Section II – Juridictions administratives de droit commun
584.- Catégories de juridictions.- Il existe deux grandes catégories de juridictions administratives.
Il s’agit d’abord des juridictions administratives spéciales qui sont compétentes dans des domaines particuliers (Cour des comptes, Conseil supérieur de la magistrature, sections disciplinaires des conseils d’administration des universités etc.…) et dont les décisions peuvent contestées en dernier ressort devant le Conseil d’Etat.
Il s’agit ensuite des juridictions administratives de droit commun qui exercent une compétence de principe et sur lesquelles on va se concentrer. Les juridictions administratives de droit commun, sur lesquelles on va se concentrer, sont de trois ordres : les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat.
§I – Conseil d’Etat
585.- Textes.- Le Conseil d’Etat a été créé par la Constitution du 22 frimaire an VIII et son organisation actuelle est définie par les articles L.111-1 à L. 137-1 et R. 112-1 à R.137-4 du Code de justice administrative.
I – Composition
586.- Président.- Le Conseil d’Etat est présidé par le Premier ministre. Cependant, cette présidence n’est qu’honorifique. Il a été jugé qu’elle ne méconnaît pas les dispositions de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au procès équitable, puisqu’elle ne concerne que l’Assemblée générale du Conseil d’Etat, qui est une formation administrative distincte de l’Assemblée du contentieux (CE, 13 janvier 1997, requête numéro 181138, Seidel : RFDA 1998, p. 1210, obs. Andriantsimbazoniva, Labayle et Sudre). Par ailleurs, l’article L. 121-1 du Code de justice administrative se borne à préciser que l’Assemblée générale du Conseil d’Etat « peut » être présidée par le Premier ministre et « en son absence » par le garde des Sceaux.
587.- Vice-président.- En réalité, c’est le Vice-président du Conseil d’Etat, qui est nommé par décret en Conseil des ministres, sur proposition du garde des Sceaux, qui exerce la présidence effective de cette institution. Il compose, avec les sept présidents de section, le secrétaire général et les secrétaires généraux adjoints le bureau des présidents, institution dont l’existence n’est pourtant pas prévue par les textes, mais qui exerce un rôle central pour la résolution des questions relatives au fonctionnement de l’institution.
Le Vice-président prépare et organise les travaux avec l’assistance du secrétaire général du Conseil d’Etat (Code de justice administrative, art. R. 121-9). Il est également en charge de l’administration du Conseil d’Etat, dans la mesure où c’est sous son autorité que le secrétaire général du Conseil en dirige les services (Code de justice administrative, art. R. 121-9). Comme on l’a mentionné, il assure la présidence effective de l’Assemblée générale, qui est la plus haute formation administrative du Conseil d’Etat, mais il préside également l’Assemblée du contentieux qui est la formation de jugement la plus élevée (Code de justice administrative, art. R. 122-20). Dans ce cadre, il n’a plus de voix prépondérante depuis l’entrée en vigueur du décret n°2008-225 du 6 mars 2008. En application de l’article R.121-14 du Code de justice administrative il est également l’ordonnateur principal du budget du Conseil d’Etat et il conclut les marchés et contrats passés par l’institution. Enfin, en application de l’article R. 231-3 du Code de justice administrative il assure la gestion du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
588.- Membres du Conseil d’Etat.- Les membres actuels du Conseil d’Etat (231 au 17 mars 2021) sont recrutés pour environ les deux tiers par concours. Le tiers restant provient du tour extérieur (membres du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, fonctionnaires appartenant aux cadres supérieurs de l’administration active, etc.).
Ils se répartissaient originellement en trois grades.
Les auditeurs étaient traditionnellement recrutés par le concours de l’Ecole nationale d’administration (Code de justice administrative, art. L. 133-6). Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, et suite à la supression de l’ENA et sin remplacement par l’Institut national du service public, l’ordonnance n°2021-702 du 2 juin 2021 a abrogé l’article L. 133-6 du Code de justice administrative. Le grade d’auditeur est supprimé et remplacé par des emplois d’auditeurs (Code de justice administrative, art. L. 133-5). Désormais, les auditeurs sont recrutés par öa vioe du détachement pour les candidats justifiant d’au moins deux ans d’expérience dans un emploi supérieur de l’administration. Un comité consultatif patricipe à la sélection des auditeurs parmi les administrateurs de l’Etat, mais également parmi les agents des corps ou cadres d’emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat (Code de justice administrative L. 133-12-1.- V. D. n°2021-1216, 22 septembre 2021). Les décisions de nomination sont prises par arrêté du vice-président du Conseil d’Etat. A l’issue de la période de trois ans pour laquelle ils sont reccrutés les auditeurs sont soit intttégrés dans le corps des maîtres des requêtes soit ils retournement dans le corps des administrateurs de l’Etat. L’intégration des auditeurs est confiée une comission d’intégration (Code de justice administrative, art. L. 133-12-3).
Les maîtres des requêtes sont nommés par décret, sur proposition du Garde des (Code de justice administrative, art. L. 133-4). Chaque année, deux membres au moins du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ayant atteint le grade de premier conseiller sont nommés maîtres des requêtes, à condition qu’ils soient âgés de trente-cinq ans et justifient de dix ans de sservice publics effectifs (Code de justice administrative, art. L. 133-8). Relevons aussi qu’à partir du 1er janvier 2025, la moitié au moins des nominations dans ce grade de maître des requêtes sera réservé aux auditeurs exerçant cette fonction depuis trois ans.
Les conseillers d’Etat en service ordinaire sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du Garde des sceaux. Dans la proportion de quatre sur cinq, les nominations dans ce grade sont réservées aux maîtres des requêtes ayant accompli une mobilité statutaire (Code de justice amdinistrative, art. L. 133-3). Pour chaque période de deux ans, un membre du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ayant atteint le grade de président est nommé au grade de conseiller d’Etat en service ordinaire (Code de justice administrative, art. L. 133-8). D’autres recrutements ont lieu au tout extérieur, selon les modalités définies par les articles L. 233-3 et L. 233-4 du Code de justice administrative.
Il faut relever que le principe retenu pour l’avancement entre le grade de maître des requêtes et celui de conseiller d’Etat grades est celui. Il s’agit ici d’une garantie de l’indépendance des membres du Conseil d’Etat, qui compense l’absence des garanties qui sont reconnues, par ailleurs, aux magistrats de l’ordre judiciaire. En effet, les membres du Conseil d’Etat ne sont pas des magistrats soumis au statut de la magistrature défini par l’article 64 de la Constitution. Ainsi, ils ne bénéficient pas de l’inamovibilité et le pouvoir disciplinaire, les concernant, appartient au Président de la République qui statue sur proposition du garde des Sceaux, après un simple avis d’une commission composée de membres du Conseil d’Etat.
A côté des membres ordinaires du Conseil d’Etat, il existe également des conseillers d’Etat en service extraordinaire qui sont, en application de l’article L. 121-4 du Code de justice administrative, « des personnalités qualifiées dans les différents domaines de l’activité nationale ». Ils sont nommés par décret en Conseil des ministres sur la proposition du garde des Sceaux pour une durée de cinq ans non renouvelable avant l’expiration d’un délai de deux ans.
