Si le principe de la séparation des pouvoirs est lié à chacune des décisions fondamentales prises par le constituant en 1949, il entretient avec le principe démocratique un lien privilégié. Ce dernier constitue le fondement de la légitimation des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Le principe démocratique, concrétisé par l’article 20, alinéa 2 LF1, désigne comme origine de tout pouvoir étatique le peuple souverain qui « l’exerce au moyen d’élections et de votations et par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ». Le principe de séparation des pouvoirs et le principe démocratique sont indissociables puisque ce dernier constitue un moyen de légitimation des organes investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (§ 1). Par suite, il convient de s’interroger sur l’autonomie du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs : la question de savoir s’il constitue un des éléments de l’État de droit, ou bien s’il est complètement autonome pose certaines difficultés (§2). Enfin, la structure fédérale, qui est un moyen d’organisation et de répartition verticale du pouvoir, vient compléter le principe de la séparation horizontale (§3).
§ 1. Le principe démocratique comme moyen de légitimation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Paradoxalement, dans la construction constitutionnelle de 1949, le souverain, le peuple, est vu comme une menace pour le régime démocratique dont il est l’élément fondamental. Le peuple, en exerçant son pouvoir constituant, s’est autolimité. L’exercice du pouvoir par le « peuple » de la Loi fondamentale est encadré. Ainsi, les élections et les votations ne sont pas exemptes de conditions : l’article 21, alinéa 2 LF ouvre la possibilité d’interdire un parti politique, dont la programmation contient des éléments qui laissent penser que les idées mises en avant sont incompatibles avec l’ordre constitutionnel démocratique et libéral2.
La démocratie doit assurer sa propre défense, elle ne doit point être neutre, car cette neutralité peut causer sa perte : elle doit être une « démocratie militante » (streitbare Demokratie). Cette notion peut paraître problématique, car est-il possible pour un ordre démocratique de vouloir combattre ses ennemis lorsqu’ils sont devenus la majorité ? Si la démocratie se servait d’outils semblables à ceux, privilégiés par des régimes dictatoriaux, pourrait-elle véritablement répondre à cet idéal qu’elle est censée incarner sans mettre en danger le fondement démocratique de l’État3? Dans une telle hypothèse, il se peut qu’il soit nécessaire de déroger aux règles du régime démocratique afin de le « sauver ». Ce désir exacerbé de protéger la démocratie est le résultat de l’expérience singulière de l’Allemagne, dont le peuple, après la débâcle de 1933, qui l’a précipité dans l’abîme totalitaire, « a perdu confiance en soi »4.
Le principe démocratique constitue la base de la légitimation des organes investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (A), mais peut cacher une menace de déséquilibre institutionnel, car le Bundestag est le seul organe bénéficiant de la légitimité démocratique directe. Face au danger de déséquilibre, le juge constitutionnel formule une interdiction adressée au Bundestag de monopoliser le pouvoir (B).
A. La définition générale du principe démocratique.
La définition de la démocratie en tant que « gouvernement du peuple » n’arrive pas à dépasser le stade d’un régime dont la finalité première est la domination. Il ne s’agit point d’un régime idéal dans lequel le peuple est détenteur de tout pouvoir d’État et l’exerce de manière directe ou indirecte. Il est plutôt question, comme l’explique Ernst-Wolfgang Böckenförde, d’ « un principe d’organisation relatif à la détention et à l’exercice du pouvoir d’État », dont la finalité, somme toute, n’est pas différente de celle de tout autre type de régime : organiser les hommes tout en les maintenant dans la soumission5.
La démocratie ne doit par conséquent pas être comprise comme un principe qui, par sa seule application, éradiquerait la menace d’un pouvoir arbitraire. Le régime démocratique ne signifie pas la réalisation idéale de la liberté car il n’implique pas nécessairement l’existence d’une sphère de liberté de l’individu. Si l’idéal démocratique est entendu comme réalisé dès l’instant où l’on considère que « les sujets de l’ordre étatique participent à sa création », alors cet idéal « n’a plus rien à voir avec la mesure dans laquelle cet ordre étatique saisit les actes des individus qui le créent, c’est-à-dire avec le degré jusqu’auquel il restreint leur “liberté” ». La liberté individuelle peut donc être absente de la liste des valeurs d’une entité politique qui se veut démocratique. La seule condition que doit remplir le régime démocratique est la création par les individus de l’ordre étatique auquel ils sont soumis. La démocratie présente les mêmes défauts, dont peuvent souffrir les régimes à tendance autoritaire, car son penchant pour l’expansion « n’est pas moindre » que celui « du pouvoir autocratique »6.
Le régime démocratique signifie une domination « de l’homme sur l’homme », toujours « insupportable à la sensibilité démocratique », mais rendue acceptable pour les individus qui doivent, en formant le corps politique qu’est le peuple, légitimer toute action étatique7. Le peuple est ainsi le premier maillon de la « chaîne de la légitimation démocratique »8.
« Tout pouvoir d’État émane du peuple » – l’article 20, alinéa 2 LF, première phrase légitime démocratiquement le pouvoir d’État9, ainsi que l’exercice de celui-ci par des « organes spéciaux » cités dans la deuxième phrase de l’alinéa 2 de la même disposition constitutionnelle. Il s’agit d’une norme qui indique le détenteur et le titulaire du pouvoir d’État qui est toujours présent, de manière directe ou indirecte, afin de donner la légitimation suffisante de toute action étatique10.
B. Le maintien de l’équilibre institutionnel : interdiction pour le Bundestag d’avoir le monopole du pouvoir (Gewaltenmonismus).
La légitimité démocratique directe dont bénéficie le Bundestag comporte un double danger. La « logique de la division des pouvoirs ne s’explique que par le fait que la séparation fonctionnelle assure (…) le primat de la législation démocratique (…) »11. Cette primauté du législateur démocratique peut devenir une menace pour l’équilibre des pouvoirs. D’une part, cet organe central du système constitutionnel allemand peut, par son mode désignation, devenir un organe écrasant les organes investis des pouvoirs exécutif et judiciaire, et, d’autre part, au sein même du Parlement, le principe majoritaire peut vider de son sens l’existence d’une opposition parlementaire.
