La signification et la construction progressive du principe de la séparation des pouvoirs sont les deux éléments qui permettent de faire une tentative de compréhension. Par l’analyse historique du principe, on ne vise pas à présenter de manière détachée l’histoire linéaire d’un principe qui se meut dans un espace dont les confins sont formés par l’adoration aveugle (des révolutionnaires) et le rejet frénétique des théoriciens libéraux et conservateurs qui martèlent, presqu’unanimes, que le principe de la séparation importerait la souveraineté nationale et que cela signifierait la fin de l’État et de son pouvoir unitaire. Tous ces discours trahissent l’idéologie confessée par leurs auteurs. Le principe de la séparation des pouvoirs, présenté comme arme de destruction massive de l’ordre monarchique ancré dans les mentalités, sert à mieux asseoir selon laquelle il n’y aurait qu’un seul pouvoir, celui du monarque qui ne peut être point divisé, mais, dans le meilleur des cas fait l’objet d’un partage, dans son exercice, entre le monarque et les assemblées. Or, il est bien clair que, quand Gerber et Laband répètent que le principe de la séparation des pouvoirs n’est pas compatible avec le caractère unitaire de l’État, les chantres du positivisme visent un État concret, leur État monarchique allemand. Si ces développements présentent un intérêt, il réside dans la nécessité d’arrêter de classer le principe de la séparation des pouvoirs quelque part dans le long récit mythologique des concepts sans pouvoir le comprendre. Il convient de cesser de s’attacher de manière féroce à l’idée selon laquelle il y aurait un seul principe qui se comporterait de la même manière dans n’importe quelles circonstances constitutionnelles. Le principe est un instrument concret, en l’espèce un outil qui permet de rationaliser le pouvoir et de l’organiser en poursuivant la réalisation d’un gouvernement modéré.
Lorsque le juge interprète le principe, il dessine précisément cette image. L’image d’un système de mécanismes concret qui identifient une norme fonctionnelle permettant de sanctionner les violations de la configuration constitutionnelle des pouvoirs. Mais la sanction n’est ni générale, ni absolue, car il faut préserver une sphère de libre activité laissée à la discrétion de chacun des organes investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Analyser le bagage historique du principe et accéder à l’interprétation du juge ne permet pas encore d’accéder à la compréhension globale. Il est nécessaire d’analyser certains aspects du système constitutionnel de la séparation des pouvoirs afin d’avoir une vue d’ensemble mettant en exergue les aspérités dans l’application, mais aussi les limites qui se posent devant le principe « porteur » de la Loi fondamentale.