L’absence de vrai moment révolutionnaire bouleversant intégralement l’ordre établi est la marque du XIXe siècle allemand. L’écho limité des révolutions états-unienne ou française montre une société relativement stable qui évolue dans un cadre politique fragile. Les États monarchiques n’arrivent pas à prévenir le mouvement libéral, mais réussissent à en limiter la puissance. L’échec ne fut pas absolu, car à partir des années 1850, le modèle de la monarchie limitée s’installe définitivement sur la scène politique allemande. Les publicistes, initialement engagés dans les affaires politiques, deviennent peu à peu invisibles. Le même sort est réservé au principe de la séparation des pouvoirs, qualifié de « sceintifiquement dépassé ». Le « pandectiste du droit public », à la fois neutre et complaisant avec le pouvoir, rejette en bloc le principe, car il entre en contradiction avec la conception de l’État monarchique que les auteurs positivistes comme Gerber ou Laband élaborent afin de s’assurer que le pouvoir et la place du monarque sont préservés.
La fin de l’empire du positivisme sonne également la fin de l’ancien ordre. La République de Weimar, perçue comme portant le péché de l’échec militaire et politique de l’Allemagne, n’arrive pas à surmonter les barrières qui la séparent d’un régime parlementaire fonctionnel. Jusqu’en 1949, tout était fait pour que le principe de la séparation des pouvoirs reste inappliqué ou soit tout simplement violé sans qu’il y ait une sanction adéquate à cette atteinte.
La Loi fondamentale de 1949 change radicalement la donne constitutionnelle. Avec un régime parlementaire reposant sur le principe démocratique, l’ordre constitutionnel démocratique et libéral est, depuis quelques décennies, le milieu idéal où la séparation des pouvoirs peut faire montre de toutes ses capacités d’adaptation et pleinement se déployer en tant que principe d’organisation concrète et de modération du pouvoir d’État.