La démocratie de la Constitution allemande tend à éviter « l’absolutisme de la majorité » (Mehrheitsabsolutismus) par « la garantie des droits fondamentaux et la séparation des pouvoirs »12. Cet absolutisme de la majorité peut être le résultat de la place privilégiée de l’organe réunissant les représentants du peuple – le Parlement au sein duquel le principe majoritaire domine la production législative et l’action gouvernementale. Le principe démocratique proclamé par la Loi fondamentale est lié à l’idée de gouvernement parlementaire qui implique la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement13. Il est en effet fréquent de vouloir lier le principe démocratique à l’existence d’un gouvernement parlementaire, car le parlement, en tant qu’organe représentatif de la volonté nationale, est vu comme le garant de la souveraineté du peuple. Dès lors, la tentation est grande d’affirmer que seul le Bundestag, dont la composition résulte du suffrage universel direct, dispose de la légitimité nécessaire à la prise de toute décision politique importante.
L’affirmation est erronée, car les autres organes sont également démocratiquement légitimés, même s’il s’agit d’une légitimation indirecte14. « La représentation du souverain dans l’organisation d’un État démocratique présuppose l’existence d’un organe spécial » qui concrétise le principe démocratique. Cet organe est le parlement, car il serait difficile d’imaginer que le principe démocratique puisse être mis en œuvre dans le cadre d’un mono-gouvernement ou dans l’hypothèse du gouvernement d’un groupement d’organes, même si ces modes de gouvernement peuvent être basés sur un système électoral répondant aux canons démocratiques (suffrage universel, égalitaire et secret). Il s’agirait dans ce cas plutôt d’une « dictature plébiscitaire » ou « un État autoritaire monopartisan » qui ne pourrait se prévaloir d’une véritable légitimité démocratique15. Cependant, il ne faut guère confondre le principe démocratique et l’existence d’un gouvernement parlementaire. Si la représentation du souverain par l’organe parlementaire correspond au principe démocratique, le gouvernement parlementaire n’est pas une condition de la réalisation de celui-ci16. La Loi fondamentale, dans son article 20, alinéa 2, ne pose d’ailleurs pas le principe du gouvernement parlementaire, mais le principe démocratique qui doit constituer le fondement de toute forme de gouvernement choisie – qu’elle soit de type parlementaire ou de type présidentiel –, car le principe du gouvernement parlementaire n’est pas protégé par « la clause d’éternité » de l’article 79, alinéa 3 LF17.
La Loi fondamentale ne différencie pas les pouvoirs en fonction d’un degré peu ou prou élevé de légitimité : tous les trois trouvent leur source première dans le principe démocratique qui veut que le peuple soit détenteur de la souveraineté et l’exerce soit par le biais d’élections ou de votations, soit par le biais des « organes spéciaux »18. Le Bundestag, l’organe central du système constitutionnel, ne doit pas être vu comme maître du pouvoir exécutif qui ne serait chargé que d’accomplir la volonté du corps législatif : le Gouvernement fédéral n’est pas un organe issu d’un processus électoral direct, il ne peut se prévaloir de l’avantage d’être directement élu par le peuple. La thèse qui met en avant le pouvoir législatif, pouvoir démocratique par excellence, face à l’autre pouvoir incarné par le monarque, qui, lui, représente l’élément «non-démocratique de la Constitution », trouve tout son sens sous la période de la monarchie limitée, mais n’est plus tenable aujourd’hui19. La Cour constitutionnelle se refuse à admettre un « monopole » du pouvoir exercé par l’organe investi du pouvoir législatif :
L’organisation concrète de la répartition et de l’équilibre du pouvoir d’État, dont la sauvegarde est imposée par la Loi fondamentale, ne doit pas être remise en cause par un monopole du pouvoir (Gewaltenmonismus), déduit de manière erronée du principe démocratique, qui prendrait la forme d’une réserve parlementaire générale. Le fait que seuls les membres du Parlement sont directement élus par le peuple ne signifie pas que les autres institutions et fonctions de l’État sont privées de légitimité démocratique. Les organes des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire puisent leur légitimité démocratique institutionnelle et fonctionnelle dans la décision du constituant exprimée dans l’article 20, alinéa 2 LF20.
Le principe démocratique ne justifie pas une monopolisation, par l’organe parlementaire, du pouvoir d’État – l’élection immédiate de ses membres ne peut conférer une place privilégiée au Parlement, au détriment des autres pouvoirs qui bénéficient également de la même légitimité démocratique en vertu de l’article 20, alinéa 2 LF21.
§ 2. Le principe de séparation des pouvoirs : élément de l’État de droit ou principe autonome ?
Le terme Rechtsstaat (État de droit) doit sa première apparition à « un ouvrage publié en 1798 à Strasbourg et rédigé par Johann Wilhelm Placidus (1758-1815) » ((Sur l’origine de l’expression et les transformations du Rechtsstaat : Olivier Jouanjan, « Présentation », in du même (dir.), Figures de l’État de droit. Le Rechtsstaat dans l’histoire intellectuelle et constitutionnelle allemande, Presses universitaires de Strasbourg, 2001, p. 7 : « (…) Placidus (…) fut l’ami de Schiller et, à partir de 1786, bibliothécaire de la Cour et professeur de diplomatique et d’héraldique à Stuttgart », et les références bibliographiques supplémentaires. )). Il est certain que l’expression de jadis ne correspond plus à la réalité normative qu’elle acquiert sous l’empire de la Loi fondamentale de 1949. Article 28, alinéa 1er LF fait expressément référence à « l’État de droit »22 sans jamais définir les éléments qui le composent. Le principe de la séparation des pouvoirs qui, à l’époque du constitutionnalisme allemand, ne fut pas associé au concept d’État de droit23, se trouve aujourd’hui au cœur d’une dispute doctrinale dont l’objet est l’autonomie du Gewaltenteilungsgrundsatz ou bien son caractère d’élement composant l’État de droit (A). La solution apportée par le juge constitutionnel ne résout pas les problèmes posés par l’interrogation doctrinale (B).
