Dans les deux aspects, tant interne qu’externe, des règles applicables en cas de crise (§ 1), le principe de séparation des pouvoirs n’est pas suspendu, mais les modalités de son application se trouvent modifiés afin de correspondre aux exigences impérieuses dictées par la configuration institutionnelle exceptionnelle (§ 2).
§1. Les différents aspects de la « constitution d’urgence ».
Les dispositions constitutionnelles applicables en cas de crise ne résultent pas seulement de la loi de 1968. L’état de nécessité législative (article 81 LF), qui fait partie de la rédaction initiale de la Loi fondamentale, ouvre la possibilité de déroger à la procédure législative normale dans l’hypothèse de troubles institutionnels graves dont l’origine réside à l’intérieur même des organes concernés (B). Les états de crise grave provoqués par des facteurs extérieurs au fonctionnement institutionnel forment l’autre aspect de la « constitution d’urgence » (A).
A. L’aspect objectif : l’état de tension et l’état de défense.
L’état de tension de l’article 80a LF1 et l’état de défense de l’article 115a LF2 furent introduits par la loi de révision constitutionnelle du 24 juin 1968. Il s’agit de deux hypothèses où la présence de facteurs objectifs et extérieurs au fonctionnement des organes de l’État ne permet plus la marche normale de la machine institutionnelle. Plutôt que basés sur un trouble constitutionnel, dont l’origine réside dans le refus ou l’incapacité d’un organe à accomplir les missions qui lui ont été attribuées en causant ainsi une paralysie institutionnelle, l’état de tension et l’état de défense peuvent être déclarés si une menace sérieuse et de nature à mettre en danger l’existence de la République fédérale est constatée par le Bundestag, et le cas échéant, avec l’approbation du Bundesrat, dans le cas le plus grave, l’état de défense. Il existe une gradation matérielle entre l’état de tension et l’état de défense. Si le premier pourrait signifier la présence d’une menace de conflit armé ayant un impact immédiat sur la sécurité de l’État, il reste dans la sphère de l’hypothétique, tandis que l’état de défense montre le passage du stade de la menace à la réalisation effective de l’agression ou du conflit armé3. L’état de tension, c’est-à-dire, l’existence de rapports conflictuels d’une gravité telle que la confrontation armée paraît inévitable4, permet la préparation des mesures devant être prises au cas où l’état de défense est constaté par le Bundestag et le Bundesrat.
Le problème, que pose l’état de tension, est l’absence de définition5 de ce qui pourrait être désigné comme « tension » susceptible de permettre l’application de la « constitution d’urgence » prévue par la Loi fondamentale. Maître de la définition est le Parlement qui seul décide de qualifier une menace immenante pour la sécurité de l’État d’état de tension. L’existence de la tension est la condition matérielle indispensable à la mise en suspens de la situation constitutionnelle normale. Le critère le plus sûr est la distinction matérielle entre l’état de tension et l’état de défense. Dans le premier cas, il s’agit certes d’une « situation de crise », mais les conditions ne sont pas réunies pour que « la constatation de l’état de défense puisse être justifiée »6. Ainsi, la tension se définit surtout de manière négative et par opposition à l’état de défense. Dans les deux cas, la Loi fondamentale prévoit que le Bundestag se prononce sur la question. Le Parlement est l’organe qui met en œuvre les dispositions constitutionnelles relatives à des situations de crise extérieures au fonctionnement institutionnel. L’action gouvernementale est ainsi conditionnée par la constatation du Bundestag (pour l’état de tension) et du Bundestag et du Bundesrat (pour l’état de défense).