A l’origine, les conseillers d’Etat en service extraordinaire siégeaient à l’assemblée générale et ils pouvaient être appelés à participer aux séances des autres formations administratives. En revanche, ils ne pouvaient être affectés à la section du contentieux. Les règles en vigueur ont toutefois été modifiées par la loi n°2016-483 du 20 avril 2016, qui permet de les affecter également à la section du contentieux. Dans cette hypothèse ils doivent désormais être « choisis parmi les personnes que leur compétence et leur activité dans le domaine du droit qualifient particulièrement pour l’exercice de ces fonctions ». Notons que pour les conseillers d’Etat en service extraordinaire, les nominations à la section du contentieux ou à une section administrative sont exclusives l’une de l’autre.
La loi n°2012-1347 du 12 mars 2012 a créé une nouvelle catégorie des membres extraordinaires : les maîtres des requêtes en service extraordinaire. Le nouvel article L. 133-9 du Code de justice administrative, est beaucoup plus précis que l’article L. 121-4 puisqu’il énumère les catégories d’agents qui peuvent être nommés. Cet article a été modifié par ordonnance n°2021-702 du 2 juin 2021. Il s’agit notamment fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Institut national du service public, des magistrats de l’ordre judiciaire, des professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, mais aussi des « personnes dont la qualification et l’expertise particulières sont utiles aux activités et aux missions du Conseil d’Etat ». Ils ne peuvent être nommés – par le vice-président du Conseil d’Etat et non pas par le Président de la République – que pour une durée de quatre ans maximum non renouvelable. Ils « exercent les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes » et ils peuvent donc être affectés à la section du contentieux. A l’issue de cette période, sous réserve qu’ils soient âgés d’au moins trente-cinq ans et qu’ils justifient de dix ans de services publics effectifs, ils peuvent être nommés au grade de maître des requêtes par une comission d’intégration (Code de justice administrative, art. L. 133-12).
II – Organisation
589.- Sections.- Le Conseil d’Etat est organisé en sept sections : six sections administratives (intérieur, finances, travaux publics, sociale, du rapport et des études et depuis le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 de l’administration) et une section du contentieux.
590.- Recul du principe de double appartenance.- En vertu du principe de double appartenance, institué par le décret n°63-766 du 30 juillet 1963, les membres ordinaires, à l’exception des présidents de section et de chambre (de sous-section à l’époque de ce texte), étaient affectés à la fois à une section administrative et à la section du contentieux. Cette réforme, issue de la crise survenue suite à l’arrêt d’Assemblée Canal, Robin et Godot du 19 octobre 1962 (requête numéro 58502 : Rec., p. 552 ; AJDA 1962 p. 612, obs. de Laubadère ; JCP 1963, II, comm. 13068, note Debbasch ; Rev. adm. 1962, p. 623, note Liet-Veaux), était censée permettre aux juges administratifs de mieux connaître l’administration active et ses difficultés de fonctionnement.
Toutefois, le décret n°2008-225 du 6 mars 2008, puis le décret n°2010-164 du 22 février 2010 ont assoupli cette règle. L’article R. 121-3 du Code de justice administrative précisait ainsi que : « les conseillers d’Etat en service ordinaire, les maîtres des requêtes et les auditeurs peuvent être affectés soit à une, soit à deux sections. Toutefois, les maîtres des requêtes et les auditeurs qui comptent moins de trois années de service dans une juridiction administrative sont affectés uniquement à la section du contentieux ». Cette règle a à nouveau été assouplie par le décret n°2019-82 du 7 février 2019. La deuxième phrase de l’article R. 121-3 susvisé indique désormais seulement que « les présidents adjoints ainsi que les présidents des chambres de la section du contentieux sont affectés uniquement à cette section ».
On relèvera également que depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-483 du 20 avril 2016, les conseillers d’Etat en service extraordinaire appartiennent exclusivement soit à une section administrative soit à la section du contentieux (V. respectivement Code de justice administtrative, art. L. 121-4, II et L. 121-4, III).
591.- La question de l’impartialité.- L’organisation du Conseil d’Etat pose la question de l’impartialité d’une instance juridictionnelle qui peut conseiller le gouvernement, pour la rédaction des décrets et des arrêtés ministériels, mais qui est également susceptible de juger de la légalité des mêmes textes.
La Cour européenne des droits de l’Homme a jugé, dans un arrêt Procola c. Luxembourg du 28 septembre 1995, que l’article 6§I de la Convention européenne des droits de l’Homme s’oppose à ce qu’une même personne cumule les fonctions consultatives et juridictionnelles à propos d’une « même affaire » ou d’une « même décision » (affaire numéro 14570/89 : RFDA 1996, p. 777). Pour qu’il y ait « même affaire » ou « même décision » la Cour a précisé, dans sa décision Kleyn c. Pays-Bas du 6 mai 2003 que les faits doivent être les mêmes et qu’ils doivent avoir été appréciés sous le même angle (affaire numéro 39343/98, affaire numéro 39651/98, affaire numéro 43147/98, affaire numéro 46664/99 : AJDA 2003, p. 1490, note Rolin ; LPA 2 mars 2004, n°44, p. 9 note de Bernardinis).
Exemple :
– Tel n’est pas le cas dans la dernière espèce, le Conseil d’Etat néerlandais ayant rendu un avis relativement au projet de loi sur la planification des infrastructures de transport, tandis que les recours formés par les requérants étaient dirigés contre un arrêté de tracé. Plus précisément, la Cour considère que les avis consultatifs rendus sur le projet de loi et la procédure subséquente d’examen des recours introduits contre l’arrêté de tracé ne peuvent passer pour représenter la « même affaire » ou la « même décision ».
Ces solutions ont inspiré le Conseil d’Etat dans un arrêt d’Assemblée du 4 juillet 2003, Dubreuil (requête numéro 234353 : AJDA 2003, p. 1569, chron. Donnat et Casas ; Dr. adm. 2003, comm. 173, note M.G. ; RFDA 2003, p. 713, concl. Guvomar.- V. également CE, 4 février 2005, requête numéro 269233, Procureur général près la Cour des comptes, Ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière: Collectivités territoriales – Intercommunalité 2005, comm. 79, note Erstein) qui concerne la Cour de discipline budgétaire et financière, mais dont la solution peut être aisément transposée à la juridiction administrative suprême. Les juges relèvent qu’aucune règle ni aucun principe « ne s’opposent à ce que, pour sanctionner les manquements des ordonnateurs aux règles de la comptabilité publique, soit institué un organe à compétence juridictionnelle qui comprenne des membres de la Cour des comptes, alors même que celle-ci est chargée de juger les comptes des comptables publics, et peut, en cas de gestion de fait, connaître de manquements commis par les ordonnateurs ». Toutefois, « une telle composition ne doit …pas conduire à ce qu’un membre de la Cour de discipline budgétaire et financière ait à juger d’accusations relatives à des faits qu’il a déjà eu à apprécier dans le cadre d’autres fonctions ». Ce principe a notamment vocation à s’appliquer « lorsqu’un membre de la Cour de discipline budgétaire et financière a antérieurement siégé lors d’une procédure de gestion de fait mettant en cause la même personne ou a pris part à l’adoption du rapport public de la Cour des comptes, … si les faits soumis à l’appréciation de la Cour de discipline budgétaire et financière ont été présentés dans ce rapport comme établis et irréguliers ».
