Section II- L’administration déconcentrée
158.- Une administration d’Etat de plus en plus déconcentrée.- La loi d’orientation n°92-125 du 6 février 1992 a renversé l’ancien principe hérité de la Révolution française et de la tradition jacobine centralisatrice qui voulait que l’administration de l’Etat s’opère de façon principale au niveau central, et subsidiairement au niveau local, c’est-à-dire au niveau des services déconcentrés.
Ce texte a été complété par le décret n°92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration dont l’article 1er énonce que « la déconcentration est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat ». L’article 1-1 du même décret prévoit que « sont confiées aux administrations centrales et aux services à compétence nationale les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial ».
Cette réforme est une conséquence tardive, mais nécessaire, du mouvement de décentralisation initié par la loi n°82-213 du 2 mars 1982. Dans le cadre de la décentralisation, les collectivités territoriales ont en effet acquis une certaine autonomie vis-à-vis de l’Etat. Dès lors, il est apparu nécessaire, pour ces collectivités, d’avoir face à elles des interlocuteurs compétents qui disposent des moyens de faire face à leurs demandes.
Le décret du 1er juillet 1992 a été abrogé par le décret n°2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration. Là encore ce texte est intimement lié aux évolutions récentes de la décentralisation, entre autres à la loi MAPTAM n°2014-58 du 27 janvier 2014 et à la loi n°2015-55 du 16 janvier 2015 redéfinissant la carte des régions. Comme on l’a vu, si ce texte a redéfini le rôle des administrations centrales, il a également vocation à rationaliser l’échelon déconcentré, dans le prolongement de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat (REATE) entreprise à partir du 1er janvier 2010.
159.- Approches structurelle et fonctionnelle de la déconcentration.- La déconcentration peut s’apprécier de deux points de vue. Tout d’abord, d’un point de vue géographique ou structurel : la déconcentration aboutit à un découpage du territoire de l’Etat entre différentes circonscriptions administratives. Ensuite, d’un point de vue fonctionnel : la déconcentration confère un certain nombre de pouvoirs à des autorités locales représentant l’Etat.
§I- Déconcentration structurelle
160.- Circonscriptions ordinaires et circonscriptions dérogatoires.- Il existe deux catégories de circonscriptions administratives déconcentrées : les circonscriptions ordinaires qui ont vocation à couvrir l’ensemble du territoire national, et les circonscriptions dérogatoires.
I- Circonscriptions ordinaires
161.- Superposition de circonscriptions déconcentrées de l’Etat et de circonscriptions décentralisées.- S’agissant des circonscriptions ordinaires, une difficulté liminaire doit être résolue. En effet, deux des circonscriptions ordinaires déconcentrées de l’Etat coïncident avec le ressort géographique de certaines collectivités territoriales, c’est-à-dire d’institutions décentralisées. Il s’agit d’abord du département, qui est une collectivité territoriale représentée par le conseil départemental (dénommé conseil général avant les élections cantonales de 2015) et son président, mais qui est également une circonscription de l’administration d’Etat à la tête de laquelle se situe le préfet. Il s’agit ensuite de la région, circonscription dans laquelle se font face l’administration de la collectivité territoriale régionale, et l’administration de l’Etat dirigée par le préfet de région. En revanche, l’arrondissement, qui est également une circonscription ordinaire, est exclusivement une circonscription de l’administration déconcentrée de l’Etat. On envisagera successivement le département, la région et l’arrondissement.
A- Département
162.- Une création révolutionnaire.- Le principe de la division de la France en départements a été voté par l’Assemblée constituante le 22 décembre 1789.
A l’origine, cette nouvelle institution avait pour objet de mettre fin à la situation incohérente en terme d’organisation administrative de l’Etat sous l’Ancien Régime. L’idée est que « les départements ne sont que des sections d’un même tout », ce qui veut dire que l’ensemble du territoire est découpé en départements et que tous les départements sont soumis au même régime juridique.
163.- Evolutions de la carte départementale.- La carte départementale a assez peu évolué. On est toutefois passé de 83 départements en 1790 à 101 départements en 2011 avec l’accession de Mayotte au statut de département et région d’outre-mer.
Une évolution s’est produite avec la suppression, au 1er janvier 2018, en application de l’article 30 de la loi NOTRe du 7 août 2015, des deux collectivités territoriales départementales corses qui sont fondues dans la nouvelle collectivité de Corse. En revanche, les deux départements corses subsistent en tant qu’échelons de l’administration déconcentrée de l’Etat. Il faut aussi relever le cas spécifique de département du Rhône : si le département est toujours le siège d’une institution déconcentrée et d’une institution décentralisée, la métropole de Lyon créée par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 s’est substituée au conseil départemental sur son territoire. Curieusement, le conseil départemental du Rhône siège toujours à Lyon, donc en dehors de son ressort administratif. De même, depuis le 1er janvier 2019, le département et la Ville de Paris sont fusionnés en une collectivité à statut particulier, en application de la loi n°2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Enfin, si la loi n°2019-816 du 2 août 2019 a créé la Collectivité européenne d’Alsace, en fusionnant les deux départements alsaciens qui disparaissent donc comme collectivités territoriales, leur fusion au niveau des services déconcentrés de l’Etat n’est pas prévue.
Suite à ces évolutions récentes, seuls 93 départements sur 101 sont le siège à la fois d’une circonscription administrative déconcentrée et d’une collectivité territoriale. Sur un temps plus long, les évolutions de la carte départementale sont liées à trois facteurs essentiels.
Il s’agit d’abord de l’extension ou de la réduction du territoire : ainsi, suite aux guerres napoléoniennes, l’Empire français a compté jusqu’à 130 départements. En revanche, les départements alsaciens et le département de la Moselle ont été cédés à l’Allemagne suite à la guerre de 1870 et après la défaite de 1940.
Il faut ensuite mentionner la prise en compte des spécificités locales qui a amené à la création des départements d’outre-mer par la loi du 19 mars 1946 et à la création des deux départements corses par la loi n°75-356 du 15 mai 1975 lesquels, comme on l’a vu, subsistent en tant que circonscriptions de l’administration déconcentrée de l’Etat après la réforme de 2015. C’est la même logique qui a été déclinée plus récemment en métropole avec la création de la Collectivité européenne d’Alsace.
Enfin, l’évolution démographique de Paris et surtout de la région parisienne a conduit la loi n°64-707 du 10 juillet 1964 à diviser les 3 anciens départements parisiens en 7 nouveaux départements. La Ville de Paris a quant à elle été transformée en commune et en département par la loi n°75-1331 du 31 décembre 1975 avant la création en 2019 d’une collectivité à statut particulier.