L’état de défense rédéfinit les contours du système constitutionnel de freins et de contrepoids entre les organes investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Dans l’hypothèse d’une agression armée déjà réalisée ou sur le point d’être réalisée (« le territoire fédéral fait l’objet d’une agression armée, ou qu’une telle agression est imminente »), le Bundestag peut se trouver dans l’impossibilité de se réunir afin de constater l’état de défense. Mais, même dans ce cas de figure extrême, la Loi fondamentale n’entend pas laisser au pouvoir exécutif la maîtrise exclusive de la situation. Le constat peut être effectué par le substitut du Bundestag et du Bundesrat, la commission commune, composée, conformément à l’article 53a LF7, de députés et de membres du Conseil de la Fédération. Il s’agit d’une sorte de « parlement de crise » qui traduit la volonté de maintenir un équilibre relatif entre législatif et exécutif et surtout de disposer d’un organe représentant un contrepoids important face au gouvernement fédéral. Les députés qui en font partie ne peuvent pas appartenir au gouvernement fédéral. Le principe d’incompatibilité, qui n’existe pas en période normale en ce qui concerne les députés et leur participation au gouvernement fédéral, tend à empêcher l’influence exécutive sur la décision prise par la commission. Pour la même raison, les membres du Bundesrat désignés par les Länder pour faire partie de la commission ne sont pas soumis au respect des instructions données par leurs gouvernements. Cependant, le désir de maintenir cet équilibre connaît une limite : lorsque la gravité de la situation ne permet la réunion ni du Bundestag, ni de la Commission commune, le pouvoir exécutif se trouve seul sur la scène institutionnelle et l’état de défense est réputé avoir débuté au moment du début de l’agression armée. Le point de départ de l’application de la « constitution d’urgence » est dans ce cas purement factuel.
B. L’aspect subjectif : l’état de « nécessité législative ».
L’état de nécessité législative (Gesetzgebungsnotstand) de l’article 81 LF8 ne fait pas partie des dispositions introduites par la loi de révision constitutionnelle du 24 juin 1968. D’un point de vue temporel, il n’appartient pas au corpus normatif de la « constitution d’urgence ». Cependant, d’un point de vue matériel, les dispositions le régissant en font partie intégrante. La procédure d’adoption des actes législatifs de cet article est applicable en cas de troubles institutionnels résultant de l’activité du Parlement et empêchant le cours normal de la procédure législative des articles 77 et 78 LF9. Il s’agit par conséquent d’une « urgence » subjective dans la mesure où l’article 81 LF déroge à la procédure normale d’adoption des lois fédérales par un coup de force constitutionnel du gouvernement qui n’est que la riposte provoquée par le refus du Parlement de procéder à l’adoption d’un projet de loi urgent. Si on se réfère à la terminologie de Heckel, l’état de nécessité législative constitue un « trouble » dont l’origine est endogène et réside dans le Bundestag lui-même10. Il s’agit d’une « constellation particulière de troubles constitutionnels »11. L’état de nécessité législative est toujours déclaré à l’occasion du rejet d’un projet de loi concret. Il n’est donc ni général, ni absolu. Le discrédit du gouvernement suite à l’échec de la question de confiance de larticle 68, alinéa 1er LF, ainsi que le refus réitéré du Parlement d’adopter un projet de loi déclaré urgent par le gouvernement fédéral tend à paralyser l’action de ce dernier. La cause de l’abus de l’article 48 CW et le détournement de sa finalité objective – le rétablissement de la sécurité et l’ordre public – fut l’absence de dispositions constitutionnelles concrètes qui auraient permis au gouvernement de déclencher une procédure législative urgente en excluant temporairement le Parlement hostile. La conséquence de l’interprétation large donnée à l’alinéa 2 de l’article 48 CW fut l’utilisation croissante du pouvoir réglementaire. Article 81 LF empêche le « déguisement » normatif, car les actes, adoptés dans l’état de nécessité législative, ont le rang de lois fédérales, dont l’auteur est le seul gouvernement. L’exclusion du Bundestag de la procédure législative exceptionnelle est compensée par le vote du Bundesrat. Ainsi, le principe de la participation des Länder à la législation fédérale est respecté au détriment de la distribution des compétences entre Bundestag et gouvernement fédéral en la matière. La crise institutionnelle, qui ouvre la voie à la mise en œuvre de l’article 91 LF, est telle qu’elle signifie l’impossibilité de trouver un accord politique sur le projet