A. Incertitudes doctrinales.
Pour Eberhard Schmidt-Aßmann, d’un point de vue systématique, le principe d’État de droit se déploie dans deux directions : en tant qu’ordre étatique subjectif et en tant qu’ordre fonctionnel objectif qui place en son centre la séparation des pouvoirs. Il ne s’agit donc pas d’un principe autonome mais d’un élément de « l’État de droit formel », à côté de « l’indépendance des tribunaux, de la légalité de l’action administrative, de la protection juridictionnelle contre les actes de la puissance publique et un processus décisionnel répondant aux règles de la publicité et de la transparence »24. Katharina Sobota soutient que le principe de séparation des pouvoirs est déduit de l’article 20, alinéa 1er LF et constitue un élément de l’État de droit possédant une teneur normative25. Il est « douteux, écrit en revanche Philip Kunig, que la “séparation des pouvoirs”, telle qu’elle fut conçue par la Loi fondamentale, soit conditionnée par “l’idée d’État de droit” » :
Les études et les commentaires de la Loi fondamentale décrivent ainsi le contenu du principe d’État de droit en se référant en partie à la doctrine, en partie à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande, en formulant des sub-sujets dont le fondement de validité est l’État de droit. Particulièrement fréquentes sont les affirmations, selon lesquelles l’idée d’État de droit signifierait (…) la séparation, la division et le contrôle des pouvoirs (…). La question de savoir si ces normes, qui trouvent leur fondement de validité dans le droit positif, sont embrassées par un principe général de l’État de droit ne fait pas l’objet d’une problématisation26.
Cet extrait résume à lui seul le débat doctrinal ayant pour objet le lien entre le principe de séparation des pouvoirs et l’État de droit. La volonté d’élaborer un concept élastique au sein duquel peut être regroupée une variation infinie de combinaisons27 n’est pas suivie par une problématisation suffisante qui permettrait de savoir quel est l’intérêt de la sous-catégorisation.
Élément de l’État de droit ou bien principe dotée d’existence autonome, dans les deux cas de figure, la séparation constitutionnelle des pouvoirs possède une teneur normative qui lui est propre. Décider si le principe fait partie des composantes de l’État de droit n’est qu’une question de forme. Car, au fond, l’effet normatif du principe ne fait pas de doute : il s’agit d’une norme opérante qui permet d’obtenir des résultats et des solutions à des problèmes juridiques concrets.
B. La solution du juge constitutionnel.
Pour la Cour, les dispositions de la Loi fondamentale, notamment l’article 20 LF, contiennent seulement des éléments du principe de l’État de droit. Dans la décision du 15 décembre 1970 dite des Écoutes téléphoniques, l’article 20 « ne fait que garantir certains aspects du Rechtsstaat sans en consacrer le principe général »28 :
Article 20 LF, aussi, contient plusieurs principes fondamentaux, sans que le « principe de l’État de droit » y soit « établi », mais fait référence à des principes strictement définis composant l’État de droit : dans l’alinéa 2, on trouve le principe de séparation des pouvoirs et, dans l’alinéa 3, le principe selon lequel le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel et les pouvoirs exécutif et judiciaire au droit et à la loi29.
La conséquence de l’affirmation du juge selon laquelle le principe de l’État de droit n’est pas consacré, dans son intégralité, par la Loi fondamentale qui opte plutôt pour l’intégration de différents éléments composant le principe, est la protection partielle du principe de l’État de droit par l’article 79, alinéa 3 LF. La solution jurisprudentielle est compréhensible : il devient impossible de proclamer l’existence de l’État de droit sans prendre les précautions nécessaires afin de distinguer l’idée de l’État de droit de ses éléments constitutifs. Le contraire pourrait aboutir à une extension du champ d’application de l’article 79, alinéa 3 LF : tous les éléments susceptibles de faire partie de l’État de droit pourraient ainsi se trouver sous la protection de la « clause d’éternité ».
L’autonomie du Gewaltenteilungsgrundsatz est d’intérêt doctrinal, car, en pratique, la teneur normative n’est pas modulée en fonction de son statut de principe autonome ou élément composant l’État de droit.
§ 3. L’articulation entre la séparation horizontale des pouvoirs et le principe fédéral.
Le principe d’organisation fédérale30 est posé par l’article 20, alinéa 1er LF aux termes duquel la République allemande « est un État fédéral, démocratique et social ». La forme fédérale est l’organisation verticale et la répartition du pouvoir opère entre le Bund (la Fédération) et les Länder (les États fédérés allemands). L’organisation fédérale se définit comme « le principe politique de base de la libre association d’entités régionales distinctes et égales qui sont liées par leur action commune ». Le sens de l’organisation fédérale réside dans la création d’une structure politique unifiée tout en sauvegardant les particularités des membres qui la composent31. La séparation verticale des pouvoirs entre Bund et Länder (A) est garantie par l’institution originale du Bundesrat (B).