En revanche, dans son arrêt d’Assemblée Labor Metal du 23 février 2000 (requête numéro 195715 : Rec.; p. 83, concl. Seban ; AJDA 2000, p. 415, chron. Collin et Guyomar ; Dr. adm. 2000, comm. 61 ; RDP 2000, p. 323, étude Prétot ; RFDA 2000, p. 435, concl. Seban), le Conseil d’Etat avait auparavant estimé que « eu égard à la nature des pouvoirs du juge des comptes et aux conséquences de ses décisions pour les intéressés, tant le principe d’impartialité que celui des droits de la défense font obstacle à ce qu’une décision juridictionnelle prononçant la gestion de fait soit régulièrement rendue par la Cour des comptes alors que, comme en l’espèce, celle-ci a précédemment évoqué cette affaire dans un rapport public en relevant l’irrégularité des faits ».
S’agissant de l’organisation du Conseil d’Etat français, la question de la dualité des fonctions administratives et juridictionnelles avait été abordée par l’article 20 de la loi du 24 mai 1872 qui précisait que « les membres du Conseil ne pourront participer au jugement des recours dirigés contre les décisions qui ont été préparées par les sections auxquelles ils appartiennent s’ils ont pris part à la délibération ». Si ce principe n’a pas été repris par l’ordonnance n°45-1708 du 31 juillet 1945 portant sur le Conseil d’Etat, il subsista néanmoins comme règle coutumière y compris avec l’apparition, suite à l’arrêt Canal, Robin et Godot (requête numéro 58502 : préc.), de la règle de la double appartenance.
Finalement, mettant un terme à ces ambiguïtés, le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 a porté création d’un nouvel article R. 122-21-1 du Code de justice administrative selon lequel « les membres du Conseil d’Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d’Etat, s’ils ont pris part à la délibération de cet avis ».
L’article R. 122-21-2 créé par le même décret précise quant à lui que « lorsque le Conseil d’Etat est saisi d’un recours contre un acte pris après avis d’une de ses formations consultatives, la liste des membres ayant pris part à la délibération de cet avis est communiquée au requérant qui en fait la demande ».
Enfin, dans le but de mieux garantir l’équité de la procédure, l’article R. 122-21-3, créé par le décret n°2011-1950 du 23 décembre 2011, précise que « les membres du Conseil d’Etat qui participent au jugement des recours dirigés contre des actes pris après avis du Conseil d’Etat ne peuvent pas prendre connaissance de ces avis, dès lors qu’ils n’ont pas été rendus publics, ni des dossiers des formations consultatives relatifs à ces avis ». Il faut ici relever que ces dispositions n’ont pas été remises en cause par la décision du Président de la République du 15 janvier 2015 décidant de rendre publics les avis du Conseil d’Etat, dès lors que seuls les avis sur les projets de lois sont concernés.
Le cumul des fonctions du Conseil d’Etat n’a pas été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme qui considère que cette organisation ne met pas cause « l’impartialité structurelle » de cette institution. Le fait qu’aucun membre de la formation de jugement saisie du recours contre l’acte contesté n’avait précédemment délibéré sur l’avis rendu sur le même texte suffit en effet à respecter le principe d’impartialité (CEDH, 9 novembre 2006, affaire numéro 65411/01 , Société Sacilor Lormines c. France : Rec. CEDH 2006-XIII ; JCP A 2007, 2002, note Szymczak ; RFDA 2007, p. 342, note Autin et Sudre .- CEDH, 30 juin 2009, affaire numéro 39699/03, Union fédérale consommateurs « Que choisir ? » de Côte-d’Or c. France : RFDA 2009, p. 885, note Pacteau).
III – Attributions
592.- Conseiller et juger l’administration.- Le Conseil d’Etat exerce traditionnellement une double mission de conseil du gouvernement et de juge suprême de l’administration. La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 lui octroie de nouveaux pouvoirs en matière de médiation.
593.- Conseiller le Parlement.- On notera toutefois au préalable que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 39 de la Constitution permet également au président d’une assemblée parlementaire de saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur une proposition de loi déposée devant l’assemblée, sauf si le parlementaire auteur de cette proposition s’y oppose. Ces dispositions ont été précisées par la loi n°2009-689 du 15 juin 2009 qui a modifié l’article L. 112-1 du Code de justice administrative lequel prévoit désormais que « le Conseil d’Etat émet un avis sur les propositions de loi, déposées sur le bureau d’une assemblée parlementaire et non encore examinées en commission, dont il est saisi par le président de cette assemblée ».
A – Le Conseil d’Etat, conseiller du gouvernement
594.- Textes.- L’article L. 112-1 du Code de justice administrative permet de distinguer deux hypothèses : celles où la consultation du Conseil d’Etat est obligatoire et celles où elle est simplement facultative.
1° Consultations obligatoires
595.- Cas de consultation obligatoire et procédure.- Il convient d’évoquer quelles sont les hypothèses de consultation obligatoire du Conseil d’Etat avant de décrire la procédure applicable.
a – Hypothèses de consultation obligatoire du Conseil d’Etat
596.- Projets de lois et d’ordonnances.- Comme cela est précisé par les articles 38 et 39 alinéa 2 de la Constitution, et rappelé par l’article L. 112-1 du Code de justice administrative, la consultation du Conseil d’Etat est obligatoire avant que les projets de lois et d’ordonnances n’aient été délibérés en Conseil des ministres. Le Conseil d’Etat participe donc à la confection des projets de lois et d’ordonnances. S’agissant des projets de lois, les documents relatifs à leur étude d’impact sont également transmis au Conseil d’Etat (loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009, art. 8).
597.- Le cas des décrets.- Cette consultation est en principe facultative pour les décrets sauf, d’une part, dans le cas où la saisine du Conseil d’Etat est rendue obligatoire par un texte et pour la modification des décrets pris dans le cadre de cette procédure (CE Ass., 3 juillet 1998, requête numéro 177248, requête numéro 177320, requête numéro 177387, Syndicat national de l’environnement CFDT : Rec., p. 272 ; AJDA 1998, p. 780, chron. Raynaud et Fombeur ; JCP G 1999, I, comm. 128, chron. Petit ; RFDA 1998, p. 1059 ; LPA 12 janvier 1999, n°8, note Moniolle) et, d’autre part, lorsque le gouvernement a recours à la procédure de délégalisation de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution.
598.- Portée de l’obligation de consultation.- Le Conseil d’Etat a pu préciser que « eu égard au rôle ainsi dévolu au Conseil d’Etat, le défaut de saisine de ce dernier entraîne l’illégalité des actes administratifs dont le projet devait lui être obligatoirement soumis » (CE, 17 juillet 2013, requête numéro 358109, Syndicat national des professionnels de santé au travail, préc.). Il s’agit donc d’un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par les juges.
