L’expression « affaires extérieures » (auswärtige Gewalt) ne désigne pas, contrairement à ce que pourrait laisser penser sa traduction littérale, un pouvoir autonome, existant à côté de la triade classique1. Les « affaires extérieures » sont « la somme des compétences »2 attribuées à différents organes relevant des pouvoirs législatif ou exécutif. La notion générale subit une évolution importante depuis la Deuxième guerre mondiale : dans les années 1950 elle se contente de signifier la maîtrise des conséquences de la guerre, le rétablissement de la souveraineté de l’État allemand et l’intégration au processus de conclusion de traités internationaux contribuant à la reconstruction du monde occidental3. L’article 73 LF définit les compétences législatives exclusives de la Fédération dans le domaine des « affaires extérieures »4. Par conséquent, l’expression englobe aujourd’hui les compétences constitutionnelles relatives aux relations avec d’autres États ou entités de droit international56. La finalité « extérieure » de la « auswärtige Gewalt » ne veut pas dire que son exercice n’a pas d’effets immédiats sur la configuration interne des compétences des organes constitutionnels. Avec l’évolution de la notion de politique étrangère, on observe l’apparition des discussions relatives à « l’étendue de la participation du Parlement à la concrétisation des compétences du pouvoir exécutif en la matière »7. Le domaine illustre parfaitement les tensions entre le Gouvernement fédéral et Parlement, car la question de savoir s’il s’agit d’une compétence exclusive exécutive ou bien la compétence partagée est toujours d’actualité8 (Section 1). Les solutions jurisprudentielles incertaines ne permettent pas de véritablement répondre à l’interrogation, mais esquissent un début de systématisation (Section 2).
- Kay Hailbronner, « Kontrolle der auswärtigen Gewalt », VVDStRL, n°56, De Gruyter, Berlin/New York, 1997, p. 9 : « Die auswärtige Gewalt ist keine eigenständige, gegenständlich abgrenzbare Gewalt im Sinne der Gewaltentrennung, sondern eine Sammelbezeichnung für Zuständigkeiten staatlicher Organe im Bereich der auswärtigen Beziehungen ». Sur la notion et l’absence d’un « pouvoir » ; Wilhelm Grewe, « Die auswärtige Gewalt der Bundesrepublik », VVDStRL, n°12, De Gruyter, Berlin, 1954, p. 130-131. [↩]
- Udo di Fabio, « Gewaltenteilung », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 2 (Verfassungsstaat), 3e édition, C.F.Müller, Heidelberg, p. 646 : « Die Rede von der auswärtigen Gewalt will zwar nicht das Dreiteilungsschema von Legislative, Exekutive und Judikative erweitern, aber als Sammelbezeichnung für Zuständigkeiten staatlicher Organe im Bereich der auswärtigen Beziehungen doch eine Sonderhabung innerhalb dieses Schemas beanspruchen ». Plus clair : Martin Nettesheim, « Verfassungsbindung der auswärtigen Gewalt », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, vol. 13 (Internationale Bezüge), 3e édition, C.F. Müller, Heidelberg, 2013, p. 569 : « Der Begriff “auswärtige Gewalt” (…) erfaßt alle an der Außentätigkeit der Bundesrepublik beteiligten Organe ». [↩]
- Kay Hailbronner, « Kontrolle der auswärtigen Gewalt », VVDStRL, n°56, De Gruyter, Berlin/New York, 1997, p. 8 et suiv. Voir également les contributions de Wilhelm Grewe et d’Eberhard Menzel sur le sujet : « Die auswärtige Gewalt der Bundesrepublik Deutschland », VVDStRL, n°12, Walter de Gruyter, Berlin, 1954 ; ou encore : Wilhelm Grewe, « Auswärtige Gewalt », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutchland, vol. 3, 1e édition, C.F. Müller, Heidelberg, 1988, p. 921-975. De manière générale : Ulrich Fastenrath, Kompetenzverteilung im Bereich der auswärtigen Gewalt, C.H. Beck, München, 1986. [↩]
- Article 73 LF relatif à la compétence législative exclusive de la Fédération dispose que la Fédération a la compétence législative exclusive dans le domaine des « affaires étrangères ainsi que défense y compris la protection de la population civile » (« die auswärtigen Angelegenheiten sowie die Verteidigung des Schutzes der Zivilbevölkerung »). Originairement, la phrase ne comportait que « les affaires étrangères », mais suite à la révision du 26 mars 1954 entrée en vigueur le 6 mai 1955 la défense et la protection de la population civile furent ajoutées. [↩]
- BVerfGE 33, 52 « Zensur » du 25 avril 1972, p. 60 : « Auswärtige Angelegenheiten im Sinne dieser Grundgesetzvorschrift sind nur die Beziehungen, die sich aus der Stellung der Bundesrepublik als Völkerrechtssubjekt zu anderen Staaten ergeben ». [↩]
- Rudolf Geiger, Grundgesetz und Völkerrecht, 2e édition, C.H. Beck, München, 1994, p. 118. Selon Geiger, le terme d’affaires extérieures ou étrangères est parfois considéré comme restrictif, car ne prenant pas en compte toute une série d’actes qui relèvent du droit international – les activités transnationales des communes et des villes, des personnes privées ou même les programmes d’échanges interuniversitaires. [↩]
- Martin Nettesheim, « Verfassungsbindung der auswärtigen Gewalt », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, t. 13 (Internationale Bezüge), 3e édition, C.F. Müller, Heidelberg, 2013, p. 560 : « Seit den 1950er Jahren wird darüber diskutiert, in welchem Umfang das Parlament an der Wahrnehmung auswärtiger Befugnisse der Gunbernative teilhaben beanspruchen kann ». [↩]
- Car identifier une activité comme relevant du domaine de la politique étrangère n’entraîne pas encore le régime juridique des coméptences des organes concernés. Dans ce sens, Martin Nettesheim, « Verfassungsbindung der auswärtigen Gewalt », in Josef Isensee/Paul Kirchhof (dir.), Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland, t. 13 (Internationale Bezüge), 3e édition, C.F. Müller, Heidelberg, 2013, p. 569 : « Allein aus der Zuordnung einer Materie zur auswärtigen Gewalt ergibt sich im übrigen noch keine Rechtsfolge (…) ». [↩]