A. La séparation verticale des pouvoirs entre Bund et Länder.
L’État fédéral est caractérisé par une séparation verticale des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire dont l’exercice se trouve partagé entre le Bund et les Länder. La forme étatique fédérale est définie par un dualisme et un parallèlisme des organes32. Les différentes parties, horizontales et verticales, forment « l’ensemble entier du pouvoir d’État »33. L’exercice partagé du pouvoir et le contrôle exercé par les entités fédérées sur les organes de la Fédération complètent le système de la balance des pouvoirs tendant à empêcher la création d’un appareil « bureaucratique unitaire »34 et omnipotent. Ainsi, le « nouveau » fédéralisme allemand, celui construit après 1945, « complète la séparation horizontale traditionnelle des pouvoirs par une séparation verticale »35. Selon la Cour constitutionnelle fédérale, la décision fondamentale de créer un ordre fédéral est prise dans « l’intérêt d’une séparation effective des pouvoirs »36 :
La répartition des compétences est une concrétisation importante du principe fédéral dans la Loi fondamentale et en même temps un élément de la séparation fonctionnelle des pouvoirs. Elle divise le pouvoir politique et enferme son exercice dans un cadre constitutionnel qui doit maintenir cette répartition de la puissance et rendre possible le concours des différentes forces politiques ainsi que garantir un équilibre des intérêts antagoniques.37
Le poids politique dans la répartition des compétences entre le Bund et les Länder réside dans le premier, tandis que les seconds sont plutôt assignés au rôle d’administration des affaires de la Fédération. La « séparation des pouvoirs fédérative » (föderative Gewaltenteilung) exige une claire répartition des compétences entre les deux échelons, fédéral et celui des États. La règle de la Loi fondamentale est celle de la compétence d’attribution de la Fédération : tant que la Constitution ne dispose pas autrement, l’exercice des compétences et l’accomplissement des missions étatitques relèvent du domaine des Länder38. En ce qui concerne la compétence législative, conformément à l’article 70 LF les Länder « ont le droit de légiférer dans les cas où la présente Loi fondamentale ne confère pas à la Fédération des pouvoirs de légiférer ».
Au niveau fédéral, la participation des Länder est garantie par le Bundesrat qui joue un rôle non seulement dans le rapport vertical, mais aussi dans la répartition horizontale des pouvoirs, car il présente certaines originalités susceptibles, au premier abord, de troubler le schéma « classique » du système de la séparation des pouvoirs.
B. Le Bundesrat : émanation des gouvernements des Länder au niveau de la Fédération.
Le Bundesrat de la Loi fondamentale est l’héritier du Conseil fédéral qui fut une institution-phare de l’Empire allemand. En effet, il « ressort » de la Constitution fédérale de 1871 que l’autorité politique fédérale apparaissant au premier plan n’est pas l’empereur, mais le Bundesrat. La position de cette institution vient de l’originalité de l’Empire qui unit des États monarchiques dans une structure républicaine. Ainsi, le Bundesrat composé des représentants des gouvernements monarchiques disposait d’importants pouvoirs afin de traduire la volonté monarchique au niveau fédéral39. S’il est vrai que le Bundesrat « incarne le principe fédéral, c’est-à-dire l’union de monarchies » à l’époque du Reich, aujourd’hui, il incarne le principe fédéral, c’est-à-dire l’union des Länder, les entités républicaines. Il n’a guère les larges compétences que la Constitution de 1871 accordait à son ancêtre, mais représente tout de même un poind institutionnel important au niveau de la Fédération.
La composition « exécutive » de cet organe « atypique »40 n’a pas changé, car le Bundesrat actuel, réunissant les représentants désignés par les gouvernements des Länder, porte la volonté des exécutifs fédérés afin qu’elle participe à la formation de la volonté globale, celle de la Fédération41. Les vestiges du Conseil fédéral bismarckien subsistent encore. Le vote est un vote « collectif effectué par chaque délégation du Land », exprimé de manière uniforme (einheitlich)42. Cette nature « exécutive » et l’impossibilité de qualifier le Bundesrat d’assemblée parlementaire43 peuvent troubler celui qui adopte une lecture simpliste du principe horizontal de la séparation des pouvoirs. Mais l’organe à la composition exécutive et aux compétences législatives et exécutives qu’est le Bundesrat s’inscrit complètement dans le système de la séparation horizontale des pouvoirs, c’est-à-dire dans la répartition de l’exercice du pouvoir politique entre les organes fédéraux. Par sa faculté de s’opposer à l’adoption d’une loi fédérale, ainsi que dans une série d’autres cas prévus par la Loi fondamentale, il constitue un contrepoids efficace qui ne fait que concrétiser le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. La rencontre entre le principe horizontal et le principe fédéral contribue à garantir la modération de la puissance en ajoutant au format « classique » cette institution exécutive originale.
Selon l’article 79, alinéa 3 LF, l’ « organisation de la Fédération en Länder » et le « concours des Länder à la législation » ainsi que les principes contenus dans les articles 1er et 20 LF ne peuvent faire l’objet d’une révision constitutionnelle44. Le principe de l’organisation fédérale et la garantie de la participation des États à la législation, à côté des autres principes mentionnés dans le même article, participent à la construction du socle de la Loi fondamentale qui est inaccessible pour le pouvoir de révision.