En revanche, le gouvernement n’est pas tenu de suivre l’avis qui a été formulé. Ainsi, il peut décider de maintenir son texte dans sa rédaction initiale malgré un avis négatif du Conseil d’Etat, comme il peut l’abandonner ou renoncer à son projet. Il peut également retenir, sur certains points, la rédaction initiale du texte, et sur d’autres faire siennes les modifications suggérées par le Conseil d’Etat (CE, 16 octobre 1968, requête numéro 69186, requête numéro 69206, requête numéro 70749, Union nationale des grandes pharmacies de France : Rec., p. 488). Il est nécessaire, dans ce cas, que l’ensemble de ces dispositions ne forme pas un tout indissociable (CE, 20 décembre 2013, requête numéro 357198, Fédération française des artisans coopérateurs du bâtiment : Constr.-Urb. 2014, comm. 26, note Santoni : JCP A 2014, comm. 2304, note Erstein). En tout état de cause, le gouvernement n’a pas la possibilité de retenir une nouvelle rédaction du texte qui constituerait alors un nouveau projet nécessitant une nouvelle saisine du Conseil d’Etat (CE, 9 février 1994, requête numéro 129243, Préfet de Seine-et-Marne : Rec., p. 60 ; Dr. adm. 1994, comm. 193 : RFDA 1994, p. 384). Notons toutefois qu’une modification de pure forme n’entache pas d’irrégularité la procédure (CE, 7 mai 2012, requête numéro 337700, Syndicat CFDT des personnels de l’administration centrale du Ministère de la Justice et de la légion d’honneur).
Sur la question des projets de lois, le Conseil constitutionnel a une position plus nuancée puisqu’il estime que « l’ensemble des questions posées par le texte adopté par le Conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d’Etat lors de sa consultation » (CC, 3 avril 2003, numéro 2003-468 DC, Loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques : JO, 2 avril 2003, p. 6493 ; Rec. CC 2003, p. 325 ; Collectivités-Intercommunalité 2003, comm. 5 et comm. 6). Il en résulte que si le Conseil d’Etat doit être consulté sur toutes les questions soulevées par le texte, toute modification de celui-ci postérieure à la consultation par voie d’amendement n’est pas interdite (CC, 30 mars 2006, numéro 2006-535 DC, Loi pour l’égalité des chances : JO, 2 avril 2006, p. 4964 ; LPA, 5 avril 2006, n°68, p. 3 et 6 avril 2006, n°69, p.3, note Schoettl ; RDP 2006, p. 769, note Camby ; AJDA 2006, p. 1961, note Geslot).
b– Procédure
599.- Instruction par la section administrative compétente.- Le projet est d’abord soumis à la section administrative compétente en vue de son instruction. Il faut ici noter que les règles de répartition des compétences entre les sections administratives du Conseil d’Etat ont récemment été modifiées par le décret n°2019-792 du 26 juillet 2019 (Code de justice administrative, art. R. 123-3 et s.). Ce décret a également précisé que « dans le cas où une affaire attribuée à une section ressortit à des matières relevant de sections différentes, un ou plusieurs membres appartenant à chacune des sections intéressées peuvent être appelés à contribuer aux travaux et à prendre part aux délibérations de la section compétente » (Code de justice administrative, art. R. 123-10-1). De même, toujours en application du même décret « le vice-président du Conseil d’Etat peut décider que les textes dont les parties sont divisibles et relèvent de la compétence de plusieurs sections sont examinés conjointement par ces sections, chacune pour ce qui la concerne, sous la coordination de la section principalement compétente » (Code de justice administrative, art. R. 123-10-2).
Ce rôle consultatif ne concerne toutefois que les sections de l’intérieur, des finances, des travaux publics, de l’administration ainsi que la section sociale. La section du rapport et des études joue un autre rôle puisqu’elle a pour principale mission d’attirer l’attention de l’exécutif sur des questions de portée générale, et suggérer des réformes dans son rapport annuel. Elle peut également procéder à des études à la demande du Premier ministre et elle joue un rôle important en matière d’exécution des décisions de justice (Code de justice administrative, art. R. 123-5).
600.- Instance compétente pour rendre l’avis.- Une fois l’instruction terminée, l’avis est rendu par l’Assemblée générale ordinaire qui comprend notamment le vice-président du Conseil d’Etat et les différents présidents de sections (Code de justice administrative, art. R. 123-20).
Cependant, le gouvernement peut décider que le texte est urgent. Dans ce cas, l’avis est rendu par une formation moins solennelle, la commission permanente du Conseil d’Etat, qui est composée de représentants des différentes sections intéressées (Code de justice administrative, art. R. 123-21 s.).
En outre, le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 a modifié l’article R. 123-20 du Code de justice administrative dans le sens d’un assouplissement. Désormais, le vice-président du Conseil d’Etat peut décider de ne pas faire examiner les projets de lois ou d’ordonnances par l’Assemblée générale, lorsque ceux-ci ne soulèvent pas de difficultés. A l’opposé, sur décision du vice-président, après avis du président de la section ou de la commission compétente, le projet de texte peut être porté à l’ordre du jour de l’assemblée générale plénière du Conseil d’Etat. Le renvoi à l’assemblée général plénière peut également être décidé par l’assemblée générale ordinaire.
2° Consultations facultatives
601.- Consultations juridiques.- Le gouvernement à la possibilité, par l’intermédiaire de son secrétariat général, de solliciter le Conseil d’Etat qui va réaliser alors, en quelque sorte, des consultations juridiques. Plus généralement, le gouvernement peut toujours soumettre un texte au Conseil d’Etat afin qu’il donne son avis, même dans les cas où sa saisine n’est pas obligatoire.
B – Le Conseil d’Etat, juge suprême de l’administration
602.- L’équivalent de la Cour de cassation dans l’ordre de juridiction administratif.- Le Conseil d’Etat est le juge suprême de l’ordre juridictionnel administratif comme la Cour de cassation est le juge suprême de l’ordre judiciaire. A ce titre il assure, comme juge de cassation, l’unité de la jurisprudence. Toutefois, il est également, pour certains litiges, juge d’appel ou juge en premier et dernier ressort. Les décisions du Conseil d’Etat sont susceptibles d’être rendues par des formations de jugement différentes. En dehors de ses décisions, le Conseil d’Etat peut être également saisi pour avis par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.
1° Formations de jugement
603.- Organisation de la section du contentieux.- Le Conseil d’Etat rend environ 10 000 décisions par an qui peuvent émaner de formations de jugement différentes. L’essentiel des jugements sont rendus au sein de la section du contentieux. Il faut ici relever que les dix sous-sections de la section du contentieux sont désormais dix chambres depuis la loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Elle comprend en outre la formation spécialisée prévue à l’article L. 773-2 du Code de justice administrative depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement une formation spécialisée chargée du contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’Etat. Cette formation comprend, outre le président qui est désigné pour une durée de quatre ans, par arrêté du Premier ministre, sur proposition du garde des Sceaux, deux membres ayant au moins le grade de conseiller d’Etat ainsi que deux suppléants ayant au moins le grade de maître des requêtes, désignés par arrêté du président de la section du contentieux, après avis des présidents adjoints.
604.- Formations de jugement.- En dehors de cette hypothèse particulière, il existe quatre types de formations de jugement :
– La chambre jugeant seule : la même chambre instruit l’affaire et la juge. La chambre jugeant seule est composée du président de la chambre chargée de l’affaire, de l’un de ses deux assesseurs, et d’un rapporteur. Elle ne peut délibérer que si au moins trois membres ayant voix délibérative sont présents (Code de justice administrative, art. R. 122-14). Cette formation est chargée de juger les litiges qui présentent le moins de difficultés. En particulier elle peut rejeter les pourvois en cassation qui ne sont pas admis.