L’institution du département, qui est qualifiée dans l’exposé des motifs de la loi n°72-619 du 5 juillet 1972 portant création des régions « d’élément irremplaçable de notre organisation administrative », a survécu à tous les régimes politiques.
164.- Une institution menacée ?.- Pourtant, l’idée de supprimer un ou plusieurs échelons de collectivités territoriales, la volonté de simplifier le « millefeuille administratif », ont récemment remis en cause cette institution.
La Commission pour la libération de la croissance française, dite commission Attali a notamment recommandé la disparation en dix ans de l’échelon départemental dans son rapport de janvier 2008.
Cette proposition n’a cependant pas été retenue par le Comité pour la réforme des collectivités locales, dit comité Balladur, dans son rapport de février 2009. Plutôt que d’imposer des mesures autoritaires le rapport suggère de favoriser les regroupements volontaires de départements, de la même façon qu’il propose de favoriser les regroupements de régions. C’est cette solution qui a été retenue par les articles 26 à 29 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 qui prévoit notamment la possibilité de regroupements de départements et la fusion de départements et d’une région.
C’est dans ce sens également que le Président François Hollande avait présenté après son élection les projets de réforme territoriale de l’exécutif, qui devaient être concrétisés par de nouvelles lois dans le courant de l’année 2014. Ces réformes n’ont toutefois pas remis en cause l’échelon départemental. Dans son discours de politique générale prononcé le 8 avril 2014, le Premier ministre avait quant à lui annoncé la suppression de l’échelon départemental à l’horizon 2021, mais seulement en tant que collectivité territoriale. En conséquence, les départements devaient subsister comme échelons de l’administration déconcentrée de l’Etat. Ces intentions sont toutefois restées lettre morte, l’ambition désormais affichée consistant plutôt à redéfinir les compétences des départements et supprimer la clause de compétence générale dont ils bénéficiaient jusqu’alors en tant que collectivités territoriales. Ces orientations ont été confirmées par la loi NOTRe du 7 août 2015. Elles devaient également se poursuivre sous la présidence Macron qui avait fait figurer dans son programme électoral la volonté de supprimer un quart des départements. Parmi les orientations d’une possible nouvelle réforme territoriale, esquissées par le Président la République en 2018, figure en effet l’ambition de fusionner à termes certaines métropoles et départements, cette fusion devant se faire au bénéfice des métropoles. Dans ce schéma également, le département subsisterait comme entité déconcentrée mais disparaîtrait en tant que collectivité territoriale. Mais, on l’a compris, ces velléités de réformes n’ont pas non plus été concrétisées.
B- Région
165.- Une institution récente.- La région est une institution beaucoup plus récente que le département. Elle trouve en effet son origine dans les politiques d’interventionnisme de l’Etat développées après la première guerre mondiale. Il s’agissait alors de définir des cadres géographiques spécifiques qui paraissaient mieux adaptés à cette politique que les départements.
Un arrêté du ministre de l’Economie et de l’Industrie du 5 avril 1919 institua des groupements économiques régionaux dits « régions Clémentel », qui regroupaient des chambres de commerce qui étaient libres d’adhérer à la région de leur choix et d’en changer librement.
La même idée a été reprise avec la création des « régions Gestin » en 1938 ainsi que par le régime de Vichy, ce qui a constitué par la suite un frein à l’émergence de l’échelon régional.
On retrouve ensuite trace des régions dans un décret-loi du 30 juin 1955 portant création des régions de programmes dans lesquelles étaient mis en œuvre des programmes de développement économique régionaux.
Le décret n°60-516 du 2 juin 1960 substitue ensuite les circonscriptions d’action régionale aux régions de programmes. Enfin, la loi n°72-619 du 5 juillet 1972 crée les régions qui sont alors qualifiées d’établissements publics régionaux.
A cette époque, la région, contrairement au département, est seulement le cadre de l’administration déconcentrée. Il existe, à partir du décret n°70-19 du 9 janvier 1970 qui fait de la Corse une région, 22 régions en France métropolitaine et 5 régions d’outremer qui ont également le statut de département.
166.- Regroupement des régions.- Il est à noter, enfin, que le comité Balladur avait suggéré la réduction du nombre de régions de 22 en métropole (en comptant la collectivité territoriale de Corse) à 15. Le rapport Attali recommandait quant à lui la suppression de l’échelon départemental au profit des régions. Ces recommandations sont toutefois demeurées sans effet, même si la loi n°2010-1563 organise une procédure de fusion de régions.
Le processus a finalement été relancé sous la présidence de François Hollande. L’objectif fixé au départ consistait à réduire de moitié le nombre de régions, dans le but affiché d’économiser les deniers publics, mais également dans celui de doter les régions françaises d’une taille critique leur permettant de rivaliser avec les collectivités comparables dans l’Union européenne en terme de superficie, de population et surtout de poids économique. Après des débats houleux, la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 a finalement réduit le nombre de régions en métropole de vingt-deux à treize, en comptant la Corse. On relèvera ici que la création par la loi n°2019-816 du 2 août 2019 de la collectivité européenne d’Alsace n’a pas eu d’incidence sur le découpage de la région Grand-est à laquelle appartiennent les deux départements alsaciens.
C- Arrondissement
167.- Une création révolutionnaire.- Comme le département, l’arrondissement est une création révolutionnaire qui est apparue avec la loi du 28 pluviôse an VIII. Il s’agit de la plus importante circonscription administrative au sein du département, qui compte en général trois ou quatre arrondissements. On trouve à sa tête un sous-préfet.
A l’heure de la dématérialisation, la question de la pertinence du réseau national des sous-préfectures a été soulevée à plusieurs reprises par la Cour des comptes, en particulier dans son rapport public annuel de 2015. Pour autant, alors que la carte régionale ou la carte judiciaire ont évolué, les différents gouvernements n’ont pas voulu remettre globalement en cause l’échelon de proximité que constituent les sous-préfectures. Toutefois, des ajustements ponctuels ont conduit à réduire le nombre d’arrondissements. C’est le cas particulièrement dans le département de la Moselle où le nombre d’arrondissements a été progressivement réduit de neuf à cinq en deux temps, en 2015 et en 2016.
II- Circonscriptions dérogatoires
168.- Des circonscriptions à différents niveaux territoriaux.- Les services de l’Etat sont organisés au niveau local avant tout dans les départements et les régions. Cependant, il existe également des circonscriptions interdépartementales, qui ne correspondent pas nécessairement au niveau régional et des circonscriptions infradépartementales qui ne coïncident pas toujours avec les arrondissements.
A- Circonscriptions administratives interdépartementales
169.- Une échelon habituel de l’administration d’Etat.- La plupart des ministères disposent de services déconcentrés interdépartementaux et trois situations peuvent alors se présenter.