- Hans-Heinrich Trute, « Die demokratische Legitimation der Verwaltung », in Wolfgang Hoffman-Riem/Eberhard Schmidt Assmann, Andreas Vosskuhle, Grundlagen des Verwamtungsrechts, vol. 1 (Methoden, Massstäbe, Aufgaben, Organisation), 1e édition, C.H. Beck, München, 2006, p. 327 : « Art. 20 Abs. 2 S.2 GG konkretisiert das Demokratieprinzip, indem er festlegt, wie das Volk die Staatsgewalt ausübt ». [↩]
- L’article 21, alinéa 2 LF, qui marque l’influence de Gerhard Leibholz et sa théorie des partis politiques, permet à la Cour constitutionnelle fédérale de prononcer l’inconstitutionnalité d’un parti politique qui tend à « porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne » (« Parteien, die nach ihren Zielen oder nach dem Verhalten ihrer Anhänger darauf ausgehen, die freiheitliche demokratische Grundordnung zu beeinträchtigen oder zu beseitigen oder den Bestand der Bundesrepublik Deutschland zu gefährden, sind verfassungswidrig. Über die Frage der Verfassungswidrigkeit entscheidet das Bundesverfassungsgericht »). Cette procédure reste exceptionnelle. Parmi les décisions prononçant l’inconstitutionnalité d’un parti politique : BVerfGE 5, 85 « KPD-Verbot » du 17 août 1956 interdisant le Parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschlands). Voir encore BVerfGE 2,1 « SRP-Verbot » du 23 octobre 1952 qui déclare inconstitutionnel le Parti socialiste de l’Empire (Sozialistische Reichspartei). [↩]
- L’expression de « démocratie militante » (streitbare Demokratie) est rendue populaire par le juriste allemand Karl Loewenstein qui, face à l’inéluctable ascension politique du parti national-socialiste, émigre aux États-Unis en 1933. Voir Karl Loewenstein, « Militant Democracy and Fundamental Rights », American Political Science Review, vol. 3, n°3 (p.417-432) et n°4 (p. 638-658), 1937. Les techniques ayant permis l’avènement des régimes totalitaires en Europe, ont été rendues possibles par les « conditions extraordinaires offertes par les institutions démocratiques » (« under the extraordinary conditions offered by democratic institutions »), car « la démocratie et la tolérance démocratique ont été utilisées en vue de leur propre destruction » (« Democracy and democratic tolerance have been used of their own destruction »). Pour éviter cet effet pervers, il faut donner à la démocratie toutes ses chances en la dotant d’armes suffisamment puissantes pour qu’elle puisse détruire ses ennemis. Cette conception d’une démocratie, qui combat ses ennemis en se servant de la force, va à l’encontre de l’idée démocratique développée par Hans Kelsen. Pour le juriste autrichien, ayant également choisi la voie de l’émigration outre-Atlantique, dès l’instant où la démocratie commence à combattre ses ennemis à l’aide de moyens antidémocratiques, elle cesse d’être une démocratie et revêt aussitôt le manteau de la dictature. Une démocratie ne peut se défendre contre le peuple qui constitue sa base, sa raison d’être. Hans Kelsen, « Zur Verteidigung der Demokratie » (1932), in Matthias Jestaedt/Oliver Lepsius (éd.), Verteidigung der Demokratie : Abhandlungen zur Demokratietheorie, Mohr Siebeck, Tübingen, 2006, p. 237 : « Eine Demokratie, die sich gegen den Willen der Mehrheit zu behaupten, gar mit Gewalt sich zu behaupten versucht, hat aufgehört, Demokratie zu sein. Eine Volksherrschaft kann nicht gegen das Volk bestehen bleiben. Und soll es auch gar nicht versuchen, d.h. wer für die Demokratie ist, darf sich nicht in den verhängnisvollen Widerspruch verstricken lassen und zur Diktatur greifen, um die Demokratie zu retten » (souligné dans le texte). [↩]
- Selon Böckenförde, « Principes de la démocratie, forme politique et forme de gouvernement », in du même, Le droit, l’État et la constitution démocratique. Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle, op.cit., p. 287, qui analyse les limites matérielles de l’article 79, alinéa 3 LF, les « garanties d’intangibilité d’une constitution démocratique (…) sont (…) non pas une émanation de la liberté démocratique, mais une restriction matérielle de celle-ci », car elles « poursuivent l’objectif (…) d’empêcher toute “révolution légale”, c’est-à-dire toute modification touchant aux principes fondamentaux de l’ordre politique et juridique qui puisse emprunter la voie de la légalité formelle ». Ces garanties « démontrent qu’une communauté politique – comme, par exemple, le peuple allemand à la suite de l’ordre politique perverti de la période 1933-1945 – a perdu confiance en soi ». Mais, dès 1948 et les discussions qui ont cours au sein du Conseil parlementaire (Parlamentarischer Rat), il est clair que l’expression directe de la volonté populaire doit être exclue. Ainsi, Theodor Heuss, député du FDP, qui devenait en 1949 le premier président de la RFA, dira, en pleine discussion, en parlant de la possibilité pour le peuple d’exprimer directement sa volonté : « Cave canem ! » (Attention au chien !). Cette position de Heuss reflète l’opinion dominante des députés du Conseil parlementaire. Cité par Josef Isensee, « Demokratie ohne Volksbestimmung », in Christian Hilgruber/Christian Waldhoff (dir.), 60 Jahre Bonner Grundgesetz – eine geglückte Verfassung ?, Bonn University Press, 2010, p. 117 et suiv. Pour Isensee, il ne s’agit pas vraiment d’une peur du peuple. Il est plutôt question de prévenir le mal avant qu’il ne puisse arriver, c’est une mesure de précaution : « Also doch Angst vor dem Volke ? Das war es eben nicht, was die Autoren des Grundgesetzes leitete, aber auch nicht der Glaube an die paradiesische Unschuld, die natürliche Güte, die erhabene Weisheit des Volkssouveräns (…) “Cave canem !” – das war kein Zeichen von irrationaler Angst, sondern vor Vorsicht ». Sur l’article 79, alinéa 3 LF, voir infra, ce chapitre, section 2. [↩]
