Division. — La matière des contrats est peut-être celle où les règles de compétence sont les plus complexes. Rien n’est plus varié, en effet, que la nature et l’objet des conventions dans lesquelles l’administration peut être intéressée. D’un autre côté, l’administration ne contracte pas toujours en la même qualité ; tantôt elle agit pour la gestion de biens productifs de revenus et dépendant du domaine privé de l’État, des départements ou des communes ; tantôt comme autorité préposée à la gestion des services publics ; tantôt enfin comme puissance publique faisant des actes qui portent l’empreinte de cette puissance et qui ont en même temps un caractère contractuel.
Pour déterminer les juridictions qui ont compétence sur ces différents contrats, le législateur ne s’est pas toujours inspiré de vues d’ensemble et de doctrines juridiques bien arrêtées. Il a fait une part assez large à des considérations d’opportunité administrative qui l’ont plus ou moins impressionné selon les temps et les circonstances. Cependant, quelques idées générales se dégagent de la législation et de la jurisprudence.
On peut formuler les règles suivantes :
1° Lorsque l’administration agit pour la gestion de son domaine privé, c’est-à-dire des biens productifs de revenus qu’elle possède comme personne civile, les conventions qu’elle passe sont des contrats de droit commun du ressort des tribunaux judiciaires, à moins d’exceptions spécialement prévues par la loi. Ces exceptions sont rares et la jurisprudence répugne à les étendre.
2° Lorsque l’administration agit pour la gestion des services [588] publics, c’est encore l’autorité judiciaire qui est compétente en principe et sous réserve des exceptions légales ; mais ces exceptions sont nombreuses, elles peuvent résulter de dispositions générales de la loi aussi bien que de dispositions spéciales, et la jurisprudence se refuse moins à les étendre par voie d’analogie.
3° Enfin, quand l’administration agit comme puissance publique, et que l’accord de volontés survenu entre elle et des tiers n’est en quelque sorte que l’accessoire et la condition de l’acte administratif qu’elle accomplit, la compétence est administrative de plein droit, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, parce que l’acte de puissance publique est l’élément qui domine. Dans ce dernier cas seulement, le contrat est administratif par sa nature ; dans les deux autres il n’est administratif que par la détermination de la loi. (Voy. p. 7 et suiv.)
Étudions successivement ces trois catégories de contrats et les règles de compétence qui s’y rapportent.
I. — CONTRATS PASSÉS PAR L’ADMINISTRATION DANS L’INTÉRÊT DE SON DOMAINE PRIVÉ.
Les biens qui forment le domaine privé de l’État, des départements ou des communes sont des propriétés régies par la loi civile ; les conventions faites à leur occasion ne diffèrent pas, quant à leur nature juridique, de celles que peut faire un simple citoyen ; elles sont l’exercice des mêmes droits et relèvent des mêmes juges.
C’est pourquoi les contrats qui ont pour but l’exploitation et la mise en valeurs des biens domaniaux que l’État possède privativement, échappent à la compétence administrative, si des textes spéciaux ne les lui ont pas déférés.
On peut citer, à titre d’exemples, les contrats suivants :
Adjudications de coupes dans les forêts de l’État. — Le contentieux de ces adjudications relevait autrefois des maîtrises des eaux et forêts en vertu de l’ordonnance d’août 1669. Après la suppression de cette juridiction, on s’est demandé s’il ne devait pas être attribué aux conseils de préfecture comme rentrant dans le contentieux des domaines nationaux : la vente des coupes, disait-on, surtout [589] celles des futaies, est une vente de la superficie du domaine, qui doit être soumise aux mêmes règles que la vente même du fonds. Mais le Conseil d’État a toujours reconnu la compétence judiciaire (1. Conseil d’État, 11 décembre 1814, Baudoin ; — 23 février 1828, Guisse.), sauf dans le cas spécial prévu par l’article 26 du Code forestier qui attribuait aux conseils de préfecture toutes les contestations relatives à la validité des surenchères. Les surenchères ayant été abolies, et l’article 26 ayant été abrogé par la loi du 4 mai 1837, cette réserve n’existe plus aujourd’hui.
La même règle s’applique aux adjudications des produits accessoires des forêts : glands, herbages, etc., faisant l’objet des droits de glandée, panage et paisson prévus par l’article 53 du Code forestier.
Baux de chasse. — Les baux ayant pour objet le droit de chasse dans les forêts de l’État sont des contrats de droit commun. La compétence judiciaire s’exerce sur toutes les obligations qui incombent à l’État bailleur, notamment celle d’assurer au fermier de la chasse une paisible jouissance de la chose louée. Alors même que l’adjudicataire se plaindrait d’un trouble qui ne serait pas l’œuvre de l’État agissant comme propriétaire, mais celle de l’administration exerçant la puissance publique, l’action en résiliation, en réduction de prix, ou en dommages-intérêts n’en serait pas moins de la compétence exclusive des tribunaux. Cette solution a été consacrée par plusieurs décisions du Tribunal des conflits. Dans une affaire jugée le 21 mars 1891 (Cahen d’Anvers) l’adjudicataire se plaignait d’un trouble provenant de l’exploitation d’une carrière par l’administration dans la forêt louée ; dans une autre affaire jugée le 29 novembre 1884 (Jacquinot) la question pouvait paraître plus délicate parce qu’il s’agissait d’un trouble causé non par l’administration des domaines représentant l’État propriétaire, mais par l’autorité militaire qui avait fait procéder à des manœuvres de troupes et à des exercices de tir dans la forêt domaniale ; l’administration soutenait que la réclamation ne pouvait être portée que devant le ministre de la guerre, sauf recours au Conseil d’État ; mais le Tribunal des conflits a décidé que « le bail étant un contrat [590] de droit commun, les contestations auxquelles son exécution peut donner lieu entre l’administration et l’adjudicataire sont de la compétence de l’autorité judiciaire, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par une disposition formelle de la loi, et que cette compétence, dérivant de la nature même du contrat, ne peut être modifiée par le caractère des faits qui auraient causé la privation partielle ou totale de jouissance alléguée par le demandeur. »
A peine est-il besoin d’ajouter que la compétence judiciaire ne saurait être mise en échec par une clause du cahier des charges d’un bail de chasse qui attribuerait compétence au ministre ou au conseil de préfecture. Les cahiers des charges ne peuvent en effet déroger aux règles de la compétence ratione materiæ (1. Conseil d’État, 5 août 1887, commune de Divonne.).
Bâtiments et chemins d’exploitation. —Les marchés ayant pour objet la construction de bâtiments d’exploitation dans des domaines agricoles ou forestiers, ou la création de chemins destinés à faciliter cette exploitation et non à servir de voies publiques, ne sont pas des marchés de travaux publics relevant des conseils de préfecture ; ils sont du ressort des tribunaux comme s’ils étaient passés par des particuliers (2. La question serait plus délicate si ces domaines étaient affectés à un service public, soit comme établissements d’instruction, soit comme établissements pénitentiaires, et n’avaient pas ainsi le caractère exclusif de biens privés productifs de revenus.).
L’administration des forêts a cependant contesté la compétence judiciaire pour les travaux de construction et d’entretien des chemins destinés à faciliter l’exploitation des coupes.
Pendant longtemps elle a inséré, dans les marchés ayant ces chemins pour objet, des clauses stipulant la compétence du ministre, sauf recours au Conseil d’État ; elle se fondait sur ce que ces contrats, en admettant qu’ils ne fussent pas des marchés de travaux publics prévus par la loi du 28 pluviôse an VIII, constituaient tout au moins des marchés passés par un ministre pour le service de son département, et prévus par l’article 14 du décret du 11 juin 1806. Mais le Conseil d’État n’a pas admis cette opinion ; il a maintenu la compétence judiciaire (3. Conseil d’État, 2 mai 1873, ministre des finances c. Barliac.), à moins que les chemins forestiers [591] n’eussent en même temps le caractère de voies publiques destinées à la circulation générale ou locale. Dans ce cas, l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII deviendrait applicable, et le conseil de préfecture serait compétent (1. Conseil d’État, 3 juillet 1852, Mercier.).
Baux de pêche. — A l’égard des adjudications de droits de pêche dans les cours d’eau navigables, un doute aurait pu naître de ce que ces cours d’eau dépendent du domaine public, et non du domaine privé de l’État ; or la concession de droits de jouissance sur le domaine public constitue, en général, un acte administratif en forme contractuelle, et non un bail proprement dit. Mais on a reconnu que si le cours d’eau lui-même, c’est-à-dire l’eau courante et son lit, fait partie du domaine public, il n’en est pas de même du droit de pêche qui représente un bien incorporel d’une nature spéciale, productif de revenu et susceptible de figurer dans le domaine privé. La loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale (art. 4) a d’ailleurs tranché la question en disposant que « les contestations entre l’administration et les adjudicataires relatives à l’interprétation et à l’exécution des baux et adjudications, et toutes celles qui s’élèveraient entre l’administration et ses ayants cause et des tiers intéressés à raison de leurs droits ou de leurs propriétés seront portées devant les tribunaux ». En conséquence, toutes les réclamations dirigées contre l’État à raison d’un trouble de jouissance, quelle qu’en soit la cause, doivent être portées devant les tribunaux (2. Tribunal des conflits, 11 décembre 1875, Maisonnabe.).
Les exemples qui précèdent suffisent pour montrer l’application de la règle. Voyons maintenant les exceptions.