de loi visé entre le chancelier et son gouvernement et la majorité parlementaire censée être son soutien politique dans un régime parlementaire. Conformément aux termes de l’article 68, alinéa 1er LF, l’échec de la question de confiance posée par le chancelier au Bundestag permet à ce dernier soit de demander la dissolution de l’assemblée parlementaire au président fédéral, soit de s’abstenir et d’agir afin de surmonter la crise politique. L’état de nécessité législative est le dernier recours du gouvernement : la dissolution peut n’être pas prononcée par le président et l’urgence de la situation dicte alors la demande immédiate adressée aux parlementaires12. Il s’agit d’une illustration de la suspension temporaire du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs qui ne permet cependant pas la concentration totale de l’exercice de la puissance de l’État au sein du seul gouvernement. Si la division des pouvoirs n’est pas mise en œuvre dans l’état de nécessité législative, il convient de souligner l’existence d’un mécanisme qui peut se révéler insuffisant. Le Parlement est exclu (ou s’est auto)-exclu de la procédure législative, mais cela ne transforme pas le pouvoir exécutif en maître absolu de la situation. Une possibilité est donnée au Bundestag de prendre part à la procédure : après la déclaration de l’état de nécessité législative, le Parlement est de nouveau saisi du texte. Ce n’est que s’il le rejetait de nouveau ou s’il modifiait ses termes « dans une rédaction (…) inacceptable » pour le gouvernement fédéral, que le Parlement serait exclu de l’adoption du projet de loi. Ce n’est que dans l’hypothèse d’un refus catégorique que le projet est adopté par le seul Bundesrat qui représente le contrepoids nécessaire à l’action gouvernementale. Ici, le Conseil fédéral joue le rôle d’une « réserve de légalité »13.
L’état de nécessité législative de l’article 81 LF démontre que le cœur de la norme, contenue dans l’article 20, alinéa 2 LF et protégée par l’article 79, alinéa 3 LF, reste intact. Il n’y a que les modalités de mise en œuvre qui se trouvent modifiées sous l’effet de l’exigence iméprieuse de la situation.
Ni dans les cas d’urgence, dont l’origine est objective, extérieure aux organes de l’État, ni dans l’hypothèse de l’état de nécessité législative introduisant une situation de crise, dont la cause est intérieure à l’organe, on ne trouve de suspension totale du principe de séparation des pouvoirs. Au contraire, le fil rouge qui traverse les dispositions composant la « constitution d’urgence » de la Loi fondamentale est la volonté d’éviter la domination exécutive et de maintenanir l’existence, même dans des circonstances exceptionnelles, d’un système de freins et de contrepoids qui garantit l’ordre démocratique et libéral. Cependant, il n’est pas sûr que la volonté de maintenir un équilibre relatif entre les trois pouvoirs soit réellement concrétisée.
§2. La volonté de maintenir un système d’équilibre en évitant la domination du pouvoir exécutif.
Comparée à la situation française, la « constitution d’urgence » allemande porte l’ambition de garantir de la manière la plus complète possible le maintien du principe de séparation des pouvoirs et d’éviter la concentration exclusive de la puissance dans les mains du pouvoir exécutif. Pendant l’ « état d’exception », qu’il s’agisse de troubles liés au fonctionnement même d’un organe constitutionnel (le cas de la nécessité législative de l’article 81 LF), ou bien de menace d’agression armée qui cause le dysfonctionnement de l’appareil institutionnel de l’État, il n’est pas question de suspendre l’application du principe de séparation des pouvoirs, mais d’opérer une modification permettant à la fois de prendre en compte le temps de crise et d’adapter le système de freins et de contrepoids à l’éventualité d’un fonctionnement défaillant des organes investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (A). Le texte constitutionnel semble comporter toutes les précautions nécessaires afin de « paralyser la capacité d’action inhérente au pouvoir exécutif (…) par un système de checks and balances » ((Hermann-Wilfried Bayer, « Notstandsverfassung und Rechtsvergleichung », ZaöRV, 1968, p. 609 : « (…) scheint (…) alles darauf angelegt zu sein, die an sich unverzichtbare Handlungsbereitschaft der Exekutive (…) durch ein System von checks and balances besonders zu lähmen ». )). Cependant, malgré la configuration équilibrée des dispositions applicables aux situations exceptionnelles, il convient de remarquer que la Loi fondamentale n’épuise pas toutes les voies possibles afin de garantir le respect maximal du principe normatif déduit de l’article 20, alinéa 2 LF (B).
