures à l’entrée en vigueur du traité, si cette primauté concerne les lois ordinaires ou s’il faut y inclure les lois constitutionnelles. Il ne précise pas non plus si le contrôle de conventionnalité des lois doit être exercé par un juge ou s’il constitue une règle adressée au pouvoir législatif mais soustraite au contrôle juridictionnel et, dans l’hypothèse où elle entre dans les compétences d’un juge, si ce juge est ordinaire ou constitutionnel. En conséquence de ce flou terminologique, les mécanismes de contrôle indispensables pour sanctionner la primauté des traités, et notamment des traités européens, sur les lois et la cristallisation de la nouvelle configuration de l’ordre juridique mettront longtemps à s’établir. C’est notamment dû au refus du juge administratif d’écarter une loi postérieure contraire à un traité ou à un règlement communautaire (CE, sect., 1er mars 1968, Syndicat général fabricants de semoules de France, req. n°62814, Rec. CE, p. 149, AJDA 1968, p. 235, concl. N. Questiaux, D. 1968, jurispr. p. 285, note M. Lagrange). Le Conseil constitutionnel avait pourtant lancé une invitation expresse aux juges ordinaires en jugeant, dans sa décision IVG, qu’il ne lui appartenait pas de vérifier le respect des engagements internationaux par les lois (CC, n°74-54 DC, 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse, JO, 16 janvier 1975, p.671, Rec. CC, p. 19) tout en estimant qu’il appartenait « aux divers organes de l’Etat de veiller à l’application des conventions internationales dans le cadre de leurs compétences respectives » (CC, n°86-216 DC, 3 septembre 1986, Loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, JO, 5 septembre 1986, p.10790, Rec. CC, p. 135).

iii) Un juge judiciaire rapidement en accord avec l’invitation à juger du Conseil constitutionnel

333• Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est appelé à statuer en tant que juge électoral, se trouve dans la position d’un juge ordinaire et ne peut notamment pas apprécier par voie d’exception la constitutionnalité d’une loi. Mais, dans ce cas, il lui appartient, au même titre que les juges ordinaires classiques, d’écarter une loi présentant une contrariété avec un engagement international (CC, n° 88-1082/1117 AN, 21 octobre 1988, 5ème circonscription du Val d’Oise, JO, 25 octobre 1988, p. 13474, Rec. CC, p. 183). Mais ce sont surtout les juridictions judiciaires qui se sont engouffrées dans la voie ainsi ouverte. La Cour d’appel de Paris avait déjà, par un arrêt du 7 juillet 1973, rejeté une taxe intérieure de consommation du fait de son incompatibilité avec des dispositions du Traité de Rome au motif que celui-ci a une autorité supérieure à celle de la loi interne même postérieure en vertu de l’article 55 C° (CA de Paris, 7 juillet 1973, Administration des douanes contre Société des Cafés Jacques Vabre, D. 1974, p. 159, note J. Rideau, GP 1973, 2, p. 661, concl. J. Cabannes). C’est en confirmant cet arrêt de la Cour d’appel de Paris que la Cour de cassation rendait son arrêt de principe, quatre mois après la décision IVG et en réponse directe à l’invitation du juge constitutionnel (Cass., Ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes contre Société des Cafés Jacques Vabre, n° pourvoi 73-13556, Bull. civ. 1975, I, n° 4, D. 1975, jurispr. p. 497, concl. A. Touffait, AJDA 1975, p. 567, note J. Boulouis, RDP 1975, p. 1335, chron. L. Favoreu et L. Philip).

iv) Un juge administratif longtemps en désaccord avec l’invitation à juger du Conseil constitutionnel

334• A l’inverse de la Cour de cassation qui, en se faisant juge de la loi, se donnait deux siècles plus tard des allures de Parlement d’Ancien Régime, le Conseil d’Etat a, longtemps, continué à appliquer sa jurisprudence traditionnelle réaffirmée même après les décisions IVG et Société des Cafés Jacques Vabre (CE, Ass., 22 octobre 1979, UDT et Élections Assemblée Communautés européennes [2 espèces], req. n°17541 (1ère espèce), req. n°18449 et autres (2ndeespèce), Rec. CE, p. 384 et 385, RDP 1980, p. 531, concl. M.-D. Hagelsteen [1er arrêt] et p. 541, concl. B. Morisot [2èmearrêt], AJDA 1980, p. 19, chron. Y. Robineau et M.-A. Feffer ; CE, Ass., 23 novembre 1984, Roujansky, req. n° 60106 et autres, Rec. CE, p. 383, AJDA 1985, p. 216, concl. Labetoulle). La primauté constitutionnellement affirmée des traités n’était pas ignorée par le juge administratif, mais simplement neutralisée en raison de son incompétence pour apprécier la régularité d’une loi. Il a appliqué, par la suite, les conventions internationales comme si elles étaient d’un rang hiérarchique identique à celui de la loi en s’efforçant de faire prévaloir les normes internationales sur les lois antérieures (par ex. : CE, Ass., 7 juillet 1978, Croissant, req. n°10079, Rec. CE, p. 292, AJDA 1978, p. 559, chron. O. Dutheillet de Lamothe et Y. Robineau ; CE, sect., 13 décembre 1985, Société internationale Sales and Import Corporation, req. n° 09688 et n° 15618, Rec. CE, p. 376, AJDA 1986, p. 174, concl. P. Laroque) et en s’efforçant de concilier les dispositions des traités avec celles des lois en procédant à une interprétation conforme des 2ndes au regard des exigences des 1ers (CE, Ass., 24 juin 1977, Astudillo Calleja, req. n°01591, Rec. CE, p. 290). Reste qu’en cas de contradiction irréductible entre un traité et une loi postérieure, le juge administratif se refusait à faire prévaloir le traité.