– Les chambres réunies : en principe, dans cette hypothèse, une chambre instruit l’affaire qui est jugée par une autre chambre. Cependant, depuis l’entrée en vigueur du décret n°2010-164 du 22 février 2010, les chambres de la section du contentieux peuvent désormais également se regrouper par trois ou quatre (Code de justice administrative, art. R. 122-11). Chaque année, un arrêté du vice-président du Conseil d’Etat doit intervenir pour fixer le groupement de chambres en formation de jugement. Cet arrêté doit être pris sur proposition du président de la section du contentieux.
Cette formation est présidée par l’un des présidents adjoints de la section du contentieux, par le vice-président du Conseil d’Etat ou par le président de la section du contentieux. Outre son président et le rapporteur, elle comprend : les présidents des chambres ; les assesseurs des chambres ou, lorsque les chambres réunies sont au nombre de quatre, l’assesseur le plus ancien dans ses fonctions de chaque chambre ; lorsque les chambres réunies sont au nombre de deux ou de quatre, un conseiller d’Etat appartenant à la section du contentieux désigné par le président de celle-ci, en dehors des chambres qui siègent, selon un tour de rôle établi deux fois par an.
Dans tous les cas, les chambres réunies ne peuvent statuer que si cinq membres au moins ayant voix délibérative sont présents (Code de justice administrative, art. R. 122-16).
– La section du contentieux (Code de justice administrative, art. R. 122-18) : cette formation est composée du président de la section des trois présidents adjoints, des présidents de chambres et d’un rapporteur.
– L’assemblée du contentieux (Code de justice administrative, art. R. 122-20) : cette formation est composée du vice-président du Conseil d’Etat ; des présidents de section ; des trois présidents adjoints de la section du contentieux ; du président de la chambre sur le rapport de laquelle l’affaire est jugée ou, si l’instruction a été faite dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article R. 611-20, le président de la chambre à laquelle l’affaire a été initialement attribuée ; des quatre présidents de chambres les plus anciens dans leurs fonctions en dehors du précédent ; d’un rapporteur.
La grande majorité des décisions sont rendues par les chambres jugeant seules et par les chambres réunies. Les formations de section du contentieux ainsi que l’assemblée du contentieux sont choisies en fonction de la difficulté des questions de droit soumises à la juridiction administrative suprême.
605.- Juge unique.- Notons toutefois qu’il existe de très nombreuses hypothèses, visées par l’article R. 122-12 du Code de justice administrative, où un juge peut statuer seul par voie d’ordonnance. Il pourra s’agir du président de la section du contentieux, d’un président adjoint de cette section, d’un président de chambre ou encore d’un conseiller d’Etat chargés de fonction d’assesseur. Cette hypothèse peut se présenter, notamment, pour donner acte de désistements, pour rejeter des requêtes manifestement irrecevables, mais aussi – depuis l’entrée en vigueur du décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 – pour statuer sur les requêtes relevant d’une série.
2° Saisine pour avis du Conseil d’Etat sur une question de droit par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel
606.- Mission d’unification du contentieux.- L’article L. 113-1 du Code de justice administrative dispose que : « avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat ».
Le Conseil d’Etat a eu l’occasion récemment de préciser que dans le cadre de cette procédure, des observations en intervention peuvent être déposées non seulement par des personnes étant déjà intervenues lors de l’instance au fond, mais également par des personnes qui ne l’ont pas fait (CE Sect., avis, 9 décembre 2022, requête numéro 463563, Association Sud-Artois pour la protection de l’environnement et a. : Dr. adm. 2023, comm. 12, note Eveillard).
Cette procédure permet au Conseil d’Etat d’unifier le contentieux. Lorsqu’il est saisi, il est tenu d’examiner dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est alors sursis à toute décision sur le fond de l’affaire jusqu’à l’avis du Conseil d’Etat ou, à défaut, jusqu’à l’expiration de ce délai.
C – Le rôle du Conseil d’Etat en matière de médiation
607.- Une mission nouvelle.- Dans l’objectif de favoriser les modes alternatifs de règlement des différends l’article 5 de la loi n°2016‐1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice a introduit dans le Code des juridictions administratives des dispositions relatives à la médiation, qui devient une nouvelle modalité de droit commun de résolution des litiges. Dans ce sens, le Conseil d’Etat et le Conseil national des barreaux ont signé, le 13 décembre 2017, une convention dont l’objectif est de « promouvoir le recours à la médiation auprès des avocats, des magistrats, des acteurs publics et des justiciables et à mettre en œuvre toute action tendant à faciliter l’accès à une médiation de qualité en matière administrative ».
Le nouvel article L. 114-1 du Code de justice administrative précise que « lorsque le Conseil d’Etat est saisi d’un litige en premier et dernier ressort, il peut, après avoir obtenu l’accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ».
Le même article renvoie aux dispositions relatives à la médiation devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel (notons également qu’il existe des procédures de conciliation ou de médiation dans un cadre non juridictionnel visées par l’article L. 421-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration).
Il est utile de noter ici qu’à la différence des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel devant lesquels il existait des possibilités de conciliation (Code de justice administrative, art. L. 211-4, ancien) ou de médiation (Code de justice administrative, art. L. 771-3 ancien) rarement utilisées, le Conseil d’Etat ne disposait d’aucun mode non juridictionnel de règlement des litiges. Il avait ainsi été jugé que « les conclusions tendant à ce (qu’un tribunal administratif) fasse usage du pouvoir de conciliation (…) ne peuvent être (…) accueillies par le Conseil d’Etat statuant au contentieux qui ne dispose pas de tels pouvoirs » (CE, 22 mars 1995, requête numéro 155718, Dadillon : Rec., p. 138).
608.- Définition.- La médiation se définit comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction » (Code de justice administrative, art. L. 213-1). Il existe donc deux modalités de médiation : à l’initiative des parties et à l’initiative du juge. Si ce processus va à son terme le Conseil d’Etat peut « homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation » (Code de justice administrative, art. L. 213-4). On notera toutefois que la saisine de la juridiction aux fins d’homologation d’un accord éventuellement partiel intervenu au titre d’une action de groupe est obligatoire (Code de justice administrative, art. L. 77-10-14). Il en va de même si cet accord intervient à l’issue d’une médiation (Code de justice administrative, art. L. 77-10-17).
Relève de la même logique la possibilité qui est ouverte par l’article R. 621-1 du Code de justice administrative de confier à un expert une mission de médiation ou de lui permettre de l’entreprendre avec l’accord des parties.
609.- Principe d’impartialité.- Eu égard aux conditions d’intervention du médiateur, le principe d’impartialité s’oppose à ce qu’un magistrat administratif choisi ou désigné comme médiateur, en application de l’article L. 213-1 du Code de justice administrative, participe à la formation de jugement chargée de trancher le différend soumis à la médiation ou conclue comme rapporteur public sur celui-ci (CE, 29 décembre 2022, requête numéro 459673, Société GEMCO : Contrats-Marchés publ. 2023, comm. 93, note Dietenhoffer ; Dr. adm. 2023, alerte 21, obs. Courrèges ; Dr. adm. 2023, comm. 21, note Eveillard).