Baux de sources minérales. — Des dispositions spéciales de l’arrêté des consuls du 3 floréal an VIII (art. 1 et 2) ont créé la compétence administrative pour les baux des sources minérales appartenant à l’État. D’après ces textes, le produit des sources « appartenant à la République » doit être adjugé aux enchères par les soins des préfets ; « à défaut de paiement du prix du bail ou de [592] l’exécution des clauses y contenues, il pourra être résilié par le conseil de préfecture et réadjugé à la folle enchère du fermier ».
Bien que le texte ne vise que l’action en résiliation, on a admis que le contentieux du contrat ressortit tout entier au conseil de préfecture. Mais la jurisprudence du Conseil d’État s’est toujours refusée à étendre la compétence administrative aux baux de sources minérales appartenant aux départements et aux communes. L’arrêté du 3 floréal an VIII ne vise en effet que les sources appartenant « à la République », c’est-à-dire à l’État, et un arrêt du 4 décembre 1822 (hospice de Bagnères) a considéré cette disposition comme limitative.
L’opinion de l’administration était différente ; elle s’est efforcée de la faire prévaloir au moyen de dispositions insérées dans l’ordonnance du 18 juin 1823. Le titre III de cette ordonnance, relatif à « l’administration des sources appartenant à l’État, aux départements, aux communes et aux établissements charitables », contient un article 22 portant que « les clauses des baux stipuleront toujours que la résiliation pourra être prononcée immédiatement par le conseil de préfecture en cas de violation du cahier des charges ».
Mais l’ordonnance de 1823 ne pouvait pas être considérée comme ayant force de loi en matière de compétence, l’ordre des juridictions ne pouvant être réglé que par le législateur et non par le pouvoir exécutif (1. On aurait pu faire la même objection à l’arrêté des consuls du 3 floréal an VIII, mais on sait que d’après la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation, les arrêtés consulaires et les décrets impériaux, qui empiétaient sur le domaine législatif, mais qui n’avaient pas été déférés au Sénat comme inconstitutionnels, sont réputés avoir acquis force de loi.) ; à plus forte raison ne peut-il pas résulter des clauses d’un cahier des charges. Aussi le Conseil d’État a-t-il tenu pour non avenue, au point de vue des compétences, l’assimilation faite par l’ordonnance de 1823 entre les sources des départements et des communes et celles qui appartiennent à l’État. Il a maintenu pour les premières la compétence judiciaire, en se fondant sur ce que « aucune disposition législative n’attribue aux conseils de préfecture le pouvoir de statuer sur les contestations qui peuvent s’élever [593] au sujet de l’exécution des baux faits pour la location des eaux minérales appartenant aux communes (1. Conseil d’État, 20 juin 1861, Morel. — Un arrêt antérieur du 6 avril 1854, Bouville, avait cependant admis la compétence administrative pour le bail d’une source thermale appartenant à un département.) ».
Faut-il conclure du caractère spécial, attribué aux sources minérales de l’État par l’arrêté de l’an VIII, que les travaux faits pour leur exploitation sont des travaux publics relevant de la compétence administrative ? Nous ne le pensons pas, car ces sources dépendent du domaine privé de l’État. Quant à l’intérêt qui s’attache à leur exploitation au point de vue de la santé publique, il existe également pour toutes les sources minérales et thermales reconnues d’intérêt public, quels qu’en soient les propriétaires. Les dérogations à la compétence judiciaire ne devant pas être étendues par voie d’analogie quand il s’agit de conventions intéressant le domaine privé, il y a lieu d’appliquer à l’exploitation de ces sources la même règle qu’à l’exploitation des forêts, et de réserver aux tribunaux le contentieux des travaux qui s’y rapportent. A la vérité, le Conseil d’État a reconnu le caractère de travaux publics à la construction des routes dites « routes thermales », destinées à favoriser l’accès et à embellir le séjour des stations balnéaires (2. Conseil d’État, 8 mars 1836, Lafond.). Mais à peine est-il besoin de faire remarquer que les routes thermales ne desservent pas uniquement les sources, qu’elles s’étendent au delà des terrains possédés par l’État, qu’elles jouent un rôle important dans la circulation locale, et qu’elles ont à ce titre le caractère de véritables voies publiques.
On peut citer d’autres cas assez nombreux où des baux, ou bien des conventions spéciales qu’on a plus ou moins justement assimilées à des baux, relèvent de la compétence administrative. Mais lorsqu’on les passe en revue, on voit qu’ils ne concernent pas des biens exploités comme domaines privés productifs de revenus, mais des biens affectés à des services publics, et susceptibles de produire des redevances assimilables à des taxes, tels que les abattoirs, les halles, les marchés. A plus forte raison, ne faut-il pas confondre avec le contrat civil de bail, la mise en ferme de revenus publics, tels que les octrois, ni le droit donné à un concessionnaire de travaux [594] publics de percevoir des péages sur ceux qui font usage de l’ouvrage qu’il a construit, tel qu’un pont à péage, un chemin de fer, un canal. Ces conventions d’une nature particulière sont régies, selon les cas, soit par la législation des marchés ou des concessions, soit par des lois spéciales que nous avons mentionnées en traitant des attributions des conseils de préfecture (1. Voy. ci-dessus, page 365 et suiv.).
Baux de biens communaux, d’octroi, de droits de place, etc. — Nous réunissons ici différents contrats de location qui intéressent les communes et que l’on désigne sous la dénomination générale de baux, mais en faisant remarquer qu’il s’agit en réalité d’actes de nature différente, et qu’il peut en résulter certaines distinctions au point de vue de la compétence.
S’il s’agit de la location de biens communaux proprement dits, c’est-à-dire de biens dépendant du domaine privé de la commune, nul doute que le contentieux du contrat ne soit judiciaire par sa nature, comme il l’est pour l’État en pareil cas, et par à fortiori. Seulement, si la validité des contrats ressortit aux tribunaux, il n’en est pas de même de la validité des actes administratifs qui ont autorisé le contrat, délibérations du conseil municipal, décisions du bureau d’adjudication, approbation préfectorale, etc. Si ces derniers actes sont contestés il peut y avoir lieu, conformément aux règles ordinaires, à une question préjudicielle du ressort des tribunaux administratifs (2. Conseil d’État, 8 février 1889, Sargos. — Cf. ci-dessus, page 484.).
S’il s’agit non de biens du domaine privé de la commune, mais de biens affectés à un service public et susceptibles de produire des redevances assimilables à des taxes, tels que les abattoirs, les halles, les marchés, et à plus forte raison s’il s’agit d’affermer des revenus communaux tels que les octrois, on n’est plus en présence des baux prévus par le Code civil, mais de conventions d’une nature particulière qui peuvent être soumises par la loi à des règles spéciales de compétence.
Ces règles ont été déterminées par l’article 136 du décret du 17 mai 1809, qui a institué pour les baux d’octroi une compétence [595] mixte, étendue par la jurisprudence à la ferme des autres taxes communales. Cette compétence est judiciaire pour tout ce qui touche au contentieux du contrat (exécution, résiliation, indemnité, etc.). Mais elle est administrative en ce qui touche l’interprétation de ce contrat. D’après le décret de 1809, c’est au conseil de préfecture qu’il appartient de déterminer « le sens des baux ».
Cette dualité de compétence peut assurément être critiquée, et l’on comprend difficilement que l’autorité judiciaire, compétente pour prononcer une résiliation, pour allouer des indemnités à raison de l’inexécution de ce contrat, soit obligée de demander à la juridiction administrative l’interprétation de ce même contrat. Mais la jurisprudence a toujours considéré les dispositions du décret de 1809 comme impératives, et de récents arrêts du Conseil d’État en ont de nouveau consacré l’application (1. Conseil d’État, 13 mars 1891, Médiani ; — 17 avril 1891, commune de Saint-Justin.).
II. — CONTRATS PASSÉS PAR L’ADMINISTRATION DANS L’INTÉRÊT DES SERVICES PUBLICS
Le fait que l’administration contracte pour assurer un service public n’exclut pas, par lui-même, la compétence judiciaire. Celle-ci subsiste, en principe, car les marchés et les autres conventions passées en vue de services publics sont presque tous de simples actes de gestion et non des actes de puissance publique ; or, nous savons que les actes de puissance publique sont les seuls qui échappent de plein droit à la compétence judiciaire. Mais, si cette compétence est encore ici la règle, le législateur y a presque toujours dérogé quand il s’est agi de marchés et autres contrats intéressant les services publics.
Location et réquisition d’immeubles. — Parmi les contrats faits en vue des services publics, ceux pour lesquels la compétence judiciaire a été le mieux respectée par le législateur et le plus sévèrement maintenue par la jurisprudence, sont ceux qui intéressent la propriété foncière. Nous ne parlons plus ici des contrats [596] translatifs de propriété, sur lesquels nous nous sommes précédemment expliqués (1. Voy. ci-dessus, p. 553.), mais des autres conventions qui peuvent intervenir entre administration et le propriétaire d’un immeuble pour les besoins d’un service public.