v) Une absence de contrôle du juge constitutionnel qui ne convainc pas : une condition de réciprocité qui est devenue sans objet

335• La prise de position du juge constitutionnel est d’abord apparue assez critiquable devant les arguments avancés. A la différence de la supériorité de la Constitution sur la loi, la primauté des traités internationaux n’est, pour le Conseil, que relative (puisque limitée au champ d’application de l’engagement international considéré) et contingente (puisque subordonnée à la condition de réciprocité et donc susceptible d’évolutions). Or, le contrôle de constitutionnalité de l’article 61 C° revêt « un caractère absolu et définitif » et ne saurait être adaptable au contrôle de conventionnalité. La référence au « caractère relatif et contingent » a été abandonné par la suite d’autant qu’elle renvoie essentiellement à la condition de réciprocité qui est devenue sans objet aujourd’hui comme le Conseil a eu l’occasion de le préciser plusieurs fois pour les engagements internationaux relatifs aux droits fondamentaux (Ex : CC, n°98-408 DC, 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour pénale internationale, JO, 24 janvier 1999, p. 1317, Rec. CC, p. 29 ; CC, n°92-308 DC, 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne, JO, 11 avril 1992, p. 5354, Rec. CC, p. 55 et CC, n°98-400 DC, Loi organique déterminant les conditions d’application de l’article 88-3 de la Constitution relatif à l’exercice par les citoyens de l’Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994, JO, 26 mai 1998, p. 8003, Rec. CC, p. 251).

vi) Une absence de contrôle du juge constitutionnel qui ne convainc pas : une jurisprudence IVG non fondée

336• Un 2nd argument, tiré de ce « qu’une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution », a également été critiqué dans la mesure où la supériorité des traités sur les lois résulte d’une disposition expresse de la Constitution (pour une synthèse des différents arguments et du débat doctrinal qui perdure depuis 1975, G. Carcassonne, « Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 ? », Cahiers du CC 1999, n° 7, p. 93, qui se prononce en faveur de l’abandon et B. Genevois, « Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 ? », Cahiers du CC 1999, n°7, p. 101 qui retient une position contraire). La jurisprudence IVG apparaît globalement non fondée (Cf., par ex., D. de Bechillon, « De quelques incidences du contrôle de la conventionnalité internationale des lois par le juge ordinaire [Malaise dans la Constitution] », RFDA 1998, p. 225). Une loi contraire à un traité est de ce fait contraire à l’article 55 C° et devrait donc, sur la base de l’article 61 C°, être censurée par le Conseil constitutionnel quelles que puissent être par ailleurs les particularités du contrôle de conventionnalité. On peut même noter que ce dernier opère déjà un contrôle de conventionnalité des lois adoptées sur le fondement de l’article 88-1 C° relatif à la participation de la France à certaines politiques de l’Union européenne (CC, n°98-400 DC, 20 mai 1998, op.cit.) posant, pour certains, la question de l’appartenance éventuelle du droit de l’Union au bloc de constitutionnalité (E. Picard, « Vers l’extension du bloc de constitutionnalité au droit européen ? », RFDA 1993, p. 47).

f) La métamorphose du principe de supériorité des traités sur les lois : un contrôle des juges ordinaires finalement très efficace
i) Un revirement de jurisprudence pas nécessaire eu égard à l’efficacité du contrôle des juges ordinaires : un juge administratif qui utilise à bon escient l’art. 55 C°

337• Jusqu’à aujourd’hui, la position du Conseil constitutionnel demeure inchangée malgré la création de la QPC qui a, en partie, inverser le mouvement. Mais autant sa position était difficilement justifiable, autant un revirement de jurisprudence peut ne plus autant se justifier dorénavant dans la mesure où le respect de l’article 55C° est désormais probablement mieux assuré par les juges ordinaires. Le Conseil n’est, en effet, probablement pas le plus à même d’opérer un contrôle de conventionnalité des lois eu égard à la quantité de normes internationales introduites dans l’ordre juridique français et aux investigations que leur mise en œuvre exige. Certes, le Conseil d’Etat a mis 14 ans pour s’engager dans la voie ouverte par la décision IVG (CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, req. n°108243, Rec. CE, p. 190, concl. P. Frydman, RFDA 1989, p. 812, concl. P. Frydman, p. 824, note B. Genevois, p. 993, note L. Favoreu, p. 1000, note L. Dubouis, AJDA 1989, p. 756, chron. E. Honorat et E. Baptiste, p. 788, note D. Simon, D. 1990, chron. p. 57, obs. R. Kovar et jurispr. p. 135, note P. Sabourin, RDP 1990, p. 801, note J.-F. Touchard) mais il va, par la suite, utiliser, à bon escient, toutes les potentialités de l’article 55 C° pour aménager la hiérarchie interne des normes de façon à permettre progressivement à la norme internationale de s’appliquer effectivement dans l’ordre interne tout en maintenant la Constitution tout en haut de la hiérarchie des normes et tout en en faisant un « bouclier » à la pression du droit international.