610.- Homologation des transactions extrajudiciaires.- Il ne faut pas confondre la médiation, telle que l’on vient de la décrire, et la procédure d’homologation des transactions extrajudiciaires qui est possible, en application de la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un avis du 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements second cycle du second degré l’Hay-les-roses (avis numéro 249153 : Rec., p. 433, concl. le Chatelier ; AJDA 2003, p. 280, chron. Donnat et Casas ; BJCP 2003, p. 54, concl. le Chatelier ; CJEG 2003, p. 543, note Gourdou et Terneyre ; LPA 2003, n°119, p. 12, note Mahinga ; RDP 2003, p. 417, note Guettier ; RFDA 2003, p. 291, concl. le Chatelier, note Pacteau.- V. également CE, 9 décembre 2016, requête numéro 391840, Société Foncière Europe). V. aussi confirmant que le contrat de transaction est en principe un contrat de nature civile, hormis le cas où elle a pour objet le règlement ou la prévention de différends pour le jugement desquels la juridiction administrative est principalement compétente : TC, 7 février 2022, requête numéro C4233, Société Guyacom : AJDA 2022, p. 740, chron. Pradines et Janicot ; Contrats-Marchés publ. 2022, comm. 125, note Dietenhoeffer).
Toutefois, ce n’est qu’à titre exceptionnel que cette homologation est possible en dehors de toute instance. Pour le Conseil d’Etat « la recevabilité d’une telle demande (doit) être admise, dans l’intérêt général, lorsque la conclusion d’une transaction vise à remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou la constatation d’une illégalité qui ne peuvent donner lieu à régularisation, ou lorsque son exécution se heurte à des difficultés particulières ». Les juges précisent que « tel peut notamment être le cas en matière de marchés publics et de délégations de service public ». En revanche, si un accord conclu par les parties à la suite d’une expertise peut faire l’objet d’une homologation, tel n’est pas le cas d’un simple rapport d’expertise (CAA Nantes, 30 mars 2020, requête numéro 18NT03355, Maison départementale de retraite de Villecante).
Il est à noter, également, que l’homologation d’une transaction conclue en cours d’instance ne soulève pas de telles difficultés : de fait cette hypothèse est assimilable à celle où il s’agit de donner force exécutoire à un accord issu de d’une médiation.
La transaction doit prévoir des concessions réciproques, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être disproportionnées (CE, 9 décembre 2016, requête numéro 391840, Société Foncière Europe : AJDA 2017, p. 690, note Clamour ; Contrats-Marchés publ. 2017, comm. 53, note Devillers), et son objet doit être licite (par exemple elle ne doit pas dispenser le cocontractant de l’administration du paiement des intérêts moratoires qu’il doit. V. CAA Douai, 27 février 2020, requête numéro 18DA02505 : Contrats-Marchés publ. 2020, comm. 148, note Ubaud-Bergeron).
§II – Cours administratives d’appel
611.- Des juridictions récentes.- Les cours administratives d’appel ont été instituées par la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif. Il existait initialement sept cours administratives d’appel. Par la suite le décret n°2004-585 du 22 juin 2004, entré en vigueur le 1er septembre 2004, a porté création de la cour administrative d’appel de Versailles. Enfin, le décret n°2021-1583 du 7 décembre 2021 a créé la cour administrative d’appel de Toulouse, à compter du 1er janvier 2022.
I – Composition et organisation
612.- Conseillers.- Les conseillers des cours administratives d’appel sont des juges indépendants qui appartiennent au corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Ces juridictions ont à leur tête un président qui est un conseiller d’Etat en service ordinaire (Code de justice administrative, art. L. 222-3). Ils ont tous la qualité de magistrat, reconnue par la loi n°86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l’indépendance des membres des tribunaux administratifs, ce qui leur garantit notamment l’inamovibilité (le bénéfice de ce statut a par la suite été étendu aux membres des cours administratives d’appel, V. Code de justice administrative, art. L. 231-1). Notons toutefois qu’à l’origine l’article 1er de la loi de 1986 ne faisait pas expressément référence à des « magistrats administratifs » mais à des « membres du corps des tribunaux administratifs … lorsqu’ils exercent leurs fonctions de magistrats ». La qualité expresse de « magistrats administratifs » remonte seulement à la loi n°2012-347 du 12 mars 2012, modifiant l’article L. 231-1 du Code de justice administrative.
613.- Chambres et formations de jugement.- Chaque cour comprend plusieurs chambres, dont le nombre est déterminé chaque année par le vice-président du Conseil d’Etat (Code de justice administrative, art. R. 221-8). Les jugements sont rendus soit par une chambre, soit par les chambres réunies, soit par l’assemblée plénière de la Cour (Code de justice administrative, art. R. 222-25).
614.- Généralisation du ministère d’avocat.- Il faut aussi relever que le décret n°2003-543 du 24 juin 2003 a généralisé l’obligation du ministère d’avocat devant les cours administratives d’appel (Code de justice administrative, art. R. 811-7). Cette mesure se justifiait par la volonté de limiter les recours dirigés contre les décisions des tribunaux administratifs, pour faire diminuer le stock d’affaires en attente de jugement devant les cours qui était, avant la réforme, du triple de la capacité de jugement annuel de ces juridictions. La mesure est efficace puisqu’on a observé en 2004 une baisse de 8% des affaires enregistrées au niveau des cours administratives d’appel.
La dispense d’avocat ne concerne plus deux hypothèses :
– L’appel des jugements de tribunal administratif sur les contraventions de grande voirie et autres contraventions dont la répression appartient au tribunal administratif (Code de justice administrative, art. R. 811-7 et L. 774-8).
– Les demandes d’exécution d’un arrêt définitif de la cour administrative d’appel ou d’un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la cour et frappé d’appel devant celle-ci.
Relevons que depuis l’entrée en vigueur du décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 le ministère d’avocat est obligatoire pour le contentieux de l’excès de pouvoir à hauteur d’appel dans le domaine de la fonction publique.
Enfin, l’obligation du ministère d’avocat est écartée pour l’Etat, soit en demande, soit en défense, soit en intervention (Code de justice administrative, art. R. 431-12).
II – Compétences
615.- Extension progressive des compétences des cours.- A l’origine, la compétence pour connaître en appel des jugements des tribunaux administratifs était à peu près équitablement partagée entre les cours et le Conseil d’Etat. Mais par la suite, différents textes ont progressivement étendu la compétence des cours, et notamment la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
Selon l’actuel article L. 321-1 du Code de justice administrative, les cours administratives d’appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs « sous réserve des compétences que l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduit à attribuer au Conseil d’Etat ». Sont également exclues les hypothèses visées par les articles L. 552-1 et L. 552-2 du même code qui attribuent compétence en appel, pour certains types de référés fiscaux, aux tribunaux administratifs, voire même aux tribunaux de grande instance.
L’article R. 321-1 du même code prévoit que le Conseil d’Etat demeure compétent « pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales ». Il est à noter que depuis l’entrée en vigueur du décret n°2015-1145 du 15 septembre 2015, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours sur renvoi de l’autorité judiciaire et sur les saisines de l’autorité judiciaire en application de l’article 49 du Code de procédure civile. Dès lors, ces décisions ne peuvent plus être contestées devant le Conseil d’Etat que dans le cadre d’un recours en cassation. Le Conseil d’Etat est également compétent comme juge d’appel en cas de recours contre les ordonnances de référé liberté (CJA, art. L. 523-1).