- Ernst-Wolfgang Böckenförde, « Principes de la démocratie, forme politique et forme de gouvernement », in Ernst-Wolfgang Böckenförde, Le droit, l’État et la constitution démocratique. Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle réunis, traduits et présentés par Olivier Jouanjan (avec la collaboration de Willy Zimmer et Olivier Beaud), LGDJ/Bruylant, collection La pensée juridique, Paris/Bruxelles, 2000, p. 278 (souligné dans le texte). [↩]
- « Même un État où la puissance étatique sur l’individu recevrait une extension illimitée, c’est-à-dire où la “liberté” individuelle serait totalement anéantie et l’idéal libéral intégralement nié, pourrait encore constituer une démocratie, pourvu que l’ordre étatique fût créé par les individus qui y sont soumis ». Voir Hans Kelsen, La démocratie. Sa nature – sa valeur, trad. fr. Charles Eisenmann, réimpression de la 2e édition (1932), Dalloz, 2004, p.9-10. [↩]
- Ernst-Wolfgang Böckenförde, « Principes de la démocratie, forme politique et forme de gouvernement », in Ernst-Wolfgang Böckenförde, Le droit, l’État et la constitution démocratique. Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle, op.cit., p. 278 : «La démocratie, comme forme politique et forme de gouvernement, n’a pas pour objet de surmonter (Aufhebung) ou de dépasser la domination organisée dans l’État. Elle vise au contraire à une certaine organisation de cette domination ». La démocratie qui porte en soi le processus de la personnification de l’État est une habile dissimulation, nous explique Kelsen, La démocratie. Sa nature – sa valeur, op.cit., p. 11 : « Dans la démocratie, c’est l’État lui-même qui apparaît comme sujet du pouvoir. La personnification de l’État est un voile qui dissimule le fait, insupportable à la sensibilité démocratique, d’une domination de l’homme sur l’homme ». [↩]
- Ernst-Wolfgang Böckenförde, « Principes de la démocratie, forme politique et forme de gouvernement », in du même, « Principes de la démocratie, forme politique et forme de gouvernement », in Ernst-Wolfgang Böckenförde, Le droit, l’État et la constitution démocratique. Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle op.cit., p. 279 : « On parle à cet égard de la nécessaire chaîne de légitimation démocratique ». La Cour constitutionnelle emploie l’expression de « chaîne de légitimation ininterrompue » (ununterbrochene Legitimationskette) : BVerfGE 83, 60 « Ausländerwahlrecht » du 31 octobre 1990 (p. 72 et suiv.) ou encore BVerfGE 93, 37 « Mitbestimmungsgesetz Schleswig-Holstein » du 24 mai 1995 (p. 67). [↩]
- Ernst-Wolfgang Böckenförde, « Principes de la démocratie, forme politique et forme de gouvernement », in du même, Le droit, l’État et la constitution démocratique. Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle, op.cit., p. 283 : « La légitimation démocratique de l’exercice du pouvoir d’État (…) doit à chaque fois émaner du peuple dans son ensemble ou remonter jusqu’à lui » (souligné dans le texte). [↩]
- Christoph Möllers, Das Grundgesetz. Geschichte und Inhalt, C.H. Beck, München, 2009, p.52. [↩]
- Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Gallimard Essais, tr.fr. Rainer Rochlitz et Christian Bouchindhomme, 1997, p. 207. [↩]
- Reinhold Zippelius/Thomas Würtenberger, Deutsches Staatsrecht, 31e édition, C.H. Beck, München, 2005, p. 73. [↩]
- Il s’agit par conséquent d’un système représentatif parlementaire qu’on pourrait opposer au régime dit présidentiel dont l’exemple le plus parfait sont les États-Unis. Voir sur ce point, Reinhold Zippelius/Thomas Würtenberger, Deutsches Staatsrecht, op.cit., p. 81. [↩]
- Carl Schmitt, Théorie de la Constitution (1928), trad. fr. Lilyane Deroche, PUF, collection Quadrige, Paris, 2008, p. 451 : « Dans les États du continent européen, le XIXe siècle vit l’influence de la représentation populaire élue s’accroître face au gouvernement monarchique. Le parlement en tant qu’organe législatif chercha à étendre son pouvoir hors du domaine de la législation dans celui du gouvernement (…). (…) [L]’exigence d’un gouvernement parlementaire se transformerait en une exigence purement démocratique : dépendance du gouvernement envers la volonté de la représentation populaire, le gouvernement étant une pure délégation (Ausschuss) de la représentation populaire, donc du parlement qui lui-même est une pure délégation du peuple (…) » (en italique dans le texte). [↩]
- Le principe démocratique, tel qu’il existe dans le système constitutionnel actuel, n’est pas seulement le gouvernement du peuple, mais exige l’existence de débats ouverts, d’une confrontation d’idées et d’opinions. Un État, dont le gouvernement est dominé par un seul ou dont le système prône la domination d’un parti unique, où l’alternative a disparu du paysage politique (on peut ici penser aux républiques « satellites » de l’ex-URSS en Europe de l’Est où, malgré l’organisation d’élections prétendument démocratiques, le choix n’était qu’un simulacre car l’électeur obligé de donner sa voix à un seul parti), ne respecte pas le principe démocratique mais représente une illusion de système démocratique – en pervertissant les pratiques démocratiques, il instaure un régime totalement opposé aux valeurs de la démocratie. En ce sens, Peter Badura, Staatsrecht. Systematische Erläuterung des Grundgesetzes für die Bundesrepublik Deutschland, 2e édition, C.H. Beck’sche Verlagsbuchhandlung, München, 1996, p. 235. [↩]
- Élisabeth Zoller, Introduction au droit public, 1e édition, Dalloz, 2006, p. 123 et suiv. Les États-Unis d’Amérique, où le principe de la responsabilité politique est mis de côté au profit de la pratique de l’impeachment, qui, bien que représentant une procédure à caractère pénal, contient une coloration politique. [↩]