A. La modification temporaire du principe de séparation des pouvoirs.
Grâce à la limite temporelle de l’article 81, alinéa 3 LF l’état de nécessité législative ne peut être tranformé par le chancelier fédéral en situation normale et devenir une arme constitutionnelle employé afin d’exclure de manière durable le Bundestag de la procédure législative. Cela équivaudrait à avoir des actes adoptés par le seul Bundesrat qui ont la qualité de « lois », mais dont le contenu n’a probablement fait l’objet d’aucun débat parlementaire. Le texte issu du coup de force entre le gouvernement fédéral et le Parlement traduirait par conséquent de manière exclusive la volonté gouvernementale. Afin d’empêcher toute dérive, la Loi fondamentale prévoit le concours de plusieurs organes, dont la mission est de garantir un contrôle de l’action exécutive. Le gouvernement dispose ainsi du droit d’initiative pour demander au président fédéral la déclaration de l’état de nécessité législative. C’est le chef de l’État qui détient le pouvoir décisionnel : le gouvernement propose, mais le président dispose de la faculté décisionnelle. L’obligation de demander l’approbation du Bundesrat avant de déclarer l’état de nécessité législative permet de s’assurer qu’aucun projet de loi ne sera imposé de force par le gouvernement fédéral aux Länder sans le consentement expresse de ces derniers. Pour la même raison, le projet de loi doit être voté par le Bundesrat. Pendant son mandat, le chef du gouvernement a la faculté de déclarer une seule fois l’état de nécessité législative. Elle ne peut durer plus de six mois à compter de la déclaration. En ce qui concerne l’état de tension, les mesures prises par le gouvernement fédéral sur la base de l’article 80a, alinéa 2 LF sont soumises au contrôle du Bundestag. Ce dernier a le droit de demander leur abrogation qui ne peut être refusée. La portée de ce droit est cependant tempérérée par l’absence de délai relatif à la durée de l’état de tension ainsi que l’absence de toute obligation pour le Bundestag d’approuver les mesures gouvernementales. Le contrôle parlementaire est essentiellement négatif. Quant à l’état de défense, il donne l’exemple d’un système ingénieux de freins et de contrepoids. Le gouvernement fédéral, le Bundestag, le Bundesrat et, dans l’hypothèse où le Parlement est dans l’impossibilité de se réunir, la commission commune, sont liés par des mécanismes de contrôle et des limitations temporelles précises. Les lois adoptées par la commission commune et les règlements édictés en vertu de ces lois, ainsi qu’une série de textes législatifs14, doivent sortir de vigueur six mois après la fin de l’état de défense, ou au plus tard à la fin de la deuxième année suivant la fin de l’état de défense15.
Malgré la place accordée au gouvernement dans les cas d’urgence, le Parlement est maintenu dans ses fonctions d’organe législatif et de contrôle.
B. Un encadrement suffisant?
Bien que le constituant, puis le législateur exerçant le pouvoir de révision, aient voulu élaborer des règles « exceptionnelles » qui n’avantagent de manière excessive aucun des pouvoirs constitutionnels, il n’est pas possible d’éradiquer toute hypothèse d’abus dans l’exercice des compétences attribuées en cas de crise.
Le droit de l’urgence « cache immanquablement des problèmes et des dangers »16. Certes, il n’est pas possible de garantir l’ordre constitutionnel de la Loi fondamentale contre tout exercice arbitraire du pouvoir. Mais la « constitution d’urgence » doit se conformer aux exigences de la « clarté juridique, de l’intelligibilité et de la prévisibilité » de sa mise en œuvre. Selon Konrad Hesse, qui signe une critique acerbe immédiatement après l’adoption de la loi de révision constitutionnelle17, les règles de la Loi fondamentale applicables aux situations de crise ne répondent aucunement aux exigences énumérées18, car créant un ensemble normatif marqué par une extrême complexité. Au lieu de remplir ces exigences, cet ensemble crée une façade trompeuse qui n’a pas d’autre fonction que de brouiller la frontière tracée entre le cas « normal » et l’état d’ « exception »19. Malgré les apparences, la « constitution d’urgence » relègue le Parlement à un rôle secondaire en camouflant son exclusion intégrale ou partielle de la maîtrise des situations de crise par un une série de dispositions qui visent à convaincre qu’il existe toujours un contrôle parlementaire efficace. Mais aucune règle constitutionnelle n’est susceptible de prévoir et de prévenir un Parlement qui agirait de concert avec le gouvernement dans le sens de sa déresponsabilisation progressive et dans la logique délibérée d’un refus d’exercer ses compétences constitutionnelles. La ligne rouge, bien trop mince, qui sépare la normalité de l’exception, peut servir d’appui à une action de prise du pouvoir par le pouvoir exécutif avec la « collaboration » d’un Parlement affaibli et (in)conscient de la gravité des mesures prises. L’éventualité d’une agression militaire peut être le prétexte idéal de demander au Parlement la constatation de l’état de défense. Puis, la voie qui mène à l’(auto)-destruction de l’ordre constitutionnel démocratique et libéral de la Loi fondamentale peut être ouverte sans grande difficulté.