Toute location d’immeuble en vue d’installer des ateliers ou manufactures de l’État, des services administratifs, des casernements de troupes, ressortit aux tribunaux judiciaires (2. Conseil d’État, 18 janvier 1855, Bourgoin ; — 30 avril 1868, Richard.). Ceux-ci peuvent appliquer à l’administration toutes les obligations que le Code civil impose aux locataires ordinaires, notamment celle d’indemniser le propriétaire en cas d’incendie, à moins que l’État locataire n’établisse que l’incendie est résulté du fait d’autrui ou de la force majeure (C. civ., art. 1733). Le Tribunal des conflits s’est prononcé en ce sens par une décision du 23 mai 1851 (Lapeyre) (3. Cette solution ne doit pas être étendue au cas où l’État ne serait pas personnellement locataire ; par exemple, s’il s’agissait d’une caserne de gendarmerie dont la location incombe au département ; ou bien si l’occupation d’un immeuble résultait d’une réquisition pour le logement de troupes. Dans ces cas, des dispositions particulières des lois des 8 juillet 1791 et 23 mai 1792 limitent la responsabilité de l’État au cas où il est justifié que l’incendie est imputable aux troupes ; c’est alors devant le ministre, sauf recours au Conseil d’État, que le propriétaire doit porter sa réclamation. (Cf. loi du 3 juillet 1877, art. 14 ; — Tribunal des conflits, 25 mars 1881, Cie la Providence ; — Conseil d’État, 9 février 1883, Cie la Providence.)).
La compétence ne change pas lorsque l’occupation d’un immeuble en vue d’un service public résulte d’une réquisition. La loi du 3 juillet 1877 (art. 26) a expressément attribué aux tribunaux le règlement de toutes les indemnités de réquisitions. Elle avait d’ailleurs été devancée, en ce qui touche les réquisitions d’immeubles, par le décret du Gouvernement de la Défense nationale du 12 novembre 1870, qui attribuait aux tribunaux la connaissance de toute difficulté relative à l’occupation d’ateliers requis pour les besoins de la défense, et par la jurisprudence du Tribunal des conflits et du Conseil d’État, qui avait assimilé la réquisition à une location forcée, et l’avait soumise aux mêmes règles de compétence (4. Tribunal des conflits, 11 janvier 1873, Péju ; — 11 janvier 1873, Joannon ; — Conseil d’État, 30 avril 1875, Société des deux Cirques.).
Toutefois, cette législation et cette jurisprudence ne seraient pas applicables aux occupations qui auraient le caractère de faits de [597] guerre, ou qui seraient le résultat de conventions diplomatiques. Les tribunaux judiciaires et administratifs seraient également incompétents pour connaître d’occupations de cette nature qui auraient le caractère d’actes de gouvernement échappant à toute juridiction contentieuse. Nous reviendrons sur ces questions en étudiant les limites des pouvoirs de juridiction à l’égard de l’autorité gouvernementale (1. Voy. tome II, livre IV, chapitre II, §§ 3 et 4.).
Marchés de travaux et de fournitures. — En dehors du cas où la propriété immobilière est en cause, le législateur a doté la juridiction administrative d’une compétence étendue en matière de contrats passés pour la gestion des services publics.
Rappelons d’abord deux grandes catégories de contrats : les marchés de travaux publics, prévus par la loi du 28 pluviôse an VIII, qui assortissent aux conseils de préfecture ; les marchés de fournitures prévus par le décret du 11 juin 1806, qui ressortissent au Conseil d’État par voie de recours contre les décisions des ministres.
Les marchés de travaux publics relèvent de la compétence administrative, quelle que soit l’administration intéressée : État, département, commune, colonie, fabrique paroissiale, consistoire ; quelquefois même lorsque les travaux ne sont l’œuvre d’aucune administration publique, mais touchent à des intérêts généraux : tels sont les travaux des associations syndicales autorisées et les entreprises de dessèchement de marais, prévus par les lois du 16 septembre 1807, du 21 juin 1865, du 29 décembre 1884. Cette catégorie de contrats comprend, en dehors des marchés et des concessions de travaux publics proprement dits, et en vertu d’une jurisprudence d’abord contestée mais aujourd’hui bien assise, des conventions de nature très diverse, savoir : les offres de concours en argent ou en terrains en vue de travaux publics, les marchés de distribution d’eau et de gaz dans les villes, les entreprises de nettoiement et de balayage, les marchés passés pour l’entretien et le travail des détenus dans les prisons.
[598] Dans les marchés de fournitures sont compris tous les marchés d’approvisionnement, de fabrication, de transport passés pour le compte de l’État ou des colonies, mais non ceux qui sont passés pour le compte des départements ou des communes. A la vérité, les principaux marchés de fournitures intéressant les communes relèvent aussi des tribunaux administratifs, depuis que les marchés d’éclairage, de distribution d’eau, de balayage, de pompes funèbres, ont été assimilés à des marchés de travaux publics ; mais ils n’en relèvent qu’en vertu de cette assimilation, et non à titre de marchés de fournitures.
Contrats relatifs à la Dette publique. — En dehors des contrats que des textes spéciaux ont prévus, et de ceux que la jurisprudence leur a assimilés, il existe beaucoup d’autres contrats auxquels on a reconnu un caractère administratif en vertu des principes généraux qui régissent la Dette publique et les engagements du Trésor. Ces principes reposent encore aujourd’hui sur la loi du 17 juillet 1790 par laquelle l’Assemblée nationale « décrète comme un principe constitutionnel que nulle créance sur le Trésor public ne peut être admise parmi les dettes de l’État qu’en vertu d’un décret de l’Assemblée nationale », et sur la loi du 26 septembre 1793, aux termes de laquelle « toutes les créances sur l’État seront réglées administrativement ». Nous nous sommes déjà expliqués, en traitant des attributions des ministres comme liquidateurs des dettes de l’État, sur la force légale toujours inhérente à ces textes (1. Voy. ci-dessus, p. 198 et suiv., 432 et suiv.).
La jurisprudence a modéré les applications souvent excessives que ces lois ont reçues à l’origine ; elle a combiné sur plusieurs points les principes de compétence qu’elles ont posés, avec d’autres principes également vrais et plus favorables à la compétence judiciaire ; mais elle les a laissés subsister dans toute leur force, quand il s’est agi de la Dette publique proprement dite et des contrats qui s’y rattachent.
Le plus important de ces contrats est celui qui intervient entre l’État et ses créanciers sous la forme de constitution de rentes perpétuelles ou amortissables. Le ministre des finances, gardien du [599] grand-livre de la Dette publique, prononce, sauf recours au Conseil d’État, sur toutes les contestations auxquelles peuvent donner lieu l’émission et la répartition des rentes émises par souscription publique, la délivrance des titres, le paiement des arrérages, le remboursement des titres amortis.
La compétence administrative n’est limitée, en cette matière, que par le droit qui appartient aux tribunaux judiciaires de statuer sur les questions de propriété et sur les conventions de droit commun dont les rentes peuvent être l’objet. Ces tribunaux ont seuls qualité pour connaître de tous les actes translatifs de la propriété des rentes : ventes, successions, donations, apport en société, etc. ; de tous les cas d’inaliénabilité se rattachant au droit civil, tels que la dotalité, l’incessibilité stipulée par le testateur. Aucune de ces questions ne peut, en effet, affecter les rapports de l’État avec son créancier, qui dispose librement de sa créance sur le Trésor. Mais la compétence administrative reprend ses droits dès que les conventions intervenues entre particuliers doivent se traduire sur le grand-livre. C’est pourquoi le transfert est une opération administrative, qui se distingue de toutes les mutations civiles qui peuvent y donner lieu, et qui rentre exclusivement dans les attributions du ministre des finances. Les tribunaux, compétents pour faire l’attribution de la rente, ne le sont pas pour statuer sur le transfert ; les contestations auxquelles peuvent donner lieu les décisions ministérielles rendues en cette matière ne peuvent être portées que devant le Conseil d’État (1. Conseil d’État, 11 mars 1813, Lepellelier de Morlefontaine ; — 17 juillet 1843, Debrée ; — 5 janvier 1847, Dutreich. — Voy. Dareste, la Justice administrative, p. 365 ; Perriquet, les Contrats de l’État, p. 422.).
Nous avons déjà eu occasion de signaler une conséquence importante de cette règle en ce qui touche les attributions de rentes aux créanciers des titulaires. Le principe de l’insaisissabilité des rentes importe trop au crédit public, il se rattache trop étroitement au contrat passé entre l’État et ses créanciers, pour que son application ait pu être abandonnée aux tribunaux judiciaires. Aussi le ministre des finances, appelé à réaliser une mutation de rente au moyen d’un transfert, a-t-il toujours le droit de rechercher si le [600] transfert est requis par le propriétaire du titre ou par un de ses créanciers, et de refuser de l’opérer dans ce dernier cas (1. Voy. ci-dessus, page 509 et les arrêts cités.).
Pour le paiement des arrérages, la règle de compétence est la même que pour le transfert du titre. Ce paiement constitue l’exécution du contrat entre l’État et le rentier, et il n’appartient qu’au ministre, sauf recours au Conseil d’État, de prononcer sur les difficultés auxquelles il pourrait donner lieu, et sur celles qui naîtraient d’oppositions faites sur ces arrérages. De telles questions, dit un décret sur conflit du 23 juin 1846 (de Rancy), sont de la compétence de l’autorité administrative, « comme se rattachant à l’ordonnancement et au paiement des arrérages d’une partie de la Dette publique. »
Il en est de même de la conversion des rentes. La question de savoir si certaines catégories de titres tombent ou non sous l’application d’une loi de conversion ressortit exclusivement à la juridiction administrative, ainsi que les difficultés relatives à l’opération même de la conversion, à la délivrance des nouveaux titres et au paiement des soultes s’il y a lieu (2. Conseil d’État, 7 décembre 1884 (Caisse Lafarge).).