- Sur ce point, Hans Meyer, Das parlamentarische Regierungssystem des Grundgesetzes, VVDStRL, n°33, Walter de Gruyter, 1975, p. 74-75, note n°18 : « Art. 79 III schreibt die Demokratie des Art. 20 und die dort normierte organisatorische Grobstruktur wie die Notwendigkeit besonderer Organe der Gesetzgebung, der vollziehenden Gewalt und der Rechtsprechung fest, nicht aber die organisatorische Ausformung etwa in Art. 38 oder 39 GG (…) ». Meyer va plus loin encore en affirmant que ni le libre mandat des députés, ni le principe de la démocratie représentative ne sont protégés par l’article 79, alinéa 3 LF. [↩]
- Article 20, alinéa 2 LF, deuxième phrase : « Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations et par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ». [↩]
- Ernst-Wolfgang Böckenförde, Die Organisationsgewalt im Bereich der Regierung. Eine Untersuchung zum Staatsrecht der Bundesrepublik Deutschland, Schriften zum Öffentlichen Recht, vol. 18, Duncker & Humblot, Berlin, 1964, p. 79 : « Im demokratischen Verfassungsstaat hingegen ist jede Funktion demokratisch, steht auf der Grundlage der demokratischen Verfassung. Sie wird durch die Verfassung allererst konstituiert, aber eben dadurch auch demokratisch legitimiert ». [↩]
- BVerfGE 49, 89 « Kalkar I » du 8 août 1978, p. 125 : « Die konkrete Ordnung der Verteilung und des Ausgleichs staatlicher Macht, die das Grundgesetz gewahrt wissen will, darf nicht durch einen aus dem Demokratieprinzip fälschlich abgeleiteten Gewaltenmonismus in Form eines allumfassenden Parlamentsvorbehalts unterlaufen werden. Aus dem Umstand, daß allein die Mitglieder des Parlaments unmittelbar vom Volk gewählt werden, folgt nicht, daß andere Institutionen und Funktionen der Staatsgewalt der demokratischen Legitimation entbehrten. Die Organe der gesetzgebenden, vollziehenden und der rechtsprechenden Gewalt beziehen ihre institutionelle und funktionelle demokratische Legitimation aus der in Art. 20 Abs. 2 GG getroffenen Entscheidung des Verfassungsgebers ». Dans le même sens, BVerfGE 68, 1 « Atomwaffenstationierung » du 17 juillet 1984, p. 87, ou encore BVerfGE 98, 218 « Rechtschreibreform » du 12 mai 1998, p. 252. [↩]
- Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, op.cit., p. 247, emploie le superlatif « oberste » (suprême) pour désigner la place du Bundestag dans le système constitutionnel allemand. Mais « central » et « suprême » ne sont pas des termes synonymes, et il convient de se demander si le Bundestag n’est pas au sommet d’une hiérarchie organique basée sur le degré de légitimité, hiérarchie que la Cour, en apparence, n’admet pas. [↩]
- « L’ordre constitutionnel des Länder doit être conforme aux principes d’un État de droit républicain, démocratique et social, au sens de la présente Loi fondamentale. (…) ». Après la révision constitutionnelle du 21 décembre 1992, l’article 23 LF relatif à l’Union européenne dispose que « pour l’édification d’une Europe unie, la République fédérale d’Allemagne concourt au développement de l’Union européenne qui est attachée aux principes fédératifs, sociaux, d’État de droit et de démocratie (…) » (Luc Heuschling, État de droit, Rechtsstaat, Rule of Law, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des Thèses, 2002, p. 146). [↩]
- Eberhard Schmidt-Aßmann, « Der Rechtsstaat », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 2 (Verfassungsstaat), 3e édition, 2004, p. 542 : « À la fin du 18e et au début du 19 siècle, le concept [d’État de droit] apparut d’abord comme un programme de limitation du pouvoir » (« Der Begriff ils als staatseingrenzendes Programm an der Wende vom 18. Zum 19. Jahrhundert entstanden »). L’idée d’État de droit est étroitement liée, au XIXe siècle allemand, à la garantie des droits des citoyens (voir supra, cette partie, titre 1er, chapitre 1er, section 2, § 2). [↩]
- Eberhard Schmidt-Aßmann, « Der Rechtsstaat », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 2 (Verfassungsstaat), 3e édition, 2004, p. 552 : « Als formeller Rechtsstaat gilt ein Staat, der die Gewaltenteilung, die Unabhängigkeit der Gerichte, die Gesetzesmäßigkeit der Verwaltung, Rechtsschutz gegen Akte öffentlicher Gewalt und eine öffentlich-rechtliche Entscheidung als unverzichtbare Institute anerkannt (…) » ; p. 565 : « Systematisch ist das Rechtsstaatsprinzip als subjektive Staatsordnung und als objektive Funktionenordnung zu entfalte. (…) Im Zentrum der objektiven Funktionenordnung (…) steht die Gewaltenteilung ». [↩]
- Katharina Sobota, Prinzip Rechtsstaat, Mohr Siebeck, Tübingen, 1997, p. 403-404 : « Die wichtigsten seiner Elemente seien bereits positives Recht (…). Der Grundsatz der Gewaltenteilung wird jedoch vom Grundgesetz nicht ausdrücklich ausgesprochen. In Art. 20 Abs. 2 Satz 2 und Abs. 3 findet er lediglich Anklagung ». [↩]
- Critique sur la classification de la séparation des pouvoirs comme élément constitutif de l’État de droit : Philip Kunig, Das Rechtsstaatsprinzip. Überlegungen zu seiner Bedeutung für das Verfassungsrecht der Bundesrepublik Deutschland, Mohr Siebeck, Tübingen, 1986, p. 76 : « Zudem ist (…) zweifelhaft, ob “Gewaltenteilung”, wie sie das Grundgesetz vorsieht, (…) durch “Rechtstaatlichkeit” geboten ist » ; p. 122 : « Die Lehrdarstellungen und die kommentare zum Grundgesetz beschreiben also den Inhalt des Rechtsstaatsprinzips, indem sie teilweise auf geschriebenes Verfassungsrecht Bezug nehmen, teilweise – ganz offensichtlich und zumindest explizit in Anlehnung an die Rechtsprechung des Bundesverfassungsgerichts – Untertopoi formulieren, deren Geltungsgrund sie in einem allgemeinen Rechtsstaatsprinzip sehen (…) Besonders häufig sind die Aussagen, Rechtsstaatlichkeit bedeute (…) Gewaltenteilung, -trennung, -kontrolle (…). Ob diese Normen, die ihre Geltungsgrundlage schon in geschriebenen Recht finden, von einem allgemeinen Rechtsstaatsprinzip mit umfaßt sind, wird dabei durchweg nicht problematisiert ». Pour l’autonomie normative du principe, voir également Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1999, p. 207 et suiv. [↩]