Le cas le plus simple est celui de la coïncidence des ressorts des services déconcentrés interdépartementaux et des circonscriptions régionales (V. infra).
Une autre hypothèse est celle de l’organisation des services interdépartementaux à un niveau intermédiaire entre la région et le département.
Exemples :
– Les services interdépartementaux déconcentrés du ministère de l’Education nationale sont constitués par 30 académies. Depuis le 1er janvier 2017, elles sont également regroupées en académies régionales, qui sont au nombre de 18 depuis le premier janvier 2020. Il s’agit ici d’une conséquence de la fusion des régions opérée par la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions.
Enfin, les services interdépartementaux peuvent être organisés au niveau interrégional.
Exemples :
– Il existe 12 directions interrégionales des douanes qui dépendent en 2023 du Ministre chargé de l’Economie, des Finances et de la Relance, ainsi que 42 directions régionales.
-Il existe 7 zones de défense et de sécurité en métropole. Leur objet est de permettre la gestion de calamités publiques ou de crises dépassant le cadre départemental. Elles permettent de coordonner l’action des autorités civiles et militaires, sous la direction d’un préfet de zone qui est le préfet du département où se trouve le chef-lieu de celle-ci. Il est assisté par un préfet délégué pour la défense et la sécurité (Code de la défense, art. L. 1311-1 s. et R. 1311-1 s.).
B- Circonscriptions administratives infradépartementales
170.- Communes et cantons.- Ces circonscriptions sont de deux types différents. La première constitue à la fois le cadre de l’action déconcentrée de l’Etat, et de l’action d’une collectivité territoriale : il s’agit de la commune. La seconde constitue en revanche le seul cadre de l’activité des services déconcentrés de l’Etat : il s’agit du canton.
1° Commune
171.- Un héritage de la période médiévale.- A l’opposé des départements ou des arrondissements, les communes ne sont pas une création révolutionnaire. En effet, l’apparition des communes remonte au Moyen-âge et plus exactement aux XII°-XIII° siècles.
A l’origine il s’agissait d’associations de bourgeois, de commerçants, qui avaient obtenu du Roi un certain nombre de privilèges. Le terme de commune coexiste alors avec d’autres expressions : bourgs, villes, paroisses… Il faut attendre la loi du 14 décembre 1789 relative à la constitution des municipalités pour voir généralisé l’emploi du terme de commune.
Un certain nombre de services de l’Etat sont aujourd’hui organisés dans ce cadre comme, par exemple, les services de l’état civil.
Au 1er janvier 2022, la France compte 34955 communes, contre 36529 au 1er janvier 2015. La grande majorité d’entre elles comptent moins de 5000 habitants. Cet émiettement communal, qui n’a pas d’autres exemples dans l’Union européenne (environ 40% des communes des Etats membres de l’Union européenne sont françaises), est préjudiciable pour ces communes qui ne disposent pas de moyens d’action suffisants.
172. Tentatives de réduction du nombre de communes.- Jusqu’à récemment, les différentes procédures de fusion de communes se sont conclues par un échec global. C’est le cas notamment de la loi n°71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes dite « Loi Marcellin » qui prévoyait la possibilité de fusion de communes soit dans le cadre d’une fusion simple soit dans celui d’une fusion-association.
Ce processus a été relancé par la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui a prévu une nouvelle procédure selon laquelle les fusions de communes s’opèrent dans le cadre de la création d’une commune nouvelle (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2113-5). Toutefois, cela n’a pas abouti à des résultats concluants jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n°2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes. Cette loi a d’abord voulu renforcer l’identité des communes fusionnées, en prévoyant diverses améliorations institutionnelles assurant une meilleure représentation des anciennes communes. Surtout, l’Etat s’est engagé à exonérer les communes qui s’engagent dans une procédure de fusion de la diminution de la dotation globale de fonctionnement pendant trois ans, avec un bonus de 5 % pour cette période. Dans un contexte de restrictions budgétaires, l’argument financier a semblé porter puisque les projets de fusions de communes se sont multipliés dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. En effet, au 1er janvier 2023, la France compte 795 communes nouvelles, essentiellement dans des zones rurales. Elles regroupent plus de 2500 communes déléguées pour une population totale d’environ 2,5 millions d’habitants. Le processus semble toutefois aujourd’hui délaissé avec, par exemple, seulement 18 créations de communes nouvelles en 2022.
173.- Intercommunalité.- Notons enfin que les procédures de fusion de communes ne constituent pas le seul remède à l’émiettement communal. En effet, une autre solution, qui a largement été privilégiée ces dernières années et qui concernent exclusivement la décentralisation consiste à mutualiser les moyens par l’adhésion des communes à des établissements publics de coopération intercommunale (V. infra).
2° Canton
174.- Subdivision des arrondissements.- Les cantons sont des subdivisions des arrondissements. Ils ont été institués par l’Assemblée constituante le 22 décembre 1789, en même temps que les départements. Ils étaient à l’origine regroupés en districts puis, après la suppression des districts en 1800, en arrondissements.
Jusqu’à l’entrée en vigueur de loi n°2013-403 du 17 mai 2003 et de ses décrets d’application le nombre de cantons était légèrement supérieur à 4000. Il a été divisé par deux par cette loi, en raison du nouveau mode d’élection au conseil départemental qui consiste à désigner non plus un seul élu mais un binôme d’élus de sexe différent.
Le nombre de cantons est variable d’un département à l’autre, en fonction de son importance. Le département du Nord est ainsi divisé en 41 cantons, alors que le Territoire de Belfort n’en compte que 9. Par ailleurs, il peut y avoir plusieurs cantons dans le cadre d’une seule commune.
Les cantons ne font plus office aujourd’hui que de circonscription électorale pour l’élection des conseillers généraux, puis pour les conseillers départementaux à partir des élections de 2015, conformément à la loi organique n°2013-402 et à la loi n°2013-403 du 17 mai 2013.
§II- Déconcentration fonctionnelle
175.- Approche organique.- Il ne s’agit plus ici d’évoquer des ressorts géographiques dans lesquels va s’inscrire l’action des services déconcentrés de l’Etat et de leurs agents, mais les services et les agents qui les dirigent, lesquels se répartissent sur trois niveaux différents.
Si traditionnellement le préfet de département était le pivot de la déconcentration, on verra que sa prépondérance a eu tendance à s’atténuer à fur et à mesure que l’échelon régional a pris de l’importance. Cette évolution trouve son point culminant dans le décret n°2010-146 du 16 février 2010 qui affirme que le niveau régional est le « niveau de droit commun du pilotage des politiques publiques » (mission interministérielle de l’administration territoriale de l’Etat, communiqué du 15 mai 2009).