ii) Un revirement de jurisprudence pas nécessaire eu égard à l’efficacité du contrôle des juges ordinaires : un juge administratif qui utilise à bon escient sa marge d’appréciation

338• La marge d’appréciation ainsi laissée au juge par l’article 55 C° va lui permettre tantôt de mettre en exergue le principe de la séparation des pouvoirs, tantôt d’appliquer le principe de primauté des traités et accords sur les lois à un règlement de l’Union européenne (CE, 24 septembre 1990, Boisdet, req. n°58657, Rec. CE, p. 250, AJDA 1990, p. 863, chron. E. Honorat et R. Schwartz, RFDA 1991, p. 172, note L. Dubouis) ou à une directive de l’Union européenne (CE, Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France, req. n°56776 et n°56777, Rec. CE, p. 80, concl. P. Laroque, RFDA 1992, p. 425, note L. Dubouis, AJDA 1992, p. 329, chron. C. Maugüé et R. Schwartz, JCP 1992, G, II, n°21859, note G. Teboul) voire encore une décision de jurisprudence (Ex : CE 22 novembre 1991, Association des centres distributeurs E. Leclerc, req. n°70946, Rec. CE, tables, p. 658). Cette marge d’appréciation va également lui permettre de construire des écrans normatifs et d’agir, à sa guise, pour les abandonner ou les dépasser en adoptant un raisonnement en termes de compétence du juge ou en établissant la suprématie de la norme constitutionnelle (CE, 3 juillet 1996, Koné, req. n°169219, Rec. CE, p. 25, RFDA 1996, p. 882, concl. J.-M. Delarue et notes L. Favoreu, P. Gaïa, H. Labayle et P. Delvolvé, AJDA 1996, p. 722, chron. D. Chauvaux et F.-X. Girardot, RDP 1996, p. 1751, note C. Braud, D. 1996, jurispr. p. 509, note F. Julien-Laferrière ; CE, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, req. n° 200286 et n° 200287, RFDA 1998, p. 1081, concl. C. Maugüé et p. 1094, note D. Alland, RFDA 1999, p. 57, notes L. Dubouis, B. Mathieu et M. Verpeaux, AJDA 1998, p. 962, chron. F. Raynaud et P. Fombeur, RDP 1999, p. 19, note J.-F. Flauss ; CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique (SNIP), req. n°169219, Rec. CE, p. 624 dans lequel le Conseil d’Etat affirme clairement que la primauté du droit de l’Union européenne « ne saurait conduire, dans l’ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution »). Parallèlement, il mettra fin à la pratique traditionnelle renvoyant au Ministre des affaires étrangères toute difficulté d’interprétation des traités en se reconnaissant compétent pour résoudre un problème d’interprétation d’un traité franco-algérien (CE, Ass., 29 juin 1990, GISTI, req. n°78519, Rec. CC, p. 171, AJDA 1990, p. 621, concl. R. Abraham et p. 631, note G. Teboul, RFDA 1990, p. 924, note J.-F. Lachaume et p. 1095, obs. D. Ruzié, D. 1990, jurispr. p. 560, note P. Sabourin, JCP 1990, G, II, n°21579, note J. Tercinet, RDP 1990, p. 1579, note F. Sabiani). Ce faisant, le juge administratif, comme le juge judiciaire, sera amené à exercer, par voie d’exception, un « contrôle de conventionnalité » qui va les amener, tous les deux, à concurrencer le juge constitutionnel sur son propre terrain.

ii) Des juges ordinaires dorénavant chargés de l’application d’un droit fondamental placé au-dessus du législateur

339• A l’origine rien ne prédisposait l’art. 55 C° à devenir le moyen pour le juge de se poser en censeur de la loi. Quand la règle fut insérée dans la Constitution de 1958, il s’agissait d’empêcher que le législateur n’adopte à nouveau des lois qui pourraient porter atteinte au droit des étrangers. Car, avant la guerre, l’effet des traités dans l’ordre interne était de protéger les étrangers. Mettre les traités au-dessus des lois revenait à garantir un principe de non-discrimination. C’est tout le contraire aujourd’hui, que ce soit à travers la ConvEDH ou le Traité sur l’Union européenne, l’effet des traités dans l’ordre interne s’est augmenté d’une protection des nationaux. Si on combine ce mécanisme au principe de supériorité des traités sur les lois, çà permet, aujourd’hui, au citoyen français de demander au juge judiciaire ou au juge administratif la protection du droit européen ou du droit de l’Union contre le droit français, exactement comme un citoyen américain peut demander au juge la protection du droit fédéral contre le droit de l’Etat fédéré. Au terme de ces évolutions, la position du juge français a radicalement changé. La justice française est désormais investie de la haute mission de garantir l’application d’un droit fondamental situé au-dessus du législateur. Le grand défi des années à venir est d’en assumer les conséquences. Mais le nouvel espace de défi ne se limite plus au territoire français, il faut tenir compte plus généralement de l’espace européen.

iii) Des juges ordinaires qui se disputent le pouvoir de contrôler la loi française par rapport à la norme internationale