616.- Compétences en premier et dernier ressort.- Il existe, par ailleurs, des hypothèses où les cours administratives d’appel sont compétentes en premier et dernier ressort. Jusqu’au décret n°2013-730 du 13 août 2013, cette compétence était exclusivement reconnue à la cour administrative d’appel de Paris, et seulement pour connaître des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales. Le décret du 13 août 2013 a étendu cette compétence aux recours contre une partie des décisions de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (anciennement Conseil supérieur de l’audiovisuel), qui ne relèvent donc plus directement du Conseil d’Etat (Code de justice administrative, art. R. 311-2). Plus précisément, sont en cause les autorisations qui concernent les radios, les télévisions et les ressources radioélectriques, à l’exception de celles concernant les services de télévision à vocation nationale. Par la suite le décret n°2017-150, le décret n°2018-1249 du 26 décembre 2018 et le décret n°2019-1502 du 30 décembre 2019 ont encore étendu les compétences de cette juridiction. Elle est notamment compétente une premier de dernier ressort pour connaître des se recours dirigés contre les décisions du ministre chargé de la culture relatives à la délivrance ou au refus de délivrance du visa d’exploitation cinématographique depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-150 du 8 février 2017.
En outre, depuis l’entrée en vigueur du décret du 13 août 2013, l’ensemble des cours administratives d’appel sont désormais compétentes pour statuer sur les recours contre les décisions de la Commission nationale d’aménagement commercial, en application de l’article L. 752-17 du Code de commerce (Code de justice administrative, art. R. 311-3). Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2015-268 du 10 mars 2015 cette compétence s’étend également aux décisions prises par la Commission nationale d’aménagement cinématographique en application de l’article L. 212-10-3 du Code du cinéma et de l’image animée.
Le décret n°2018-1054 du 29 novembre 2018 a ensuite créé l’article R. 311-5 du Code de justice administrative qui confie le contentieux des autorisations environnementales aux cours administratives d’appel, ce qui inclut le contentieux des mesures de police spéciale applicables aux titulaires de ces autorisations environnementales (sur ce point V. CE, 9 octobre 2019, requête numéro 432722, Société FE Sainte-Anne : Energie-Env.-Infrastr. 2020, comm. 1, note. Guérin ; JCP A 2019, act. 645, obs. Erstein), et plus généralement à l’ensemble du contentieux lié à la construction d’éoliennes (CE, 5 mai 2021, requête numéro 448036, SCEA Ferme de la puce : AJDA 2021, p. 998 et 1519, note Maupin ; Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 229, obs. Muller ; Contrats-Marchés publ. 2021, chron. 7, obs. Soler-Couteaux, Zimmer et Waltuch ; JCP A 2021, act. 326).
Il a été jugé, à propos de ce décret, que « ni les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni les stipulations du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni aucun principe général du droit ne consacrent l’existence d’une règle de double degré de juridiction qui interdirait au pouvoir réglementaire de prévoir des cas dans lesquels les jugements sont rendus en premier et dernier ressort » (CE, 3 avril 2020, requête numéro 426941, requête numéro 427388, Association La Demeure Historique et a.).
617.- Juge unique.- Enfin, les présidents des cours administratives d’appel, les premiers vice-présidents des cours, les présidents de formation de jugement des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent statuer seul en prenant des ordonnances dans les hypothèses visées par l’article R. 222-1 du Code de justice administrative.
On notera que le décret « JADE » n°2016-1480 du 2 novembre 2016 a ajouté aux hypothèses initialement visées le rejet des requêtes d’appel « manifestement dépourvues de fondement ». Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser sur ce point qu’il n’existe pas ici d’obligation de motivation du recours à une ordonnance plutôt qu’à un arrêt. En revanche il opère un contrôle sur les motifs du rejet par ordonnance (CE Sect., 5 octobre 2018, requête numéro 412560, Société Finamur : Dr. adm. 2019, comm. 6, note Eveillard ; Dr. fisc. 2018, n°41, act. 453).
618.- Compétence territoriale.- La question de la compétence territoriale des cours administratives d’appel ne pose pas de difficultés particulières, l’article R. 322-1 du Code de justice administrative prévoyant que « la cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître d’un appel formé contre un jugement d’un tribunal … est celle dans le ressort de laquelle a son siège ce tribunal … ». Lorsqu’est en cause une décision de la Commission nationale d’aménagement commercial ou de la Commission nationale d’aménagement cinématographique, la cour compétente est celle du lieu du siège de la commission départementale d’aménagement commercial ou de la commission départementale d’aménagement cinématographique qui a pris la décision initiale (Code de justice administrative, art. R. 311-3).
619.- Fonction consultative.- En dehors de leurs fonctions juridictionnelles, les cours administratives d’appel exercent une fonction consultative, qui est beaucoup plus accessoire que celle du Conseil d’Etat. L’article R. 212-1 du Code de justice administrative prévoit en effet que les cours administratives d’appel peuvent être appelées à donner leur avis sur les questions qui leur sont soumises par les préfets de région.
620.- Médiation.- Enfin, comme le Conseil d’Etat, les cours peuvent aujourd’hui exercer une mission de médiation en vue d’aboutir à la résolution amiable d’un litige (V. supra n°607).
§III – Tribunaux administratifs
621.- Origine.- L’origine des tribunaux administratifs remonte à la loi du 28 pluviôse an VIII qui créait un conseil de préfecture dans chaque département. Ces juridictions, présidées à l’origine par le préfet, avaient une compétence d’attribution très limitée. Les conseils de préfecture ont été remplacés par le décret n°53-934 du 30 septembre 1953 portant réforme du contentieux administratif par des tribunaux administratifs qui sont juges de droit commun en premier ressort du contentieux administratif.
622.- Nombre de tribunaux administratifs.- Il existe actuellement 42 tribunaux administratifs, dont 11 outre-mer.
Alors que le nombre des tribunaux judiciaires a été réduit, le nombre des tribunaux administratifs est en constante augmentation. Ainsi, le tribunal administratif de Toulon a été créé par le décret n°2008-819 du 21 août 2008 et le tribunal administratif de Montreuil par le décret n°2009-945 du 29 juillet 2009.
Ceci étant, le fonctionnement de ces tribunaux révèle un certain souci d’économie, notamment pour ce qui concerne l’outre-mer. Ainsi, par exemple, les magistrats du tribunal administratif de Wallis-et-Futuna sont également ceux qui composent le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
I – Composition et organisation
623.- Conseillers.- Les juges des tribunaux administratifs sont issus du même corps que les conseillers des cours administratives d’appel.
624.- Président.- Les tribunaux administratifs ont à leur tête un président et ils comprennent un nombre de conseillers qui varie en fonction de leur importance.
625.- Formations de jugement.- Chaque cour comprend plusieurs chambres, dont le nombre est déterminé chaque année par le vice-président du Conseil d’Etat (Code de justice administrative, art. R. 221-4). Le tribunal administratif de Paris présente la particularité de regrouper plusieurs chambres au sein de sections (Code de justice administrative, art. R. 221-6).