I-Déconcentration fonctionnelle au niveau départemental
176.- Préfet et autres représentants de l’Etat.- Au niveau départemental, le préfet est le représentant de droit commun de l’Etat. A titre secondaire, l’Etat est également représenté, dans ce cadre, par les chefs de certains services déconcentrés organisés dans ce cadre.
A- Préfet
177.- Une institution ancienne.- La fonction de préfet a été créée par la loi du 28 pluviôse an VIII. L’appellation est toujours en vigueur, même si en 1948 et du 10 mai 1982 au 29 février 1988, les préfets ont porté le titre de commissaire de la République. Les préfets bénéficient d’un statut très spécifique et de pouvoirs étendus pour l’exercice desquels ils peuvent prendre appui sur des collaborateurs.
Il est à noter que si la fonction a vocation à perdurer, le décret n°2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’Etat place en extinction au 1er janvier 2023 le corp des préfets et celui des sous-préfets. Cette fonction devient un simple emploi occupé notamment par des fonctionnaires en détachement. Le décret n°2022-491 du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet fixe le cadre réglementaire applicable à ces emplois en matière de nomination, de classement des emplois et de modalité de gestion sur ces emplois.
1° Caractéristiques de l’emploi
178.- Emploi à la discrétion du gouvernement.- Les préfets font partie des fonctionnaires dont l’emploi est « à la discrétion (ou à la décision) du gouvernement ». Les concernant, l’article 13 alinéa 3 de la Constitution se contente de préciser que leur nomination et la cessation de leurs fonctions est prononcée par décret en Conseil des ministres, sans plus de formalités. Le décret n°2022-491 du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet précise dans son article premier que les décrets nommant dans les emplois de préfet sont pris sur proposition du Premier ministre, du ministre de l’Intérieur et, pour les emplois en outre-mer, du ministre chargé de l’Outre-mer. La nomination dans un emploi de préfet d’une personne n’ayant jamais occupé un tel emploi est précédée d’un comité consultatif chargé de formuler un avis sur l’aptitude professionnelle de l’agent (D. n°2022-491, 6 avril 2022, art. 3).
179.- Recrutement.- Le corps préfectoral, avant sa suppression, était composé en partie d’énarques, mais pas exclusivement. Dans ce sens, le décret n°2009-176 du 16 février 2009, modifiant le décret du 14 juillet 1964, avait voulu élargir les possibilités de choix du gouvernement et « diversifier les origines et l’expérience professionnelle des membres du corps préfectoral ». Il prévoyait que « des nominations peuvent également être prononcées, dans la limite de sept postes, sur des emplois supérieurs comportant une mission de service public relevant du gouvernement. Les intéressés étaient alors placés sur un emploi de préfet hors cadre pour une durée maximale de trois ans qui peut être prolongée de deux ans ». Cette ouverture avait ensuite été confirmée par le décret n°2011-1208 du 29 septembre 2011 qui porte la limite du nombre d’emplois pourvus selon cette procédure à dix postes. Toutefois, trois de ces postes sont réservés à des sous-préfets et administrateurs civils qui justifient de vingt-cinq années de services publics, dont trois années au moins en qualité de sous-préfet nommé sur un poste territorial ou en qualité de secrétaire général pour les affaires régionales.
Notons également que depuis l’entrée en vigueur du décret n°2015-535 du 15 mai 2015, la position hors cadre avait été supprimée, ce qui répondait aux critiques formulées par la Cour des comptes dans un référé publié le 23 septembre 2014 dans lequel il apparaissait que les gouvernements successifs avaient nommé deux fois plus de préfets qu’il n’y a de postes territoriaux à pourvoir. Le même décret définissait, en revanche, d’autres fonctions qui peuvent être confiées aux préfets : conseiller du gouvernement, membre du Conseil supérieur de l’administration territoriale de l’Etat, ou encore une affectation à l’administration centrale du ministère de l’Intérieur et du ministère des Outre-mer ou en cabinet ministériel.
Le décret n°2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’Etat place en extinction au 1er janvier 2023 le corps des préfets et celui des sous-préfets. Comme on a pu l’évoquer précédemment le corps des administrateurs de l’Etat constitue un vivier pour le recrutement d’agents dans l’emploi de préfet. L’article 4 du décret n°2022-491 du 6 avril 2022 précise qu’au moins deux tiers des emplois de préfet sont occupés « par des personnes justifiant de plus de cinq années de services dans plusieurs postes territoriaux d’encadrement supérieur au sein des services déconcentrés de l’Etat, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière ou d’établissements publics en relevant, dont au moins trois années en qualité de sous-préfet ».
180.- Des garanties de carrière limitées.- Les préfets ont peu de garanties de carrière, ce qui ne peut être que renforcé par la mise en extinction du corps préfectoral. Leurs mutations sont laissées à la discrétion du gouvernement et à tout moment il peut être mis fin à leurs fonctions.
L’article 13 du décret n°2022-491 du 6 avril 2022 prévoit que les agents qui, au moment de leur nomination dans un emploi de préfet (ou de sous-préfet), ont la qualité de fonctionnaire, militaire ou magistrat de l’ordre judiciaire sont placés en position de détachement de leur corps ou cadre d’emplois d’origine. Dans les autres cas, un contrat écrit est établi entre l’autorité de recrutement et l’agent concerné. Ce contrat est conclu pour une durée maximale de deux ans, renouvelable dans la limite d’une durée totale de cinq ans dans un même emploi. Il est assorti d’une période probatoire d’une durée maximale de six mois.
L’article 2 du même décret précise que la durée maximale d’exercice continu des fonctions de préfet est de neuf ans, quel que soit le nombre d’emplois occupés pendant cette période. Lorsque la durée entre deux affectations dans des emplois de préfet est inférieure à deux ans, ces deux affectations sont comptabilisées comme relevant d’un exercice continu des fonctions. Il n’est donc plus possible pour un agent de faire toute une carrière dans l’administration comme préfet.
181.- Des libertés publiques limitées.- Les libertés publiques du préfet sont limitées. Plus précisément, le statut des préfets déroge à un certain nombre de libertés reconnues aux fonctionnaires par le statut général de la fonction publique. Ces limitations portent plus précisément sur trois points.
S’agissant de la liberté d’opinion, le dossier administratif du préfet mentionne ses opinions politiques religieuses et philosophiques. Ceci s’explique par le fait que, d’après la Constitution, le préfet n’est pas seulement l’agent du gouvernement. Il est aussi son représentant, et par conséquent il est tenu d’être loyal à son égard.
En outre, les préfets n’ont pas le droit de se syndiquer. Il existe seulement depuis 1917 une « association du corps préfectoral ».