340• Il y a, aujourd’hui, deux catégories de juges qui se disputent le pouvoir de contrôler la loi française par rapport à la norme internationale : les juges judiciaires et administratifs qui se sont, l’un et l’autre, reconnus la compétence de contrôler la conventionnalité des lois au regard du droit international originaire mais aussi dérivé et la CJUE et la CourEDH qui peuvent être amenées, de manière plus ou moins immédiate, à en examiner l’adéquation aux traités dont ils ont effectivement la garde. Le système de la ConvEDH et celui de l’Union européenne ont rompu avec l’inspiration classique du droit international fondé sur la coopération entre Etats souverains. Ils confèrent ainsi aux individus des droits invocables immédiatement devant les juridictions nationales contre les personnes publiques ou privées. La sanction de la violation de ces droits par le juge interne est aussi complétée par un mécanisme de garantie supranationale au sein duquel un juge international occupe une place d’autant plus centrale qu’il peut être saisi directement par les justiciables.  Si l’on ajoute à ce quatuor le Conseil constitutionnel qui a reçu, lui, l’office d’en examiner la constitutionnalité par voie d’action comme par voie d’exception, on peut parler de cinq cours suprêmes qui matérialisent aujourd’hui ce que l’on peut appeler le « pouvoir juridictionnel ».

iv) L’impossibilité actuelle d’envisager l’action d’un juge sans celle des autres juges

341• La France n’est pas, on le rappelle à nouveau ici, un Etat fédéral, ni un pays de Common Law. C’est un Etat unitaire avec un système de droit codifié et gouverné par un régime parlementaire. Ces éléments ont leurs exigences et leurs propres logiques. Dans la culture juridique française, le juge n’est pas un censeur, mais un allié du législateur. Il n’est peut-être pas impossible dans un régime parlementaire que le juge puisse rappeler au législateur le respect de ses engagements internationaux et européens mais à condition que, conformément à la logique du régime, ledit rappel se fasse sous la forme plus d’un dialogue que d’un rapport de force entre les deux. Ce dialogue, c’est aussi entre les juges qu’il doit se matérialiser car les différents systèmes ne relèvent pas complètement d’une logique fédérale de superposition et ils sont insérés dans un réseau contraignant de relations parfois contradictoires : primauté du droit de l’Union, supériorité du droit constitutionnel, portée des arrêts de la CJUE, de la CourEDH ou des cours suprêmes internes, interprétation des traités par le juge interne et/ou par les juges européens… Si l’on veut que la protection de l’Etat de droit soit l’un des objectifs essentiels de notre société actuelle, il n’est plus possible aujourd’hui d’envisager l’action d’un juge sans celle des autres.

 
g) Le développement du dialogue des juges
i) Un nouvel axe majeur : le « pouvoir politique » vs le « pouvoir juridictionnel »

342• Dans un système libéral, plus que démocratique, fondé non pas tant sur la légitimité du peuple souverain et l’utilisation du suffrage universel, mais plutôt sur l’existence d’un pouvoir limité par le respect des droits et libertés, c’est la distinction entre le « pouvoir politique » et le « pouvoir juridictionnel » qui devient l’axe majeur de la séparation des pouvoirs, l’axe permettant de garantir l’équilibre fondamental visant à préserver les droits et libertés. Comme peut le relever Paul Maertens, « on est encore en démocratie, mais celle-ci est de moins en moins représentative et de plus en plus juridictionnelle » (P. Martens, « Les juges ne gouvernent pas : ils gèrent tant bien que mal une démocratie du ressentiment, de la controverse et de la défiance », www.dev.ulb.ac.be), l’auteur ajoutant que le « véritable phénomène qui bouleverse les rapports entre pouvoirs, c’est que le citoyen ne se satisfait plus du truchement de ses représentants pour faire entendre sa voix : il s’adresse de plus en plus au juge pour sommer le pouvoir de tenir les promesses qu’il lui avait faites » (Ibid.). C’est la volonté 1ère du respect des droits et libertés qui amène à ce bouleversement, le développement du « droit » des droits fondamentaux renforçant considérablement les pouvoirs du juge.  Les éléments clés de l’évolution se situent notamment à travers le phénomène de judiciarisation des rapports sociaux. Comme le droit devient, de plus en plus, « la grammaire propre des relations entre les individus » (J. Allard et A. Van Waeyenberge, « De la bouche à l’oreille ? Quelques réflexions autour du dialogue des juges et de la montée en puissance de la fonction de juger », Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2008, vol. n°61, p. 109 et suiv.) et s’intègre, de plus en plus, dans la vie en société (la famille ou la religion par exemple), le recours au juge devient, en conséquence, plus fréquent. Mais il faut aussi évoquer le phénomène lié à l’émancipation et à l’autonomisation du travail des juges. La constitutionnalisation des droits, plaçant l’Etat de droit au -dessus des lois et de la volonté du législateur, donne ainsi au juge le dernier mot sur le droit et lui confie une certaine indépendance par rapport aux autres pouvoirs constitués. L’européanisation des droits accentue cette autonomie vis-à-vis de l’Etat en tant que tel dans la mesure où les normes mises en place par ce dernier ne sont plus la seule source du droit applicable sur le territoire et dans la mesure où les cours européennes (CourEDH, CJUE) peuvent directement condamner l’Etat pour des actions commises à l’intérieur même de ses frontières (Voir, dans le même sens, J. Allard et A. Van Waeyenberge, « De la bouche à l’oreille ? Quelques réflexions autour du dialogue des juges et de la montée en puissance de la fonction de juger », précité).

ii) Une montée en puissance des juges qui se manifeste par un renforcement du dialogue entre eux