Les contrats qui ont pour objet la dette consolidée ne sont pas les seuls auxquels les lois générales de 1790 et de 1793 imposent un caractère administratif. Il en est de même de ceux qui ont pour objet la dette remboursable, les obligations trentenaires, sexennaires, ou à court terme, qui peuvent être émises dans des circonstances déterminées. Toutefois, s’il s’agissait de subventions dues à des concessionnaires de travaux publics de l’État, en vertu de l’acte de concession, la compétence, sans cesser d’être administrative, n’appartiendrait plus au ministre, mais au conseil de préfecture, d’après l’article 4 de la loi de pluviôse an VIII (3. Voy. tome II, livre V, chapitre I.).
Opérations de trésorerie. — Par application des mêmes principes, les tribunaux judiciaires sont incompétents sur toutes les difficultés auxquelles peuvent donner lieu les opérations de trésorerie. Ces opérations ont beaucoup d’analogie avec des opérations [601] de banque. Elles consistent principalement dans l’émission d’un papier à courte échéance, les bons du Trésor, que le ministre des finances met en circulation dans la mesure autorisée par les lois annuelles de finances.
En émettant ce papier, susceptible d’escompte et transmissible par endossement, le ministre est un véritable banquier, mais un banquier administratif dont les engagements ne relèvent pas des tribunaux de commerce. C’est devant le ministre, sauf recours au Conseil d’État, que doivent être portées les contestations, entre le Trésor et le porteur, relatives au paiement des bons, au cautionnement à fournir pour obtenir le remboursement de ceux qui ont été détruits ou perdus, aux conditions dans lesquelles ce cautionnement peut être restitué (1. Conseil d’État, 31 juillet 1822, préfet de la Seine.). Les tribunaux judiciaires sont, au contraire, compétents sur les contestations entre porteurs et endosseurs, et sur les conventions auxquelles peut donner lieu, entre parties privées, le cautionnement à fournir en cas de perte du bon (2. Conseil d’État, 30 juillet 1850, Tilhard.).
On s’est demandé si la compétence administrative doit également s’appliquer aux traites que le caissier-payeur central du Trésor public, spécialement autorisé à cet effet, peut transmettre en paiement à un tiers. Le doute peut venir de ce que le décret du 11 janvier 1808 assimile ces traites à des lettres de change et leur rend applicables plusieurs dispositions du Code de commerce ; mais cette assimilation n’existe en réalité, d’après les termes mêmes du décret, que pour le délai de la prescription, pour le cautionnement à fournir par le propriétaire qui aurait obtenu paiement quoique les originaux des traites fussent adirés, et pour les règles de forme et de transmission tracées par les articles 155, 187 et 189 du Code de commerce. Il ne résulte pas de là que ces traites constituent des actes de commerce ; les dispositions du Code de commerce qui leur sont applicables ne prévoient rien sur la compétence, car elles s’appliquent également aux billets à ordre (art. 187, C. com.) qui ne sont des effets de commerce que s’ils expriment une dette commerciale. Or, les traites du caissier-payeur [602] central expriment une dette administrative ; elles constituent donc une opération de trésorerie, non une opération de commerce, et elles échappent à ce titre à la compétence judiciaire (1. Voir en ce sens un jugement du tribunal de commerce de la Seine du 27 octobre 1857 cité par MM. Dumesnil et Pallain, Traité de la législation du Trésor public, page 454.).
On doit considérer aussi comme des opérations administratives, et non comme des contrats de droit commun, les comptes courants du Trésor avec la Banque de France, avec les trésoriers-payeurs généraux, les marchés passés avec des banquiers pour placer entre leurs mains, moyennant le versement de capitaux déterminés, des titres que le Trésor a dans son portefeuille (2. Conseil d’État, 20 février 1869, Pinard. — Il s’agissait d’un traité par lequel un syndicat de banquiers s’engageait à verser 50 millions au Trésor, et recevait en échange 174,000 obligations mexicaines que le Trésor avait en portefeuille. « Le marché relatif à la négociation de ces obligations ne peut être assimilé, dit l’arrêt, à un acte de simple gestion du domaine de l’État, il constitue une opération de trésorerie, et il a été passé par le ministre des finances pour le service de son département. » L’arrêt vise à la fois les lois de 1790 et de 1793 sur la liquidation des dettes de l’État, et le décret du 11 juin 1806 sur les marchés passés par les ministres.).
Cautionnements. — C’est encore au principe de la liquidation administrative des dettes de l’État que doit être rattachée la compétence en matière de cautionnement. « L’acte qui autorise le remboursement du cautionnement, dit M. Dumesnil, engage l’État, le constitue débiteur d’une somme exigible, et il n’y a que le ministre ordonnateur qui puisse ainsi créer un titre contre l’État (3. Dumesnil et Pallain, op. cit., p. 231.). »
Les garanties que la loi impose aux comptables et aux officiers ministériels pour sûreté de leur gestion, aux fournisseurs et aux entrepreneurs comme gage d’une bonne exécution de leurs marchés, résultent plutôt d’un contrat de nantissement que d’un contrat de cautionnement, car elles consistent dans le dépôt de valeurs affectées à l’exécution des obligations, et non dans l’engagement personnel d’une caution. Toutefois, ce dernier mode de garantie est également usité en droit administratif : on en trouve des exemples dans la matière des marchés. Dans ce cas, l’engagement de la caution, relève de la compétence administrative comme celui de l’obligé principal ; mais cette compétence ne résulte pas ici du principe de [603] l’État débiteur, puisque l’État ne reçoit aucun dépôt et se borne à agir comme créancier ; elle se détermine d’après la nature du marché qui a exigé la constitution d’une caution.
La compétence n’est administrative, relativement aux cautionnements en numéraire, que s’il y a débat entre l’administration et le titulaire du cautionnement. En cas de contestation entre ce dernier et ses bailleurs de fonds, cessionnaires ou créanciers, la compétence est judiciaire parce qu’il s’agit alors de conventions privées auxquelles l’administration est étrangère. Il appartient donc aux tribunaux de statuer sur les réclamations ayant pour objet : — le privilège de premier ordre que l’article 1er de la loi du 25 nivôse an XIII et l’article 2102-7° du Code civil accordent aux parties lésées par des faits de charge ; — le privilège de second ordre que la même loi de l’an XIII et les décrets des 28 août et 22 décembre 1808 permettent au bailleur de fonds de stipuler ; — le privilège spécial que l’article 3 de la loi du 28 pluviôse an II confère aux ouvriers d’un entrepreneur et à ceux qui lui ont fourni des matériaux ; — les oppositions formées par tous créanciers, tant sur le capital que sur les intérêts du cautionnement, conformément à la loi du 9 juillet 1836 (art. 14 et 15) et à l’avis du Conseil d’État des 18 juillet-12 août 1807. Toutefois les règles de compétence applicables aux rentes sur l’État demeurent réservées, si le cautionnement est fourni en valeurs de cette nature.
Quant au cautionnement en immeubles, dans les cas où il est exceptionnellement autorisé, et quelle que soit la forme sous laquelle il se réalise, il ne constitue, à proprement parler, qu’une affectation hypothécaire, contrat civil auquel ne se rattache aucune liquidation de dette de l’État, et dont le contentieux est exclusivement judiciaire, tant entre le fonctionnaire ou entrepreneur et l’État, qu’entre celui-ci et les autres créanciers hypothécaires ou privilégiés. Notons cependant que la compétence judiciaire ne s’exerce que sur la garantie hypothécaire proprement dite, et non sur les créances pour sûreté desquelles l’État l’a stipulée, lorsque ces créances relèvent de la compétence administrative, comme en matière de marchés ou d’obligations de comptables.
[604] III. — ACTES DE PUISSANCE PUBLIQUE AYANT UN CARACTÈRE CONTRACTUEL
Contrats administratifs par leur nature. — Il y a des contrats qui sont administratifs par leur nature et qui échappent de plein droit à la compétence judiciaire, en vertu des dispositions générales des lois des 16-24 août 1790 et du 16 fructidor an III, qui interdisent aux tribunaux de connaître des actes de l’administration.
Ces contrats ne sont pas des actes de gestion, comme ceux que nous venons d’étudier, mais de véritables actes de puissance publique auxquels s’ajoute un élément contractuel. Aussi, ces sortes de contrats excèdent-ils les facultés que le droit privé reconnaît aux citoyens ; ils ne peuvent se réaliser qu’avec le concours de l’autorité publique et en vertu des pouvoirs dont elle dispose ; ils ne relèvent que du droit administratif et de la juridiction administrative.
On peut citer comme exemples de ces contrats d’une nature toute particulière, la concession, l’affectation, la collation de fonctions publiques, les enrôlements par voie d’engagements volontaires (1. Nous n’hésitons pas à mentionner les engagements volontaires parmi les contrats qui sont administratifs par leur nature, malgré une décision contraire de la Cour de cassation, que nous discuterons plus loin.).
Concessions. — Le mot concession est employé, en droit administratif, dans des acceptions très différentes ; nous devons avant tout distinguer entre ses diverses significations.
Il y a des concessions qui sont de véritables ventes domaniales. Telles sont les concessions de lais et de relais de mer et celles des îles émergées dans un cours d’eau navigable. Il n’y a là que des actes de gestion du domaine privé sans nulle intervention de la puissance publique.