Enfin, la liberté d’aller et de venir du préfet est limitée. Le préfet doit en effet obtenir l’autorisation du ministre de l’Intérieur s’il souhaite quitter momentanément le département.
2° Attributions
182.- Un relais de l’action étatique.- D’après l’article 72 alinéa 3 de la Constitution, le préfet est « le délégué du gouvernement » dans les départements. Il a « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».
Selon l’article 1er du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 il est le « dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le département » et il veille à « l’exécution des règlements et des décisions gouvernementales ».
Tel qu’il est conçu, le préfet est donc un relais de l’action étatique, et il doit permettre d’assurer une certaine uniformité de son action au niveau local. On notera toutefois que le décret n°2020-412 du 8 avril 2020 pérennise, suite à une expérimentation, la faculté donnée aux préfets de région et de département, en métropole et outre-mer, de déroger dans certains domaines aux normes arrêtées par l’administration de l’Etat pour un motif d’intérêt général, afin de tenir compte, sous certaines conditions, des circonstances locales. Sont concernées des décisions individuelles relevant du champ de leur compétence, comme par exemple en matière de subventions, d’aménagement du territoire et de politique de la ville, d’environnement, ou encore de construction, de logement et d’urbanisme.
La tâche dévolue au préfet est donc particulièrement lourde, celui-ci étant le représentant attitré de l’Etat dans le département.
Traditionnellement, le préfet de département était l’outil principal de la déconcentration fonctionnelle. Il pouvait être présenté, selon l’expression de M. Bécet comme « le pivot de la déconcentration » (Les institutions administratives, Economica, 4ème éd. 1997, p. 60). En d’autres termes, le préfet était le principal représentant local de l’Etat. Cependant, comme on le verra ultérieurement, cette prépondérance a tendance à s’atténuer au profit du préfet de région.
183.- Principales missions.- Dans ce cadre rénové le préfet, qui demeure dépositaire de l’autorité publique dans le département, est d’abord chargé d’une mission générale d’information du gouvernement. En dehors de cette mission, il exerce trois tâches essentielles : la direction des services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat, l’exercice de pouvoirs de police et un pouvoir de tutelle sur les collectivités territoriales.
a- Direction des services déconcentrés
184.- Une emprise de plus en plus grande sur les services déconcentrés.- A l’origine, les services déconcentrés départementaux étaient assez largement indépendants vis-à-vis des préfets. Cependant, à partir des années 1960, pour des raisons d’efficacité, le gouvernement a confié aux préfets une mission de coordination de ces services à l’échelle départementale. Cette innovation s’est traduite dans le décret n°64-250 du 14 mars 1964 qui prévoit que les préfets sont les animateurs et les coordinateurs des services extérieurs civils de l’Etat au niveau du département.
Ce mouvement a été poursuivi beaucoup plus loin par le décret n°82-389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des commissaires de la République et à l’action des services et organismes publics de l’Etat dans les départements. Ce texte, dans son article 1er, précise que sous l’autorité des ministres les préfets dirigent les services déconcentrés dont les chefs relèvent de leur autorité directe. Cette solution est confirmée par le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 dont l’article 1er précise qu’ils « dirigent, sous l’autorité des ministres … les services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat ». Comme on le verra, cette règle comporte des exceptions. Cependant, elle constitue la règle générale en matière d’organisation des services déconcentrés de l’Etat au niveau départemental. Dans le cadre de cette mission, le préfet dispose d’attributions importantes. En particulier, il est l’ordonnateur secondaire des services déconcentrés de l’Etat dans le département, ce qui veut dire qu’il est l’autorité compétente pour émettre des mandats de paiements concernant les dépenses de ces services (décret n°2004-374 du 29 avril 2004, art. 20).
185.- Collège des chefs de service.- Pour permettre un dialogue le préfet préside le collège des chefs de service qui est composé notamment des sous-préfets, des chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat placés sous son autorité, du directeur départemental des finances publiques, du directeur académique des services de l’éducation nationale, du commandant du groupement de gendarmerie départementale, du directeur départemental des services d’incendie et de secours et du responsable de la délégation territoriale de l’agence régionale de santé dans le département (décret n°2004-374 du 29 avril 2004, art. 40).
186.- Effets de la révision générale des politiques publiques.- Il est important de relever que la réforme de l’administration territoriale de l’Etat, issue de la révision générale des politiques publiques qui a été mise en œuvre à partir de 2007, a abouti au regroupement de plusieurs services déconcentrés départementaux, qui deviennent ainsi des services interministériels placés sous l’autorité du préfet de département avec le décret n°2009-1484 du 3 décembre 2009.
La Direction de l’équipement, celle de l’agriculture et de la forêt, ainsi que la cellule environnement de la préfecture ont ainsi fusionné pour former une nouvelle Direction départementale des territoires dénommée Direction départementale des territoires et de la mer dans les départements du littoral.
Il existe également une Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations. Toutefois il existe dans certains départements deux structures différentes : la Direction départementale de la cohésion sociale et la Direction départementale de la protection des populations.
187.- Modalités particulières d’organisation.- Il faut aussi relever que l’article 27 du décret du 29 avril 2004 organisait déjà une formule plus souple de collaboration entre les services déconcentrés départementaux de l’Etat. En application de ces dispositions, le préfet peut désigner un chef de projet chargé de coordonner l’action de ces différents services. Il doit alors préciser quels sont les objectifs à atteindre et la durée de la mission. Au terme de cette mission, il est tenu de procéder à son évaluation. Lorsque la nomination du chef de projet constitue une mesure insuffisante, le préfet peut décider d’institutionnaliser des organes qui auront alors vocation à régler certains dossiers concernant plusieurs services déconcentrés de différents ministères.
Dans le même sens, l’article 28 du décret prévoit que pour la conduite durable d’actions communes à plusieurs services déconcentrés de l’Etat dans la région ou le département, le préfet peut constituer un pôle de compétence dont il désigne le responsable. Pour la conduite de ces actions, le préfet peut créer, par arrêté, une délégation interservices.
b- Pouvoirs de police
188.- Autorité de police administrative générale.- Le préfet est « l’autorité de police générale dans le département ». Plus précisément, l’article L. 2215-1-1° du Code général des collectivités territoriales prévoit que « le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques » (V. sur ces questions infra, Partie V, Chapitre I, Section II). De même, l’article L. 2213-1 alinéa 1 du même code précise que c’est au préfet qu’il appartient de règlementer la circulation sur les routes à grande circulation situées hors agglomération.
189.- Autorité de police administrative spéciale.- Le préfet est également détenteur de pouvoirs de police administrative spéciale, qui lui confèrent des prérogatives dans certains domaines précis, qui ne correspondent pas forcément à des hypothèses de protection de l’ordre public.