Parallèlement à leur montée en puissance, les juges entretiennent des relations de plus en plus étroites entre eux, et cela par-delà les frontières qu’on peut résumer à travers l’expression « dialogue des juges ». Historiquement, la 1èreexpression, remarquée, du « dialogue des juges », revient au Président Genevois, dans ses célèbres conclusions sous l’affaire Cohn-Bendit (CE, Ass., 22 décembre 1978, Ministre de l’intérieur contre Cohn-Bendit, req. n° 11604, D. 1979, jurisp., p. 155), ces conclusions l’ayant alors érigé en créateur de cette doctrine. Il y déclare qu’à « l’échelon de la Communauté européenne, il ne doit y avoir ni gouvernement des juges, ni guerre des juges » il doit, plutôt, « y avoir place pour le dialogue des juges ». Si ce dialogue se matérialise d’abord à travers des voies et mécanismes institutionnels (par le biais des questions préjudicielles notamment), il peut être aussi à l’initiative des magistrats eux-mêmes. C’est particulièrement marquant lorsque les contentieux s’internationalisent comme c’est le cas dans la protection des droits et libertés. Ces contentieux encouragent les juges à se livrer à un exercice comparatif de leur office. On assiste à une sorte de « circularité de la jurisprudence » (J.-F. Flauss, « Cour européenne des droits de l’homme et Cours Suprêmes », in J. Iliopoulos-Stangas (dir.), Cours suprêmes nationales et cours européennes : concurrence ou collaboration, p. 327, spéc., p. 346) et à un dialogue qui peut être aussi bien « horizontal que vertical, institutionnel qu’informel, national qu’international, international que transnational, bref, il est multidimensionnel » (J. Allard et A. Van Waeyenberge, « De la bouche à l’oreille ? Quelques réflexions autour du dialogue des juges et de la montée en puissance de la fonction de juger », précité). Le dialogue que l’on peut qualifier d’« horizontal » entre les juges internes permet, ainsi, aux juges suprêmes (Conseil d’Etat et Cour de cassation) de s’approprier et de s’organiser face au nouveau rôle joué par le juge constitutionnel. L’harmonisation jurisprudentielle amenant alors à consolider la protection des droits fondamentaux. Le dialogue que l’on peut qualifier de « vertical » entre juges internes et juges européens va, quant à lui, permettre d’optimiser la protection à un niveau dépassant le cadre étatique classique.

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~ J.-E. SCHOETTL, « Le Conseil constitutionnel peut-il contrôler une loi constitutionnelle ? », LPA 2003, n°70, p.793 ; « La réforme de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection présidentielle », LPA 2001, n°44, p. 12.
~ P. SPINOSI, « La QPC, une protection efficace des droits et des libertés ? Entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, le choix difficile du joueur de cartes », JCP 2013, G, n° spécial, n°29-34, p. 13.
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~ G. TUSSEAU, « La fin de l’exception française », Pouvoirs 2011, n°137, p. 5.
~ J.-J. URVOAS, « La QPC, un nouvel équilibre des pouvoirs ? La QPC, une question de démocratie », JCP 2013, G, n° spécial, n°29-34, p. 29.
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~ M. VERPEAUX, Le Conseil constitutionnel, Paris, La documentation française, 2014 ; Contentieux constitutionnel, Paris, Dalloz, Mémentos, 2016 ; « Brèves considérations sur l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel », Nouveaux cahiers du CC 2011, n°30 ; « Le Conseil constitutionnel, 49 ans après », LPA 2008, n°138, p. 62.
~ A. VIDAL-NAQUET, « Un Président de la République plus « encadré » », JCP 2008, n°31, p. 28.
~ C.-L. VIER, Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les règlements des assemblées, Paris, LGDJ, 1972.
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Table des matières