On appelle aussi concession certaines autorisations données sur le domaine public inaliénable et imprescriptible, telles que l’autorisation [605] de pratiquer une prise d’eau sur un cours d’eau navigable, ou de lui emprunter une force motrice, ou la permission d’occuper certaines portions des rivages de la mer. Il n’y a là que des actes d’administration, non des contrats ; les clauses imposées au permissionnaire ne peuvent être assimilées aux clauses d’une convention. Mais, en dehors de ces deux espèces de concessions, dont la première n’est qu’un contrat, et la seconde qu’un acte d’administration, il en est d’autres où l’on trouve réunis l’acte d’administration et le contrat. Telles sont les suivantes :
I. — Les concessions de mines. Nous avons déjà expliqué la naturemixte de ces concessions qui sont des actes de puissancepublique, et en même temps des actes constitutifs de droits privés, et qui impliquent des engagements réciproques de l’administration et du concessionnaire (1. Voy. ci-dessus, p. 564 et suiv.).
II. — Les concessions de travaux publics. L’élément contractueldomine tellement ici, que la jurisprudence a pu assimiler ces concessions à des marchés de travaux publics, et déférer ainsi aux conseils de préfecture les contestations auxquelles elles donnent lieu. Mais, à la différence des marchés proprement dits, qui sont des contrats de louage d’ouvrage avec fourniture de matériaux, et qui existent en droit privé, les concessions de travaux sont réservées à l’administration, parce qu’une de leurs clauses essentielles suppose l’intervention de la puissance publique. La rémunération du concessionnaire ne consiste pas en effet dans un prix déterminé, ni dans les subventions ou les garanties d’intérêt qui peuvent lui être accordées, et qui n’ont jamais qu’un caractère accessoire ; elle consiste essentiellement dans le droit qui lui est concédé de percevoir une redevance sur ceux qui usent de l’ouvrage public. Cette redevance est une sorte d’impôt assimilable aux taxes indirectes ; l’autorité publique l’établit par des tarifs et délègue au concessionnaire le droit de le percevoir. La taxe imposée au public et la délégation du droit de perception au concessionnaire exigent une double intervention de la puissance publique et impriment au contrat de concession un caractère administratif.
III. — Les concessions de biens de l’État faites à des administrations [606] particulières dans l’intérêt des services publics. Parmi ces concessions, qui ont joué un rôle important au début de notre organisation administrative moderne, on peut citer celles qui ont été faites à l’Université par le décret du 11 décembre 1808, aux départements, arrondissements et communes par le décret du 9 avril 1811. Ces concessions, et beaucoup d’autres qui ont eu lieu à la même époque, ont constitué de véritables aliénations de biens de l’État. Si l’on voulait leur chercher des analogies dans le droit civil, il faudrait les comparer à des donations avec ou sans charges. Le décret de 1808 porte en effet que « les biens ayant appartenu au ci-devant Prytanée français, aux universités, académies et collèges et qui ne sont point aliénés, ou qui ne sont point définitivement affectés par un décret spécial à un autre service public, sont donnés à l’Université impériale ». Le décret de 1811 porte : « nous concédons gratuitement aux départements, arrondissements ou communes la pleine propriété des édifices et bâtiments nationaux actuellement occupés pour le service de l’administration, des cours et tribunaux et de l’instruction publique ». Cette dernière concession était faite à la charge de payer les impôts et les réparations de toute nature.
Pourrait-on dire cependant que ces actes constituent des donations assimilables à celles du droit civil et relevant des tribunaux judiciaires, à défaut de textes instituant d’autres compétences ? On méconnaîtrait ainsi la part prise à ces décisions par l’État puissance publique plus encore que par l’État propriétaire. Le domaine n’est, en pareil cas, qu’un moyen d’action pour le Gouvernement, car l’idée dominante est celle de doter et de développer des services publics, et non d’enrichir le bénéficiaire de la libéralité.
Le caractère administratif de ces concessions, l’incompétence de l’autorité judiciaire pour connaître de leur contentieux, sont reconnus depuis longtemps par une jurisprudence concordante de la Cour de cassation, du Conseil d’État et du Tribunal des conflits. Ces actes « sont administratifs par leur nature comme par leur origine », dit un arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 1870 : « Ils ne contiennent que des concessions administratives lesquelles d’ailleurs n’ont été faites que pour pourvoir aux besoins des services [607] publics », dit aussi le Tribunal des conflits dans une décision du 12 décembre 1874 (ville de Paris 1. En 1644, la Cour de cassation avait implicitement admis la compétence judiciaire, en statuant elle-même sur l’interprétation d’un décret de concession (6 mai 1844, ville de Pau) ; mais elle s’est prononcée pour la compétence administrative dès que la question s’est nettement posée devant elle (24 juin 1851, 2 mars 1870). Quant à la jurisprudence du Conseil d’État, elle n’a jamais varié : 20 août 1831, ministre de l’intérieur ; — 4 mai 1843, ville de Bar-le Duc ; — 7 décembre 1854, ville d’Aire ; — 17 janvier 1868, ville de Paris, etc.).
IV. — Des concessions gratuites des terres domaniales peuvent être faites à des particuliers. La législation de l’Algérie et des colonies en offre de remarquables exemples ; elle autorise le Gouvernement à concéder des terres à des colons ou à des sociétés particulières qui s’engagent à les mettre en valeur. Le but poursuivi par l’État n’est pas l’exploitation d’une partie de son domaine, car il n’est pas appelé à en recueillir les produits ; c’est un intérêt supérieur de colonisation ; l’État agit moins ici comme propriétaire que comme pouvoir politique. Dans ce cas encore le domaine privé se borne à fournir à l’État, puissance publique, les moyens d’exercer ses pouvoirs.
Pour ne parler que des concessions en Algérie (2. Ces concessions ont fait l’objet d’un grand nombre de décrets échelonnés dans toute la période de colonisation. Leur législation la plus récente résulte des décrets du 15 juillet 1874 et du 30 septembre 1878.), elles sont entièrement gratuites en vertu du décret du 30 septembre 1878 (3. Le décret du 30 septembre 1878, article 2, modifie sur ce point celui du 15 juillet 1874, qui établissait un système de location avec redevance sous promesse de propriété définitive.) et elles présentent deux périodes distinctes. Pendant une première période de cinq ans, le concessionnaire n’occupe les terres domaniales qu’en vertu d’un titre administratif, qui lui impose certaines conditions d’exploitation et de résidence qu’il doit remplir sous peine de déchéance. Cette déchéance est prononcée par le préfet ou par le général commandant la division, selon le territoire, sauf opposition du concessionnaire devant le conseil de préfecture et devant le Conseil d’État en appel (4. Décret du 30 septembre 1878, art. 17 et suiv.). A l’expiration de cette période de cinq ans, le concessionnaire peut se faire délivrer un titre définitif de propriété (5. Décret du 30 septembre 1878, art. 22 à 24.) ; il peut même l’obtenir au bout de trois [608] ans en justifiant de certaines dépenses réalisées en améliorations permanentes (1. Décret du 30 septembre 1878, art. 25.).
On voit que la concession a successivement un double caractère. Pendant sa période provisoire, elle est un acte de puissance publique avec clauses contractuelles, un contrat administratif par sa nature, et elle échappe à la compétence judiciaire en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. L’acte qui convertit la concession provisoire en concession définitive a le même caractère ; les contestations auxquelles elle peut donner lieu entre le concessionnaire et l’administration ne relèvent pas des tribunaux ; elles n’appartiennent pas non plus aux conseils de préfecture, aucun texte ne les leur ayant déférées ; mais elles peuvent être portées devant le Conseil d’État, en vertu de la juridiction qu’il exerce sur les actes administratifs entachés d’excès de pouvoir ou lésant un droit acquis (2. Conseil d’État, 9 février 1870, Gaultier de Claubry ; — 31 mai 1878, de Méritens ; — 21 juin 1878, Jumel de Noireterre.).
Au contraire, lorsque la concession est devenue définitive, un véritable droit de propriété est constitué et les tribunaux judiciaires sont compétents sur toutes les difficultés auxquelles peut donner lieu l’exercice de ce droit. Toutefois, comme l’acte qui a créé la propriété est un acte administratif, les difficultés d’interprétation qui surgiraient au cours d’un débat judiciaire devraient être renvoyées à la juridiction administrative. On appliquerait ici la même répartition de compétences qu’en matière de concessions de mines.
V. — La concession de créments futurs, c’est-à-dire de lais ourelais de mer, ou d’alluvions fluviales, non encore parvenus àmaturité.
Cette concession contient deux éléments : d’abord une autorisation donnée au concessionnaire d’occuper des portions du domaine public, d’y construire des dignes ou autres ouvrages destinés à favoriser la formation des alluvions ; puis la cession d’une chose future, de l’alluvion qui sera formée et deviendra susceptible de propriété privée.
[609] Le premier élément est un acte administratif, le second est un contrat à terme ou sous condition ; leur réunion forme un contrat administratif d’une nature spéciale, dans lequel l’exercice de la puissance publique vient à l’appui des conventions passées avec le domaine. En effet, l’objet de ces conventions, c’est-à-dire la prise de possession éventuelle de terrains conquis sur la mer ou sur les fleuves, pourrait ne jamais se réaliser, si on ne donnait pas au concessionnaire les moyens d’assurer cette conquête au moyen de travaux faits sur le domaine public.
Nous ne sommes donc pas ici en présence d’un simple acte de gestion qui relèverait des tribunaux à défaut d’attribution à la juridiction administrative, mais en présence d’un acte administratif, que sa connexité avec des stipulations contractuelles n’empêche pas d’échapper à la compétence judiciaire, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.