Exemples :
– Le préfet est titulaire du pouvoir de police administrative spéciale dans le domaine de la chasse et de la pêche. Ceci signifie qu’il est compétent pour prendre les mesures règlementant ces activités.
190.- Particularités de la Corse et de Paris.- Dans le cadre de ses pouvoirs de police, le préfet peut être assisté, comme c’est le cas en Corse, d’un coordonnateur pour la sécurité (décret n°2004-374 du 29 avril 2004, art. 80 modifié par le décret n°2010-146 du 16 février 2010). Par ailleurs, concernant la Ville de Paris – qui rappelons-le est une collectivité territoriale à statut particulier dotée à la fois de compétences communales et départementales – les pouvoirs de police administrative sont partagés entre le maire de Paris et le préfet de police (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2512-13). Enfin, dans le département des Bouches-du-Rhône, le préfet de police, qui a été institué par le décret n°2012-1151 du 12 octobre 2012, a la charge notamment du maintien de l’ordre public dans le département (V. décret n°2004-374 du 29 avril 2004, art. 78-1 et s.).
c- Contrôle des institutions décentralisées
191.- Contrôle de légalité.- Ce pouvoir de contrôle découle directement du dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution. Selon ce texte, « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’Etat, représentant de chacun des membres du gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ce contrôle se matérialise par la possibilité ouverte au préfet de déférer au tribunal administratif compétent les actes pris par les collectivités territoriales en vue d’en obtenir l’annulation en raison de leur illégalité.
192.- Relations entre l’Etat et les collectivités territoriales.- Par ailleurs, les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales relèvent en principe du préfet qui est seul habilité à s’exprimer devant le conseil général au nom de l’Etat et à négocier et conclure pour le compte de celui-ci des conventions avec le département, les communes et leurs établissements publics (décret n°2004-374 du 29 avril 2004, art. 58 et 59).
193.- Relations entre les services centraux et les services déconcentrés de l’Etat.- Le préfet contrôle également les rapports entre les services et l’Etat puisqu’il est destinataire de toutes les correspondances, quelle qu’en soit la forme, que leur adressent les services centraux ou déconcentrés (décret n°2004-374 du 29 avril 2004, article 55). Enfin les conventions que les établissements, les organismes publics de l’Etat ou les entreprises nationales concluent avec le département ou des communes lui sont transmises pour information dès lors que leur objet ne relève pas du fonctionnement courant des services (décret numéro 2004-374 du 29 avril 2004, art. 60 alinéa 3).
3° Collaborateurs
194.- Catégories.- Les collaborateurs du préfet sont visés par l’article 13 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004. Ces collaborateurs se répartissent en trois grandes catégories.
a- Collaborateurs au sein de la préfecture
195.- Secrétaire général de la préfecture.- Le préfet dispose d’un secrétariat général qui est placé à la tête des services administratifs de la préfecture. Il est également assisté par un directeur de cabinet qui est son collaborateur le plus proche. Il l’assiste notamment pour le règlement des dossiers confidentiels ainsi que pour ceux qui touchent à la sécurité publique. Généralement, le directeur de cabinet bénéficie d’une délégation de signature de la part du préfet. Il existe également, au sein de cet organe, un bureau qui a notamment la charge de l’organisation des visites et des déplacements ministériels dans le département. Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2005-1621 du 22 décembre 2005, peut être nommé un préfet délégué pour l’égalité des chances. Cette situation concerne actuellement les six départements les plus concernés par les tensions urbaines (Essonne, Bouches du Rhône, Nord, Rhône, Seine Saint-Denis, Val d’Oise). Enfin, le préfet peut nommer des chargés de mission.
b- Collaborateurs au sein des services déconcentrés
196.- Catégories.- Sont concernés par cette collaboration quatre types d’agents :
– Les chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat dans le département et la région et le commandant du groupement de gendarmerie départementale ;
– Les responsables des unités et délégations départementales des services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat dans la région ;
– Le directeur départemental des services d’incendie et de secours ;
Le préfet est également assisté dans l’exercice de ses fonctions du directeur général de l’agence régionale de santé et du responsable de sa délégation départementale dans le département.
c- Collaborateurs au sein des arrondissements
197.- Sous-préfets.- Les collaborateurs du préfet dans les arrondissements sont les sous-préfets. Avant la loi n°82-213 du 2 mars 1982 qui approfondit la décentralisation, les sous-préfets avaient pour fonction essentielle d’assurer la tutelle des petites communes. Ceci impliquait notamment l’annulation, par le sous-préfet, des actes pris par le maire ou par le conseil municipal qu’il estimait illégaux ou inopportuns.
Depuis 1982, ce pouvoir a été retiré aux préfets et aux sous-préfets. Désormais, le sous-préfet se comporte moins comme un censeur que comme un conseil juridique, ce qui permet, dans une certaine mesure seulement, de pallier l’absence de services juridiques compétents dans ces petites communes.
Le sous-préfet est avant tout le collaborateur direct du préfet. Comme le prévoit l’article 14 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004, le sous-préfet « assiste le préfet dans la représentation territoriale de l’Etat ».
Sous l’autorité du préfet :
– Il veille au respect des lois et règlements et concourt au maintien de l’ordre public et à la sécurité des populations ;
– Il anime et coordonne l’action, dans l’arrondissement, des services de l’Etat y compris pour les services de la gendarmerie nationale, dans les limites compatibles avec son statut militaire ;
– Il participe à l’exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités territoriales.
Par ailleurs, le préfet peut confier au sous-préfet « des missions particulières, temporaires ou permanentes, le cas échéant hors de l’arrondissement ».
Le sous-préfet peut également être le collaborateur du préfet de région qui peut, avec l’accord du préfet de département, lui confier des missions particulières, temporaires ou permanentes, d’intérêt régional.
Comme le directeur de cabinet de la préfecture, les sous-préfets bénéficient généralement d’une délégation de signature de la part du préfet.
B- Chefs des services déconcentrés non soumis à l’autorité du préfet
198.- Exceptions au pouvoir de direction du préfet sur les services déconcentrés départementaux.- En principe, comme on l’a vu, c’est le préfet qui dirige les services déconcentrés départementaux. Cependant, il existe un certain nombre d’exceptions à cette règle.
Exemples :
– Les juridictions judiciaires sont dirigées non pas par le préfet, mais par le chef de juridiction. Ainsi, une cour d’appel est présidée par son premier président. Cette solution se justifie, bien évidemment, par le principe de séparation des pouvoirs. On ne peut pas admettre, en effet, en application de ce principe, qu’un représentant du pouvoir exécutif assure la direction d’une autorité juridictionnelle.