  • 1 – La remise en cause de la séparation classique des pouvoirs sous la Vème république
    • a) La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : une amorce dans le texte de la C°
    • i) Une Constitution qui présente, d’un prime abord, les caractéristiques d’un régime parlementaire (1)
    • ii) Une Constitution qui présente, d’un prime abord, les caractéristiques d’un régime parlementaire (2)
    • iii) La 1ère particularité de l’équilibre des pouvoirs : le parlementarisme rationalisé
    • iv) Le parlementarisme rationalisé et la perte de souveraineté de la loi
    • v) Le parlementarisme rationalisé et les nouvelles prérogatives de l’exécutif
    • vi) Une 2nde particularité dans l’équilibre des pouvoirs : le nouveau statut présidentiel
    • vii) Le nouveau statut présidentiel et l’article 5 C°
    • viii) Le nouveau statut présidentiel et l’article 19 C°
    • b) La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : une confirmation dans la pratique du régime
    • i) Le nouveau statut présidentiel accentué par l’élection au suffrage universel direct
    • ii) Le nouveau statut présidentiel accentué par la bipolarisation et le phénomène majoritaire
    • iii) Un président législateur confirmé par la réforme constitutionnelle de 2008
    • c) Un Conseil constitutionnel qui ne servait, à l’origine, qu’à réguler l’activité des pouvoirs publics
    • i) Un Conseil constitutionnel institué pour servir les desseins de l’exécutif
    • ii) Un Conseil constitutionnel qui n’est pas une Cour constitutionnelle au sens plein du terme
    • iii) Un contrôle obligatoire sur les lois organiques pour que les parlementaires ne puissent pas modifier l’équilibre des pouvoirs
    • iv) La présomption de constitutionnalité des ordonnances organiques de l’article 92 C°
    • v) Un contrôle des lois organiques qui va au-delà des simples règles formelles ou procédurales
    • vi) Un contrôle obligatoire sur les règlements des assemblées parlementaires pour éviter l’octroi de pouvoirs que la Constitution ne définit pas
    •  
    • d) Un Conseil constitutionnel destiné à éviter l’intrusion du Parlement dans le domaine du gouvernement
    • i) La procédure spécifique d’irrecevabilité (art. 41 C°) : une utilisation initiale rare
    • ii) La procédure spécifique d’irrecevabilité (art. 41 C°) : une utilisation contemporaine renouvelée
    • iii) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : redonner un caractère réglementaire à certaines dispositions législatives prises hors du domaine de la loi
    • iv) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : remise en cause par la bienveillance du Conseil à l’égard du domaine de la loi
    • v) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : une résurgence de la séparation des deux domaines pour faire face aux dérives de la loi
    • e) Un Conseil constitutionnel qui s’autolimite
    • i) Le refus de contrôler les lois référendaires : la décision du 6 novembre 1962
    • ii) Le refus de contrôler les lois référendaires : la décision du 20 septembre 1992
    • iii) Le refus de contrôler les lois référendaires : les décisions « Hauchemaille » du 25 juillet 2000 et du 24 mars 2005
    • iv) Le refus de contrôler les lois constitutionnelles : le caractère souverain du pouvoir constituant 
    • v) Le refus de contrôler les lois constitutionnelles : les thèses concernant l’existence de principes supra-constitutionnels inviolables
  • 2 – L’avènement d’une nouvelle séparation des pouvoirs : la formalisation du « pouvoir juridictionnel »
    • a) La métamorphose du Conseil constitutionnel : une fonction législative qui devient dominante
    • i) Un organe à la fois juge, administrateur et législateur
    • ii) Un organe à la fonction législative dominante pour confirmer, paradoxalement, la qualité de « juge constitutionnel »
    • b) La métamorphose du Conseil constitutionnel : l’extension aux droits et libertés du contrôle de la loi
    • i) La décision du 16 juillet 1971 « Liberté d’association »
    • ii) L’apparition du bloc de constitutionnalité
    • iii) La juridictionnalisation de l’institution
    • iv) Les progrès du contradictoire
    • v) Le contrôle de proportionnalité
    • vi) La Constitutionnalisation des branches du droit
    • c) La métamorphose du Conseil constitutionnel : l’extension de la portée de ses décisions
    • i) Le caractère particulier de l’article fixant l’autorité de chose jugée (art. 62 C°)
    • ii) Une autorité définie personnellement par le juge constitutionnel
    • iii) L’interprétation stricte de l’autorité par la Cour de cassation
    • iv) L’interprétation stricte de l’autorité par le Conseil d’Etat
    • v) Une autorité de « chose jugée » qui s’étend à l’autorité de « chose interprétée »
    • vi) Une appréciation restrictive des cours suprêmes qui n’empêche pas une jurisprudence en phase
    • d) La métamorphose du Conseil constitutionnel : la finalisation du rôle de protecteur des droits et libertés
    • i) L’avènement compliqué du contrôle par voie d’exception
    • ii) La QPC du nouvel art. 61-1 C°
    • iii) La QPC et la finalisation de l’Etat de droit complet
    • e) La difficile évolution du principe de supériorité des traités sur les lois : les manques initiaux liés à l’absence de contrôle du Conseil constitutionnel 
    • i) Une tradition juridique contraire au principe de supériorité des traités sur les lois
    • ii) Le principe assez équivoque de l’article 55 C°
    • iii) Un juge judiciaire rapidement en accord avec l’invitation à juger du Conseil constitutionnel
    • iv) Un juge administratif longtemps en désaccord avec l’invitation à juger du Conseil constitutionnel
    • v) Une absence de contrôle du juge constitutionnel qui ne convainc pas : une condition de réciprocité qui est devenue sans objet
    • vi) Une absence de contrôle du juge constitutionnel qui ne convainc pas : une jurisprudence IVG non fondée
    • f) La métamorphose du principe de supériorité des traités sur les lois : un contrôle des juges ordinaires finalement très efficace
    • i) Un revirement de jurisprudence pas nécessaire eu égard à l’efficacité du contrôle des juges ordinaires : un juge administratif qui utilise à bon escient l’art. 55 C°
    • ii) Un revirement de jurisprudence pas nécessaire eu égard à l’efficacité du contrôle des juges ordinaires : un juge administratif qui utilise à bon escient sa marge d’appréciation
    • ii) Des juges ordinaires dorénavant chargés de l’application d’un droit fondamental placé au-dessus du législateur
    • iii) Des juges ordinaires qui se disputent le pouvoir de contrôler la loi française par rapport à la norme internationale
    • iv) L’impossibilité actuelle d’envisager l’action d’un juge sans celle des autres juges
    •  
    • g) Le développement du dialogue des juges
    • i) Un nouvel axe majeur : le « pouvoir politique » vs le « pouvoir juridictionnel »
    • ii) Une montée en puissance des juges qui se manifeste par un renforcement du dialogue entre eux

About Christophe De Bernardinis

Maître de conférences en droit public à l'Université de Lorraine (Metz)

L'auteur

Christophe De Bernardinis

Maître de conférences en droit public à l'Université de Lorraine (Metz)