- On ne compte pas moins de 142 éléments composant l’État de droit chez Katharina Sobota, et la liste n’est pas exhaustive. [↩]
- Luc Heuschling, État de droit, Rechtsstaat, Rule of Law, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des Thèses, 2002, p. 151. [↩]
- BVerfGE 30, 1 « Abhörurteil » du 15 décembre 1970, p. 24: « Auch in Art. 20 GG sind mehrere Grundsätze niedergelegt, nicht jedoch ist dort “niedergelegt” das “Rechtsstaatsprinzip”, sondern nur ganz bestimmte Grundsätze des Rechtsstaatsprinzips : in Absatz 2 der Grundsatz der Gewaltenteilung und Absatz 3 der Grundsatz der Bindung der Gesetzgebung an die verfassungsmäßige Ordnung, der vollziehenden Gewalt und der Rechtsprechung an Gesetz und Recht ». [↩]
- Sur le fédéralisme: Gerhard Anschütz, « Der deutsche Föderalismus », in VVDStRL, De Gruyter, Berlin/Leipzig, 1924, p. 11-32; Peter Lerche, « Föderalismus als nationales und internationales Ordnungsprinzip », in VVDStRL, De Gruyter, Berlin, 1964, p. 66-101; Thorsten Ingo Schmidt, « Der Bundesrat. Geschichte, Struktur, Funktion » (p. 651-689), Christian Starck, « Idee und Struktur des Föderalismus im Lichte der Allgemeinen Staatslehre » (p. 41-55), in Ines Härtel (éd.), Handbuch Föderalismus– Föderalismus als demokratische Rechtsordnung und Rechtskultur in Deutschland, Europa und in der Welt, vol. 1 (Grundlagen des Föderalismus und der deutsche Bundesstaat), Springer, Berlin, 2012 ; ou encore l’essai de Konrad Hesse, Der unitarische Bundesstaat, C. F. Müller, Heidelberg, 1962. [↩]
- Konrad Hesse, Grundzüge des Verfassungsrechts der Bundesrepublik Deutschland, 20e édition, 1999, C.F. Müller, Heidelberg, p. 97 : « (…) bezeichnet als politisches Grundprinp die freie Einigung von differenzierten, grundsätzlich gleichberechtigten, (…) regionalen politischen Gesamtheiten, die auf die Weise zu gemeinschaftlichem Zusammenwirken verbunden werden sollen. (…) politishe Einheit zu bilden (…) ohne die Besonderheit der Glieder aufzuheben (…) ». [↩]
- Adolf Merkl, « Zum rechtstechnischen Problem der bundesstaatlichen Kompetenzverteilung », Zeitschrift für öffentliches Recht (1921), réimpression dans Hans Klecatsky/René Marcic/Herbert Schambeck (éd.), Die Wiener Rechtstheoretische Schule. Schriften von Hans Kelsen, Adolf Merkl, Alfred Verdroß, vol. 2, 1968, p. 1594. [↩]
- Reinhold Zippelius/Thomas Würtenberger, Deutsches Staatsrecht, 32e édition, C.H. Beck, München, 2008, p. 146 : « (…) alle Teilfunktionen die volle deutsche Staatsgewalt bilden ». [↩]
- Reinhold Zippelius/Thomas Würtenberger, Deutsches Staatsrecht, op.cit., p. 146 : « (…) übermächtigen Einheitsbürokratie ». [↩]
- Constance Grewe, « Le droit constitutionnel allemand dans la science juridique française », in Olivier Beaud/Erk Volkmar (dir.), Eine deutsch-französische Rechtswissenschaft ? – Une science juridique franco-allemande ?, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1999, p. 221-235, spécialement p. 231. [↩]
- BVerfGE 12, 205 « 1. Rundfunkentscheidung » du 28 février 1961, p. 229 : « Diese Grundentscheidung (…) die (…) eine Entscheidung zugunsten des föderalistischen Staatsaufbaus im Interesse einer wirksamen Teilung der Gewalten ist (…) ». [↩]
- BVerfGE 55, 274 « Berufsausbildungsabgabe » du 10 décembre 1980, p. 318-319 : « Die (…) Kompetenzaufteilung ist eine wichtige Ausformung des bundesstaatlichen Prinzips im Grundgesetz und zugleich ein Element zusätzlicher funktionaler Gewaltenteilung. Sie verteilt politische Macht und setzt ihrer Ausübung einen verfassungsrechtlichen Rahmen, der diese Machtverteilung aufrechterhalten und ein Zusammenwirken der verschiedenen Kräfte sowie einen Ausgleich widerstreitender Belange ermöglichen soll ». [↩]
- Article 30 LF : « L’exercice des pouvoirs étatiques et l’accomplissement des missions de l’État relèvent des Länder, à moins que la présente Loi fondamentale n’en dispose autrement ou n’admette un autre règlement ». [↩]
- Olivier Beaud, Théorie de la fédération, PUF, coll. Léviathan, 2007, p. 404-406 : « (…) par l’étendue de ses compétences, qui dépasse de loin celle d’un Sénat américain ou du Conseil des États suisse, le Bundesrat apparaît comme l’autorité fédérale prédominante dans le Reich. (…) Bismarck défend (…) l’idée d’une sorte de Souverain collectif, fondé sur l’exercice en commun du pouvoir fédéral, et un tel Souverain n’est autre que le Bundesrat, sorte de Directoire des princes de l’Allemagne. (…) ». [↩]
- Armel Le Divellec, Le gouvernement parlementaire en Allemagne. Contribution à une théorie générale, LGDJ, 2004, p. 486. [↩]
- Michael Sachs, « Das parlamentarische Regierungssystem und der Bundesrat – Entwickelungsstand und Reformbedarf », VVDStRL, n°58, 1999, p. 39 et suiv. [↩]
- Article 51, alinéa 3 LF : « Chaque Land peut déléguer autant de membres qu’il a de voix. Les voix d’un Land ne peuvent être exprimées que globalement et seulement par des membres présents ou leurs suppléants ». Sur la spécificité du vote : Olivier Beaud, Théorie de la fédération, PUF, coll. Léviathan, 2007, p. 419. [↩]
- Le Conseil fédéral n’est pas la deuxième chambre du Parlement allemand. Il n’est pas une assemblée parlementaire. Le seul Parlement que la Loi fondamentale connaisse, c’est le Bundestag. Sur ce point, voir : Deuxième partie, titre 1er, chapitre 1er, section 1, § 1. [↩]
- De manière générale, on se reportera à la contribution de Matthias Jestaedt, « Bundesstaat als Verfassungsprinzip », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 2, 3e édition, C.F.Müller, Heidelberg, 2004, p. 821 et suiv. [↩]
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