- Alinéa 1er : « Si la présente Loi fondamentale ou une loi fédérale relative à la défense, y compris la protection de la population civile, spécifie que des règles de droit peuvent être appliquées seulement dans les conditions du présent article, l’application en dehors de l’état de défense n’est permise que si le Bundestag a constaté la survenance de l’état de tension ou s’il a approuvé expressément cette application. La constatation de l’état de tension et l’approbation expresse, dans les cas visés à l’article 12a, al. 5, 1ère phrase et al. 6, 2ème phrase, requièrent une majorité des deux tiers des suffrages exprimés » (article 12 LF relatif au service militaire et civil obligatoire contient des précisions concernant les règles applicables pendant l’état de défense); alinéa 2 : « Les mesures prises en vertu des règles de droit visées à l’alinéa 1er doivent être rapportées si le Bundestag l’exige » ; alinéa 3 : « Par dérogation à l’alinéa 1er, l’application de telles règles de droit est également permise sur le fondement et dans les conditions d’une décision prise par un organe international dans le cadre d’un traité d’alliance, avec l’accord du gouvernement fédéral. Les mesures prises en vertu du présent alinéa doivent être rapportées si le Bundestag l’exige à la majorité de ses membres ». [↩]
- L’article 115a ouvre le titre Xa de la Loi fondamentale consacré à l’état de défense. Il dispose qu’ « [i]l appartient au Bundestag avec l’approbation du Bundesrat de constater que le territoire fédéral fait l’objet d’une agression armée, ou qu’une telle agression est imminente (état de défense). La constatation est faite à la demande du gouvernement fédéral et requiert la majorité des deux tiers des voix exprimés corresponsdant au moins à la majorité des membres composant le Bundestag » (alinéa 1er ) ; si « la situation exige impérativement une action immédiate et si par suite d’obstacles insurmontables le Bundestag n’a pu se réunir en temps utile, ou ne peut délibérer faute de quorum, cette constatation sera faite par la commission commune (Gemeinsamer Ausschuß) à la majorité des deux tiers des voix exprimés correspondant au moins à la majorité de ses membres » (alinéa 2) ; si « le territoire fédéral fait l’objet d’une agression armée et que les organes fédéraux compétents sont dans l’impossibilité de constater l’état de défense conformément à l’alinéa 1er, 1ère phrase, cette constatation est réputée avoir été faite et promulguée au moment où l’agression a débuté. Le président fédéral fait connaître cette date dès que les circonstances le permettent » (alinéa 4) ; ou encore que si « constatation de l’état de défense a été promulguée et que le territoire fédéral fait l’objet d’une agression armée, le président fédéral peut, avec l’approbation du Bundestag, procéder à des déclarations internationales sur l’existence de l’état de défense. Dans les circonstances prévues à l’alinéa 2, la commission commune se substitue au Bundestag » (alinéa 5). L’alinéa 3 est relatif à la promulgation de la constatation de l’état de défense par le président fédéral au journal officiel fédéral. [↩]
- Otto Deppenheuer, « Artikel 80a », in Theodor Maunz/Günter Gürig, Grundgesetz Kommentar, v. 5 (Art. 54-85), 71e édition, C.H. Beck, München, 2014, n°10, regrette l’interprétation restrictive de l’article 80A LF qui fait de l’état de tension uniquement une phase préalable à l’état de défense en le privant d’une existence autonome : « Il est regrettable (…) que le champ d’application de l’art. 80a LF est jusqu’ici interprété de manière restrictive, et de façon peu convaincante, qualifié d’étape préalable du “cas de défense” au sens de l’art. 115a LF » (« Es ist […] bedauerlich, dass der Anwendungsbereich des Art. 80a GG bisher […] restriktiv interpretiert und – wenig überzeugend – nur als Vorstufe zum “Verteidigungsfall” i. S. d. Art. 115a GG qualifiziert worden ist »). [↩]