Table des matières

  • La protection des droits fondamentaux en France, 2ème édition
  • Chapitre 1. La formation du statut et de la protection : la notion de « droits fondamentaux » et l’avènement du « pouvoir juridictionnel »
    • Section 1. L’importation de la notion de droits fondamentaux en France
      • §1. L’éviction progressive des concepts de « droits de l’homme » et de « libertés publiques »
        • A. Des concepts liés aux « droits de l’homme » peu précis et peu opératoires
        • B. Une notion de « libertés publiques » qui a peu à peu révélé ses limites
      • §2. L’émergence progressive de la notion de « droits fondamentaux »
        • A. Les prémisses de l’implantation de la notion
        • B. La confirmation de l’implantation de la notion
    • Section 2. La formalisation de la protection des droits fondamentaux : l’avènement du « pouvoir juridictionnel »
      • §1. Le rôle initial et particulier joué par le législateur dans la protection des droits fondamentaux
        • A. Des droits fondamentaux à l’abri de l’action du législateur dans la plupart des pays étrangers
        • B. Des droits fondamentaux placés en dessous des droits garantis par le législateur en France
      • §2. Le retour en force du « juge » et l’avènement du nouvel équilibre des pouvoirs préservant les droits et libertés
        • A. La mise en place du contrôle juridictionnel de la loi
        • B. Le nouvel équilibre des pouvoirs permettant la préservation des droits et libertés
  • Chapitre 2. La consolidation de la protection des droits et libertés : le dialogue horizontal entre les juges internes
    • Section 1. Le dialogue entre le juge judiciaire et le juge administratif
      • §1. Une concurrence initiale apparente dans la protection des droits et libertés
        • A. Une compétence de principe du juge judiciaire fixée par défaut
        • B. Un rééquilibrage de la fonction vers le juge administratif
      • §2. Une complémentarité nouvelle des juges permettant une protection optimale des droits et libertés
        • A. Des pouvoirs du juge administratif aujourd’hui aussi performants que ceux du juge judiciaire
        • B. L’augmentation des exceptions à l’obligation de renvoi des questions préjudicielles et l’approfondissement corrélatif du dialogue des juges
    • Section 2. Le dialogue entre les juges ordinaires et le Conseil constitutionnel
      • §1. L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel comme gage de cohérence dans la protection des droits et libertés
        • A. Dans le cadre de son contrôle a priori
        • B. Dans le cadre de son contrôle a posteriori
      • §2. L’apport du contrôle a posteriori à la protection des droits et libertés : un État de droit approfondi et renouvelé
        • A. Les difficultés initiales d’appréhension de la QPC
        • B. L’apport fondamental de la QPC : l’accroissement des garanties dans la protection des droits et libertés
  • Chapitre 3. L’optimisation de la protection : le dialogue vertical entre juges internes et européens et le dialogue supra national entre juges européens
    • Section 1. Le dialogue vertical entre les juges internes et les juges européens
      • §1. Le juge constitutionnel et l’application du droit européen
        • A. Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés dans l’ordre communautaire
        • B. Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés par la ConvEDH
      • §2. Des juges ordinaires, juges de droit commun des garanties européennes
        • A. Juges ordinaires et droit de l’Union européenne
        • B. Juges ordinaires et droit européen
    • Section 2. Le dialogue supra national entre juge de l’Union et juge européen
      • §1. Des rapports qui se sont développés avec l’utilisation, principale, croissante et diversifiée de la CDFUE
        • A. Une Charte qui est devenue l’instrument principal de protection des droits fondamentaux dans le système communautaire
        • B. Un champ d’application et une utilisation nouvelle de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
      • §2. Des rapports qui ont vocation à devenir directs pour matérialiser une garantie des droits et libertés commune
        • A. La mise en place d’un dialogue constructif entre les juges
        • B. Le projet d’adhésion de l’Union européenne à la ConvEDH
  • Conclusion