– Les directions départementales des finances publiques, qui sont issues de la fusion des trésoreries générales et des directions des services fiscaux, ont à leur tête un administrateur des finances publiques (anciennement un trésorier payeur général). Cette compétence se justifie par la règle de séparation des ordonnateurs et des comptables selon laquelle l’autorité qui décide des dépenses doit être distincte de celle qui manipule les deniers publics. Le préfet étant l’ordonnateur des dépenses de l’Etat au niveau du département, il est logique que ce soit une autre autorité qui dirige l’ensemble des comptables publics du département.
II- Déconcentration fonctionnelle au niveau régional
199.- Préfet de région et chefs des services déconcentrés régionaux.- On assiste ici au même phénomène qu’au niveau départemental : le préfet de région est le principal représentant de l’Etat au niveau de la région mais, à titre dérogatoire, certains chefs de services déconcentrés représentent également l’Etat.
A- Préfet de région
200.- Montée en puissance de l’échelon régional.- La loi n°92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République marque un accroissement sensible de l’autorité du préfet de région vis-à-vis des préfets de département. Cette prépondérance trouve sa traduction dans les pouvoirs nouvellement reconnus au préfet de région qui se sont encore accrus dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
1° Prépondérance du préfet de région
201.- Préfet de région et préfets de département.- Il n’a jamais existé de corps préfectoral spécifique aux régions et le préfet de région n’est nul autre que le préfet du département du chef-lieu de la région.
Cette situation ne posait guère de problèmes à l’origine. En effet, la région est une institution administrative récente et les pouvoirs de l’administration préfectorale régionale étaient limités.
Tirant toutes les conséquences de la montée en puissance de l’échelon régional, la loi n°92-125 du 6 février 1992 a pour la première fois clairement prévu l’existence d’un échelon régional au sein de l’administration d’Etat.
L’article 5 de cette loi prévoyait, dans sa rédaction d’origine, que le préfet de région « met en œuvre les politiques nationales et communautaires concernant le développement économique et social et l’aménagement du territoire … dans ces domaines, les représentants de l’Etat dans les départements compris dans la circonscription régionale prennent des décisions conformes aux orientations qu’il fixe et lui en rendent compte ».
Le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements a encore renforcé l’autorité des préfets de région. L’article 2 de ce décret, dans sa rédaction initiale, précise que « le préfet de région est le garant de la cohérence de l’action des services de l’Etat dans la région. A ce titre, il fixe des orientations générales qu’il élabore avec les préfets de département dans la région ». Selon l’article 3 du même texte « le préfet de région détermine les orientations nécessaires à la mise en œuvre dans la région des politiques nationales et communautaires de sa compétence. Il les notifie aux préfets de département qui s’y conforment dans leurs décisions et lui en rendent compte ».
Le décret du 29 avril 2004 a été modifié par le décret n°2010-146 du 16 février 2010 qui fait du préfet de région le véritable pivot de l’administration déconcentrée de l’Etat. L’article 2 du décret de 2004 précise en effet désormais que le préfet de région « est responsable de l’exécution des politiques de l’Etat dans la région, sous réserve des compétences de l’agence régionale de santé, ainsi que de l’exécution des politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l’Etat ». Il a « autorité sur les préfets de département », cette autorité s’exprimant au moyen d’un pouvoir d’instruction et d’un éventuel droit d’évocation dans les matières qui justifient une coordination régionale renforcée.
2° Pouvoirs
202.- Compétences similaires à celles du préfet de département.- Dans l’ensemble, le préfet de région prend en charge, à son niveau, les missions qu’exerce le préfet de département, à l’exception notable des missions en matière de police. Ainsi, notamment, il représente l’Etat en justice et conclut en son nom des contrats. Par ailleurs, il assure le contrôle des actes pris par les institutions décentralisées régionales, et notamment le conseil régional et son président.
Il dispose du même pouvoir de dérogation à certaines normes réglementaires nationales, conformément au décret n°2020-412 du 8 avril 2020.
Enfin, il dirige la plupart des services déconcentrés de l’Etat au niveau régional. Comme on niveau des départements, l’organisation de ces services a été profondément remaniée dans le cadre de la REATE (V. supra Chapitre II, Section II) qui a conduit à la création de directions interministérielles.
Exemple :
– Les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) sont des services déconcentrés du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie et du ministère du Logement, de l’Egalité des Territoires et de la Ruralité.
Dans le contexte du nouveau découpage des régions défini par la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015, le gouvernement a mis en œuvre ce qui est parfois présenté comme la « REATE II ». Dans les sept régions appelées à fusionner, des préfets préfigurateurs ont été nommés en vue de reconfigurer l’organisation des services régionaux de l’Etat. La nouvelle organisation des services de l’Etat dans les nouvelles régions est applicable depuis le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de la loi du 16 janvier 2015.
203.- Collaborateurs.- Le préfet de région est assisté dans l’exercice de ses fonctions d’un secrétaire général pour les affaires régionales (V. décret n°2009-587 du 25 mai 2009 modifié par le décret n°2015-1894 du 25 décembre 2015) et des chefs ou responsables des services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat à compétence régionale.
204.- Des compétences renforcées dans certains domaines.- Plus spécifiquement, comme le rappelle l’article 5 du décret n°2015-510 du 8 mai 2015 portant charte de la déconcentration, la circonscription régionale est l’échelon territorial de « la mise en œuvre des politiques nationales et de l’Union européenne en matière d’emploi, d’innovation, de recherche, de culture, de statistiques publiques, de développement économique et social, et d’aménagement durable du territoire ».
Le décret n°64-251 du 14 mars 1964 relatif à l’organisation des services de l’Etat dans la circonscription régionale avait confié aux préfets de région la mission de mettre en œuvre la politique gouvernementale en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Toutefois, les prérogatives du préfet de région étaient alors limitées à une tâche d’animation et de coordination.
La loi n°92-125 du 6 février 1992, modifiant la loi n°72-619 du 5 juillet 1972, précisée par le décret n°92-604 du 1er juillet 1992, a voulu promouvoir l’échelon régional. Ce mouvement a été poursuivi et amplifié par le décret n°2015-510 du 7 mai 2015. C’est dans ce cadre que sont désormais opérées :
– L’animation et de la coordination des politiques de l’Etat (alors que le décret de 1992 cantonnait cette mission aux seuls domaines de la culture, de l’environnement, de la ville et de l’espace rural) ;
– La mise en œuvre des politiques nationales et de l’Union européenne en matière d’emploi, d’innovation, de recherche, de culture, de statistiques publiques, de développement économique et social, et d’aménagement durable du territoire ;
– La coordination des actions de toute nature intéressant plusieurs départements de la région ;
– La conduite d’actions de modernisation des services déconcentrés dans les domaines de la simplification de leur activité administrative et de l’amélioration de leurs relations avec les usagers ;
– La définition du cadre stratégique de la politique immobilière des services déconcentrés de l’Etat.