On ne saurait d’ailleurs refuser le caractère d’acte administratif à une autorisation d’occuper le domaine public et d’y faire des travaux ; ces sortes d’autorisation n’émanent pas de l’État propriétaire, puisque le lit des fleuves et les rivages de la mer ne lui appartiennent pas ; elles émanent de l’État puissance publique, exerçant son autorité propre sur les choses de ce domaine inaliénable et imprescriptible. Cette autorité est si réelle, que les permissions qu’elle confère font disparaître les contraventions de grande voirie qui résulteraient du seul fait d’une occupation ou de travaux non autorisés.
La Cour de cassation a, ce semble, méconnu cette distinction lorsqu’elle a fait résulter la compétence judiciaire, sur les concessions de créments futurs, d’une assimilation entre ces concessions et celles de portions du domaine de l’État. « Lorsque le Gouvernement autorisé par une loi, dit-elle dans un arrêt du 2 mai 1848, concède une partie du domaine public ou du domaine de l’État, il ne figure pas dans l’acte comme pouvoir administratif procurant l’exécution des lois par des règlements ou des décisions, mais il stipule comme représentant l’État propriétaire et aliénant, par une convention du droit civil, une partie de son domaine. Cet acte n’est pas un acte d’autorité, mais un contrat formé par le concours de deux volontés ; les questions de propriété auxquelles donnent [610] lieu les rapports de cet acte avec les droits des tiers sont de la compétence des tribunaux (1. Civ., 2 mai 1848 ; — Cf. Civ., 8 janvier 1861, Azema.). »
Le Conseil d’État et le Tribunal des conflits appliquent, au contraire, la distinction que nous venons de rappeler, entre l’administration du domaine public et la gestion du domaine privé de l’État, entre l’État puissance publique et l’État propriétaire ; ils décident, avec juste raison, que les concessions dont il s’agit sont des actes administratifs qu’il n’appartient pas aux tribunaux d’interpréter (2. Tribunal des conflits, 1er juillet 1850, de Gouvello ; — Conseil d’État, 31 mai 1851, Duhamel. Voy. aussi un avis des sections réunies des travaux publics et des finances du 29 juin 1881 (Imprimés du Conseil d’État, 1881, n° 378).).
Affectation. — L’affectation d’un bien de l’État à un service public ou d’utilité publique diffère de la concession en ce qu’elle ne confère jamais la propriété, mais seulement la jouissance. L’acte d’affectation est essentiellement révocable ; il peut être rapporté, en vertu d’un acte de désaffectation émané de la même autorité (3. Conseil d’État, 12 mars 1875, asile d’aliénés de Bailleul ; — 12 juillet 1878, département de l’Allier ; — 27 avril 1888, évêque d’Autun.).
Nous ne parlons pas seulement ici de l’affectation prévue par l’ordonnance du 14 juin 1833, d’après laquelle les immeubles domaniaux peuvent être affectés à un service public par des décrets concertés entre le ministre préposé à ce service et le ministre des finances. Ces sortes d’affectation sont des actes d’administration intérieure qui n’ont point, en général, un caractère contractuel.
Mais le caractère contractuel apparaît nettement dans les affectations faites par l’État au profit d’un département, d’une commune, d’un établissement hospitalier ou de bienfaisance, d’un établissement religieux, ou même d’un particulier. Dans tous ces cas, il y a un concours de volontés entre l’autorité publique et l’affectataire, et la jouissance de l’immeuble domanial peut être l’objet de diverses stipulations. Mais cet accord de volontés ne peut, dans aucun cas, créer un droit acquis au profit de l’affectataire. « Les affectations, [611] dit M. Gaudry, sont essentiellement temporaires, révocables par de simples actes administratifs, sans que l’affectataire puisse invoquer aucune prescription, quand même il serait une personne privée, car nul ne prescrit contre son titre et ici le titre transfère seulement une jouissance précaire (1. Gaudry, Traité du domaine, t. II, p. 530.). »
Si donc on voulait chercher dans le droit privé quelque chose d’analogue à l’affectation administrative, il ne faudrait s’arrêter ni à l’idée de contrat à titre onéreux (car l’affectation est essentiellement gratuite), ni à celle de donation ou de constitution d’usufruit, mais plutôt à celle de prêt à usage ou commodat, avec faculté pour l’État prêteur de reprendre à son gré la disposition de la chose prêtée (2. Sur ce caractère essentiellement précaire de l’affectation, on peut consulter : Conseil d’État, 31 janvier 1817, Godfroy-Dosberg ; — 27 juillet 1827, consistoire de Nérac ; — 13 janvier 1847, congrég. des Bénédictines ; — 22 juin 1854, Ursulines de Redon.). Mieux vaut cependant reconnaître que c’est un acte sui generis, propre au droit administratif, et sans analogie avec le droit privé.
De là le caractère essentiellement administratif qui lui a été reconnu par la jurisprudence, et qui a pour conséquence de réserver exclusivement à la juridiction contentieuse l’interprétation des actes d’affectation ou de désaffectation, l’appréciation de leur validité et la discussion des droits et obligations qui en dérivent (3. Tribunal des conflits, 22 décembre 1880, de Dreux-Brézé ; —14 avril 1883, Freppel. — Dans celte dernière affaire, il s’agissait de la jouissance d’un palais épiscopal : « Le palais, dit la décision, appartient sans contestation à l’État, il a été affecté administrativement à l’évêque pour son habitation personnelle, et les droits et obligations résultant de cette affectation spéciale ne sont pas de ceux dont il appartient à l’autorité judiciaire de connaître. »).
Cette solution, qui n’a jamais fait doute pour les affectations d’immeubles appartenant à l’État, est-elle également certaine pour les affectations d’immeubles appartenant aux communes ?
Ces derniers immeubles sont, eux aussi, susceptibles d’affectations qui émanent, soit de l’État directement, soit de l’autorité municipale agissant seule ou sous la tutelle de l’État. Ainsi, l’affectation au service du culte des églises paroissiales, qui sont des immeubles communaux (4. Avis du Conseil d’État des 3 et 6 nivôse an XIII, qui attribuent aux communes la propriété des églises rendues au culte en vertu du Concordat.), et la désaffectation de tout ou partie de [612] ces édifices exigent une décision spéciale du Gouvernement (1. Conseil d’État, 21 novembre 1884, fabrique de Saint-Nicolas-des-Champs.). Mais l’autorité municipale est compétente quand il s’agit d’affectations d’immeubles communaux à des services municipaux, ou d’affectations faites avec ou sans charges à des établissements civils ou religieux indépendants de la commune, mais concourant à des services d’intérêt communal.
Avant la loi municipale du 5 avril 1884 qui ne laisse plus aucun doute sur la solution de cette question, on a contesté qu’il pût y avoir, dans le cas qui nous occupe, une simple affectation susceptible d’être mise à néant par une désaffectation. On a dit qu’on était en présence d’une véritable aliénation de l’immeuble communal, entraînant la compétence des tribunaux judiciaires ; on en a donné pour raison que la précarité des affectations domaniales résulte de l’impossibilité où est l’administration d’aliéner légalement une propriété de l’État, et par suite d’en concéder la jouissance perpétuelle, sans le concours du pouvoir législatif ; tandis qu’une propriété communale peut être valablement aliénée par l’autorité municipale à ce dûment autorisée. On en a conclu que lorsqu’une commune a déclaré mettre un immeuble à la disposition d’un évêque pour y installer un petit séminaire, une congrégation religieuse, un établissement scolaire ou hospitalier, elle a fait un contrat de droit civil entraînant translation de propriété et relevant des tribunaux judiciaires, non une affectation administrative susceptible d’être révoquée et ne relevant que de la juridiction administrative (2. Cass., 31 août 1881, ville de Foix ; — 24 juillet 1882, ville de Chambéry. — Cf. les conclusions du commissaire du Gouvernement devant le Conseil d’État sur l’arrêt du 29 juin 1883, archevêque de Sens (Recueil des arrêts du Conseil d’État, année 1883, p. 597).).
Même dans le silence des textes, cette thèse était beaucoup trop absolue. Assurément, il peut y avoir, dans certains cas, une véritable aliénation de l’immeuble communal. On doit l’admettre si l’acte lui-même le déclare ; mais il ne faut pas trop aisément le présumer si l’acte ne le déclare pas, et surtout si l’immeuble a été mis gratuitement à la disposition d’un tiers. Il est en effet de principe que les libéralités ne se présument pas, même si elles sont faites [613] sous conditions et avec charges ; cette règle, qui s’applique aux particuliers, s’applique plus encore au pouvoir municipal qui ne saurait faire des largesses avec le patrimoine de la commune, pour réaliser ses vues propres et souvent passagères.
On disait encore que l’affectation, la mise à la disposition, le prêt immobilier, ou de quelque nom qu’on le nomme, est un procédé d’administration réservé à l’État et interdit aux communes. Aucun texte, aucune induction légale n’autorisait cette distinction qui est contraire à la nature des choses, car, toutes proportions gardées, il est dans le rôle des communes comme dans celui de l’État d’avoir des biens et de les affecter d’une manière plus ou moins permanente à des usages utiles à la commune.
Le Tribunal des conflits a d’ailleurs explicitement reconnu le caractère administratif d’une affectation de bien communal faite à un établissement d’enseignement (1. Tribunal des conflits, 13 janvier 1883, Muller et Derien.) ; de son côté, le Conseil d’État a évité de reconnaître le caractère d’un contrat civil d’aliénation à un acte mettant un immeuble communal à la disposition de l’autorité épiscopale pour y établir un petit séminaire (2. Conseil d’État, 29 juin 1883, archevêque de Sens.).