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  • 1 – La remise en cause de la séparation classique des pouvoirs sous la Vème république
    • a) La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : une amorce dans le texte de la C°
    • i) Une Constitution qui présente, d’un prime abord, les caractéristiques d’un régime parlementaire (1)
    • ii) Une Constitution qui présente, d’un prime abord, les caractéristiques d’un régime parlementaire (2)
    • iii) La 1ère particularité de l’équilibre des pouvoirs : le parlementarisme rationalisé
    • iv) Le parlementarisme rationalisé et la perte de souveraineté de la loi
    • v) Le parlementarisme rationalisé et les nouvelles prérogatives de l’exécutif
    • vi) Une 2nde particularité dans l’équilibre des pouvoirs : le nouveau statut présidentiel
    • vii) Le nouveau statut présidentiel et l’article 5 C°
    • viii) Le nouveau statut présidentiel et l’article 19 C°
    • b) La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : une confirmation dans la pratique du régime
    • i) Le nouveau statut présidentiel accentué par l’élection au suffrage universel direct
    • ii) Le nouveau statut présidentiel accentué par la bipolarisation et le phénomène majoritaire
    • iii) Un président législateur confirmé par la réforme constitutionnelle de 2008
    • c) Un Conseil constitutionnel qui ne servait, à l’origine, qu’à réguler l’activité des pouvoirs publics
    • i) Un Conseil constitutionnel institué pour servir les desseins de l’exécutif
    • ii) Un Conseil constitutionnel qui n’est pas une Cour constitutionnelle au sens plein du terme
    • iii) Un contrôle obligatoire sur les lois organiques pour que les parlementaires ne puissent pas modifier l’équilibre des pouvoirs
    • iv) La présomption de constitutionnalité des ordonnances organiques de l’article 92 C°
    • v) Un contrôle des lois organiques qui va au-delà des simples règles formelles ou procédurales
    • vi) Un contrôle obligatoire sur les règlements des assemblées parlementaires pour éviter l’octroi de pouvoirs que la Constitution ne définit pas
    •  
    • d) Un Conseil constitutionnel destiné à éviter l’intrusion du Parlement dans le domaine du gouvernement
    • i) La procédure spécifique d’irrecevabilité (art. 41 C°) : une utilisation initiale rare
    • ii) La procédure spécifique d’irrecevabilité (art. 41 C°) : une utilisation contemporaine renouvelée
    • iii) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : redonner un caractère réglementaire à certaines dispositions législatives prises hors du domaine de la loi
    • iv) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : remise en cause par la bienveillance du Conseil à l’égard du domaine de la loi
    • v) La procédure spécifique de délégalisation (37-2 C°) : une résurgence de la séparation des deux domaines pour faire face aux dérives de la loi
    • e) Un Conseil constitutionnel qui s’autolimite
    • i) Le refus de contrôler les lois référendaires : la décision du 6 novembre 1962
    • ii) Le refus de contrôler les lois référendaires : la décision du 20 septembre 1992
    • iii) Le refus de contrôler les lois référendaires : les décisions « Hauchemaille » du 25 juillet 2000 et du 24 mars 2005
    • iv) Le refus de contrôler les lois constitutionnelles : le caractère souverain du pouvoir constituant 
    • v) Le refus de contrôler les lois constitutionnelles : les thèses concernant l’existence de principes supra-constitutionnels inviolables
  • 2 – L’avènement d’une nouvelle séparation des pouvoirs : la formalisation du « pouvoir juridictionnel »
    • a) La métamorphose du Conseil constitutionnel : une fonction législative qui devient dominante
    • i) Un organe à la fois juge, administrateur et législateur
    • ii) Un organe à la fonction législative dominante pour confirmer, paradoxalement, la qualité de « juge constitutionnel »
    • b) La métamorphose du Conseil constitutionnel : l’extension aux droits et libertés du contrôle de la loi
    • i) La décision du 16 juillet 1971 « Liberté d’association »
    • ii) L’apparition du bloc de constitutionnalité
    • iii) La juridictionnalisation de l’institution
    • iv) Les progrès du contradictoire
    • v) Le contrôle de proportionnalité
    • vi) La Constitutionnalisation des branches du droit
    • c) La métamorphose du Conseil constitutionnel : l’extension de la portée de ses décisions
    • i) Le caractère particulier de l’article fixant l’autorité de chose jugée (art. 62 C°)
    • ii) Une autorité définie personnellement par le juge constitutionnel
    • iii) L’interprétation stricte de l’autorité par la Cour de cassation
    • iv) L’interprétation stricte de l’autorité par le Conseil d’Etat
    • v) Une autorité de « chose jugée » qui s’étend à l’autorité de « chose interprétée »
    • vi) Une appréciation restrictive des cours suprêmes qui n’empêche pas une jurisprudence en phase
    • d) La métamorphose du Conseil constitutionnel : la finalisation du rôle de protecteur des droits et libertés
    • i) L’avènement compliqué du contrôle par voie d’exception
    • ii) La QPC du nouvel art. 61-1 C°
    • iii) La QPC et la finalisation de l’Etat de droit complet
    • e) La difficile évolution du principe de supériorité des traités sur les lois : les manques initiaux liés à l’absence de contrôle du Conseil constitutionnel 
    • i) Une tradition juridique contraire au principe de supériorité des traités sur les lois
    • ii) Le principe assez équivoque de l’article 55 C°
    • iii) Un juge judiciaire rapidement en accord avec l’invitation à juger du Conseil constitutionnel
    • iv) Un juge administratif longtemps en désaccord avec l’invitation à juger du Conseil constitutionnel
    • v) Une absence de contrôle du juge constitutionnel qui ne convainc pas : une condition de réciprocité qui est devenue sans objet
    • vi) Une absence de contrôle du juge constitutionnel qui ne convainc pas : une jurisprudence IVG non fondée
    • f) La métamorphose du principe de supériorité des traités sur les lois : un contrôle des juges ordinaires finalement très efficace
    • i) Un revirement de jurisprudence pas nécessaire eu égard à l’efficacité du contrôle des juges ordinaires : un juge administratif qui utilise à bon escient l’art. 55 C°
    • ii) Un revirement de jurisprudence pas nécessaire eu égard à l’efficacité du contrôle des juges ordinaires : un juge administratif qui utilise à bon escient sa marge d’appréciation
    • ii) Des juges ordinaires dorénavant chargés de l’application d’un droit fondamental placé au-dessus du législateur
    • iii) Des juges ordinaires qui se disputent le pouvoir de contrôler la loi française par rapport à la norme internationale
    • iv) L’impossibilité actuelle d’envisager l’action d’un juge sans celle des autres juges
    •  
    • g) Le développement du dialogue des juges
    • i) Un nouvel axe majeur : le « pouvoir politique » vs le « pouvoir juridictionnel »
    • ii) Une montée en puissance des juges qui se manifeste par un renforcement du dialogue entre eux

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