Dans le XIXe siècle allemand commence l’évolution de l’État où règne le principe monarchique vers un modèle d’État nouveau, celui basé sur la légitimité démocratique. Le principe démocratique ne se substitue pas au principe monarchique de manière précipitée. Au contraire, ces deux principes de légitimité sont en concurrence incessante. Le monarque, d’une part, et les assemblées d’états (Landstände), d’autre part, forment un ensemble constitutionnel complexe. Les assemblées ne sont pas de véritables parlements, mais des structures institutionnelles chargées de défendre la société qu’elles représentent face au monarque. La loi correspond « au pouvoir de collaboration du parlement à l’établissement des règles de droit concernant les particuliers » et « la réserve de loi » constitue « le domaine dans lequel la coopération de la représentation populaire est juridiquement requise ». La « réserve de loi » est dans ce sens la traduction de « la formule traditionnelle d’“atteintes à la liberté et à la propriété” »1. La loi est tout d’abord entendue comme un instrument de protection de la liberté et de la propriété du citoyen, ou, plus tard, comme une garantie du consentement des assemblées à l’impôt2. Cette conception traditionnelle est à l’origine de la théorie de la théorie de la décision substantielle développée par la Cour constitutionnelle allemande dans les années 1970. En partant da la conception traditionnelle de réserve de loi relative à la liberté et à la propriété (Section 1), le juge constitutionnel construit, sur la base du critère substantiel, une notion plus large, celle de la « réserve du Parlement » (Parlamentsvorbhalt) qui garantit que toute décision substantielle est le résultat d’un acte du Parlement : le législateur démocratique n’est pas maître de sa compétence et ne peut décider de s’en dessaisir (Section 2).
- Jacky Hummel, « État de droit, libéralisme et constitutionnalisme durant le Vormärz », in Olivier Jouanjan (dir.), Figures de l’État de droit. Le Rechtsstaat dans l’histoire intellectuelle et constitutionnelle de l’Allemagne, Presses universitaires de Strasbourg, 2001, p. 145. [↩]
- Christian Seiler, Der einheitliche Parlamentsvorbehalt, Schriften zum Öffentlichen Recht, vol.825, Duncker & Humblot, Berlin, 2000, p. 47 et suiv. [↩]