En tout cas, et en admettant que le doute fût permis antérieurement à la loi du 5 avril 1884, il ne l’est plus depuis que l’article 167 de cette loi, édicté tout exprès pour trancher la difficulté, a consacré la disposition suivante : « Les conseils municipaux pourront prononcer la désaffectation totale ou partielle d’immeubles consacrés — en dehors des prescriptions de la loi organique des cultes du 18 germinal an X et des dispositions relatives au culte israélite — à des services religieux ou à des établissements quelconques ecclésiastiques et civils. Ces désaffectations seront prononcées dans la même forme que les affectations. » Il résulte de cette disposition que les affectations dont il s’agit sont bien des actes administratifs qui peuvent être faits et défaits dans les mêmes formes, c’est-à-dire en vertu d’une délibération du conseil municipal approuvée par l’autorité administrative supérieure.
Il nous semble résulter également de là que si la désaffectation donne lieu, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle se produit, [614] à une réclamation d’impenses ayant profité à la commune, ou de toute autre indemnité, cette demande sera du ressort des tribunaux administratifs, puisqu’elle aura pour cause, non un simple acte de gestion, mais un véritable acte administratif se rattachant à l’exercice de la puissance publique.
Engagements militaires. — Le recrutement de l’armée est un acte de la puissance publique. Il a ce caractère, soit que le recrutement s’opère par la voie des appels, soit qu’il ait lieu par enrôlements volontaires. Dans ce dernier cas, un contrat se forme entre l’engagé et l’État ; ce contrat se lie étroitement à l’acte d’enrôlement ; il en est une condition nécessaire, puisque l’État ne pourrait pas imposer en vertu de la loi le service qui lui est librement offert par l’engagé volontaire, ou par le militaire qui contracte un rengagement.
Aussi, tous les textes qui ont prévu le contentieux des engagements militaires l’ont-ils assimilé au contentieux du recrutement quant à la compétence respective de l’administration et des tribunaux, ils ont réservé à l’administration les difficultés relatives à l’exécution, à l’interprétation et à la validité de l’engagement ; aux tribunaux les questions d’état et de capacité. La seule différence que ces textes ont établie consiste à remplacer la décision du conseil de revision par celle du ministre de la guerre, sauf recours au Conseil d’État. — « Tout engagé volontaire, dit l’article 15 du décret du 30 novembre 1872, qui contesterait la légalité ou la régularité de l’acte qui le lie au service militaire, adressera sa réclamation au préfet du département où l’acte a été contracté. Les préfets transmettront les demandes en annulation d’acte d’engagement volontaire au ministre de la guerre, qui statuera s’il y a lieu, ou renverra la contestation devant les tribunaux. » Ce texte n’est d’ailleurs que la reproduction de l’article 17 du décret du 10 mai 1869 et de l’article 18 de l’ordonnance du 28 avril 1832, où cette disposition a été insérée pour la première fois. M. Duvergier, en commentant l’ordonnance de 1832, disait : « Toutes les fois que la validité de l’acte sera subordonnée à une question relative à l’état ou aux droits civils, les tribunaux devront juger. Dans tous les autres cas, le ministre prononcera, sauf le recours [615] au Conseil d’État, car c’est là du contentieux administratif. Cette solution est fondée sur les règles ordinaires touchant la compétence et sur l’article 26 de la loi du 21 mars 1832 (1. Cet article 26 est relatif aux réclamations portées devant les conseils de revision. (Voir Duvergier, Lois et Décrets, année 1832, p. 88.)). »
Ces règles de compétence ont été exactement appliquées par la cour de Dijon (8 février 1878, Grenier), qui était saisie d’une question de nullité d’engagement, renvoyée à son examen comme question préjudicielle, au cours d’une poursuite pour désertion pendante devant un conseil de guerre. « Attendu, dit cet arrêt, que l’engagement, qui se résout en une obligation de faire contractée exclusivement dans l’intérêt de l’État, est essentiellement un contrat administratif dont la connaissance appartient à la juridiction administrative ; qu’il en est ainsi notamment de l’engagement volontaire contracté dans les conditions prévues par l’article 26 de la loi du 27 juillet 1872 ; que l’appréciation de cet engagement et des suites qu’il doit recevoir doit être faite par l’autorité militaire, à moins que cette appréciation ne soulève des questions de droit civil, telles, par exemple, que des questions d’état… »
Cet arrêt a cependant été cassé par la chambre civile de la Cour de cassation le 10 décembre 1878 (Grenier). La distinction si justement faite par la cour de Dijon, par l’ordonnance de 1832, par les décrets de 1869 et de 1872, a été écartée par cet arrêt qui proclame, dans tous les cas, la compétence judiciaire. Les motifs sont : « Que le contrat d’engagement militaire est une convention librement consentie de la part de l’engagé qui s’oblige envers l’État, et dans laquelle l’administration stipule comme simple partie contractante sans statuer ni disposer par voie de commandement comme autorité publique ; qu’aucune disposition spéciale de la loi n’a dessaisi les juges civils du droit d’en connaître ; qu’il est régi, quant à la forme, par l’article 50 de la loi du 27 juillet 1872, lequel se borne à emprunter au Code civil les principales formalités dont ledit contrat doit être entouré, sans déroger en rien aux règles spéciales de la compétence ; qu’enfin le décret du 30 novembre 1872, qui n’a pu ni voulu créer une juridiction exceptionnelle au profit du ministre de la guerre, laisse intacte la compétence [616] des tribunaux ordinaires, pour vider entre l’autorité militaire et l’engagé les questions contentieuses concernant la validité du contrat dont il s’agit (1. Voir cet arrêt, les conclusions sur lesquelles il a été rendu et les critiques dont il a été l’objet dans la Jurisprudence générale de M. Dalloz (année 1879, 1re partie, p. 113).)… »
L’arrêt se fonde, comme on voit, sur des motifs tirés de la nature du contrat et de sa forme.
En ce qui touche la nature du contrat, l’arrêt semble reconnaître qu’elle serait administrative si l’État agissait comme puissance publique, mais il affirme qu’en recevant des engagements militaires il ne statue pas par voie de commandement et comme autorité, mais comme « simple partie contractante ».
Il est vrai qu’en recevant ces engagements, l’État n’agit pas par voie de commandement, et qu’il a besoin du consentement de l’engagé pour l’enrôler ; mais par cela seul qu’il l’enrôle, il procède au recrutement de l’armée d’après un des modes formellement prévus par la loi. Lorsqu’on se reporte aux appels faits par le Gouvernement lui-même à ce mode de recrutement pour la guerre de Crimée, pour la guerre d’Italie, pour la guerre d’Allemagne, lorsqu’on lit les circulaires adressées aux chefs de corps par les ministres de la guerre et de la marine, en janvier 1884, pour provoquer des engagements et des rengagements dans l’infanterie de marine en vue d’expéditions coloniales, on a quelque peine à admettre qu’il n’y ait là qu’une intervention de l’État « simple partie contractante», comme s’il s’agissait d’appels faits au commerce pour des fournitures d’équipements ou des marchés de subsistances. Et encore ces marchés seraient-ils des contrats administratifs.
La vérité est que l’État ne contracte ici que parce qu’il enrôle. Il fait une opération de recrutement qui est au premier chef un acte de la puissance publique, et qui reste tel nonobstant les éléments contractuels qui viennent s’y associer (2. C’est pour ce motif que la loi des 9-25 mars 1791 (titre III, art. 20 et 21) avait déféré les contestations sur la validité des engagements aux municipalités et aux directoires de département. Sous l’ancien régime, elles étaient jugées par les intendants.). De là résulte une différence profonde entre les engagements dans l’armée et la marine militaire, et les engagements dans la marine de commerce ; [617] les premiers sont des contrats administratifs, parce qu’ils se lient étroitement à l’exercice de la puissance publique ; les seconds sont des contrats de droit commun, parce que le recrutement des équipages de commerce ne met pas cette puissance en jeu.
L’argument de forme est tiré de ce que, d’après l’article 50 de la loi du 27 juillet 1872 (actuellement l’article 62 de la loi du 15 juillet 1889), les engagements sont contractés devant les maires des chefs-lieux de canton, dans les formes prévues par les articles 34 à 44 du Code civil, c’est-à-dire avec le concours de témoins, sur des registres tenus en double, et suivant les formes de rédaction prescrites pour les actes de l’état civil. Mais il n’en résulte nullement que l’engagement constitue par lui-même un acte de l’état civil, ni que le maire qui le reçoit agisse en qualité d’officier de l’état civil. Nous avons plusieurs fois expliqué que la compétence résulte de la nature des actes et non de leur forme. De même qu’un contrat de droit commun passé en la forme administrative ne cesse pas pour cela d’appartenir aux tribunaux, de même un contrat administratif, auquel on applique quelques-unes des formes d’un acte civil, ne change pas pour cela de juges. Il est d’ailleurs à remarquer que si les engagements sont reçus par les maires, les rengagements sont reçus par les officiers de l’intendance, bien que la nature de l’acte soit absolument la même. Faudrait-il donc, en s’attachant à cette différence de forme, soumettre à des juges différents le contentieux des engagements et celui des rengagements ?