- La probabilité que la menace immanente qui pèse sur la République fédérale se transforme en un véritable conflit militaire est par conséquent élevée. Dans ce sens : Wolfgang Graf Vitzthum, « Der Spannungs- und Verteidigungsfall », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, t. VII (Normativität und Schutz der Verfassung – Internationale Beziehungen), 1e édtion, C.F. Müller, Heidelberg, 1992, p. 417 et suiv. Pour Otto Deppenheuer, « Artikel 80a », in Theodor Maunz/Günter Gürig, Grundgesetz Kommentar, vol. 5 (Art. 54-85), 71e édition, C.H. Beck, München, 2014, n°17, l’état de tension ne signifie aucunement que la menace immanente soit le résultat de forces extérieures au territoire de la RFA. Bien au contraire, la situation de tension peut avoir une origine interne : « (…) la situation de tension peut être définie comme une situation politique conflictuelle interieure ou extérieure (…) » (« […] kann die Spannungslage definiert werden als schwere außen- wie innenpolitische Konfliktsituation […] »). Faire entre les situations conflictuelles intérieures dans le champ d’application de l’article 80a LF permet ainsi d’englober les menaces terroristes. [↩]
- Sur la notion indéterminée de l’état de tension : Wolfgang Graf Vitzthum, « Der Spannungs- und Verteidigungsfall », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 7 (Normativität und Schutz der Verfassung – Internationale Beziehungen), 1e édtion, C.F. Müller, Heidelberg, 1992, p. 418 et suiv ; Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, C.F. Müller, Heidelberg, 1999, p. 309 : « Aucune norme ne définit avec précision ce qu’est un “état de tension” » (« Was ein “Spannungsfall” ist, ist nirgends normativ festgelegt »). Pour Hans Hugo Klein, « Artikel 80a », in Hermann von Mangoldt/Friedrich Klein, Das Bonner Grundgesetz. Kommentar, 2e édition, Franz Vahlen Verlag, 1974, p. 1976, l’état de tension embrasse « le court laps de temps avant le début des opérations mlilitaires effectives » (« der Spannungsfall nur den kurzen Zeitraum umfaßt, der dem Ausbruch von Kampfhandlungen unmittelbar vorgeht »). [↩]
- Voir le rapport de la commission juridique sur le projet de loi gouvernemental portant modification de la Loi fondamentale (Schriftlicher Bericht des Rechtsausschusses über den von der Bundesregierung eingebrachten Entwurf eines Gesetzes zur Ergänzung des Grundgesetzes) du 9 mai 1968, Bonner Universitätsdruckerei, p. 8 : « (…) ist für die Verwirklichung von Maßnahmen zur Herstellung der erhöhten militärischen und zivilen Verteidgungsbereitschaft in einer zugespitzten Krisenlage, die noch nicht die Feststellung des Verteidigungsfalles rechtfertigt ». [↩]
- La commission commune est composée « pour les deux tiers de députés du Bundestag et pour un tiers de membres du Bundesrat ». Les députés « sont désignés par le Bundestag en proportion de l’importance des groupes parlementaires ; ils ne peuvent pas faire partie du gouvernement fédéral ». Contrairement à la situation normales, les membres représentant les Länder « ne sont pas liés par des instructions ». [↩]
- Alinéa 1er : « Si, dans le cas prévu à l’article 68, le Bundestag n’est pas dissous, le président fédéral peut à la demande du gouvernement fédéral et avec l’approbation du Bundesrat, déclarer l’état de nécessité législative à propos d’un projet de loi que rejette le Bundestag bien que le gouvernement fédéral l’ait délcaré urgent. Il en est de même lorsqu’un projet de loi a été rejeté bien que le chancelier fédéral y ait lié la demande prévue à l’article 68 » ; alinéa 2 : « Si, après déclaration de l’état de nécessité législative, le Bundestag rejette à nouveau le projet ou s’il l’adopte dans une rédaction que le gouvernement fédéral a déclaré inacceptable, la loi est considérée comme définitivement