La formation de jugement la plus courante est la chambre. Toutefois, les tribunaux administratifs peuvent statuer dans la formation des chambres réunies, qui peut présenter deux versions différentes (Code de justice administrative, art. R. 222-19-1) ou en formation élargie. Par ailleurs des règles spécifiques s’appliquent au tribunal administratif de Paris (Code de justice administrative, art. R. 222-21).
626.- Juge unique.- En outre, la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a multiplié les contentieux dans lesquels un magistrat peut statuer seul par voie d’ordonnances. Ce magistrat est soit le président du tribunal administratif, soit le conseiller qu’il désigne.
Avant 1995, cette hypothèse se rencontrait principalement dans le domaine des procédures d’urgence. Désormais, le juge unique se rencontre dans un ensemble de matières hétéroclites visées par l’article R. 222-13 du Code de justice administrative, lequel a été modifié en dernier lieu par le décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016, par le décret n°2019-82 du 7 février 2019 et par le décret n°2023-198 du 23 mars 2023. Il est notamment compétent, en application des dispositions combinées de cet article et de l’article R. 222-14, pour statuer sur les demandes indemnitaires dont le montant n’excède pas 10 000 euros (sauf en matière de commande publique). De même il statue, par exemple, sur les litiges relatifs aux refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice, sur les litiges en matière de permis de conduire et sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.
II – Compétences
627.- Avis.- Comme les cours administratives d’appel, les tribunaux administratifs peuvent être appelés à donner leur avis sur les questions qui leur sont soumises par les préfets (Code de justice administrative, art. R. 212-1). Ils peuvent aussi exercer une mission de médiation en vue d’aboutir à la résolution amiable d’un litige.
628.- Compétence de droit commun en premier ressort.- L’essentiel de leurs attributions est toutefois d’ordre contentieux, les tribunaux administratifs étant les juges administratifs de droit commun du contentieux administratif. En d’autres termes, seuls les litiges expressément exclus du champ de leur compétence leur échappent. Ils sont juges en premier ressort, ce qui signifie que leurs jugements peuvent faire l’objet d’un appel, généralement devant une cour administrative d’appel, mais également dans certains cas, comme on l’a vu, devant le Conseil d’Etat.
629.- Ordonnances.- Les présidents des tribunaux administratifs, les premiers vice-présidents des tribunaux, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent également prendre un certain nombre d’ordonnances. C’est le cas, notamment, pour donner acte de désistements, pour rejeter des requêtes manifestement irrecevables, mais aussi depuis l’entrée en vigueur du décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 pour statuer sur les requêtes relevant d’une série (Code de justice administrative, art. R. 222-1).
630.- Compétences en premier et dernier ressort.- Le décret n°2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d’appel et modifiant la partie règlementaire du Code de justice administrative a créé différents cas de figure dans lesquels les tribunaux administratifs sont juges en premier et dernier ressort. C’est le cas, notamment, pour les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur à 10000 euros (Code de justice administrative, art. R. 811-1, R. 222-13, R. 222-14 et R. 222-15). La plupart des hypothèses visées sont celles où c’est un juge unique qui est compétent, même si le décret n°2013-730 du 13 août 2013 a réécrit les articles R. 222-13 et R. 811-1, distinguant plus nettement la question du juge unique et celle de la compétence en premier et dernier ressort.
631.- Compétence territoriale.- Les règles de compétence territoriale sont inspirées, quant à elles, par deux impératifs, dont l’un est particulier à la juridiction administrative. Il s’agit, d’une part, d’éviter que plusieurs tribunaux ne soient saisis d’un même litige, ce qui pourrait aboutir à des contrariétés de décisions. Il convient, d’autre part, d’éviter l’engorgement du tribunal administratif de Paris qui pourrait résulter du fait que les autorités administratives les plus importantes, celles qui prennent le plus d’actes administratifs, ont leur siège à Paris.
Pour éviter ces problèmes, différentes techniques ont été mises en œuvre. Ainsi, par exemple, selon l’article R. 311-1 du Code de justice administrative, lorsque l’acte attaqué est un décret, une ordonnance ou un acte règlementaire d’un ministre ou d’une autre autorité à compétence nationale, une circulaire ou une instruction de portée générale, c’est le Conseil d’Etat qui est compétent en premier et dernier ressort (V. aussi, Code de justice administrative, l’art. R. 311-1-1 énumérant la liste des décisions prises en matière d’installations de production d’énergie renouvelable en mer qui relèvent désormais de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat, à la place de la cour administrative d’appel de Nantes jusque-là compétente).
Dans les autres hypothèses que celles visées par ces dispositions, on applique normalement une règle identique à celle qui existe en matière de procédure civile : le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel « a légalement son siège l’autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée » (Code de justice administrative, art. R.312-1). Dans le cas particulier où l’acte a été signé par plusieurs autorités, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel a son siège la première des autorités dénommées dans cet acte.
Cependant, ce principe comporte lui-même de nombreuses exceptions.
Exemples :
– L’article R. 312-7 du Code de justice administrative prévoit que « les litiges relatifs aux déclarations d’utilité publique, au domaine public, aux affectations d’immeubles, au remembrement, à l’urbanisme et à l’habitation, au permis de construire, d’aménager ou de démolir, au classement des monuments et des sites et, de manière générale, aux décisions concernant des immeubles relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouvent les immeubles faisant l’objet du litige».
– L’article R. 312-11 du Code de justice administrative précise que « en matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu prévu pour l’exécution du contrat ». Cependant, par exception « Si son exécution s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ou si le lieu de cette exécution n’est pas désigné dans le contrat ou quasi-contrat, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel l’autorité publique compétente pour signer le contrat ou la première des autorités publiques dénommées dans le contrat a son siège, sans que, dans ce cas, il y ait à tenir compte d’une approbation par l’autorité supérieure, si cette approbation est nécessaire ».
D’une façon générale, l’application de ces règles soulève de nombreuses difficultés. Jusqu’en 1972, le tribunal qui s’estimait incompétent se bornait à rendre un jugement d’incompétence. Le décret n°72-143 du 22 février 1972 a fait obligation au juge administratif qui s’estime incompétent de « prendre toute mesure pour résoudre le problème de compétence » (V. désormais Code de justice administrative, art. R. 351-1 et suivants).
Pour aller plus loin :
– Brenet (F.) et Claeys (A.), La procédure de saisine pour avis du Conseil d’Etat : pratique contentieuse et influence et droit positif : RFDA 2002, p. 525.
– Degoffe (M.), La juridiction administrative spécialisée, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 186, 1996.
– Donnat (F.) et Casas (D.), La composition des juridictions administratives spécialisées et l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 : AJDA 2003, chron. p. 492.
– Long (M.), Le Conseil d’Etat, rouage de l’administration et juge administratif suprême : Rev. Adm. 1995, p. 5.
– Long (M.), Mon expérience de la fonction consultative au Conseil d’Etat : RDP 1998, p. 1421.
– Noyer (B.), Melleray (F.), Une nouvelle étape de la réforme des juridictions administratives. – Commentaire du décret n°2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives : Droit adm. 2010, étude 10.
– Plessix (B.), Les modes alternatifs de règlement des litiges entre les personnes publiques : Dr. adm. 2017, comm. 13.
– Section du rapport et des études du Conseil d’Etat, L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, Les études du Conseil d’Etat, 2004.
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