C’est également au niveau de la région, à partir de ces textes, que sont opérées la programmation et la répartition des crédits d’investissement de l’Etat ainsi que la contractualisation des programmes pluriannuels conclus entre l’Etat et les collectivités territoriales.
Par ailleurs, le préfet de région arrête, après consultation du comité de l’administration régionale, le projet d’action stratégique de l’Etat dans la région (décret n°2004-374 du 29 avril 2004, art. 5).
B- Chefs des services déconcentrés non soumis à l’autorité du préfet
205.- Exceptions au pouvoir de direction du préfet sur les services déconcentrés régionaux.- Comme au niveau du département, il existe également un certain nombre d’exceptions à la compétence du préfet de région. Par exemple, les directions régionales des finances publiques, qui sont issues de la fusion des trésoreries générales et des directions des services fiscaux, ont à leur tête un administrateur des finances publiques
III- Déconcentration fonctionnelle au niveau infra-départemental
206.- Maire et sous-préfet.- Il fait distinguer les deux agents de l’Etat que sont le sous-préfet et le maire.
A- Sous-préfet
207.- Collaborateur du préfet dans l’arrondissement.- Comme on l’a vu, le sous-préfet, qui est nommé par décret en Conseil des ministres, est le collaborateur du préfet au niveau des arrondissements. On rappelera aussi que le corps des sous-préfets, comme le corps des préfets ont été mis en extinction à partir du 1er janvier 2023 par le décret n°2021-1550 du 1er décembre 2021, faisant suite à la création du corps interministériel des administrateurs de l’Etat.
B- Maire
208.- Double fonction du maire.- La commune, comme le département et la région, a une double fonction : elle constitue à la fois le cadre de l’administration déconcentrée de l’Etat, et le cadre de l’action d’une collectivité territoriale. Cette dualité au plan géographique se retrouve au niveau institutionnel pour ce qui concerne les départements et les régions. La commune présente cette même ambivalence. Cependant, c’est ici la même institution, le maire, qui est la fois représentant de la commune et représentant de l’Etat.
209.- Compétences du maire en tant que représentant de l’Etat.- En tant que représentant de l’Etat, le maire exerce principalement les missions suivantes :
– La publication et exécution des lois et règlements (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-27) ;
– L’exécution des mesures de sûreté générale (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-27) ;
– Les fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-27). Par exemple, la délivrance des autorisations d’urbanisme est de la compétence du maire qui agit au nom de l’Etat lorsque celle- ci n’est pas couverte par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu (V. Code de l’urbanisme, art. L. 422-1, art. L. 422-2 et R. 422-1.- V. par ex. CE, 3 avril 2014, requête numéro 359272, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie) ;
– La légalisation des signatures (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-30) ;
– L’organisation des élections et des recensements, la révision des listes électorales (CE, 1er mai 1914, Baerhez : Rec., p. 520 ; D. 1920, III, p. 31 ; S. 1921, III, p. 6) ;
Il est également officier d’état civil et à ce titre il célèbre notamment les mariages, il délivre les actes de naissance, etc. (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-32) ;
Il est enfin officier de police judiciaire et à ce titre, il reçoit les plaintes, constate les infractions, dresse les contraventions (Code de procédure pénale, art. 16 ; Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-31).
Dans le cadre de ces différentes missions, comme tout agent de l’Etat, le maire est soumis au pouvoir hiérarchique du préfet et des ministres, sauf pour ce qui concerne ses missions d’officier d’état civil et d’officier de police judiciaire pour lesquelles il est soumis à l’autorité hiérarchique du procureur de la République.
Le supérieur hiérarchique du maire peut donc, comme cela est habituel dans une administration déconcentrée, lui donner des instructions, il peut lui-même réformer ou annuler ses actes. De même, le maire peut également être sanctionné.
Par ailleurs, lorsque le maire prend des actes au nom et pour le compte de l’Etat, c’est la responsabilité de l’Etat qu’il engage.
En revanche, et c’est également une solution classique, ce pouvoir hiérarchique n’existe pas lorsque le maire agit en tant que représentant de la commune.
Pour aller plus loin :
– Boudon (J.), Propos malicieux sur les ordonnances de l’article 38 de la Constitution : AJDA 2019, p. 1492.
– Bourdon (P.), L’ordonnance n°2021-702 du 2 juin 2021 relative à la haute fonction publique : vers de nouveaux parcours professionnels pour les cadres supérieurs de l’Etat : Dr. adm. 2021, étude 17.
– Bricault (J.-M.), Dévolution d’un droit de dérogation des préfets aux normes réglementaires : AJDA 2020, p. 1478.
– Carrère (T.), Le contentieux des ordonnances de l’article 38 de la constitution à l’épreuve de la QPC : RDP 2018, p. 1107.
– Cassia (P.), Le maire, agent de l’Etat : AJDA 2004, p. 245.
– Chambon (M.), Rationaliser la rationalisation ? – . – Retour sur les lois du 20 janvier 2017 relatives aux autorités administratives indépendantes : Rev. Int. Compliance et éthique 2017, Etude 59.
– Delzangles (H.), L’indépendance des autorités administratives indépendantes chargées de réguler les marchés de services publics : élément de droit comparé et européen : Dr. et société 2016, p. 297.
– Faure (B.), Le regroupement départements-région. Remède ou problème ? : AJDA 2011, p. 86.
– Hamon (L), A propos de l’article 16, quelques questions juridiques : AJDA 1961, p. 663.
– Jégouzo (Y.), À propos de la fonction consultative du Conseil d’Etat, in Mélanges Labetoulle : Dalloz, 2007, p. 505.
– Labetoulle (D.), La place du décret en Conseil d’Etat dans l’exercice du pouvoir gouvernemental, in Mélanges Costa : Dalloz, 2011, p. 353.
– Pauliat (H.), La déconcentration nouvelle est arrivée ! : JCP A 2015, comm. 2179.
– Perroud (T.), Une nouvelle illustration de la légalité néolibérale : le pouvoir de dérogation des préfets : D. 2020, p. 2356.
– Protière (G.), Autorités administratives (ou publiques) indépendantes : Dictionnaire d’administrative publique 2014, p. 45.
– Sorbara (J.-G.), le nouveau statut des autorités administratives et publiques indépendantes : JCP A 2017, comm. 2064.
– Vidal-Naquet (A.), Un Président de la République plus « encadré » : JCP G 2008, I, comm. 172.
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