adoptée dans la mesure où le Bundesrat l’approuve. Il en est de même si le projet n’est pas voté par le Bundestag dans un délai de quatre semaines après un nouveau dépôt » ; alinéa 3 : « Pendant la durée des fonctions d’un chancelier fédéral, tout autre projet de loi rejeté par le Bundestag peut également être adopté selon les dispositions des alinéas 1 et 2 dans un délai de six mois à compter de la première déclaration de l’état de nécessité législative. À l’expiration de ce délai, l’état de nécessité législative ne pourra pas être déclaré une seconde fois pendant la durée des fonctions du même chancelier fédéral » ; alinéa 4 : « La Loi fondamentale ne peut être ni modifiée, ni abrogée, ni suspendue, en totalité ou en partie, par une loi définitivement adoptée en application de l’alinéa 2 ». [↩]
- Il faut remarquer que l’application des articles 77 et 78 n’est pas susepndue pendant l’application de l’article 81 LF. Ce dernier ne se rapporte qu’à un projet de loi précis, les autres textes, qui ne rencontrent pas l’opposition du Bundestag, peuvent naturellement être adoptées en suivant le cours normal de la procédure législative fédérale. [↩]
- Roman Herzog, « Artikel 81 », in Theodor Maunz/Günter Gürig, Grundgesetz Kommentar, vol. 5 (Art. 54-85), 71e édition, C.H. Beck, München, 2014, n°7 : « Sachlich versucht die Vorschrift (…) einen Teilbereich zu regeln, auf den frührer Art. 48 Abs.2 Weim. Verf. Angewandt wurde, obwohl diese Bestimmung ursprünglicj wohl nur für objektiv gegebene Nostandssituationen gedacht war ». [↩]
- Eckart Klein, « Funktionsstöungen in der Staatsorganisation », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 7 (Normativität und Schutz der Verfassung – Internationale Beziehungen), 1e édition, 1992, p. 374 : « (…) besondere Konstellation einer Verfassungsstörung (…) ». [↩]
- Roman Herzog, « Artikel 81 », in Theodor Maunz/Günter Gürig, Grundgesetz Kommentar, vol. 5 (Art. 54-85), 71e édition, C.H. Beck, München, 2014, n°6. [↩]
- Roman Herzog, « Artikel 81 », in Theodor Maunz/Günter Gürig, Grundgesetz Kommentar, op.cit., n°64 : « (…) rückt der Bundesrat auch faktisch in seine Stellung als “Legalitätsreserve” ein ». [↩]
- Il s’agit de lois dérogeant aux dispositions des articles 91a (relatif au concours de la Fédération dans l’accomplissement des tâches des Länder sur la base des lois fédérales), 91b (portant sur la coopération de la Fédération et des Länder basée sur des conventions conclues dans cetains domaines énumérés par le même article), 104a (concernant les garanties juridiques en cas de détension), 106 (qui établit les règles de répartition du produit des impôts entre la Fédération et les Länder) et 107 (réglant la péréquation financière entre les différents Länder) LF. [↩]
- Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1999, C.F.Müller, Heidelberg, 1999, p. 308. [↩]
- Konrad Hesse, Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1999, C.F.Müller, Heidelberg, 1999, p. 315 : « (…) birgt unvermeidlich Probleme und Gefahren in sich ». [↩]
- Konrad Hesse, Das neue Notstandsrecht der Bundesrepublik Deutschland, C.F. Müller, Heidelberg, 1968. Les idées de cet essai qui ne fait que 28 pages sont intégrées dans ses Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, cité ici. [↩]
- Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1999, C.F.Müller, Heidelberg, 1999, p. 315 : « (…) muß Notstandsrecht (…) den Anforderungen der Rechtsklarheit, der Verständlichkeit und Übersichtlichkeit genügen. (…) Die (…) Notstandsgesetzgebung entspricht diesen Anforderungen nicht ». [↩]
- Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1999, C.F.Müller, Heidelberg, 1999, p. 315 : « (…) die neuere Notstandsgesetzgebung nicht die Möglichkeit bietet, Ausnahmelage und Normallage klar auseinander zu halten ». [↩]
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