Quant aux textes des ordonnances et décrets de 1832, de 1869, de 1872 qui n’ont pu, dit l’arrêt, ni voulu créer une juridiction exceptionnelle, ils n’auraient certainement pas eu le pouvoir d’instituer la compétence administrative ; ils n’ont pas eu non plus en vue de la créer, mais seulement de la transférer du conseil de revision au ministre de la guerre et au Conseil d’État. Dans cette mesure leurs dispositions sont obligatoires pour l’autorité judiciaire, car elles sont simplement déclaratives et non attributives de la compétence administrative : celle-ci résulte du principe de la séparation des pouvoirs qui interdit aux tribunaux de troubler les opérations administratives, parmi lesquelles figurent les opérations de recrutement. On concevrait difficilement un trouble plus grave que la libération d’engagés ou de rengagés, qui prétendraient [618] quitter le service militaire en vertu de jugements de tribunaux civils annulant leurs engagements.
Engagement décennal dans l’enseignement public. — La plupart des considérations qui précèdent s’appliquent aux engagements décennaux contractés par les membres de l’enseignement, en vue d’obtenir la dispense du service militaire prévue par l’article 23, § 1, de la loi du 15 juillet 1889. D’après ce texte, la dispense est acquise aux membres de l’instruction publique et aux membres et novices des associations religieuses vouées à l’enseignement et reconnues comme établissements d’utilité publique qui prennent, avant le tirage au sort, l’engagement de se consacrer pendant dix ans au service de l’enseignement et qui font accepter cet engagement par le recteur de l’académie. Les contestations auxquelles peut donner lieu la réalisation de cet engagement sont étrangères au droit commun et à la compétence judiciaire. Elles se rattachent au contentieux du recrutement et des dispenses. Aucun texte ne les ayant distraites de la juridiction des conseils de revision, c’est devant eux qu’elles doivent être portées (1. Conseil d’État, 6 juillet 1883, Filhol. Cet arrêt annule une décision du ministre de la guerre, qui avait statué lui-même sur l’inexécution de l’engagement et avait procédé d’office à l’incorporation du sujet.). Ces conseils n’ont pas d’ailleurs à attendre une décision préjudicielle du ministre de l’instruction publique sur la validité ou sur les effets de l’engagement décennal, car les questions d’état et de droits civils sont les seules qui imposent aux conseils de revision l’obligation de surseoir ; or les droits nés de l’engagement décennal ne sont pas des droits civils. Toutefois, le conseil de revision ne peut pas être saisi de questions relatives à cet engagement décennal par voie d’action principale ; il ne peut l’être qu’incidemment à une question de recrutement et de dispense. Celle-ci se poserait naturellement le jour où l’engagé serait porté sur la liste des jeunes gens appelés au service.
Fonctions et emplois publics. — Plusieurs auteurs ont représenté la collation de fonctions et emplois publics comme un contrat analogue au mandat salarié, contrat administratif par sa nature, parce qu’il se rattache indissolublement à la nomination, qui est [619] un acte de la puissance publique. « L’État, dit M. Dareste, en même temps qu’il demande un certain service aux fonctionnaires, leur communique une partie de son pouvoir. Le contrat qui se forme entre l’État et le fonctionnaire est un mandat salarié, mais un mandat sui generis. Le caractère politique y prédomine, et c’est pourquoi presque en tous pays les contestations auxquelles il peut donner lieu sont réservées à la juridiction administrative (1. Dareste, op. cit., p. 372.). » De son côté M. Perriquet, dans son traité des Contrats de l’État, a réuni dans les chapitres qu’il consacre au mandat toutes les notions relatives à l’état, aux traitements et aux pensions des fonctionnaires civils et militaires (2. Perriquet, op. cit., p. 435 et suiv.).
Nous comprenons cette manière de voir, mais nous ne la partageons pas entièrement. Il est très vrai que la fonction publique suppose, entre l’autorité qui nomme et l’agent qui est nommé, un accord de volontés qui doit également se produire dans le cas de démission volontaire ; en outre, la fonction comporte des obligations réciproques du fonctionnaire et de l’État. Mais ces obligations dérivent de la loi et non de contrats. Ni l’administration, ni le fonctionnaire ne peuvent, en général, les modifier par des conventions particulières : l’amovibilité ou la perpétuité du titre, la nature des services à rendre, le taux des traitements, les conditions du droit à pension sont fixés, pour tous les emplois de l’État, par des actes législatifs ou réglementaires auxquels il ne pourrait être suppléé ni dérogé par des contrats.
Cette règle ne nous paraît comporter d’exception, en ce qui concerne l’État, que pour des missions, des travaux d’une nature spéciale et temporaire qui ne constituent pas à proprement parler des fonctions ou des emplois : telles sont les missions données et rétribuées par l’État dans un intérêt public ou scientifique, les tâches confiées à des employés auxiliaires, ne figurant pas dans les cadres du personnel administratif. Dans ces cas, il n’intervient, en général, qu’un contrat analogue à un louage de service ou d’ouvrage. Mais si ces missions spéciales et temporaires comportaient l’exercice de certains pouvoirs conférés par le Gouvernement, il faudrait les [620] assimiler à de véritables collations de fonctions et emplois publics (1. Cour d’appel de Paris, 25 avril 1885, Blondel c. le journal la Lanterne. Il s’agissait dans cette affaire d’une mission conférée à un explorateur des régions africaines qui avait reçu le droit d’entretenir des rapports officiels avec les autorités administratives et maritimes du Gabon.).
Si ce contrat est passé avec un ministre pour le service de son département, il ressortit à la juridiction administrative, soit en vertu du décret du 11 juin 1806, soit en vertu des lois de 1790 et de 1793 sur la liquidation des dettes de l’État. S’il est passé avec un département ou une commune, sans collation de fonction ou d’emploi, il ressortit aux tribunaux judiciaires, aucun texte ne faisant échec à leur compétence. Aussi est-ce avec raison que le Tribunal des conflits a refusé de renvoyer à la juridiction administrative une contestation relative à des travaux extraordinaires de recensement de la population, exécutés pour une commune par des personnes spécialement engagées à cet effet (2. Tribunal des conflits, 17 mai 1873, Michallard.). La même jurisprudence s’applique, à plus forte raison, aux arrangements intervenus entre l’administration et des officiers ministériels, ou des personnes exerçant une profession libérale, qui prêtent leurs services à l’administration dans les mêmes conditions qu’à des particuliers.
On a voulu aller plus loin et distinguer, dans le personnel des administrations départementales et communales, entre les fonctionnaires et les simples employés : les premiers, a-t-on dit, sont dépositaires d’une certaine autorité, et l’acte de nomination qui la leur confie est un acte de puissance publique ; les seconds, au contraire, ne sont que des auxiliaires, et il n’y a entre eux et l’administration qu’un contrat de louage d’ouvrage (3. Cette opinion a été soutenue dans le Recueil périodique de M. Dalloz (1879, II, 161) et dans le Journal des Conseillers municipaux (1879, p. 159).). La jurisprudence a rejeté avec raison cette distinction ; elle a reconnu que les collations d’emploi sont des actes administratifs aussi bien que les collations de fonctions (4. Tribunal des conflits, 27 décembre 1879, Guidet. — Cf. Aix, 8 août 1878 et 10 décembre 1878 ; — Nîmes, 24 février 1879 ; — Civ., 7 juillet 1879. On a cité en sens contraire une décision du Tribunal des conflits du 20 juin 1879 (Labrebis), qui a reconnu l’autorité judiciaire compétente sur la réclamation d’un secrétaire de mairie se plaignant d’une retenue illégalement faite sur son traitement par le maire. Mais si la distinction des fonctions et des emplois apparaît dans les conclusions du commissaire du Gouvernement, elle n’apparaît pas dans la décision. Celle-ci ne se fonde pas sur ce qu’il n’y aurait qu’un contrat de louage d’ouvrage entre une commune et un secrétaire de mairie, mais sur ce qu’ « aucun texte ne confère à l’autorité municipale le pouvoir de retenir, par voie de mesure administrative et à titre disciplinaire, tout ou partie des appointements dus par la commune à ses employés ; que dès lors l’arrêté pris par le maire ne constituait pas un acte administratif faisant obstacle à la demande en paiement… »). Le préfet, qui nomme aux emplois départementaux [621] en vertu du décret-loi du 25 mars 1852, le maire, qui nomme aux emplois communaux en vertu de la loi du 5 avril 1884, font acte d’autorités hiérarchiques et non de contractants ; ils exercent les pouvoirs qu’ils tiennent de ces lois, à l’égard des employés aussi bien que des fonctionnaires, soit qu’ils les nomment, soit qu’ils les révoquent ; le Code civil, le contrat de louage d’ouvrage, sont hors de cause dans les deux cas.
Par application de ces principes, le Tribunal des conflits et la Cour de cassation ont décidé qu’un employé communal ne peut pas saisir les tribunaux judiciaires d’une action en indemnité pour révocation non justifiée, en assimilant cette mesure à la résiliation d’un contrat de louage d’ouvrage. L’autorité judiciaire, incompétente pour apprécier la validité de la révocation, ne peut évidemment apprécier une demande en dommages-intérêts fondée sur ce que cette révocation serait irrégulière ou inopportune. Ne pouvant entraver directement l’exécution de cet acte administratif, elle ne peut pas l’entraver indirectement, en infligeant à l’administration des condamnations pécuniaires à raison de l’usage qu’elle aura fait de ses pouvoirs (1. Tribunal des conflits, 27 décembre 1869, Guidet ; — Civ., 7 juillet 1880, ville de Marseille ; — Civ., 7 juillet 1880, ville d’Alais.).
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